Interview de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur "France 2" le 28 septembre 2006, sur la présentation du budget 2007 et son objectif de réduction de l'endettement de la France, sur la baisse des impôts sur le revenu, sur les dépenses des collectivités locales.

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Média : France 2

Texte intégral


Q- Ce matin, nous allons évidemment parler du budget. Un budget c'est toujours difficile à boucler dans une dernière législature, avant les élections présidentielles. Mais avant de parler de budget, j'aimerais quand même avoir votre sentiment sur l'information de la soirée, voire de la nuit - parce qu'on l'a appris à minuit - : L. Jospin retire sa candidature à la candidature. Cela vous inspire quel commentaire ?
R.- Vous êtes sûr ?
Q- Enfin, c'est ce que je vois dans la presse, à la Une des journaux : "Jospin renonce"...
R- Non, parce que cela ne fait jamais que la deuxième fois. Alors vous savez, peut-être jamais deux sans trois, moi je suis prudent.
Q- Vous pensez qu'il pourrait revenir et repartir à nouveau ?
R- Chat échaudé craint l'eau froide.
Q- C'est tout ce que vous avez à dire à propos de la candidature de Jospin ?
R- Je ne vois pas ce qu'on peut dire d'autre à ce stade.
Q- D'accord. C'est juste qu'il peut être un renouvellement...
R- Attendons, attendons.
Q- Très bien. Donc attendons et revenons au budget. Dernier budget, je le disais, d'une législature, juste avant des élections qui vont être importantes, on l'évoquait à l'instant.
R- Bien sûr.
Q- Donc, forcément, le ministre de l'Economie et du Budget est très sollicité et ça a du être un peu difficile à organiser, parce qu'il y a des économies sur beaucoup de postes et ce n'est jamais très populaires les économies.
R- Je dois dire que j'ai été aidé dans la réalisation de ce budget par la politique économique que je mène depuis que je suis ministre des Finances. J'ai indiqué très peu de temps après avoir pris possession de mes fonctions, que mon axe politique, c'était le désendettement de la France. Vous vous en souvenez, je l'ai dit, je l'ai répété, j'ai confié à M. Pébereau, une mission pour m'aider à informer l'opinion et, ce faisant, à informer également l'ensemble de mes collègues, que c'était la seule logique pour la France. Et je crois que les Françaises et les Français l'ont bien compris. Et du coup, je le reconnais, pour construire le budget de la France, pour l'année 2007, eh bien cet axe politique économique, cet axe fort m'a aidé à bâtir les éléments budgétaires, qui permettent à la fois d'avoir tous les éléments d'une vertu budgétaire, dans la mesure où la dette va se réduire, l'endettement de la France va se réduire très significativement. C'est un engagement que j'avais pris.
Q- L'endettement, il faut le rappeler, représente par Français presque 30.000 euros.
R- L'endettement, c'est le ratio de la dette sur la richesse nationale, eh bien je vais baisser ce ratio de dette sur la richesse nationale, qui est l'élément de mesure, de 2 points cette année, ce qui est énorme, l'année prochaine encore de un point ; cela fera trois points en deux ans. C'était du jamais vu dans notre histoire économique mais il faudra continuer l'effort. Mais je voulais vraiment enclencher cette dynamique parce qu'il est absolument intolérable que nos enfants paient pour notre confort. Deuxièmement, ce budget est placé également à l'aune de la responsabilité, de la responsabilité parce que nous avons voulu que toutes les marges de manoeuvre disponibles, il y en a quelques-unes parce que la croissance est de retour, et donc, grâce à la politique économique du Gouvernement, il y a plus de croissance, il y a donc moins de chômage, il y a plus d'emplois et donc, il faut avoir plus de pouvoir d'achat. Deuxième élément donc, la responsabilité, c'est donner plus de pouvoir d'achat à nos compatriotes, de deux façons : d'abord...
Q- Avec des allégements fiscaux ?
R- Oui, mais c'est très significatif. J'ai vraiment souhaité que nous ayons la plus grande réforme fiscale qui va rentrer en vigueur le 1er janvier. Les Français vont pouvoir en bénéficier immédiatement parce que j'ai souhaité que le pouvoir d'achat en profite, évidemment.
Q- C'est-à-dire que dès le 1er janvier, on verra sur sa feuille d'impôt, ceux qui sont mensualisés...
R- Absolument. Cela va être quand même une redistribution de plus de trois milliards d'euros pour les Françaises et les Français, et surtout pour les plus défavorisés d'entre eux. Deuxièmement, il y a la prime pour l'emploi. Tout ceci pour permettre d'accroître le pouvoir d'achat.
