Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, à "France 2" le 28 août 2006, sur la décision d'affecter le surplus des recettes fiscales au désendettement, sur la baisse du chômage, sur le retour en politique de M. Alain Juppé et la candidature de M. Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle 2007.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Bonjour J.-F. Copé.
R- Bonjour.
Q- Hier, vous avez annoncé une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle c'est que grâce à la croissance, les impôts vont rapporter plus d'argent : sans doute presque trois milliards d'euros de plus que prévu. La mauvaise nouvelle, c'est que cet argent n'ira pas dans les poches des Français. Alors est-ce que cette cagnotte ne pourrait pas quand même servir à améliorer le train de vie des Français ?
R- Ce n'est pas si simple. D'abord, il faut bien avoir à l'esprit que lorsque l'on choisit, lorsqu'on reçoit un peu plus d'argent de recettes fiscales grâce à la croissance, il y a deux possibilités : soit on fait comme ça avait été fait dans le passé, c'est-à-dire on dilapide, on refait de nouvelles dépenses, soit au contraire, on les affecte au désendettement. Il ne faut pas dire que ça ne rentre pas dans la poche des Français. Vous savez en réalité quand vous baissez la dette, vous baissez les charges d'intérêts, vous préparez l'avenir. Je vais vous donner un exemple très concret, celui d'un ménage. Quand dans un ménage, vous avez un découvert bancaire et que dans le même temps, celui qui travaille dans la famille, il a une augmentation de son revenu de l'ordre de 1% - ce qui correspond d'ailleurs aux plus values qu'on va avoir, 1% par rapport au budget de l'Etat - qu'est-ce que vous en faites ? Qu'est-ce qu'il en fait ? Il dépense plus ou il réduit son découvert bancaire ? La plupart du temps, il réduit son découvert bancaire, s'il est responsable. On a raisonné de la même manière et c'est ça que la loi prévoir désormais.
Q- Mais J. Chirac disait qu'il fallait se mobiliser pour relancer le pouvoir d'achat des Français. Est-ce que là il n'y avait pas une opportunité de la faire ?
R- Moi je vais, de ce point de vue, vous donner la garantie que l'ensemble de ce qui a été programmé pour financer les grandes priorités publiques le seront, y compris d'ailleurs la baisse des impôts. Et vous le savez, dans la très importante réforme fiscale qui est applicable cette année, il y a près de 6 milliards d'euros de baisse d'impôts. Là-dedans, il y a 500 millions d'augmentation de la prime pour l'emploi qui se trouvent donc pour les personnes qui sont aujourd'hui avec un emploi au niveau du Smic, ce qui veut dire qu'en deux ans, la prime pour l'emploi sera passée de l'ordre de 530 euros à peu près à près de 810 euros. Donc c'est plus de 60% d'augmentation.
Q- Alors justement, certains à l'UMP disaient, il faudrait profiter de ça pour augmenter encore plus cette prime pour l'emploi. C'est une piste ?
R- C'est un débat qui est à ce stade à la réflexion. Vous savez que tout ça doit faire l'objet de l'arbitrage du Premier ministre qui fait sa rentrée politique, si je puis dire, cette semaine, à travers une conférence de presse importante cette semaine et puis une intervention à la télévision. Donc il aura l'occasion bien sûr de détailler tous ces éléments.
Q- Il aurait pu y avoir aussi une autre piste pour la cagnotte - si on peut appeler ça une cagnotte je ne sais pas - c'était baisser les taxes sur l'essence au moment où l'essence est de plus en plus chère.
R- Oui. Encore que vos savez comment ça marche. On a parlé beaucoup de TIPP flottante. C'est des systèmes qui marchent pas très bien, qui coûtent très cher au contribuable mais qui en réalité rapportent très très peu à celui qui va chercher son essence à la pompe. Parce qu'en réalité, quand le prix de l'essence est cher, il y a un peu moins de taxes TIPP et un peu plus de TVA. Donc tout ça s'équilibre. Donc je crois qu'en réalité, ce qui est important pour ce qui concerne le prix de l'énergie, puisque vous évoquez ça, d'abord c'est de veiller à ce qu'on ait notre indépendance énergétique, d'où l'importance du projet de fusion GDF/SUEZ. Et puis c'est aussi d'être vigilant, de donner un certain nombre d'outils pour permettre aux Français d'avoir leur pouvoir d'achat qui augmente. Par exemple quand le chômage baisse, ça veut dire plus de Français qui ont un emploi. Quand la prime pour l'emploi augmente, ça veut dire qu'ils ont un peu plus de pouvoir d'achat. Quand la baisse de l'impôt sur le revenu se produit, ce qui est le cas depuis 5 ans, là aussi ça vient renforcer le pouvoir d'achat des classes moyennes.
Q- Vous parliez de baisse du chômage, est-ce que cette baisse va se poursuivre ? On aura des chiffres cette semaine. Est-ce qu'on sait si ces chiffres vont être bons ?
R- Moi, je ne peux pas vous donner encore les chiffres, on ne les a pas encore mais les indications...
Q- On a des indications.
R- Les indications dont je dispose montrent que le chômage continue de baisser et ce, de manière continue depuis plus d'un an maintenant. Et donc c'est évidemment très encourageant parce que ce qu'il faut retenir, c'est que le chômage baisse et que l'essentiel des emplois créés le sont dans le secteur marchand. Et un emploi créé sur deux dans le secteur marchand, c'est grâce au CNE, ce nouveau contrat que nous avons mis en place à l'initiative de D. de Villepin il y a un an.
