Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, sur le dynamisme économique de Strasbourg et de la région Alsace, Strasbourg le 1er septembre 2006.

Prononcé le 1er septembre 2006

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Circonstance : Foire européenne de Strasbourg, le 1er septembre 2006

Texte intégral

Madame le Maire,
Monsieur le Président de la Communauté urbaine,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les Chefs d'entreprise,
Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier de m'avoir invité ce matin afin d'inaugurer la 74ème foire européenne de Strasbourg, ce grand rendez-vous annuel tant attendu par les Strasbourgeois et qui marque le coup d'envoi de la rentrée pour la ville.
Ayant été député européen pendant six ans avant de devenir ministre, je venais très régulièrement ici et ai eu, de très nombreuses fois, vous pouvez l'imaginer, l'occasion de constater, d'apprécier, le dynamisme de votre ville et de votre région.
Vous savez aussi que je ne suis pas tout à fait un vrai "Français de l'intérieur"...
I. L'Etat fait tout pour accompagner le dynamisme de Strasbourg et de l'Alsace
Ainsi que l'a rappelé Fabienne KELLER, Strasbourg et l'Alsace s'apprêtent à vivre une véritable révolution avec l'arrivée en juin 2007 du TGV.
Cette semaine, lundi dernier plus précisément, vous avez pu en avoir un avant goût (pas encore à grande vitesse...). En juin, ce sera un temps de parcours de 2h20 contre 4 h actuellement.
Derrière, c'est évidemment la question de l'interconnexion avec le réseau allemand qui est en jeu, avec notamment la réalisation de "la Magistrale" Paris/Bratislava/Budapest par Strasbourg, Munich et Vienne et aussi le démarrage du chantier de la ligne TGV Rhin-Rhône qui renforcera la position carrefour de Strasbourg et de sa région.
Je sais, Madame le Maire, Messieurs les Présidents, combien Strasbourg et l'Alsace attendent, de la part du Gouvernement, des engagements concrets au sujet de la mise en chantier des 100 derniers kilomètres de ligne nouvelle à grande vitesse à construire entre la Lorraine et Strasbourg pour gagner encore 20 minutes de temps de trajet.
Le Gouvernement, je le dis, demeure fidèle à l'engagement pris par le Ministre des transports à cette même tribune.
Il lui a d'ailleurs récemment donné un caractère tout à fait solennel à travers le Contrat triennal relatif au rôle européen de Strasbourg. Dans le préambule de ce contrat, « l'Etat confirme son intention de démarrer les travaux de la seconde phase du TGV Est dans la continuité de la mise en service de la première phase, en concertation avec les collectivités locales de l'ensemble des régions traversées ».
Telle est la position du Gouvernement. Je vous la confirme et vous confirme que, comme nous en avons pris l'engagement dans le contrat triennal "Strasbourg capitale européenne", nous débuterons les négociations sur le financement dès la signature du contrat, c'est-à-dire dans quelques jours maintenant, avant la fin de cette année en tout cas, dans l'objectif d'une mise en chantier de la 2ème phase le plus tôt possible après la mis en service complète du TGV Est Européen.
Croyez bien, Madame le Maire, que votre attachement à l'horizon 2008 ne nous a pas échappé.
Le Contrat de Projet 2007-2013, autre cadre important, révèle les grandes priorités de l'action de l'Etat pour accompagner Strasbourg dans sa vocation de capitale européenne et dans le même mouvement renforcer l'attractivité de l'Alsace sur la scène internationale.
- Je pense évidemment aux Pôles de compétitivité et à l'enseignement supérieur. L'Etat est ainsi prêt à consacrer à l'ensemble du secteur enseignement supérieur et à la recherche (y compris le soutien aux pôles de compétitivité) 111 Meuros, ce qui est l'enveloppe la plus importante proposée par l'Etat dans le cadre du prochain Contrat.
- Je n'oublie pas non plus le soutien à la compétitivité des filières agricoles ou la participation de l'Etat à la mise en valeur du patrimoine alsacien, je pense notamment à l'accompagnement du transfert du Haut-Koeningsbourg, cher à Philippe RICHERT.
Tous ces grands projets renforcent la place de Strasbourg comme capitale européenne.
