Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le débat d'orientation sur les finances sociales qui nous réunit aujourd'hui est une avancée importante introduite par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale votée par le Parlement l'an dernier, et à l'initiative, je tiens à le rappeler, de votre assemblée, puisque c'est un amendement d'Yves Bur qui a instauré ce nouveau rendez-vous.
1/ C'est une avancée importante parce qu'il est en effet essentiel pour le Parlement de disposer, au moment où le Gouvernement s'engage dans la phase d'élaboration et de préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'une présentation générale des orientations et des grands équilibres financiers, afin de pouvoir mieux préparer les choix budgétaires que nous serons amenés à effectuer à l'automne.
Ce rendez-vous du printemps existait déjà dans le cadre de la Loi organique relative aux lois de finances, et c'est à juste titre que vous avez étendu le champ de ce débat aux finances sociales. Les finances sociales représentent en effet des enjeux de plus de 350 Mdeuros par an, soit des masses financières supérieures à celles du budget de l'Etat. Je tiens à rappeler combien il est constructif d'avoir une vision d'ensemble de nos finances publiques, combien il est indispensable de se pencher en détail sur ces dépenses, si importantes pour nos concitoyens.
Plus que jamais, un impératif de cohérence d'ensemble s'impose dans le pilotage des finances publiques ; notre stratégie en la matière ne sera efficace que si toutes les dimensions de la dépense publique sont prises en compte et tous les acteurs de cette dépense associés à la définition de cette stratégie. C'est bien le but que nous poursuivons ici, dans le prolongement de la conférence nationale sur les finances publiques présidée par le Premier ministre le 11 janvier dernier et qui a rassemblé, outre le Gouvernement, le Parlement, le Conseil économique et social, les associations d'élus locaux, les partenaires sociaux et les représentants des organismes de protection sociale. Cette conférence a marqué une étape décisive dans le pilotage de nos finances publiques, parce que chacun a pu donner sa vision. Afin de pérenniser cette démarche, le Gouvernement a souhaité, par décret du 5 mai dernier, institutionnaliser la conférence nationale et instaurer un conseil d'orientation des finances publiques, dont la composition est calquée sur celle de la Conférence et qui a été installé avant hier.
Souhaitant placer notre pays sur la voie de l'équilibre des comptes publics et mettre en oeuvre une stratégie de désendettement, le Premier ministre a assigné aux finances sociales deux objectifs :
- celui d'un retour à l'équilibre du régime général de la sécurité sociale à l'horizon 2009 ;
- et, pour tenir compte de la nécessaire hausse des dépenses sociales dans notre pays pour faire face aux besoins croissants dus notamment aux effets du vieillissement et du progrès médical, un objectif d'évolution des dépenses de l'ensemble des administrations de sécurité sociale de +1% au-delà de l'inflation.
C'est avec ces perspectives que sera construit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 qui sera donc discuté à l'automne prochain.
2/ Je me concentrerai sur ce que cela signifie pour l'assurance maladie et pour les dépenses de santé.
2.1 Le retour à l'équilibre de la branche maladie du régime général en 2009 suppose que les dépenses d'assurance maladie évoluent en moyenne sur la période de 2,2 % en valeur soit 0,4 % en volume sur la base d'une hypothèse d'inflation à 1,8 %. Cela implique la poursuite de l'inflexion déjà constatée de la tendance des dépenses d'assurance maladie que nous enregistrons depuis 2004 et encore davantage en 2005 et 2006 grâce à la réforme de 2004. En 2003 en effet, les dépenses relevant du champ de l'ONDAM ont crû de 6,4 %. En 2004, année du vote de la loi portant réforme de l'assurance maladie, nous avons enregistré une première inflexion à la baisse, avec une croissance de l'ONDAM de 4,9 %. Et en 2005, première année de mise en oeuvre de l'ensemble des dispositifs prévus par la réforme de l'assurance maladie, car celle-ci porte ses fruits alors même qu'elle est mise en oeuvre depuis un an et demi, la progression a été de 3,9 %, avec, pour la première fois depuis 1997, le respect de l'ONDAM voté par le Parlement dans la loi de financement, à 135 Mdeuros.
Pour 2006, l'objectif fixé par la LFSS est une progression de 2,5 %. Nous sommes donc résolument sur la voie de la maîtrise des dépenses d'assurance maladie, nous avons enrayé les rythmes de croissance atteints dans le passé.
