Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Directeur général de l'Union mondiale pour la Nature,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
"Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature mutilée, surexploitée, ne parvient pas à se reconstituer, et nous refusons de l'admettre. Elle souffre de mal développement, au Nord et au Sud, et nous sommes indifférents. La terre et l'humanité sont en péril, et nous en sommes tous responsables". Tels sont les mots prononcés par le président de la République, Jacques Chirac, lors du Sommet mondial du Développement durable de Johannesburg, en 2002.
Depuis 2002, avons-nous cessé de regarder ailleurs ?
Les derniers rapports des Nations unies sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement ou l'évaluation du millénaire pour les écosystèmes, confirment que la perte de la biodiversité est alarmante. Depuis 2002, la déforestation à touché une surface équivalente à celle du Costa Rica. Chaque année, ce sont 13 millions d'hectares de forêt qui cèdent la place à des terres cultivées. Or, une forêt primaire qui disparaît contribue au réchauffement climatique et emporte avec elle toutes les espèces qu'elle abritait. Elle ne joue plus son rôle de régulation du cycle de l'eau et ouvre ainsi la voie à l'érosion, à la désertification et finalement, elle aggrave la pauvreté de toutes les populations qui vivent alentour.
Faut-il répéter qu'au rythme actuel, entre le quart et la moitié de toutes les espèces auront disparu d'ici à la fin de ce siècle ?
Nous le savons, les conséquences sont dramatiques pour l'humanité. La surexploitation des ressources marines, de la faune sauvage ou des ressources en eau, affectent profondément et de plus en plus la vie des hommes. Le récent rapport de la Banque Mondiale sur la richesse des nations démontre que l'économie des pays en développement qui ne disposent pas de ressources pétrolières, repose, pour le quart de leur produit national brut, sur les ressources naturelles. Peut-on être plus clair ?
Notre responsabilité est immense et les engagements ne suffisent plus. Nous serons jugés sur nos actes par les générations futures.
C'est bien pourquoi l'aide publique au développement de la France poursuit sa progression. Elle atteindra 9 milliards d'euros en 2007, soit 0,5 % du revenu national brut. Et L'environnement bénéficiera bien entendu de cette croissance.
Le Fonds français pour l'Environnement mondial vient ainsi d'être reconstitué à hauteur de 70 millions d'euros pour les prochaines années. La France dispose là d'un instrument de coopération bilatérale, consacré en grande partie au soutien de projets en faveur de la biodiversité. Le Fonds pour l'Environnement mondial, instrument financier de la Convention des Nations unies pour la Diversité biologique, a également été reconstitué pour 4 ans, et la France en reste le 5ème contributeur, avec un soutien de 154 millions d'euros.
La France a par ailleurs répondu à l'appel pressant lancé à Brazzaville en février 2005 par les Chefs d'Etat d'Afrique Centrale pour l'annulation de leur dette en faveur de la forêt. Le contrat de désendettement développement du Cameroun, que j'ai signé récemment, consacre ainsi 20 millions d'euros à la protection et à la gestion durable de la forêt. La France assure en outre depuis 2005 la "facilitation" du Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo. Plus généralement, la France poursuit sa politique de coopération en s'appuyant sur des documents-cadres de partenariat définis avec les pays partenaires de sa zone de solidarité prioritaire qui comprend essentiellement des pays d'Afrique. Sur près d'un tiers de ces documents, l'environnement et la protection de la biodiversité représente un des trois secteurs de concentration de l'aide bilatérale française mise en oeuvre par l'Agence française de Développement.
Enfin, nous avons par ailleurs renforcé notre partenariat avec l'Union mondiale pour la Nature en lui affectant plusieurs assistants techniques, ce qui permettra de mettre en oeuvre plus efficacement encore les actions consacrées à la protection de la biodiversité, notamment en Afrique.
Il faut sûrement accroître nos financements, mais il faut surtout les affecter et les coordonner de façon plus efficace. Sur chaque question environnementale, nous devons aussi développer une véritable expertise scientifique mondiale.
