Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie d'avoir bien voulu répondre si nombreux à cette invitation. Je suis particulièrement sensible à la présence parmi nous des associations de victimes et d'ONG, et en particulier Amnesty International, Human Rights Watch, la FIDH (Fédération internationale des ligues des Droits de l'Homme), la Commission internationale des juristes et FEDEFAM (Fédération latino-américaine d'associations de parents de disparus), sans lesquels nous n'aurions pas pu vous présenter aujourd'hui le projet de Convention internationale sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Ce projet concret est le premier instrument de droit international destiné à lutter contre les disparitions forcées.
Si nous avons souhaité nous réunir ici aujourd'hui, c'est pour trouver une réponse urgente au drame vécu par des milliers de familles dans le monde, touchées par la "disparition forcée" de l'un de leurs proches, opposant, défenseur des Droits de l'Homme ou enlevé sans explication par des hommes armés. A ce jour, plus de 40.000 de ces disparitions n'ont toujours pas été élucidées.
Devant ce crime odieux, qui laisse tant de familles dans la douleur et l'attente, nous ne pouvions plus rester inactifs ou silencieux. C'est pourquoi nos six pays (Argentine, Chili, Mexique, Espagne, Belgique, France), dont certains ont été cruellement touchés par ce phénomène au cours de leur histoire, ont formé un groupe de pression : nous voulons sensibiliser les Etats membres du nouveau Conseil des Droits de l'Homme à cette urgence et les convaincre d'adopter, dans les meilleurs délais, le projet de Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
La France a porté ce projet depuis plusieurs années. Elle a présidé les négociations, avec le soutien de tous les Etats et des ONG présents aujourd'hui.
Nous souhaitons que le Conseil des Droits de l'Homme se prononce sur ce texte et ce, dès cette première session. La communauté internationale le doit à la mémoire des disparus, torturés, exécutés dans l'indifférence générale, mais aussi aux familles de victimes qui se battent depuis plus de 25 ans pour obtenir cette convention, et qui ne peuvent plus attendre. Que chaque membre du Conseil prenne ses responsabilités.
Ce projet est d'une grande actualité. Il prohibe très clairement les détentions secrètes. Il exige l'information des familles sur le sort des détenus. Il prévoit aussi un mécanisme de surveillance, le comité des disparitions forcées, doté de pouvoirs d'enquête. C'est donc une avancée indispensable au regard du respect de la dignité humaine. Son adoption serait donc d'une décision de première importance pour le nouveau Conseil des Droits de l'Homme, qui trouverait ici l'occasion de montrer sa détermination à faire progresser le droit international, en apportant aux victimes et à leurs familles la seule réponse adaptée.
En demandant aux Etats de tenir des registres précis des détenus dans les prisons, en prohibant les lieux de détention non officiels, en réprimant sévèrement les auteurs de disparitions, notre projet peut véritablement prévenir de futurs crimes. Je me suis d'ailleurs très récemment entretenu avec le procureur de la CPI, M. Moreno Ocampo, qui partage cette volonté de poursuivre et juger ceux qui violent les Droits de l'Homme.
Je vous remercie de votre attention, et je laisse maintenant la parole à mon collègue et ami Jorge Taiana, ministre argentin des Relations extérieures, du Commerce international et du Culte...
Q - Combien de voix faut-il pour que cette Convention passe lors du vote au Conseil ? Est-ce important que ce texte soit voté lors de la première session et est-ce un test pour le nouveau Conseil ?
R - Vous avez absolument tout compris. C'est exactement ça. Je pense, et il est important, que cela passe dès la première session. Il est, je crois, nécessaire de croire aux réformes des Nations unies. Et nous croyons aux résultats du travail absolument remarquable qui a été fait pour ces réformes. Cette réforme nous l'avons voulue, maintenant il faut la mettre en place. Il y a les travaux pratiques. Nous allons voir si, sur un sujet aussi évident me semble-t-il que celui-là, cela passe ou pas.
Qu'est-ce que cela apporte en réalité ? Cette Convention impose aux Etats parties l'obligation de prévenir les disparitions et de punir les coupables. Cette convention prohibe les détentions secrètes. Elle exige l'information des familles et des associations sur le sort des détenus. Elle reconnaît le droit des familles de connaître la vérité et leur droit de protection et de réparation. Elle prévoit enfin un mécanisme de surveillance du respect de ces engagements, le comité des disparitions forcées, qui sera doté d'un pouvoir d'enquête. Je ne vois pas qui peut être contre les termes de cette convention.
Q - Si vous êtes 47 membres du conseil, et c'est un nombre impressionnant, combien de voix faut-il pour faire passer la décision ?
R - On va tout faire pour réussir. Je pense qu'on va gagner, qu'on sera une majorité mais je ne peux pas vous le dire avant même le vote.