Il nous faut poursuivre dans cette voie. Les tendances qui se dégagent sur le début de l'année 2006 confirment mois après mois cette la modération des dépenses, en particulier sur les soins de ville (de janvier à mai : +1,4 % par rapport à la même période de 2005).
La conséquence de cette modération des dépenses, c'est la réduction très claire du déficit de l'assurance maladie. Après avoir atteint 11,6 Mdeuros en 2004, le déficit a été ramené 8 Mdeuros en 2005, alors qu'il aurait été, il faut le rappeler, de 16 Mdeuros en l'absence de réforme. En 2006, le déficit sera à nouveau significativement réduit, comme l'a confirmé la Commission des comptes qui s'est réunie la semaine dernière, estimant le déficit prévisionnel pour 2006, à 6,3 Mdeuros. Nous sommes donc bien sur la trajectoire du retour à l'équilibre. En 2007, notre objectif est de continuer sur cette trajectoire de retour vers l'équilibre en visant un déficit inférieur à 4 Mdeuros
Mesdames et Messieurs les députés, tout cela fait beaucoup de chiffres, et c'est normal dans le cadre d'un débat d'orientation budgétaire.
Pourtant ces chiffres ne sont pas une fin en soi : ce que nous voulons en revenant à l'équilibre financier, c'est sauvegarder, pour nous et nos enfants, notre système de sécurité sociale, en le modernisant et donc en l'améliorant. C'est en cela d'ailleurs que la réforme de l'assurance maladie issue de la loi du 13 août 2004 se distingue des autres « plans de sauvetage » qui l'ont précédée : c'est une réforme structurelle qui vise à soigner mieux en dépensant mieux, et qui pour ce faire repose sur les changements de comportement et place la qualité au premier plan, et ce ne sont pas seulement des mots mais toute la logique de la réforme de l'assurance maladie. Le redressement financier de l'assurance maladie va en effet de pair avec la politique de santé ambitieuse que le Gouvernement entend mener pour assurer aux patients un meilleur accès aux soins et, notamment, un bénéfice rapide des innovations thérapeutiques.
La seule maîtrise durable de la dépense, c'est la maîtrise médicalisée et l'évolution des comportements, et c'est le développement de la prévention, qui est pour moi un véritable investissement dans l'avenir, qui constitue à la fois la condition de l'amélioration de l'état de santé de notre population et de la maîtrise durable des dépenses.
2.2 C'est donc bien une approche qualitative et structurante sur le long terme qui nous anime.
a) L'essor du parcours de soins coordonné autour du médecin traitant constitue à cet égard un acquis incontestable de la loi du 13 août 2004. Je me souviens des Cassandre qui disaient que le médecin traitant ne marcherait jamais. Aujourd'hui, la réalité c'est que près de 40 M d'assurés sociaux ont désormais choisi leur médecin traitant, soit plus de 4 sur 5, ce qui démontre que les Français se sont bien appropriés ce dispositif. 78 % des consultations, soit une très grande majorité, s'effectuent dans le cadre du parcours de soins, et moins de 2% seulement des consultations sont des consultations réellement « hors parcours de soins », la personne ayant consulté directement un spécialiste hors parcours alors qu'elle a un médecin traitant.
b) La maîtrise médicalisée est également d'ores et déjà un succès : les Cassandre disaient que la maîtrise médicalisée ne marcherait jamais ; le ralentissement du rythme d'évolution des soins de ville que nous constatons est en effet le fruit d'une attention plus grande des professionnels aux conditions de prescription, des médicaments comme des indemnités journalières. L'engagement de maîtrise médicalisée conclu en 2005 dans le cadre de la convention médicale a produit des résultats favorables. La dynamique est bien engagée, et l'avenant n°12 à la convention qui a été signé cette année inscrit ce mouvement dans la durée. Il approfondit l'effort de maîtrise médicalisée en fixant de nouveaux objectifs, non seulement pour 2006 à hauteur de 800 Meuros, mais aussi de façon pluriannuelle avec 600 Meuros pour 2007.
Grâce au parcours de soins et à la maîtrise médicalisée, nous sommes engagés sur une dynamique permettant d'améliorer la qualité des soins tout en maîtrisant les dépenses, puisque cela nous permet d'éviter les redondances et les actes et consultations inutiles. La Cour des comptes souligne qu'il existe un montant de 6 à 8 milliards de dépenses inutiles chaque année. Et dans ce montant, les examens inutiles, estimés à 15 % du total des examens par la CNAMTS, représentent à eux seuls un surcoût d'environ 1 à 1,5 Mdeuros.