Il est regrettable de constater le déficit d'intérêt dont souffre encore la biodiversité, comparativement à d'autres défis, comme le changement climatique. Pourtant, l'effondrement accéléré de la diversité biologique est bien une crise environnementale majeure, tout aussi préoccupante que le réchauffement de notre planète. Nous en sommes tous ici convaincus.
Le rôle qu'a joué le Groupe intergouvernemental d'expertise sur le climat a été décisif dans la prise de conscience de la réalité du réchauffement climatique, qui était loin d'être acceptée par tous il y a seulement quelques années. En janvier 2005, le siège de l'UNESCO à Paris accueillait la Conférence "biodiversité, science et gouvernance" et le président de la République proposait alors la mise en place d'un mécanisme pour la biodiversité afin de porter le message de la communauté scientifique, et afin de convaincre l'opinion, les médias et les décideurs de l'urgence à agir. Nous attendons désormais les conclusions de la consultation internationale sur la faisabilité d'un "mécanisme international d'expertise scientifique sur la biodiversité".
L'Union européenne, elle aussi, a depuis longtemps démontré, par l'action, sa volonté de prendre pleinement ses responsabilités en matière de solidarité internationale. Son aide augmente, ainsi qu'elle s'y est engagée. Toutefois, elle ne consacre encore à la biodiversité que 0,7 % de cette aide.
L'effort de solidarité de l'Union européenne et de ses Etats membres doit donc aujourd'hui être résolument ciblé sur les trois défis du XXIème siècle : la lutte contre la pauvreté, le changement climatique et la protection de la biodiversité.
L'objectif de 5 % de l'aide européenne affectée à l'environnement et la protection de la biodiversité mondiale, tel qu'évoqué à différentes reprises, paraît raisonnable. Il est à la mesure du nécessaire changement d'échelle de nos interventions.
Permettez-moi, en conclusion, d'élargir mes propos à la question fondamentale de la gouvernance internationale de l'environnement.
Il est temps de doter le domaine de l'environnement d'un cadre institutionnel comparable aux autres piliers du développement durable que sont l'économique et le social. Notre système actuel repose sur un ensemble hétérogène de plus de 500 conventions environnementales. Outre son coût, ce système manque dans son ensemble de cohérence et d'efficacité.
C'est pourquoi la France a proposé la mise en place d'une véritable Organisation des Nations unies pour l'Environnement. Cet organe serait doté de l'autorité nécessaire pour mobiliser l'expertise scientifique, alerter l'opinion sur les atteintes à l'environnement, influer sur tous les acteurs internationaux, et enfin mobiliser des moyens accrus en faveur des pays du Sud.
Votre appui actif à ce projet ambitieux est nécessaire. C'est en effet par l'action conjointe des gouvernements, des organisations non gouvernementales et des scientifiques en faveur d'une telle organisation, que l'on parviendra à influencer les débats en cours sur la nécessaire réforme des Nations unies dans le secteur de l'environnement.
Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis que l'Union mondiale pour la Nature démontre encore aujourd'hui qu'elle assume pleinement son rôle. Depuis sa création en France en 1948, elle a su sensibiliser l'opinion internationale, conseiller les décideurs politiques, et promouvoir des actions sur le terrain au service de la préservation de la biodiversité mondiale. Son rôle de catalyseur de la réflexion internationale s'exprime pleinement aujourd'hui à travers l'organisation de cette conférence.
Votre présence nombreuse manifeste l'intérêt croissant que les autorités de vos pays attachent à ce défi collectif du XXIème siècle qu'est la réduction de l'érosion de la biodiversité mondiale. Vos témoignages, vos réflexions et vos propositions aideront la Commission européenne, les États membres et les pays partenaires à relever ensemble ce défi.
Je souhaite un excellent déroulement à vos travaux, et puis vous assurer que la France portera la plus grande attention à vos recommandations.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 septembre 2006