Texte intégral
Messieurs les ministres,
Monsieur le premier président,
Monsieur le Haut avocat général,
Monsieur le grand rabbin,
Monsieur le président du Consistoire central,
Monsieur l'inspecteur général des armées,
Mesdames et messieurs les membres de la famille d'Alfred Dreyfus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse et honorée de pouvoir m'exprimer aujourd'hui, à la cour de cassation, à l'occasion de la célébration du centenaire de l'arrêt réhabilitant le capitaine DREYFUS.
Je le suis à double titre, comme ministre de la défense et comme juriste.
Brillante victoire du droit, exceptionnelle décision de justice, que cet arrêt du 12 juillet 1906 que nous commémorons aujourd'hui !
Rendu toutes Chambres réunies, il annule la condamnation du conseil de guerre, réparant ce que Monsieur le Procureur général NADAL a récemment, et avec justesse, appelé un « crime judiciaire ».
Oui, cette décision condamne un crime.
Celui d'une institution, l'armée d'alors, en proie aux maux d'une époque tourmentée, et aveuglée par la soif de revanche.
Non, le destin du Capitaine DREYFUS n'est pas celui d'une victime d'une simple erreur judiciaire.
C'est le destin d'un homme injustement soupçonné sur le fondement de sa judéité, d'un soldat privé, par la justice militaire, d'un procès rigoureux et transparent.
La commémoration qui nous réunit aujourd'hui nous invite à réfléchir sur les liens complexes entre la communauté militaire et l'affaire DREYFUS.
De la faute de certains, du comportement courageux de quelques autres, sont sans doute nés les grands principes sur lesquels repose notre armée d'aujourd'hui.
L'arrêt du 12 juillet 1906, au-delà du mérite de l'institution judiciaire, est aussi le fruit du courage et de l'opiniâtreté de deux militaires.
Le capitaine DREYFUS, en tout premier lieu.
Il a été un acteur déterminant de sa cause, de sa défense et du processus judiciaire qui a conduit à cet arrêt.
Il a poursuivi inlassablement, jusqu'à son terme, l'exercice de toutes les voies de recours, jusqu'à la cour régulatrice.
Il a ainsi, lui-même, démontré sa confiance inébranlable dans la force et la grandeur de la justice et du droit.
Puissent nos concitoyens retrouver, en se remémorant cet exemple admirable, une confiance parfois enfuie dans l'autorité judiciaire, et dans sa mission de garante de la liberté individuelle.
Cette victoire de la vérité et du droit est aussi à mettre au crédit d'un autre militaire, un de mes lointains prédécesseurs, le général PICQUART. Je tiens à rendre ici l'hommage qui lui est dû.
Cet homme d'Etat a su braver l'adversité, osé contredire ses pairs, eut l'audace de s'opposer à une partie de l'opinion publique.
Courageux et lucide, convaincu, sur la base de preuves irréfutables, de l'innocence du capitaine DREYFUS, il a fait le choix de la vérité, plutôt que celui d'une aveugle confiance dans l'institution et la hiérarchie.
Alors oui, l'armée a aussi su s'élever contre l'injustice et le crime.
A travers certains de ses représentants, elle s'est opposée à l'arbitraire et à l'inique.
Cette commémoration nous invite également à mesurer le chemin parcouru par l'armée depuis l'affaire Dreyfus.
Après cette affaire, contre cette affaire, par cette affaire d'une certaine façon, une armée nouvelle s'est en effet construite.
- Une armée où le respect du droit, où l'éthique individuelle et collective sont les principes fondamentaux.
Aujourd'hui plus que jamais, ces avancées du droit et de l'éthique sont la force de notre Défense.
Nos militaires, particulièrement en opérations extérieures, interviennent dans des situations de plus en plus complexes, où les réponses se trouvent dans le droit positif, mais aussi dans l'éthique et la déontologie.
Nous veillons à cet égard à ce que les militaires portant les couleurs de la France soient toujours mieux sensibilisés au cadre juridique et éthique de leur action.
La formation des armées se doit autant d'enseigner les lois, les règles, les principes de comportement, que de forger des consciences individuelles fortes, de celles qui permettent de faire le choix le plus juste dans des situations de crise.
