Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, sur les propos de Nicolas Sarkozy concernant l'attitude des juges face à la délinquance, sur la baisse des impôts et l'introduction de l'interlocuteur unique face au contribuable, sur la préparation du budget 2007, sur le festival de musique de Meaux.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Nous allons, ce matin, parler budget, puisque c'est son portefeuille. Nous allons aussi parler musique, parce qu'il s'occupe d'un festival. Mais avant, nous allons parler polémique, avec notamment ce qui s'est passé autour des propos de N. Sarkozy, qui ont beaucoup ému la magistrature, au point que le premier président de la Cour de Cassation, G. Canivet est reçu par le président de la République J. Chirac aujourd'hui. Peut-on dire que c'est une crise entre le politique et l'institution judiciaire ?
R- Non, je ne crois pas. D'abord, je voudrais dire qu'au-delà de la passion du moment il y a quand même une réalité, dont je peux témoigner en tant que maire de Meaux, qui est une ville qui a aussi des quartiers difficiles : c'est que la mobilisation est de chaque instant face à un seul objectif, lutter contre la délinquance. Et je crois qu'il ne faudrait pas oublier les résultats obtenus. C'est vrai que c'est dur, c'est vrai qu'il y a des jours où on gagne et des jours où on perd. Et notre émotion aux uns et aux autres a été extrêmement vive à la suite de ce qui est arrivé à deux CRS qui ont été tabassés dans des conditions absolument épouvantables ! Et donc, cela aussi on l'a à l'esprit, naturellement. Mais en même temps, c'est quand même une mobilisation générale de tous les acteurs, que ce soient les policiers, les magistrats, les acteurs de la prévention de la délinquance, c'est un combat collectif contre ce fléau qu'est la délinquance, et je crois que c'est quand même aussi cela l'essentiel.
Q- Il y a quelques mauvais esprits au sein de la majorité - et de l'opposition - qui disent mais au fond, c'est parce que N. Sarkozy est déjà candidat, déjà en campagne, et qu'il a des propos de candidat, et donc qui sont peut-être un peu plus radicaux que des propos de membre du Gouvernement. Y aura-t-il un moment où ce sera incompatible, être candidat à la candidature et rester dans le Gouvernement ?
R- Je ne sais pas. Vous dites "il y a quelques mauvais esprits". Moi je n'en suis pas, je pense qu'il faut avoir un bon esprit, et qu'il faut dans un métier aussi difficile que le nôtre ne pas perdre de vue que notre objectif c'est de travailler par rapport aux attentes des Français. Et ces débats-là appartiennent très naturellement à l'action publique, ce sont des sujets difficiles, essentiels, qui ont un objectif, c'est d'avoir les meilleurs résultats possibles. Et la lutte contre la délinquance, comme je le disais à l'instant, c'est un combat de chaque instant, avec des jours plus difficiles que d'autres. Mais encore une fois, tout cela fait partie de notre mission.
Q- Donc, pour dire les choses de façon plus abrupte, la droite n'est pas en train de se tirer une balle dans le pied, comme elle a parfois eu tendance à le faire dans d'autres circonstances, dans des moments difficiles ?
R- Je n'en sais rien. Ce que je sais c'est qu'en tout cas, la perspective de l'élection présidentielle sera l'occasion de mettre les pieds dans le plat pour un certain nombre de sujets essentiels, parce que c'est cela aussi que les français attendent. Et aujourd'hui, c'est à travers les résultats qu'on doit faire la démonstration.
Q- Passons aux impôts, vaste dossier qui est le vôtre. Vous êtes en train de préparer le prochain budget. Deux ou trois questions très concrètes. On annonce que cela va baisser encore, dès le début de l'année, au 1er janvier, sur des promesses qui datent de 2006. Comment cela va-t-il se passer techniquement ?
R- C'est pour la raison suivante, c'est qu'en fait, nous avons voté, à l'automne dernier, une très grande réforme fiscale, qui est de l'ordre d 6 milliards d'euros, et on a présenté cela, avec T. Breton, l'année dernière, au Parlement, avec notamment 4 milliards de baisse de l'impôt sur le revenu. Et puis, il va y avoir en plus l'équivalent de près d'1 milliard d'augmentation de la prime pour l'emploi. Tout cela, c'est applicable à compter de cette année, et ce qui me paraît être de bon sens, c'était de faire en sorte que l'Etat ne se fasse pas de trésorerie sur le dos des Français. Et donc, la baisse d'impôts sera applicable progressivement à compter du début de l'année 2007.
Q- Cela veut dire que, pour les gens qui sont mensualisés, ce sera tout de suite déduit ?
R- Voilà, l'idée est la suivante en fait : d'un côté, il y aura une baisse forfaitaire - on est en train d'ajuster les montants et vous le saurez dans quelques jours, cela va venir vite - et puis, d'autre part, la possibilité pour chaque contribuable de consulter sur Internet, à partir du mois de janvier, parce qu'on a mis en place une petite calculette, ce qui qu'il saura très précisément combien il devra payer, de combien il bénéficiera, en termes de baisse d'impôts, et il pourra ajuster ses acomptes avec le conseil de son inspecteur des impôts.
Q- Vous parliez de la prime à l'emploi. Il y a eu un peu de difficulté, pour 250.000 foyers à peu près qui doivent la rembourser. La prime à l'emploi, ce ne sont jamais des gens très fortunés qui la touchent, et c'est évidemment un effort énorme qu'on leur demande de rembourser ! Quelque chose qu'ils ont dépensé, en toute bonne foi. Comment vont-ils faire ces gens-là ?
