Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis heureux de vous retrouver aujourd'hui. Il y a un an déjà, j'étais avec vous, à Bordeaux, pour votre 45ème Congrès. La loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées avait été adoptée quatre mois plus tôt. J'abordais ma tâche avec confiance, certes, heureux et fier d'être chargé d'appliquer cette grande loi de la République. Mais je l'abordais aussi en sachant l'ampleur des défis à relever, et vous étiez là pour me le rappeler.
Immédiatement - parce que vous me l'avez dit -, j'ai su que je pourrai compter sur votre participation, votre appui, mais aussi sur votre vigilance et votre exigence.
Vous voulez que l'application de la loi tienne toutes les promesses de la loi. Tel est aussi de puis un an le fil directeur de mon engagement et de mon action.
Chaque fois que je vais sur le terrain - et je me déplace toutes les semaines - chaque fois que je reçois les responsables des associations - et je les reçois souvent, le Président DEVOLDERE peut en témoigner -, je ressens l'ampleur des attentes, mais je constate aussi la réalité des changements et des progrès. Bien sûr, tout comme vous, je suis parfois impatient et je m'implique jour après jour pour que les choses aillent plus vite. La France avait de grands retards à rattraper dans le domaine du handicap. Il était urgent qu'elle se mobilise pour que chacun trouve sa place.
I - C'est toute l'ambition de la loi du 11 février 2005. Voulue par l'ensemble du monde associatif, elle est née de la volonté du Président de la République. C'est une loi fondatrice.
Elle affirme des principes et des droits nouveaux : le droit à la compensation du handicap, fondé sur le projet de vie de chaque personne ; la personnalisation des aides contre l'application d'automatismes bureaucratiques ; la reconnaissance du libre choix de vivre à domicile ou en milieu adapté ; le droit à l'accessibilité de la Cité, c'est-à-dire le droit pour tous d'avoir accès à l'école, à l'emploi, aux bâtiments, aux transports, à la culture, aux loisirs.
Ces droits poursuivent une même ambition : celle de permettre aux personnes handicapées d'être des citoyens à part entière. Cela devrait aller de soi ! Et pourtant que de chemin à parcourir aujourd'hui encore !
Reconnaître la pleine citoyenneté de tous implique, en effet, une profonde évolution des mentalités, un véritable changement de regard, bref une nouvelle culture. Pour apprendre à découvrir en tout être humain ses capacités plutôt que ses faiblesses, ses fragilités ou ses handicaps. Voir, développer et admirer ses potentialités, ses talents, plutôt que de s'arrêter à ce qui déprécie et décourage. Aborder le handicap comme une différence pas comme un défaut. Se libérer de l'indifférence comme de la compassion, qui masquent si souvent l'ignorance, le déni, la condescendance, le refus de l'autre. L'important, que l'on soit valide ou handicapé, c'est ce que nous avons en commun du seul fait de notre humanité. Cette aspiration de toute femme, de tout homme à réussir sa vie en dépassant ses propres limites. Ce désir d'harmonie avec l'autre qui est la clé de tout accomplissement. L'espoir d'une entière réalisation de soi-même à travers ce que l'on parvient à construire. Voilà la véritable ambition de la nouvelle politique du handicap ! Voilà ce vers quoi toutes nos énergies doivent se tendre !
Reconnaître la pleine citoyenneté de chacun, ce n'est pas nier le handicap, ce n'est pas l'oublier, ce n'est pas non plus prétendre l'abolir, mais c'est peut-être, tout simplement, se reconnaître soi-même comme l'égal de la personne handicapée, et reconnaître toute personne handicapée à l'égal de soi-même. Car au chapitre de l'humanité, aucune catégorie, aucune hiérarchie, aucune différenciation ne sont acceptables. En proclamant l'égalité des droits et des chances de toute personne handicapée, la loi de 2005 ne fait pas seulement progresser la cause du handicap. Elle protège aussi l'ensemble de la société contre l'intolérance, le refus de la différence et le rejet de l'autre, qui sont les pires fléaux des sociétés contemporaines.