Q - Le fait que vous constituiez un groupe de pression ne signifie-t-il pas que ce consensus dont vous parlez n'est pas acquis et quelles sont les arguments des pays qui ne sont pas complètement d'accord?
R - C'est à eux, dans l'avenir, d'organiser une conférence de presse. Nous, nous avons dit pour quoi nous voterions.
Q - Mais pouvez-vous confirmer qu'il y a des pays qui ne sont pas en accord avec le texte ?
R - Je ne peux pas le croire. On verra...
Q - Vous croyez que l'avenir de ce texte est lié au texte sur les peuples autochtones ?
R - Non.
Q - J'ai bien compris que le texte s'appliquait surtout aux disparitions forcées qui se sont produites en Amérique latine à l'époque de la dictature. Y a t-il des applications plus actuelles pour le texte ? Je pensais notamment à l'affaire des prisons secrètes de la CIA, ou à Guantanamo.
R - Ce que je peux dire, c'est que la question revêt malheureusement une acuité particulière. Il y a par définition une certaine actualité, en particulier dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Mais il n'y a pas de localisation précise spécifiée.
J'ai l'impression qu'il est important de concilier en toute circonstance lutte contre le terrorisme et respect du droit. Comme l'a dit le Secrétaire général ce matin, il n'existe pas d'opposition entre sécurité et Droits de l'Homme. Certaines dispositions du texte qui renforcent les garanties autour de la détention, comme l'obligation de communiquer le nom des personnes détenues ou encore l'extension du droit d'habeas corpus, devraient contribuer à l'avenir à assurer la garantie des droits des détenus.
Q - Pouvez-vous me dire quand le texte est supposé être présenté devant le Conseil ?
R - Je ne peux pas vous dire précisément quand il sera présenté mais nous souhaitons que ce soit lors de cette première session.
Q - Une question spécifique sur la peine de mort. Pouvez-vous me dire quand la France, qui a aboli la peine de mort, va-t-elle adhérer à la Convention sur les droits politiques et civils visant à abolir la peine de mort. Apparemment, la France est le dernier pays de l'Union européenne à ne pas avoir adhéré à ce protocole additionnel.
R - Je vais dans le sens de tout ce qui conduit à l'abolition complète de la peine de mort. Je vais m'employer à trouver une solution en faveur de l'adhésion de la France à ce texte.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2006
Je vous remercie d'avoir bien voulu répondre si nombreux à cette invitation. Je suis particulièrement sensible à la présence parmi nous des associations de victimes et d'ONG, et en particulier Amnesty International, Human Rights Watch, la FIDH (Fédération internationale des ligues des Droits de l'Homme), la Commission internationale des juristes et FEDEFAM (Fédération latino-américaine d'associations de parents de disparus), sans lesquels nous n'aurions pas pu vous présenter aujourd'hui le projet de Convention internationale sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Ce projet concret est le premier instrument de droit international destiné à lutter contre les disparitions forcées.
Si nous avons souhaité nous réunir ici aujourd'hui, c'est pour trouver une réponse urgente au drame vécu par des milliers de familles dans le monde, touchées par la "disparition forcée" de l'un de leurs proches, opposant, défenseur des Droits de l'Homme ou enlevé sans explication par des hommes armés. A ce jour, plus de 40.000 de ces disparitions n'ont toujours pas été élucidées.
Devant ce crime odieux, qui laisse tant de familles dans la douleur et l'attente, nous ne pouvions plus rester inactifs ou silencieux. C'est pourquoi nos six pays (Argentine, Chili, Mexique, Espagne, Belgique, France), dont certains ont été cruellement touchés par ce phénomène au cours de leur histoire, ont formé un groupe de pression : nous voulons sensibiliser les Etats membres du nouveau Conseil des Droits de l'Homme à cette urgence et les convaincre d'adopter, dans les meilleurs délais, le projet de Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
La France a porté ce projet depuis plusieurs années. Elle a présidé les négociations, avec le soutien de tous les Etats et des ONG présents aujourd'hui.
Nous souhaitons que le Conseil des Droits de l'Homme se prononce sur ce texte et ce, dès cette première session. La communauté internationale le doit à la mémoire des disparus, torturés, exécutés dans l'indifférence générale, mais aussi aux familles de victimes qui se battent depuis plus de 25 ans pour obtenir cette convention, et qui ne peuvent plus attendre. Que chaque membre du Conseil prenne ses responsabilités.
Ce projet est d'une grande actualité. Il prohibe très clairement les détentions secrètes. Il exige l'information des familles sur le sort des détenus. Il prévoit aussi un mécanisme de surveillance, le comité des disparitions forcées, doté de pouvoirs d'enquête. C'est donc une avancée indispensable au regard du respect de la dignité humaine. Son adoption serait donc d'une décision de première importance pour le nouveau Conseil des Droits de l'Homme, qui trouverait ici l'occasion de montrer sa détermination à faire progresser le droit international, en apportant aux victimes et à leurs familles la seule réponse adaptée.