L'Etat enfin, a renouvelé, vous le savez un Contrat triennal "Strasbourg, capitale européenne" pour la période 2006-2008. Il est particulièrement ambitieux puisqu'il apportera pour cette période près de 100 Meuros au lieu des 38 Meuros et 47 Meuros des précédents contrats.
Trois priorités y figurent :
- l'amélioration de l'accessibilité de l'agglomération;
- le rayonnement européen dans les domaines de la recherche et de l'enseignement supérieur ;
- la consolidation du rayonnement culturel (avec notamment le soutien à deux projets chers à ville et à la Communauté Urbaine : la Médiathèque Austerlitz et le Zénith).
A propos des discussions en cours entre la Ville de Strasbourg et le Parlement européen au sujet de l'achat par celui-ci des immeubles de son siège, je veux saluer la volonté de transparence exemplaire dont la Ville a fait preuve.
Je rappelle en effet que c'est sur l'initiative du Maire de Strasbourg, et en réponse à sa demande, que le Parlement européen a tenu sur ce dossier une réunion extraordinaire de ses commissions du budget et du contrôle budgétaire.
Cette séance a permis à Fabienne Keller d'expliquer et de clarifier la position de la Ville.
Le gouvernement, garant de la dimension européenne de Strasbourg, salue votre détermination et la transparence dont vous avez fait preuve.
Nous souhaitons aujourd'hui que les négociations entre la Ville et le Parlement aboutissent dans le respect des intérêts de chacun.
C'est pourquoi, sur l'initiative du Premier Ministre, M. Yves Jegouzo, Conseiller d'Etat, Docteur en Droit, Professeur à la Sorbonne, grand spécialiste du droit de l'urbanisme, a été chargé, au début du mois d'Août, d'une mission destinée à faciliter l'achèvement de la négociation.
Je voudrais maintenant vous parler d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur au moment où le Gouvernement annonce des résultats encourageants pour la croissance française et la baisse du chômage : le redressement économique.
Pour vous en parler, je veux d'abord prendre en exemple votre région, et vous montrer à quel point elle doit être un exemple pour l'ensemble de la France.
II. Pionnières de l'économie de l'innovation, Strasbourg et l'Alsace constituent des modèles à suivre pour la France.
Voici une preuve édifiante de cette réussite économique : l'Alsace arrive au quatorzième rang des régions françaises en termes de population, mais au troisième rang en ce qui concerne le PIB / habitant.
Celui-ci s'élevait en 2003 à 24.713 euros / habitant, et l'Alsace n'était devancée dans ce domaine que par la région Rhône-Alpes et l'Île-de-France.
La valeur ajoutée, voilà la vraie spécialité de l'Alsace.
Or, nous sommes aujourd'hui entrés dans une période où nous, pays anciennement industrialisé, nous devons rechercher avant tout cette valeur ajoutée. Pour cela, nous devons axer notre développement économique sur les activités à forte valeur ajoutée, et donc, en premier lieu, sur l'innovation.
Or, cette réussite économique, vous la devez justement à votre engagement précoce en faveur de l'économie de l'innovation. C'est la raison pour laquelle vous êtes aujourd'hui un véritable modèle que nous devons diffuser à la France entière.
A. L'accent mis sur l'éducation.
Premier élément-clé de ce modèle : des liens forts entre éducation et monde économique.
L'éducation a deux rôles fondamentaux: le premier, permettre à l'individu de se développer ; le second, qui est concomitant : permettre à cet individu de s'insérer dans la société en le formant à un métier.
En France, l'accent est souvent mis sur le premier rôle, au détriment du second ; mais alors l'éducation ne remplit pas l'intégralité de sa mission. Au contraire, en Alsace, vous avez choisi de bien lier ces deux rôles, de façon à ce que chaque élève sorte du système scolaire en ayant pu se développer personnellement et se former à un métier.
1. L'apprentissage.
La meilleure preuve de cet attachement aux deux faces de l'éducation, c'est votre action en faveur de l'apprentissage.