La loi engage la République. Le droit à la compensation du handicap doit être l'instrument de l'égalité des chances. Il implique que nous renoncions à la tentation d'appréhender la personne handicapée à travers un taux ou une grille d'évaluation. Que nous renoncions aussi à vouloir apporter des réponses uniquement au regard de barèmes qui aboutissent parfois à une solidarité de guichet, une solidarité anonyme alors que nous avons plus que jamais besoin de solidarités de personne à personne. Voilà pourquoi la loi prévoit de partir du projet de vie de chaque personne handicapée, de ses besoins, de ses aspirations profondes, en accord avec sa famille si elle ne peut formuler elle-même ses attentes. Avec le même handicap, la prestation de compensation doit être différente si le projet de vie implique de prendre en charge des besoins différents, un projet différent.
Pour éviter de retomber dans les vieilles routines, la loi a créé de nouvelles institutions auxquelles participent vos associations elles-mêmes : la maison départementale des personnes handicapées, qui offre un lieu unique d'accueil et d'accompagnement pour mettre fin au « parcours du combattant » imposé aux personnes et à leur famille ; les commissions des droits et de l'autonomie qui mettent fin aux frontières d'âge et qui élargissent la place des associations dans les décisions individuelles. A ce sujet, je voudrais vous dire ma détermination à mettre en oeuvre de nouvelles dispositions pour assurer l'avenir des personnes handicapées vieillissantes et apporter à leurs parents et aux membres de leur famille qui veillent sur elles les garanties de sécurité nécessaires pour les rassurer sur l'avenir. Le Sénateur Paul BLANC me remettra avant la fin de ce mois le rapport que je lui ai demandé sur cette question devenue aujourd'hui l'une de nos premières priorités. Je tiens à rappeler que le loi impose d'ores et déjà aux établissements qui accueillent des personnes handicapées vieillissantes de continuer de les accueillir même quand elles ont dépassé l'âge de 60 ans ; la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui associe de manière originale les élus locaux, l'Etat, les organismes de sécurité sociale, les partenaires sociaux et bien sûr les associations. Ces institutions incarnent l'esprit de la loi : la participation des personnes handicapées aux décisions qui les concernent.
II - L'enjeu, aujourd'hui, c'est que l'application de la loi soit fidèle à son esprit comme à sa lettre.
Pour cela, j'ai fondé avec vous la démarche d'élaboration des textes d'application sur une méthode simple : la concertation.
Tous les décrets ont été soumis au Conseil national consultatif des personnes handicapées, auquel je veux rendre hommage. Depuis un an, il s'est réuni deux fois par mois. Il a joué pleinement son rôle de lieu de débat et de force de propositions. Je salue la responsabilité dont chacun a témoigné tout au long de ce dialogue, auquel l'UNAPEI a apporté une participation active et assidue.
Vous avez obtenu, Monsieur le Président, d'avoir satisfaction sur le « reste à vivre » en établissement. Nous sommes allés aussi loin que possible. Le reste à vivre est désormais de 30% de l'AAH, soit 183 euros par mois, au lieu de 12% jusqu'ici, soit 73 euros. Et, pour les travailleurs en CAT qui sont hébergés en foyer, on est passé à 50%, soit 305 euros. J'observe que tous sont gagnants, au bout du compte, même ceux qui payent le forfait hospitalier.
Dans les entreprises adaptées, les travailleurs ont le statut de salariés à part entière. Ils reçoivent désormais une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance. Ce progrès a été rendu possible par la création d'une aide au poste dont le montant représente une augmentation de 20% par rapport au système antérieur. Les crédits inscrits au budget de l'Etat pour 2006 sont en augmentation de près de 30% par rapport à la dotation 2005.
Malgré cet effort, certaines entreprises adaptées rencontrent des difficultés, qui sont dues à la concurrence internationale. J'ai entendu leurs inquiétudes et, le 9 février dernier, j'ai présenté un plan de soutien à la modernisation et au développement des entreprises adaptées pour accompagner les mutations et répondre aux situations d'urgence. Ce plan s'appuie sur le déblocage d'une aide supplémentaire de 10 millions d'euros.