R- Il y a d'abord deux catégories : il y a ceux qui ont à la rembourser parce qu'ils ont changé de catégorie - donc ils ont plus de revenus, et donc ils ne sont plus éligibles à la prime pour l'emploi. Pour ceux-là, ce que j'ai prévu, c'est un étalement. Et puis, il y a ceux qui, malheureusement, parce qu'ils ont perdu un emploi ne sont plus éligibles à la prime pour l'emploi, et là, l'idée est très simple, c'est naturellement au cas par cas d'examiner chaque situation pour permettre des remises gracieuses dans les situations qu'ils justifient, ce qui est la moindre des choses.
Q- Tout cela nous amène naturellement à l'interlocuteur unique, qui est une nouveauté, c'est-à-dire qu'il y aura un hôtel des impôts où on ne sera pas obligé d'aller voir "mon cher Trésor public", "mon chéri", et puis, de l'autre côté, - moi j'écris toujours "cher Trésor public"...
R- Je vois cela.
Q- ...et de l'autre côté, le Service des impôts. C'est-à-dire qu'il y aura l'interlocuteur unique.
R- En tant que ministre du Budget, je considère qu'il est important d'avoir avec le contribuable une relation qui soit courtoise. Après tout, un contribuable qui paye ses impôts, c'est un client du service public, donc on a le droit de l'accueillir avec le sourire. Alors, il faut lui simplifier la vie, et c'est cela l'objectif. Donc, il y aura effectivement, c'est le principe, un guichet fiscal unique. C'est en expérimentation, cela se développe, cela va concerner un contribuable sur cinq à partir du 1er janvier. Ce n'est pas rien. A la fois, en ville c'est l'hôtel des Finances, on a tout sur place, et puis dans les zones rurales, c'est un accueil Finances où il y aura la polyvalence qui fera que pour l'essentiel des questions posées, il y aura une réponse immédiate sans avoir besoin d'aller au chef-lieu.
Q- Et la déclaration simplifiée, cela continue. Il y a eu quelques cafouillages... La presse avait mis le doigt sur ce qui n'allait pas.
R- Cela, c'est votre métier, on a bien compris. Mais en même temps, c'est vrai qu'il y en a eus très peu. J'en ai fait l'évaluation, nous avons 84 % de déclarations pré-remplies sans erreur, c'est énorme pour une première année, ce sont des millions d'informations qui ont été introduites par l'ordinateur. Donc, en réalité, on rajoute une nouvelle étape, c'est que ceux qui sont employés à domicile et payés par chèque emploi-service pourront eux aussi avoir une déclaration pré-remplie, c'est la nouveauté de cette année.
Q- Vous êtes en train de préparer le prochain budget, dernière ligne droite. Les grands équilibres sont-ils à peu faits, les dépenses, les recettes. Les recettes pourront-elles augmenter un peu, pas trop ?
R- Ecoutez, pour l'instant, on est effectivement dans la dernière ligne droite. D'abord, un premier point, on va présenter avec T. Breton un budget avec un déficit en baisse, c'est quand même important, puisqu'on espère faire 43 milliards, voire mieux, on va voir, on y travaille. C'est, d'un côté, effectivement, des bonnes plus-values de recettes parce que l'activité économique a été bonne. Et puis c'est vrai que quand vous baissez les impôts, cela stimule l'économie, donc cela fait de meilleures recettes. Donc, cela c'est plutôt bien. Et puis, deuxièmement, parce que j'ai beaucoup travaillé sur la baisse de la dépense publique, mais pas pour serrer la ceinture des administrations, ce serait complètement idiot, mais plutôt en luttant contre les gaspillages. Donc, on a fait une grande campagne anti-gaspi tout au long de l'année, avec des audits dans chaque ministère. Et pour la première fois, la dépense publique va baisser et elle va baisser avec ceci de particulier, c'est qu'on aura en même temps modernisé le service public. Parce qu'on utilise Internet, parce qu'on lutte contre les gaspillages...
Q- Moins de papier, moins de crayons. Quels sont les plus gaspilleurs dans les ministères, pouvez-vous les dénoncer ?
R- Je peux vous dire que tout le monde y a droit. Cela va de mon propre ministère jusqu'à bien d'autres : l'Education nationale... Enfin tous, l'Equipement...
Q- C'est la vraie égalité républicaine ?
R- ...tous les ministères ont fait cet effort. L'Equipement, l'Ecologie... Tous les ministres ont joué leu jeu parce qu'ils sont leur propre ministre des Finances maintenant.
Q- On va passer quand même au dernier point de votre week-end : "Musical", avec une très jolie affiche d'ailleurs, on voit une jeune femme en silhouette. "Musical", c'est un Festival où ce sont les filles qui sont mises en valeur, elles, et avec des chanteuses - je donne le plateau : L. Foly, V. Abril, N. Saint-Pierre, Diam's. Cela marche de mieux en mieux à Meaux ?
R- C'était un défi, c'est la deuxième édition, c'est la deuxième année, et à Meaux, l'objectif c'est un Festival de musique pour des artistes qui sont exclusivement féminines mais qui choisissent aussi leurs invités.
Q- Oui parce qu'il y a un garçon...
R- Il y aura un garçon, D. Briand, qui vient aussi, c'était le choix de V. Abril. Il y a L. Foly, Diam's, N. Saint-Pierre, la Grande Sophie, il y a effectivement pendant trois jours un peu partout, à Meaux, à quelques kilomètres de Paris, un peu de fête, un peu de musique, et cela fait du bien.
Q- Un peu de douceur dans ce monde de brutes.
R- Vous tout dit !
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 25 septembre 2006