Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur le fonctionnement de l'institution judiciaire, Paris le 20 juin 2006.

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Circonstance : Clôture des quatrièmes rencontres sénatoriales de la justice à Paris le 20 juin 2006

Texte intégral

Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs les magistrats et fonctionnaires de justice,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Les quatrièmes rencontres sénatoriales de la Justice sont sur le point de s'achever et je souhaite vous dire combien je suis fier de cette initiative prise en 2002. Ces rencontres ont permis une fois encore, à tous les sénateurs qui l'ont souhaité, une vingtaine cette année, de découvrir l'institution judiciaire.
Découvrir l'institution judiciaire dans son fonctionnement quotidien grâce à un stage de trois jours effectué au sein de tribunaux de grande instance ou de cours d'appel, où magistrats et fonctionnaires de justice se sont mobilisés pour leur réserver, mes collègues l'ont dit tout à l'heure, le meilleur accueil.
Trois jours au cours desquels, grâce à une grande transparence et une réelle mobilisation institutionnelle, les sénateurs peuvent voir fonctionner des juridictions, s'entretenir avec leurs acteurs, constater les conditions parfois difficiles dans lesquelles ils travaillent mais aussi la grandeur et la noblesse de leur mission.
Je souhaite donc remercier ici l'ensemble des magistrats, des fonctionnaires et des auxiliaires de justice qui, comme chaque année, ont joué le jeu, en nous ouvrant leur palais et en nous consacrant du temps.
Au moment où la Justice n'a jamais autant été sous les feux de l'actualité, je souhaite vous dire combien je crois à l'utilité de ces rencontres qui permettent au Sénat de cultiver une connaissance réelle et profonde de l'institution judiciaire.
Sans vouloir présumer d'éventuelles réformes, je crois pouvoir affirmer que le Sénat demeurera vigilant, au delà des aspects purement juridiques, à la pertinence et à la cohérence des évolutions qui seront proposées s'appuyant pour cela, sur une bonne connaissance de l'institution judiciaire acquise grâce à notre travail commun, grâce aux rencontres sénatoriales de la Justice.
C'est une véritable révolution à laquelle cette institution a été, est, confrontée, cette année. Cette révolution, rares sont ceux qui en parlent, aucune commission ne lui a été dédiée, elle n'a pas fait les gros titres de la presse nationale, et nous mesurons mal à quel point elle a nécessité, nécessite et nécessitera des efforts d'adaptation, des évolutions profondes.
Je veux parler de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, qui, pour la première fois, a été mise en oeuvre cette année par l'Etat, par l'ensemble des administrations.
Je ne reviendrai pas sur les trois objectifs essentiels poursuivis : une meilleure lisibilité, permettant la mise en oeuvre d'un contrôle parlementaire plus efficace et devant conduire à une meilleure maîtrise des dépenses. Il ne s'agit en fait de rien d'autre que de redonner un peu de vigueur à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et permettez-moi, devant un public constitué essentiellement de juristes, de le citer : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ». Et parce que la Justice n'est pas une administration, ou en tous les cas n'est pas une administration comme les autres, il m'a paru utile que nous échangions sur cette question cette année.
Je sais que cette mise en oeuvre a été préparée avec le plus de soin possible tant par l'administration centrale, et le directeur des services judiciaires, Monsieur Bernard de la Gâtinais était là ce matin pour nous le dire, et je l'en remercie, que par les cours et juridictions, et les témoignages qu'ont bien voulu nous en donner Messieurs Delmas-Goyon et Legras, Madame Bussière et Monsieur Fèvre nous ont été précieux.
Je sais aussi qu'elle a suscité et suscite encore des interrogations, des inquiétudes... Et parce que cette réforme a été faite par et pour le Parlement, il m'a paru normal que le Sénat s'inquiète de sa mise en oeuvre par l'institution judiciaire.
En effet, la justice -je l'ai souligné- n'est pas une administration comme les autres et la LOLF a su, je crois que vos débats l'ont montré, dans une mesure importante, en tenir compte.
Cette réforme est à la croisée de deux logiques, de deux cultures, de deux systèmes profondément différents : la logique budgétaire d'une part, l'institution judiciaire d'autre part. Il a fallu à chacune faire un effort pour reconnaître l'autre.
Ainsi le principe de la dyarchie à la tête des juridictions (présidents et procureurs) a-t-il été respecté, et Philippe Josse, directeur du Budget, que je remercie sincèrement d'avoir eu l'obligeance de se joindre à nous et de nous faire part de sa science, ne me démentira pas : cette notion n'était pas particulièrement familière aux budgétaires qui ont pourtant fini par l'adopter. De même est-ce le niveau de la Cour d'appel qui a été retenu comme étant le plus opératoire au plan budgétaire.
En contrepartie, les adaptations que la justice doit mettre en oeuvre sont nombreuses, profondes et parfois difficiles.
Il y a les adaptations matérielles et d'organisation : le renforcement et la formation des services administratifs régionaux, l'utilisation de nouveaux outils informatiques.
Il y a les nouvelles responsabilités qui désormais pèsent sur les épaules des chefs de cour en tant qu'ordonnateurs secondaires. De nouveaux concepts sont apparus avec leur horde de barbarisme : les BOP (budgets opérationnels de programme), PAP (projets annuels de performances) et autres RAP (rapports annuels de performances). Il y a aussi, ce que vous n'avez pas manqué d'évoquer ce matin, les frais de justice qui sont passés de crédits évaluatifs à des crédits limitatifs. Avec cette ardente obligation de prévoir l'imprévisible. Mon collègue, le Président du Luart, qui présidait votre table ronde, en sait quelque chose et son rapport sur le sujet fait date.
A l'heure où, faut-il y croire ? on envisage, ô combien à juste titre, de donner à la justice d'importants moyens, je crois profondément que la LOLF constitue l'outil indispensable et adéquat pour qu'elle puisse les utiliser de manière lisible et optimale. Je forme le souhait -et je crois- que la matinée que nous venons de passer ensemble y aura un peu contribué.
Je vous remercie. Source http://www.senat.fr, le 21 juin 2006