Pour le décret sur les CAT, vous m'aviez demandé de prolonger le dialogue. Le dispositif a été complètement revu. C'est une réforme importante, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2007. Vous avez souhaité l'élargir à une amélioration des ressources des travailleurs handicapés ainsi qu'à une meilleure prise en compte de leurs besoins de formation. C'est ce que prévoit le décret. C'est la première fois que l'Etat participera à même hauteur que l'établissement au frais de formation des travailleurs handicapés.
Plusieurs autres améliorations ont été apportées à la situation des travailleurs handicapés. Je citerai le maintien de leur rémunération garantie en cas d'arrêt de maladie, la possibilité d'aménager leur temps de travail en raison de leur état de santé, le droit à un certain nombre de congés.
Je veux rappeler aussi qu'un programme ambitieux de création de places en CAT est mis en oeuvre depuis 2002. Entre 2003 et 2007, 14.000 places nouvelles auront été créées contre 8.500 entre 1998 et 2002. En 2007, plus de 110.000 personnes handicapées seront ainsi employées dans les ESAT.
Enfin, le décret sur la prestation de compensation en établissement a inclus la prise en charge de la compensation des frais de transport, conformément à votre demande.
L'enjeu, c'est aussi le bon fonctionnement des Maisons départementales des personnes handicapées.
J'ai veillé à ce que toutes les Maisons départementales soient créées au 1er janvier, et qu'elles bénéficient des moyens de leur installation. 90 millions d'euros ont été alloués. Ils permettront aussi de rattraper le retard dans le traitement de dossiers dans certains départements. Les départements se sont engagés avec volontarisme dans la mise en place de ces nouvelles institutions, le récent rapport de l'Observatoire National de l'Action Sociale Décentralisée en témoigne. Je tiens à les en remercier.
Il faut encore accélérer l'installation des commissions des droits et de l'autonomie, achever la constitution des équipes pluridisciplinaires d'évaluation et installer les fonds départementaux de compensation.
Mais la priorité, c'est surtout de ne pas retomber dans les vieilles routines. Les maisons des personnes handicapées, ce n'est pas la continuation des anciennes méthodes sous d'autres formes. La loi nouvelle appelle une révolution culturelle. Elle invite les nouvelles équipes à se fonder sur les projets et les capacités de chacun, dans le cadre des plans de compensation du handicap. C'est un défi immense. Il faut tout de suite prendre ce grand tournant en donnant la priorité à la formation des personnels. Ne pas laisser retomber l'élan et l'enthousiasme des pionniers !
La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est le pilote naturel d'une politique de formation capable de faire émerger une culture commune à toutes les maisons des personnes handicapées. Je veux vous apporter aujourd'hui des éléments très concrets sur ce point. Les appels d'offre ont été lancés dès le début de l'année. Le prestataire a été choisi en avril. Le travail essentiel de l'analyse des besoins est en cours. Personne n'est oublié : les équipes techniques, évidemment, mais aussi les membres des commissions exécutives des maisons départementales et des commissions des droits et de l'autonomie. Les représentants des associations seront également concernés. Maintenant, le cahier des charges des formations va pouvoir être adopté pour que les premières formations, et avant tout, celle concernant les formateurs eux-mêmes, puissent être organisées au deuxième semestre 2006. Ces premières formations, évaluées dès le début de l'année 2007, seront reprises chaque année dans des plans annuels de formation.
Mais les associations sont aussi des acteurs incontournables de ce changement de culture.
Je sais ce que vous faites. Je suis témoin de votre action de tous les jours à chacun de mes déplacements : la qualité et l'intensité de votre dialogue avec les services, votre participation à la conception et à la mise en oeuvre des réponses, la création des services, leur modernisation. Dans plusieurs départements, ce sont des représentants des associations, et dans un certain nombre de cas de l'UNAPEI, qui président la commission des droits et de l'autonomie. Je m'en réjouis car c'est le signe de la diffusion de l'esprit de la loi et des relations de confiance qui se nouent au plan local comme au plan national.