- L'armée nouvelle forgée après l'affaire Dreyfus, c'est aussi une armée plus que jamais attachée à l'irréductible égalité sous l'uniforme.
Sous l'uniforme, et c'est bien le sens précis de ce mot, n'existent aujourd'hui que des soldats français, tous au service de la France, au service de la paix, en Europe et dans le monde.
Au sein de l'institution militaire, les notions qui fondent notre pacte républicain prennent tout leur sens : l'égalité des chances, la promotion au mérite, la fraternité.
Nous souvenant de l'exemple du capitaine DREYFUS, veillons à préserver ces principes qui font la force de nos armées, en luttant contre toutes les formes de discriminations.
- Il n'existe plus aujourd'hui de justice militaire, mais une justice aux armées, spécialisée en matière militaire.
C'est une justice de qualité, en dépit des critiques qui ont pu être émises. Elle doit être toujours plus en phase avec les exigences, contemporaines et futures, de l'Etat de droit.
A ma demande, a été récemment élaboré une ordonnance intégrant d'indispensables évolutions du code de justice militaire.
Prochainement, je présenterai au conseil des ministres un projet de loi qui réduira les derniers écarts de la justice aux armées avec la justice de droit commun.
Messieurs les ministres,
Monsieur le premier président,
Monsieur le Haut avocat général,
N'oublions pas que les institutions, notamment en matière de justice, seront toujours ce que les hommes qui les incarnent en feront.
L'institution militaire a tiré les enseignements de ce qui a été bien plus que la « tragique erreur » dont le capitaine DREYFUS disait lui-même avoir été victime.
Son idéal et ses valeurs sont sans contexte ceux de l'officier général qu'il aurait dû être, et qu'il est aujourd'hui à nos yeux.
Gardons longtemps en mémoire l'affaire qui porte encore pour chacun le nom de cet homme, de cet officier, de ce soldat de la France.
Dans toute sa complexité initiale, dans toute la limpidité de l'innocence enfin proclamée par la justice, elle appartient au patrimoine historique et moral de la communauté militaire, à celui de toute la communauté nationale, au patrimoine de la France. Source http://www.defense.gouv.fr, le 13 juillet 2006
Monsieur le premier président,
Monsieur le Haut avocat général,
Monsieur le grand rabbin,
Monsieur le président du Consistoire central,
Monsieur l'inspecteur général des armées,
Mesdames et messieurs les membres de la famille d'Alfred Dreyfus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse et honorée de pouvoir m'exprimer aujourd'hui, à la cour de cassation, à l'occasion de la célébration du centenaire de l'arrêt réhabilitant le capitaine DREYFUS.
Je le suis à double titre, comme ministre de la défense et comme juriste.
Brillante victoire du droit, exceptionnelle décision de justice, que cet arrêt du 12 juillet 1906 que nous commémorons aujourd'hui !
Rendu toutes Chambres réunies, il annule la condamnation du conseil de guerre, réparant ce que Monsieur le Procureur général NADAL a récemment, et avec justesse, appelé un « crime judiciaire ».
Oui, cette décision condamne un crime.
Celui d'une institution, l'armée d'alors, en proie aux maux d'une époque tourmentée, et aveuglée par la soif de revanche.
Non, le destin du Capitaine DREYFUS n'est pas celui d'une victime d'une simple erreur judiciaire.
C'est le destin d'un homme injustement soupçonné sur le fondement de sa judéité, d'un soldat privé, par la justice militaire, d'un procès rigoureux et transparent.
La commémoration qui nous réunit aujourd'hui nous invite à réfléchir sur les liens complexes entre la communauté militaire et l'affaire DREYFUS.
De la faute de certains, du comportement courageux de quelques autres, sont sans doute nés les grands principes sur lesquels repose notre armée d'aujourd'hui.
L'arrêt du 12 juillet 1906, au-delà du mérite de l'institution judiciaire, est aussi le fruit du courage et de l'opiniâtreté de deux militaires.
Le capitaine DREYFUS, en tout premier lieu.
Il a été un acteur déterminant de sa cause, de sa défense et du processus judiciaire qui a conduit à cet arrêt.
Il a poursuivi inlassablement, jusqu'à son terme, l'exercice de toutes les voies de recours, jusqu'à la cour régulatrice.