300 000 emplois restent encore chaque année non pourvus dans les métiers auxquels prépare l'apprentissage : l'hôtellerie, les métiers de bouche, le commerce, la construction ou la santé, pour ne citer que les plus importants. Il faut donc redoubler d'efforts pour promouvoir cette filière car seul le manque d'informations peut expliquer ce retard, tant l'apprentissage constitue une réponse adéquate au problème du chômage des jeunes : en effet, 4 apprentis sur 5 trouvent un emploi à l'issue de leur contrat, et le passage par l'apprentissage renforce la probabilité d'être employé à plein temps plutôt qu'à temps partiel.
Vous avez bien compris cela en soutenant activement, au niveau de la région, l'apprentissage.
Vous avez ainsi créé un site Internet spécialement à cet effet, permettant aux jeunes d'accéder à tous les renseignements nécessaires concernant l'apprentissage, de déposer leur CV et de consulter des offres d'apprentissage.
Dès 1998 vous avez également créé la semaine de l'apprentissage afin de promouvoir cette filière dans toute la région, en allant à la rencontre des jeunes.
Enfin, chaque année, au mois de mars, vous publiez un cahier qui présente l'apprentissage avec des centaines d'offres de places d'apprentis transmises par les Chambres de Commerce et d'Industrie et la Chambre de Métiers d'Alsace.
Voilà votre engagement en faveur de l'apprentissage, que vous avez démontré depuis bien longtemps déjà. Je souhaite que nous développions l'apprentissage dans toute la France, en s'inspirant de votre exemple.
2. Le système universitaire.
J'observe avec satisfaction que le pôle universitaire européen de Strasbourg se développe chaque année un peu plus, avec le soutien de l'Etat bien entendu.
Cette politique en faveur de l'université en Alsace commence à porter ses fruits.
Le fameux classement de Shanghaï, établi par des chercheurs de l'Université Jiao Tong, classe en effet cette année l'Université Strasbourg-1 au troisième rang des universités françaises, et dans les 100 meilleures universités du monde : à la 96è place, elle n'est devancée que par Paris-6 (45è) et Paris-11 (64è).
Je veux aujourd'hui saluer la réussite de cette université qui fait la fierté de la région, et qui a donné à la France parmi ses plus grands chimistes : je pense à Jean-Marie Lehn, prix Nobel de chimie en 1987 et à Guy Ourisson, qui présida l'institut de chimie de l'université Louis Pasteur et fut président de l'Académie des Sciences.
Plus largement, l'Alsace compte près de 20 000 étudiants dans le domaine des sciences de la vie qui sont une thématique majeure de l'enseignement de la région.
A l'Université Louis Pasteur, il faut donc ajouter :
-la Faculté de Pharmacie ;
- l'Ecole Supérieure de Biotechnologie de Strasbourg ;
- l'Ecole Nationale Supérieure de Physique de Strasbourg.
La biologie et les sciences de la vie et de la santé constituent le premier pôle de recherche en Alsace, qui associe en particulier le CNRS, l'Inserm et les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg : on compte une trentaine de laboratoires et centres de recherche, dont l'IGBMC, construit grâce à un partenariat original public/privé et l'Institut de Science et d'Ingénierie des Supramolécules (ISIS). Dans le domaine des technologies médicales, l'IRCAD, présidé par Jacques Marescaux, est le premier centre mondial de formation en chirurgie mini-invasive.
Une des caractéristiques de l'enseignement supérieur alsacien que je voudrais souligner enfin, ce sont ses étroites relations avec les entreprises de la région.
Ces relations privilégiées, qui permettent de rendre plus efficace et plus rapide la recherche appliquée, sont là encore un exemple pour la France entière. Seule une étroite collaboration entre recherche fondamentale et recherche appliquée nous permettra de développer des produits à forte valeur ajoutée, clé de notre redressement économique.
B. La politique régionale de soutien à l'innovation.
1. Les PME.
Aujourd'hui, l'économie française est principalement portée par de grands groupes historiques. Mais il n'existe pas en France l'équivalent des Google, Yahoo ou Ebay, qui il y a à peine 10 ans, étaient des PME et sont devenues aujourd'hui des géants multinationaux. Cette année, la capitalisation boursière de Google est la trente-deuxième du monde, devant Coca Cola ou Walt Disney. Ce sont donc les PME qui font le plus croître l'économie d'un pays.
C'est ce que vous avez bien compris en choisissant d'aider prioritairement et massivement les PME, particulièrement les PME innovantes.