Par cette participation, vous prenez une part décisive dans la mise en oeuvre concrète des textes. Vous êtes les premiers témoins des avancées et des difficultés rencontrées. Ces difficultés, je veux qu'elles puissent toujours trouver rapidement leur solution. C'est pourquoi j'ai demandé au Président du Conseil national consultatif des personnes handicapées d'assurer, à partir de vos remontées, un suivi des éventuels dysfonctionnements locaux, de les analyser et de me proposer, le cas échéant, des mesures correctrices de portée générale.
Nous avons devant nous une autre échéance importante : la rentrée scolaire.
Le Premier ministre a marqué lundi dernier son attention personnelle à ce que le principe de l'inscription dans l'école du bourg ou du quartier soit appliqué et à ce que les enfants disposent de l'accompagnement nécessaire pour que la rentrée 2006-2007 permette de nouveaux progrès.
Déjà pour l'année scolaire 2005-2006, 20.000 enfants de plus ont pu être accueillis par l'éducation nationale, ce qui porte leur nombre total à 155.000. 6.000 postes supplémentaires d'auxiliaires de vie scolaire ont été créés depuis 2003. La scolarisation des élèves handicapés augmente considérablement depuis 3 ans. Elle a connu une hausse de 15% dans le premier degré entre 2003 et 2004 et de 37% dans le second degré sur la même période. Cet effort sera encore amplifié à la prochaine rentrée. Gilles de ROBIEN s'y investit personnellement.
Il n'est évidemment pas question de sacrifier l'intérêt de l'enfant au profit d'un modèle de l'intégration à tout prix. Le choix définitif reste celui de la famille.
Certains enfants ont besoin d'être accueillis dans les établissements médico-sociaux. Ils y bénéficient d'un accompagnement adapté ; ils y reçoivent un enseignement de qualité dispensé par près de 6.000 enseignants expérimentés. D'autres doivent être accompagnés, durant leur scolarité, par des services spécialisés : centres d'action médico-sociale précoce, centres médico-psychopédagogiques, services d'éducation et de soins à domicile, tous sont les soutiens indispensables de la scolarisation d'un nombre croissant d'enfants.
La nécessité d'articuler ces réponses fait l'objet de la mission confiée par le Premier Ministre au Député Guy GEOFFROY et de la mission que le Ministre de l'Education nationale et moi-même avons confiée à Patrick GOHET, délégué interministériel aux personnes handicapées. Il sait mieux que quiconque toute l'importance du secteur médico-social et son rôle comme acteur de la réforme.
Je suis, enfin, pleinement engagé à ce que les objectifs du programme de créations de places soient tenus. Il doit nous permettre de rattraper le retard que la France avait pris sur l'ensemble du territoire national.
Puisque la ville de Lille nous accueille aujourd'hui, je veux évoquer les spécificités de la région Nord-Pas-de-Calais. Si les équipements, pour une grande part gérés par les APEI, sont déjà nombreux, les besoins le sont plus encore et le nombre d'enfants ou d'adultes accueillis en Belgique est très important. Quelles sont les raisons de cette situation ?
Il y a d'abord une question d'insuffisance de places, comme ailleurs en France. Il y a aussi une question de distances plus que de frontières : la proximité, c'est souvent la Belgique plutôt qu'une autre ville du département.
Si pour un certain nombre de cas, les établissements belges apportent une aide de proximité, ce doit être le résultat d'une préférence des familles et non un choix imposé par l'insuffisance d'une offre locale plus adaptée. Avoir le choix, c'est avoir aussi la possibilité de trouver une solution dans son département. Un plan de rattrapage sera mis en place sur les trois prochaines années.