Ainsi, si nous continuons à mieux gérer et mieux organiser notre système, cela se traduira à la fois par une amélioration de la qualité et une maîtrise des coûts. De même, s'agissant des dépenses d'indemnités journalières, qui jusqu'à ces dernières années avaient crû sur des rythmes déraisonnables de l'ordre de 10 % et faisaient l'objet d'abus, nous avons réussi grâce à la réforme et à la mobilisation de tous, à inverser la tendance puisque après une première baisse de 1 % en 2004, la baisse s'accentue à 1,4 % en 2005 et sur les premiers mois de l'année de 2006, où nous enregistrons de janvier à mai une baisse de 3,7 % par rapport à la même période de l'année précédente.
c) Le secteur du médicament contribue également significativement au redressement durable des comptes et à la réforme de l'assurance maladie, et notamment parce que là aussi, nous privilégions des axes d'action structurants :
- sur le générique tout d'abord : en 2005, ce sont au total 234 Meuros supplémentaires qui ont été économisés en 2005 sur les génériques, dont 170 Meuros au titre de l'augmentation de la pénétration des génériques. En 2006, une nouvelle impulsion forte a été donnée à la substitution, grâce aux accords signés entre l'UNCAM, les pharmaciens et les médecins. Ces accords prévoient une progression régulière de la substitution avec un objectif de 70 % de pénétration en décembre 2006. Ces engagements sont à ce jour tenus, avec une pénétration des génériques dans le répertoire de 66,9 % au 15 mai et les chiffres continuent à croître. Nous avons fait le choix de renoncer à la généralisation du TFR initialement envisagée : je l'assume car cette mesure nous aurait procuré un gain immédiat mais risquait de casser la dynamique du générique. Nous avons privilégié l'approche plus structurante de la substitution, productrice d'économies plus pérennes.
- sur la politique des prix ensuite, qui ont permis de dégager en 2005 365 Meuros supplémentaires.
- sur les grands conditionnements enfin : plus de 20 médicaments sont désormais disponibles en conditionnement de 3 mois. Leur délivrance produira ses effets à partir du 2ème semestre 2006. Trois quarts des boîtes ouvertes dans notre pays ne sont en effet jamais terminées.
Au total, les différentes mesures prises dans le secteur du médicament commencent à produire leurs effets. Ce qui est particulièrement encourageant, c'est que l'on assiste en effet sur ces premiers mois à un infléchissement indéniable des dépenses de médicaments : les dernières données en date de remboursement de la CNAMTS font en effet état d'un taux d'évolution pour le mois de mai de seulement 1,8 % et de 2,2 % en avril, alors que ce taux était de 3,9 % en mars, de 4,6 % en février et de 5,7 % en janvier.
d) Quant aux établissements de santé, ils se sont engagés dans les réformes structurelles initiées par le plan Hôpital 2007.
La part de tarification à l'activité s'élève à 35 % en 2006 pour les établissements publics et privés participant au service public. Le Gouvernement a aussi engagé des travaux de mesure des charges spécifiques pesant sur le service public hospitalier afin de réaliser une convergence réussie entre les tarifs des établissements publics et privés.
Parallèlement, la rationalisation des achats, l'amélioration du contrôle de gestion et des systèmes d'information doivent permettre au secteur hospitalier de savoir et pouvoir toujours mieux servir la collectivité en proposant les meilleurs services et soins aux meilleurs coûts.
L'offre de soins continuera en 2007 à s'adapter aux évolutions des besoins de la population : les schémas régionaux d'organisation sanitaire de 3ème génération ont été adoptés en mars 2006 et seront mis en oeuvre au cours des cinq années à venir. Les besoins particuliers de certaines populations dans certains domaines ont été pris en compte (santé mentale, périnatalité, cancer, maladies rares par exemple) dans le cadre de plans de santé publique spécifiques.
Surtout, nous préparons notre système de soins à relever le défi de la dépendance, avec le Plan Solidarité grand âge 2007-2012, qui comporte, outre d'importantes avancées pour la lutte contre les maladies neurodégénératives, un fort volet hospitalier.
e) Enfin, il faut développer la prévention qui est, comme je l'ai dit, à la fois une condition pour garantir, à terme, la maîtrise durable des dépenses d'assurance maladie, et bien sûr pour améliorer notre état de santé. En complément de la dynamique instaurée par la réforme de l'assurance maladie, la majorité a en effet adopté la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique afin de préparer l'avenir et garantir la pérennité de notre système solidaire d'assurance maladie. Je souhaite donner tout son essor à cette loi et à l'ensemble des dispositifs qu'elle prévoit.