Q- Alors est-ce qu'il y a encore des marges de manoeuvre à gagner, en termes, justement, de train de vie de l'Etat ? Par exemple, on sait que vous allez supprimer 15.000 postes de fonctionnaires - il y en a qui râlent déjà dans la fonction publique. Mais si on rapporte cette diminution au nombre de fonctionnaires, cela fait une baisse de 0,6 %, et on sait que chaque année, il y a 70.000 fonctionnaires qui partent à la retraite. Donc, au fond, il y a peut-être encore un peu de marge, parce qu'après tout, l'informatique, l'ordinateur, Internet, tout cela devrait faire qu'il y a moins de paperasserie et peut-être besoin de moins de gens derrière les bureaux pour remplir les formulaires ?
R- Je me demande si je ne vais pas vous proposer de venir travailler avec moi à Bercy...
Q- Non !
R- Vous avez des tas d'idées et vous avez bien raison.
Q- Moi, je vous dis cela parce que je suis mère de famille qui utilise les guichets.
R- Non, restez là c'est bien mieux pour tout le monde, mais vous avez tellement raison, vous avez tellement raison ! Bien entendu qu'il y en a toujours plus, on peut toujours faire plus. Toute ma vie, mon expérience me l'a apprise. Du reste, à Bercy, j'essaie de donner l'exemple. A Bercy, comme vous le savez, c'est deux fonctionnaires sur trois qui partent en retraite qu'on ne remplacera pas. Pour le reste de l'Etat, l'objectif, c'est qu'à terme ce soit un sur deux ; nous, on a déjà fait deux sur trois à Bercy. Pourquoi ? Parce que j'essaie d'utiliser l'ensemble des technologies de l'information, comme vous l'indiquiez, notamment pour faciliter la perception de l'impôt, la formation. Vous savez, maintenant, avec la déclaration pré-remplie, la déclaration sur Internet, tout cela libère des postes finalement, permet d'avoir moins de moyens mis à disposition pour faire plus de services. Tout ceci va dans le bon sens. Il faut continuer, il faut poursuivre. Vous avez raison, on n'en fait jamais assez ; la bonne nouvelle c'est qu'il y en a toujours à faire. Mais il faut aussi le faire en respectant les uns et les autres, en respectant le corps social. Et donc, il faut trouver le rythme, tout est question de rythme dans la vie.
Q- Est-ce qu'il n'y a pas un petit risque de voir les collectivités locales qui sont parfois, faut-il le rappeler, un petit peu dépensières, dépenser là ce que vous économisez ici ? Les hôtels de régions sont parfois très beaux, on embauche beaucoup dans les collectivités locales. Alors on sait qu'un certain nombre d'experts disent parfois, "oui, c'est très bien l'Etat fait un effort, mais de l'autre côté, ça dépense quand même beaucoup aussi".
R- Le problème c'est qu'on voit que la fiscalité a vraiment explosé dans toutes les régions françaises.
Q- C'est l'effet de la décentralisation.
R- Le problème, c'est que si je dis cela, on va dire que T. Breton, il est trop méchant avec la gauche... Oui, toutes les régions françaises sont à gauche, je ne fais que constater que les dépenses des régions ont explosé. Donc les impôts locaux, c'est vrai, c'est une préoccupation pour le ministre de l'Economie et des Finances que je suis. Et donc, on essaie de contrôler un peu tout ça, de ramener les présidents de région à la raison, parce que cela ne pourra pas durer comme ça.
Q- Passons à un autre thème : la privatisation, le rapprochement Gaz de France/Suez. Le fameux article 10 qui permet d'enclencher le processus a été voté, sans la gauche évidemment, mais c'est quand même un grand objet de satisfaction pour vous.
R- C'est vrai qu'il a été voté hier, ce fameux article 10. On est dans la quatrième semaine de débat ; j'ai donc assisté à l'ensemble de ces débats, c'est bien normal, c'est ma responsabilité. Vraiment, vous savez, on a voulu un débat long, un débat où chacun puisse s'exprimer. Alors c'est vrai qu'au début, il y a eu un peu d'obstruction, et puis vous m'avez toujours entendu dire que je connais les élus de droite comme de gauche, ce sont des hommes et des femmes qui aiment leur pays, qui sont républicains. Alors ils ont des idées qui sont les leurs, c'est normal. Je ne partage évidemment pas toutes leurs idées, c'est une évidence - de la majorité oui, mais pas de l'opposition. Ceci dit, j'étais convaincu que la raison finirait par l'emporter ; c'est le cas. Aujourd'hui, après ce débat, l'article 10 a été voté. Donc aujourd'hui, on va maintenant finir le texte parce qu'on a encore trois articles à discuter. Et puis, j'espère que le 3, comme l'a indiqué J.-L. Debré, dans le cadre d'un vote solennel, que le texte sera approuvé à l'Assemblée nationale. On ira ensuite au Sénat et après, les entreprises pourront voir selon quelles modalités, elles peuvent se rapprocher. Je parle évidemment de Gaz de France et de Suez.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 octobre 2006