Je souhaite enfin engager une réflexion sur les différences de réglementation entre la France et la Wallonie afin de tirer les enseignements de cette situation : il y a l'exigence des prises en charge, il y a les contraintes de coût ; il y a l'aspiration légitime à trouver des solutions de proximité. C'est en combinant ces trois objectifs pour définir le meilleur équilibre que nous dégagerons les solutions de consensus.
Pour l'ensemble du territoire, l'effort sans précédent qui a été engagé va également se poursuivre. Par rapport à la période 1998-2002, le nombre de créations de places en établissements et services pour personnes handicapées, est doublé sur les années 2003-2007. Au total, avec les 14.000 places en CAT que j'évoquais à l'instant, 40.000 places nouvelles auront été créées en cinq ans.
Ces résultats, nous les devons à l'effort de solidarité consenti par les Français, qu'il s'agisse des économies de l'assurance maladie ou de la journée de solidarité. Ces efforts nous permettent de mobiliser des moyens sans précédent pour créer de nouvelles places et pour faire la prestation de compensation du handicap. Songez que pour celle-ci, ce sont 500 millions d'euros qui sont dégagés chaque année. Nous doublons ainsi les sommes jusqu'alors consacrées à l'allocation compensatrice de tierce personne par les départements ! Et il faut ajouter 500 millions d'euros cette année pour la rénovation et l'humanisation des établissements d'accueil pour les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes. 500 millions d'euros, c'est en un an dix fois plus que ce que nous avons pu mobiliser pour ces travaux dans les cinq dernières années. Il faut prendre la mesure de l'ampleur de cet effort. Je préfère la solidarité par le travail qui enrichit à la solidarité par l'impôt qui appauvrit. Sans la journée de solidarité, nous ne pourrions pas faire autant pour les personnes handicapées et pour les personnes âgées.
Donner toute sa portée à la priorité assignée par le Président de la République au handicap, c'est également prolonger la réforme portée par la loi du 11 février 2005 dans deux domaines essentiels : l'aide aux aidants et la réforme des tutelles.
Le Gouvernement a engagé deux actions en ce sens qui sont, je le sais, très attendues par l'UNAPEI.
La Conférence de la famille, qui aura lieu le 3 juillet prochain, portera sur la solidarité entre les générations. Elle reconnaîtra pleinement le rôle des aidants familiaux, votre rôle précieux auprès de vos proches handicapés. Je sais ce qu'il suppose d'engagement, de dévouement, de disponibilité, et très souvent de renoncement. Le temps de bénévolat consacré à participer à de nombreuses instances s'y ajoute encore. Et je sais aussi que vous devez faire face à des changements qui ne sont pas faciles, que vous êtes constamment amenés à remettre en question ce que vous faites, et parfois ce que vous êtes.
L'UNAPEI a activement participé à la préparation de cette Conférence de la famille. Soyez-en remerciés !
Les rapports qui m'ont été remis préconisent des mesures d'organisation d'un parcours de vie qui doit prendre en compte le temps consacré à une personne âgée ou handicapée. Des droits ont déjà été reconnus aux aidants familiaux par la loi du 11 février. Mais on peut aller plus loin pour soutenir les aidants : reconnaître les acquis de l'expérience de ceux qui aident une personne âgée ou handicapée ; développer des formations pour les aidants ; leur donner la possibilité de prendre un congé pendant quelques mois pour s'occuper de leur proche à plein temps ; prendre en compte leur engagement au titre des droits à la retraite...
Second projet, la réforme des tutelles que j'ai préparée avec Pascal CLEMENT est désormais dans la dernière ligne droite.
Cette réforme est légitimement attendue par vos associations, comme par de nombreux autres acteurs.
Elle sera adoptée par le Conseil des ministres avant l'été. Les 86 associations tutélaires affiliées à l'UNAPEI gèrent à elles seules la protection de près de 35.000 majeurs handicapées mentaux. Je tiens donc à vous exposer les principaux objectifs de la réforme.
Le placement sous tutelle a connu depuis quelques années une extension préoccupante. Les majeurs protégés sont aujourd'hui 700.000. Si nous laissons le dispositif actuel perdurer, ils seront un million en 2010. Notre système n'est plus adapté à la gestion de flux aussi importants.