J'ai ainsi relevé toute une série d'aides aux PME : aides aux créations d'entreprises, aux projets innovants, conseils en stratégie dispensés aux PME, aide au développement des entreprises via les exportations, aide au recrutement, soutien au regroupement d'entreprises et participation financière par le biais de prêts et de participations.
Je voudrais prendre l'exemple de l'aide à la modernisation de l'appareil productif des petites et moyennes industries. La région Alsace propose de prendre en charge jusqu'à près d'un quart (21,5%) de l'investissement matériel de ces entreprises.
Cet engagement en faveur des PME et PMI explique pourquoi elles sont si nombreuses en Alsace : environ 70.000 aujourd'hui, et un taux de défaillance exceptionnellement bas (moins de 2%).
2. Les pôles de compétitivité.
Conséquence de cette structure économique tournée vers l'innovation : l'Alsace compte 3 pôles de compétitivité
Fort potentiel de la recherche universitaire, liens étroits entre universités et entreprises, tissu économique alliant PME, PMI et grandes entreprises... l'Alsace constituait une région idéale pour la création de pôles de compétitivité.
Logiquement, pas moins de 3 pôles impliquant la région ont été retenus au niveau national :
- Le pôle fibres naturelles Grand Est, dans lequel la région est associée à sa voisine lorraine. Son objectif est de concevoir des produits amenant des fonctionnalités nouvelles, à partir de matériaux à base de fibres renouvelables. Ce pôle se base sur trois industries traditionnelles : le textile, le papier carton et le bois, qui étaient en perte de vitesse, mais qui ne demandent que des innovations pour redécoller ;
- Le pôle Véhicule du futur, associant Alsace et Franche-Comté. Ce pôle aura pour but d'imaginer la voiture du futur, en se penchant notamment sur le système des piles à combustible. Sa mission est fondamentale pour l'industrie automobile française. Qu'on en juge par ces chiffres : 900.000 véhicules sortent déjà chaque année du pôle régional, et près de 100.000 salariés travaillent dans les transports terrestres dans le sud de l'Alsace et le nord de la Franche-Comté, au sein de 450 entreprises réalisant 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
- Cette zone, à cheval sur deux régions, constitue la 1ère région, hors Ile de France, pour la R&D privée consacrée à l'automobile avec
445 millions d'euros investis, plus de 1.100 brevets déposés ces 10 dernières années, une vingtaine de centres de R&D à vocation internationale, la présence du plus grand centre de développement d'automobile hors Ile de France, un centre d'expérimentation de véhicules et des bureaux d'études.
C. Le modèle à suivre : l'exemple de Biovalley, leader européen des biotechnologies.
Je voudrais m'attarder quelques instants sur le troisième pôle de compétitivité alsacien, le plus important, qui est dit « à vocation mondiale » : le pôle Alsace Biovalley.
Je considère en effet que ce pôle constitue l'exemple parfait de ce que vous avez pu développer dans le domaine de l'économie de l'innovation.
En cela, Biovalley représente véritablement l'exemple à suivre en France.
L'histoire de Biovalley remonte à 1997, lorsque la région Alsace identifia la filière Biotechnologie/Santé comme un des axes à promouvoir. Elle soutint alors la création de BioValley, seul cluster trinational (franco-germano-suisse) du Rhin Supérieur (Alsace, Bade Wurtemberg, nord-ouest Suisse Bale) dans les Sciences de la Vie. La totalité des collectivités ainsi que l'ensemble des acteurs concernés (institutionnels, industriels, académiques) se sont depuis engagés par la signature, le 13 juin 2003 à l'initiative de BioValley, de la Charte d'engagement pour le développement des Biotechnologies en Alsace.
A l'échelle de l'Alsace, la filière « Innovations thérapeutiques » représente désormais 300 sociétés qui totalisent 27 000 emplois.
Elle est en particulier composée d'un tissu de jeunes PME (start-up) particulièrement performantes :
- près de 10% des emplois du secteur Biotech français (>15% des emplois R&D),
- près de 17% des levées de fonds nationales depuis la création,
- près de la moitié des levées de fonds 2004 ont été réalisées par des entreprises alsaciennes,
- 15% des molécules en phase clinique développées par la biotech en France.