Je pense qu'il faut renforcer la stratégie de prévention, en la focalisant sur les risques aux différents âges de la vie et les populations cibles, afin de réduire les inégalités de santé. Par exemple, un examen bucco-dentaire de prévention sera désormais systématique à 6 ans et à 12 ans et sera pris en charge à 100 % de même que les soins consécutifs à cet examen ; ses bénéficiaires étant en outre dispensés de l'avance des frais.
Dans ce cadre, des plans de santé publique ont été lancés. Pour la période 2004-2008, cinq plans stratégiques de santé publique sont définis : lutter contre le cancer ; limiter l'impact sur la santé des facteurs d'environnement ; améliorer la prise en charge des maladies rares ; améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques ; limiter l'impact sur la santé de la violence, des comportements à risque et des conduites addictives.
Outre ces plans stratégiques, des plans et programmes de santé couvrent la plupart des risques actuellement connus : leur objectif est de rationaliser et de coordonner les actions visant soit des pathologies (Alzheimer, VIH sida, maladies cardio-vasculaires, diabète...) soit des déterminants (obésité, nutrition, alcool, tabac...) soit des risques (environnement, antibiotiques...) soit des groupes de population (bien vieillir, psychiatrie et santé mentale, périnatalité, ...).
f) c'est grâce à l'ensemble de ces actions, qui sont fidèles à la logique de maîtrise médicalisée des dépenses, que nous dégagerons des marges de manoeuvre nous permettant de continuer à améliorer la qualité de notre système de santé et renforcer l'accès aux soins.
L'accès aux soins : Au-delà des mesures de la LFSS pour 2006 qui a revalorisé fortement le montant de l'aide à la complémentaire, notamment pour les personnes âgées de plus de 60 ans qui bénéficient désormais d'une aide de 400euros par an, le Président de la République vient de demander une extension de ce dispositif par un relèvement du plafond de revenus des bénéficiaires de 15 à 20 % au-dessus du plafond de ressources de la CMU-C contre 15 % auparavant. Le PLFSS 2007 devra mettre en oeuvre cette décision, qui permet d'augmenter le nombre de bénéficiaires potentiels de cette aide de 900 000 personnes, en le faisant passer de 2 M à 2,9 M.
Moderniser notre système de santé, c'est aussi l'améliorer. Les économies réalisées nous permettent également d'améliorer notre système de santé avec la prise en charge de traitements innovants ou de l'ostéodensitométrie, avec une plus grande valorisation pour les établissements de santé de la prise en charge de la douleur, avec le renforcement de la prévention ou encore avec la mise en oeuvre du Plan de démographie médicale.
En conclusion, Monsieur le Président, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, voilà la dynamique sur laquelle nous sommes engagés. Nous sommes fidèles à la feuille de route tracée par le Président de la République s'agissant du retour à l'équilibre des comptes publics. La réforme est en marche, la réforme marche, et notre objectif est de poursuivre et d'amplifier les dynamiques à l'oeuvre. C'est toute la logique de la réforme souhaitée par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et instaurée par la loi du 13 août 2004 qui se déploie. L'atteinte des objectifs ambitieux que s'est fixé le Gouvernement nécessite en effet un travail de longue haleine et un vrai suivi de la réforme. Il ne faut pas relâcher nos efforts, mais au contraire poursuivre avec persévérance et constance la mise en oeuvre de la réforme de l'assurance maladie, dans toutes ses dimensions : cette réforme qui repose sur les changements de comportements des acteurs suppose en effet des évolutions qu'il faut ancrer dans la durée et poursuivre sans relâche. C'est pourquoi j'ai décidé de réunir depuis le début du printemps un comité de suivi de la réforme de l'assurance maladie et de pilotage de l'ONDAM qui réunit le directeur de la sécurité sociale, le directeur des hôpitaux et le directeur général de la santé ainsi que le président du comité économique du médicament et le directeur général de l'UNCAM. Le PLFSS 2007 s'inscrira dans cette logique. Nous poursuivrons ainsi le redressement de l'assurance maladie afin de sauvegarder notre système et de continuer à améliorer la qualité des soins et l'égal accès de tous au système de santé.
source http://www.sante.gouv.fr, le 23 juin 2006