Je souhaite aujourd'hui que le dispositif de tutelle soit recentré sur les personnes qui en ont véritablement besoin. Je veux parler des personnes déficientes intellectuelles, des personnes ayant des troubles psychiques graves et des personnes âgées frappées de démence. Dans le projet de loi, je proposerai donc des mesures d'accompagnement social. Elles seront temporaires, moins lourdes et donc plus appropriées à la situation des personnes touchées par la précarité ou les accidents de la vie.
La réforme sera guidée par une exigence éthique : la personne protégée doit être mise au centre du dispositif, avec le souci qu'en l'aidant, elle ne soit privée d'aucun de ses droits.
Enfin, il y a une autre question à laquelle la réforme devra répondre : celle du financement des mesures de tutelle. L'équité nous invite à harmoniser le régime de financement de l'ensemble des mesures. Le dispositif actuel de financement est trop disparate. Il est important de poser des règles homogènes pour la rétribution des gestionnaires comme pour la participation des personnes protégées. Et dans l'attente du nouveau dispositif, je veille, sous votre regard vigilant, au règlement des difficultés budgétaires que vos associations connaissent trop souvent en raison des retards de paiement de l'État.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
La loi de 2005 porte une formidable ambition. Elle fait beaucoup. Elle peut beaucoup. Mais elle ne peut pas tout. J'évoquais il y a quelques instants la participation intense des représentants des personnes handicapées à son application, pour qu'elle produise tous ses effets. Mais c'est de la participation de tous les Français dont j'ai besoin, dont nous avons besoin. Celle des professionnels qui, inlassablement, vivent et travaillent aux côtés des personnes handicapées, dans des métiers qui sont un engagement personnel et humain, une vocation parfois, et autant qu'une activité professionnelle exercée avec coeur et compétence. Mais nous avons aussi besoin des professeurs des écoles, des parents d'élèves et des enfants dans les classes, pour l'intégration scolaire de vos enfants. Les chefs d'entreprise, les cadres chargés du recrutement, de l'organisation du travail ou des relations avec le sous-traitants, les équipes de travail, pour l'emploi. Des architectes, des urbanistes, des maires, des constructeurs automobiles, des ingénieurs, des industriels du secteur ferroviaire, des fabricants d'aides techniques, pour que le principe d'accessibilité généralisée ne soit pas un vain mot.
Il n'est pas une profession, pas une activité, pas un engagement social qui puisse se dérober aux exigences d'une citoyenneté ouverte à toute personne handicapée autant qu'aux personnes valides. J'ai organisé en février une grande campagne de communication pour que tous nos compatriotes prennent conscience de la nécessité impérieuse d'un profond changement de regard, d'une attention réelle et concrète aux différences, d'une plus grande ouverture au handicap. Cette campagne de sensibilisation va se poursuivre, sous différentes formes, cette année et l'an prochain. Mais au-delà, c'est par le témoignage que vous portez, avec d'autres associations, par le témoignage des personnes handicapées elles-mêmes pour lever les peurs et les préjugés, par votre présence assumée dans la société que nous parviendrons à tenir ensemble toutes les promesses de la loi. Ce n'est pas seulement l'exigence d'égalité qui nous inspire, c'est aussi l'exigence de fraternité.
Votre 46ème Congrès annuel s'achèvera tout à l'heure. Je souhaite vous dire encore toute mon estime et mon soutien. Chaque fois que je rencontre sur le terrain des parents, des membres d'une ADAPEI, je suis frappé par leur dévouement et leur engagement. Les « Papillons blancs » se sont imposés comme un interlocuteur écouté et respecté des pouvoirs publics. Dans les actions qui nous restent encore à mener ensemble pour toujours mieux faire participer les personnes handicapées à notre vie sociale, vous pouvez compter sur ma détermination totale, sur ma conviction et sur mon engagement personnel.
Je vous remercie.
Source http://www.handicap.gouv.fr, le 6 juin 2006