Q- C'est à dire que ce ne sont pas des emplois aidés, c'est ça que vous voulez dire ?
R- Eh oui et c'est ça qui est nouveau. Vous savez, du temps des socialistes, à la fin des années 90, le chômage avait beaucoup baissé, il y avait beaucoup de croissance. Mais il y avait aussi beaucoup de contrats aidés dans le secteur public. Et quand il y a moins de croissance...
Q- Il y en a eu aussi beaucoup avec J.-L. Borloo.
R- Oui mais ce qui est intéressant de voir c'est qu'en réalité, aujourd'hui on le voit, l'essentiel des créations d'emploi sont dans le secteur marchand et que les contrats aidés qui ont été mis en place par J.-L. Borloo sont d'abord là pour accompagner le retour progressif à l'emploi de ceux qui sont dans une logique d'exclusion. Donc il y a une parfaite cohérence dans tout ça et peut-être que tous ces éléments mis bout à bout, ça explique aussi que ça va un peu mieux aujourd'hui du point de vue économique.
Q- Sur le plan politique, ce week-end, il y a eu la rentrée sur le devant de la scène de L. Jospin. Est-ce que pour l'UMP c'est une bonne nouvelle ou une mauvaise nouvelle ?
R- Je suis bien incapable de faire le tri entre les différents candidats. Il faut demander ça aux militants socialistes et puis on verra comment les choses se passeront. Moi ce n'est pas mon problème. La seule chose qui m'importe aujourd'hui, c'est d'aller au débat de fond et ce que je constate c'est que nous avons vu tout au long du week-end des socialistes, des candidats socialistes qui, tous autant qu'ils sont, n'ont pas crevé leurs abcès idéologiques. Ils sont encore dans un autre temps. Je ne parle pas des querelles de personnes, ça c'est la vie. C'est la politique et c'est la vie tout court. Mais je parle du fond. Je vois encore des socialistes qui pour beaucoup d'entre eux, parlent d'une France d'un autre temps, qui sont prisonniers de leur idéologie, qui en sont encore à fustiger le grand capital alors que ce qui compte, c'est d'avoir les yeux rivés sur ce qui se passe dans le reste du monde, de comparer les indicateurs. Regardez les autres Partis socialistes des autres pays européens, ils sont beaucoup plus modernes. Que ce soit au Danemark où ils ont voté avec la droite danoise la réforme des retraites, allant jusqu'à 67 ans, pendant que la gauche française elle dit, on va abroger la réforme des retraites. La gauche française, elle dit on va nationaliser EDF. Tout ça c'est d'un autre temps. Moi je crois qu'il faut essayer d'en sortir parce qu'en réalité, c'est ça les grands enjeux de l'avenir de demain.
Q- Il y a un autre ancien Premier ministre qui va faire son retour sur le devant de la scène politique, c'est A. Juppé. Aujourd'hui le conseil municipal de Bordeaux devrait démissionner, ce qui lui permettrait de redevenir maire de Bordeaux. Je vous pose la même question : pour l'UMP, c'est une bonne nouvelle ou une mauvaise nouvelle ?
R- C'est une bonne nouvelle, je ne peux pas vous dire le contraire. D'abord parce qu'A. Juppé est une personnalité qui compte beaucoup dans ma famille politique et je crois que la démarche qui est la sienne est une démarche qui va évidemment dans le sens de ce qu'on peut souhaiter.
Q- Mais est-ce que ça ne va pas compliquer les choses avec N. Sarkozy ?
R- Non, je ne crois pas que ce soit l'état d'esprit, pas du tout.
Q- Le candidat de l'UMP pour l'élection présidentielle aujourd'hui, c'est...
R- Vous savez, je crois qu'il faut bien voir là-dessus, moi je vous le dis d'autant plus que j'ai eu l'occasion de m'exprimer là-dessus avant l'été, je l'ai fait volontairement avant l'été pour une raison simple : c'est que là, maintenant, l'heure elle est à l'action gouvernementale parce que nous devons absolument aller aux résultats. Et maximiser nos résultats. C'est absolument indispensable. Vous parlez des bons chiffres de l'économie mais c'est valable pour le reste et c'est d'autant plus important que si on gouverne sans relâche pour maximiser nos résultats, alors c'est aussi ça que les Français vont regarder. Et ça n'empêche pas que le moment venu, on rentrera bien sûr dans la campagne présidentielle et moi j'adhère tout à fait à la démarche de N. Sarkozy dans la manière dont tout cela s'organise, le calendrier et la première étape aujourd'hui qui est celle du projet pour l'avenir à laquelle d'ailleurs j'ai participé avec F. Baroin et d'autres de mes amis.
Q- Mais pour vous aujourd'hui, le candidat naturel de l'UMP c'est N. Sarkozy ?
R- Vous savez, ce qui est encore une fois important, je suis désolé vous allez me dire que je ne réponds pas directement mais je réponds pas directement parce que chaque jour suffit sa peine. On va avoir un rendez vous pour ça.
Q- Ce serait simple de dire : eh ben oui, aujourd'hui c'est Sarkozy qui s'impose.
R- Sans doute mais encore une fois, allons jusqu'au bout des choses. Ca c'est un rendez-vous au mois de janvier. D'ici là, on a plusieurs étapes qu'il a fixées lui-même et on va avoir une montée en puissance progressive, y compris avec un rendez-vous la semaine prochaine à Marseille pour nos propres universités d'été. Et je crois que ce qui est important aujourd'hui c'est bien de commencer par travailler sur des questions de projet, le débat, les idées et en janvier on passera à la phase suivante.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28août 2006