Le montant total du soutien des collectivités alsaciennes, de votre soutien à la filière, s'élevait à plus de 50 millions d'euros.
Depuis, le pôle a fort logiquement été labellisé « pôle de compétitivité » : c'était un pôle de compétitivité avant l'heure, un des modèles qui ont inspiré les concepteurs de cette politique !
Prenant acte de cette labellisation et de la consécration qu'elle représentait pour votre politique, vous avez décidé de doubler encore votre aide à Biovalley.
Voilà des collectivités territoriales dynamiques et entreprenantes ! Je suis un ministre des collectivités territoriales comblé... Et je souhaite, demain, que l'on s'inspire des réussites de ces collectivités territoriales pour diffuser les bonnes pratiques au niveau national car notre pays a besoin d'un renouveau en matière de politique économique. Plus que jamais en effet, nous pensons, à l'UMP, avec Nicoals Sarkozy, que la politique a un rôle à jouer dans l'économie aujourd'hui en France.
III. Votre dynamisme doit nous inspirer, nous, responsables politiques, dans la recherche des voies du redressement économique de notre pays.
A. Premier objectif : créer des richesses.
Nous le savons, si notre croissance est restée molle pendant plusieurs années, même si les choses progressent actuellement, c'est parce que nous l'avons nous-mêmes amputée par des politiques de partage du travail et de découragement de l'initiative.
Nous créons, par exemple, très peu d'emplois marchands : 85% des créations nettes d'emplois au cours des 25 dernières années ont concerné le secteur public, c'est-à-dire ont été financées par l'impôt!
Cette dégradation de nos performances n'est pas seulement navrante. Elle est devenue le coeur de notre problème social.
Quand on a peu à distribuer, le problème de la création de richesse finit nécessairement par devenir un problème de redistribution!
Aujourd'hui, la politique sociale est concentrée sur les plus pauvres, laissant de côté les catégories intermédiaires qui ont le sentiment d'être toujours assez riches pour devoir payer des impôts et jamais assez pauvres pour pouvoir toucher des prestations. Et comme cette partie nécessiteuse est par ailleurs de plus en plus importante, la redistribution est saupoudrée, dispersée, inefficace.
Prenons l'exemple de la prime pour l'emploi. Son montant moyen est de 25 euros par mois, une somme qui n'a aucune signification pour quelqu'un qui vit des revenus de l'assistance et qui aurait la possibilité de reprendre un emploi. En Grande-Bretagne, une femme seule avec des enfants perçoit une prime de 400 euros par mois si elle reprend un travail. Voilà une vraie différence!
Mais si la prime pour l'emploi est si faible en France, c'est parce qu'elle est répartie entre 8 millions de foyers. Nos marges de manoeuvre sont devenues d'une étroitesse infime : si peu d'argent à distribuer et tant de personnes qui en ont besoin !
On cherche trop souvent à opposer ceux qui veulent sauver le modèle social français et ceux qui veulent le changer. Nous n'avons aucun problème avec le modèle social français. Bien sûr qu'il faut un bon niveau de protection sociale pour chaque Français. Bien sûr qu'il faut garantir l'égalité de tous devant les grandes épreuves de l'existence, la maladie, le chômage, la vieillesse, le handicap. Bien sûr qu'une nation se grandit lorsqu'elle est capable d'avoir un haut niveau de solidarité avec les plus faibles. Nous sommes naturellement d'accord avec tous ces objectifs et avec l'idéal qu'ils expriment.
Mais qui ne voit que la réalité n'a plus rien à voir avec cet idéal ? Mais peut-on se satisfaire pleinement d'un taux de chômage de 9%, même si celui s'est considérablement réduit depuis un an ? Peut-on se satisfaire des discriminations inacceptables à l'encontre des seniors, des femmes, et d'autres encore ? Peut-on se satisfaire d'un mal des banlieues qui dure depuis trente ans ? Et d'un écrasement sans précédent de la grille des salaires, avec un tiers des salariés rémunérés entre 1 et 1,2 fois le SMIC ? Notre problème est là : notre système produit aujourd'hui plus d'injustices qu'il n'en combat.
En 1980, nous étions sixièmes de l'OCDE en termes de PIB par tête. Nous sommes aujourd'hui 16ème.