En demandant aux Etats de tenir des registres précis des détenus dans les prisons, en prohibant les lieux de détention non officiels, en réprimant sévèrement les auteurs de disparitions, notre projet peut véritablement prévenir de futurs crimes. Je me suis d'ailleurs très récemment entretenu avec le procureur de la CPI, M. Moreno Ocampo, qui partage cette volonté de poursuivre et juger ceux qui violent les Droits de l'Homme.
Je vous remercie de votre attention, et je laisse maintenant la parole à mon collègue et ami Jorge Taiana, ministre argentin des Relations extérieures, du Commerce international et du Culte...
Q - Combien de voix faut-il pour que cette Convention passe lors du vote au Conseil ? Est-ce important que ce texte soit voté lors de la première session et est-ce un test pour le nouveau Conseil ?
R - Vous avez absolument tout compris. C'est exactement ça. Je pense, et il est important, que cela passe dès la première session. Il est, je crois, nécessaire de croire aux réformes des Nations unies. Et nous croyons aux résultats du travail absolument remarquable qui a été fait pour ces réformes. Cette réforme nous l'avons voulue, maintenant il faut la mettre en place. Il y a les travaux pratiques. Nous allons voir si, sur un sujet aussi évident me semble-t-il que celui-là, cela passe ou pas.
Qu'est-ce que cela apporte en réalité ? Cette Convention impose aux Etats parties l'obligation de prévenir les disparitions et de punir les coupables. Cette convention prohibe les détentions secrètes. Elle exige l'information des familles et des associations sur le sort des détenus. Elle reconnaît le droit des familles de connaître la vérité et leur droit de protection et de réparation. Elle prévoit enfin un mécanisme de surveillance du respect de ces engagements, le comité des disparitions forcées, qui sera doté d'un pouvoir d'enquête. Je ne vois pas qui peut être contre les termes de cette convention.
Q - Si vous êtes 47 membres du conseil, et c'est un nombre impressionnant, combien de voix faut-il pour faire passer la décision ?
R - On va tout faire pour réussir. Je pense qu'on va gagner, qu'on sera une majorité mais je ne peux pas vous le dire avant même le vote.
Q - Le fait que vous constituiez un groupe de pression ne signifie-t-il pas que ce consensus dont vous parlez n'est pas acquis et quelles sont les arguments des pays qui ne sont pas complètement d'accord?
R - C'est à eux, dans l'avenir, d'organiser une conférence de presse. Nous, nous avons dit pour quoi nous voterions.
Q - Mais pouvez-vous confirmer qu'il y a des pays qui ne sont pas en accord avec le texte ?
R - Je ne peux pas le croire. On verra...
Q - Vous croyez que l'avenir de ce texte est lié au texte sur les peuples autochtones ?
R - Non.
Q - J'ai bien compris que le texte s'appliquait surtout aux disparitions forcées qui se sont produites en Amérique latine à l'époque de la dictature. Y a t-il des applications plus actuelles pour le texte ? Je pensais notamment à l'affaire des prisons secrètes de la CIA, ou à Guantanamo.
R - Ce que je peux dire, c'est que la question revêt malheureusement une acuité particulière. Il y a par définition une certaine actualité, en particulier dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Mais il n'y a pas de localisation précise spécifiée.
J'ai l'impression qu'il est important de concilier en toute circonstance lutte contre le terrorisme et respect du droit. Comme l'a dit le Secrétaire général ce matin, il n'existe pas d'opposition entre sécurité et Droits de l'Homme. Certaines dispositions du texte qui renforcent les garanties autour de la détention, comme l'obligation de communiquer le nom des personnes détenues ou encore l'extension du droit d'habeas corpus, devraient contribuer à l'avenir à assurer la garantie des droits des détenus.
Q - Pouvez-vous me dire quand le texte est supposé être présenté devant le Conseil ?
R - Je ne peux pas vous dire précisément quand il sera présenté mais nous souhaitons que ce soit lors de cette première session.
Q - Une question spécifique sur la peine de mort. Pouvez-vous me dire quand la France, qui a aboli la peine de mort, va-t-elle adhérer à la Convention sur les droits politiques et civils visant à abolir la peine de mort. Apparemment, la France est le dernier pays de l'Union européenne à ne pas avoir adhéré à ce protocole additionnel.
R - Je vais dans le sens de tout ce qui conduit à l'abolition complète de la peine de mort. Je vais m'employer à trouver une solution en faveur de l'adhésion de la France à ce texte.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2006