Il a ainsi, lui-même, démontré sa confiance inébranlable dans la force et la grandeur de la justice et du droit.
Puissent nos concitoyens retrouver, en se remémorant cet exemple admirable, une confiance parfois enfuie dans l'autorité judiciaire, et dans sa mission de garante de la liberté individuelle.
Cette victoire de la vérité et du droit est aussi à mettre au crédit d'un autre militaire, un de mes lointains prédécesseurs, le général PICQUART. Je tiens à rendre ici l'hommage qui lui est dû.
Cet homme d'Etat a su braver l'adversité, osé contredire ses pairs, eut l'audace de s'opposer à une partie de l'opinion publique.
Courageux et lucide, convaincu, sur la base de preuves irréfutables, de l'innocence du capitaine DREYFUS, il a fait le choix de la vérité, plutôt que celui d'une aveugle confiance dans l'institution et la hiérarchie.
Alors oui, l'armée a aussi su s'élever contre l'injustice et le crime.
A travers certains de ses représentants, elle s'est opposée à l'arbitraire et à l'inique.
Cette commémoration nous invite également à mesurer le chemin parcouru par l'armée depuis l'affaire Dreyfus.
Après cette affaire, contre cette affaire, par cette affaire d'une certaine façon, une armée nouvelle s'est en effet construite.
- Une armée où le respect du droit, où l'éthique individuelle et collective sont les principes fondamentaux.
Aujourd'hui plus que jamais, ces avancées du droit et de l'éthique sont la force de notre Défense.
Nos militaires, particulièrement en opérations extérieures, interviennent dans des situations de plus en plus complexes, où les réponses se trouvent dans le droit positif, mais aussi dans l'éthique et la déontologie.
Nous veillons à cet égard à ce que les militaires portant les couleurs de la France soient toujours mieux sensibilisés au cadre juridique et éthique de leur action.
La formation des armées se doit autant d'enseigner les lois, les règles, les principes de comportement, que de forger des consciences individuelles fortes, de celles qui permettent de faire le choix le plus juste dans des situations de crise.
- L'armée nouvelle forgée après l'affaire Dreyfus, c'est aussi une armée plus que jamais attachée à l'irréductible égalité sous l'uniforme.
Sous l'uniforme, et c'est bien le sens précis de ce mot, n'existent aujourd'hui que des soldats français, tous au service de la France, au service de la paix, en Europe et dans le monde.
Au sein de l'institution militaire, les notions qui fondent notre pacte républicain prennent tout leur sens : l'égalité des chances, la promotion au mérite, la fraternité.
Nous souvenant de l'exemple du capitaine DREYFUS, veillons à préserver ces principes qui font la force de nos armées, en luttant contre toutes les formes de discriminations.
- Il n'existe plus aujourd'hui de justice militaire, mais une justice aux armées, spécialisée en matière militaire.
C'est une justice de qualité, en dépit des critiques qui ont pu être émises. Elle doit être toujours plus en phase avec les exigences, contemporaines et futures, de l'Etat de droit.
A ma demande, a été récemment élaboré une ordonnance intégrant d'indispensables évolutions du code de justice militaire.
Prochainement, je présenterai au conseil des ministres un projet de loi qui réduira les derniers écarts de la justice aux armées avec la justice de droit commun.
Messieurs les ministres,
Monsieur le premier président,
Monsieur le Haut avocat général,
N'oublions pas que les institutions, notamment en matière de justice, seront toujours ce que les hommes qui les incarnent en feront.
L'institution militaire a tiré les enseignements de ce qui a été bien plus que la « tragique erreur » dont le capitaine DREYFUS disait lui-même avoir été victime.
Son idéal et ses valeurs sont sans contexte ceux de l'officier général qu'il aurait dû être, et qu'il est aujourd'hui à nos yeux.
Gardons longtemps en mémoire l'affaire qui porte encore pour chacun le nom de cet homme, de cet officier, de ce soldat de la France.
Dans toute sa complexité initiale, dans toute la limpidité de l'innocence enfin proclamée par la justice, elle appartient au patrimoine historique et moral de la communauté militaire, à celui de toute la communauté nationale, au patrimoine de la France. Source http://www.defense.gouv.fr, le 13 juillet 2006