Le pouvoir d'achat des Français ne se contente pas de stagner. Il est inférieur de 30% à celui des Américains.
Aucun Français ne peut croire que nous pouvons continuer à être de moins en moins compétitifs et avoir, d'autre part, de plus en plus de dépenses sociales, à avoir de moins en moins de gens qui travaillent et de plus en plus de gens qui vivent de la solidarité.
Nous sommes aujourd'hui dans une situation impossible où il nous faudrait à la fois moins d'impôts pour stimuler l'initiative et plus d'impôts pour augmenter les aides dont les plus fragiles ont besoin ; où il nous faudrait à la fois moins de dépenses publiques, car notre endettement est insoutenable et plus de dépenses publiques pour investir dans la recherche, dans l'enseignement supérieur, dans les ZEP, dans la rénovation urbaine, dans les infrastructures, dans les énergies nouvelles, dans la prise en charge des personnes âgées...
Vous l'avez compris, la création de richesse est un défi qui ne peut relever de l'amateurisme.
B. Et ce, d'autant plus que de cette création de richesses doit découler le plein-emploi.
S'il y a encore beaucoup de chômage en France, ce n'est pas parce que trop de personnes cherchent à se faire une place sur le marché de l'emploi, mais c'est au contraire parce qu'il n'y en a pas assez. Les pays qui ont le taux d'activité de la population le plus élevé sont aussi ceux qui ont le taux de chômage le plus faible, car le travail des uns créé le travail des autres.
A l'opposé de toutes les politiques menées depuis 1980, il faut donc commencer par encourager l'activité : l'activité des seniors, encourager l'activité des jeunes, des femmes, des titulaires de minima sociaux également. Cela suppose de créer une différence beaucoup plus grande entre les revenus tirés de l'assistance et les revenus tirés du travail, en supprimant tous les effets de seuil, en augmentant la prime pour l'emploi et en personnalisant son attribution.
Aucun titulaire de minimum social ne devrait rester sans exercer une activité susceptible de l'amener progressivement à reprendre un emploi marchand.
Dans le même esprit, il faut encourager ceux qui veulent travailler plus à le faire, notamment en réduisant les charges sociales sur les heures supplémentaires.
Parallèlement, il faut naturellement s'attaquer à la question du chômage. Rien n'est plus faux que de dire que « contre le chômage, on a tout essayé ». La vérité, c'est qu'on a tout essayé, sauf ce qui marche. La preuve, le Gouvernement agit depuis un an et les choses bougent : de 10,2% il y a un an, le taux de chômage est passé à 9%!
En dix ans, nous pouvons ramener le taux de chômage à moins de 5% de la population, c'est-à-dire revenir au plein-emploi. D'autres pays européens l'ont fait, y compris des pays qui sont dans la zone euro.
Il n'y aucune raison que nous n'y parvenions pas. C'est en outre la seule réponse durable et structurelle au problème du pouvoir d'achat. Si les salaires sont si bas, c'est parce que le chômage est élevé et met les salariés en situation de faiblesse pour négocier leur rémunération.
Le service public de l'emploi doit devenir beaucoup plus réactif, efficace, exigeant. Mais il faut aussi renforcer les devoirs qui pèsent sur les chômeurs. La France ne peut pas être le seul pays à avoir un degré aussi élevé de protection sociale, et aussi peu d'obligations qui pèsent sur leurs bénéficiaires.
Enfin, il faut moderniser le droit du travail pour que celui-ci cesse de décourager les créations d'emplois. C'est un point très sensible pour nos concitoyens.
Cessons de penser que les salariés et les entreprises forment deux camps opposés. Leurs intérêts ne sont pas contradictoires. Inventons un nouveau droit du travail plus simple, qui privilégie le contrat de travail à durée indéterminée, qui encourage l'embauche dans les entreprises qui se développent et ne complique pas la situation de celles qui sont en difficulté.
Au nombre des recettes qu'il faut réinventer, nous ne devons pas craindre d'évoquer la question du dialogue social. Reconnaissons que nos syndicats sont trop petits, trop émiettés, que le taux de syndicalisation est trop faible, et tirons-en les conséquences, en commençant par donner la liberté de présentation aux élections syndicales dès le premier tour. Source http://www.interieur.gouv.fr, le 14 septembre 2006