Texte intégral
Monsieur le Président Mayer (de l'association française de chirurgie),
Cher Jean-Pierre Favre (président de l'organisation de ce 108ème Congrès),
Mesdames et Messieurs les parlementaires et élus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très honoré et très heureux de pouvoir m'exprimer devant vous aujourd'hui, en ouverture de ce 108ème Congrès français de la chirurgie. Je voudrais remercier le Président Mayer et le Professeur Favre de m'en avoir donné la possibilité, en me conviant en tant qu'invité d'honneur à participer à cette séance inaugurale.
Au risque de vous surprendre, et peut-être de vous décevoir, je ne suis pas là au titre de mes grandes compétences en médecine et en chirurgie. Comme du reste la plupart des invités d'honneur de vos congrès depuis plus de trente ans, ce qui démontre à la fois votre curiosité d'esprit et votre souci de réfléchir au delà de votre expertise professionnelle. Année après année, scientifiques de renom, écrivains, hommes de théâtre et de médias, philosophes, figures du monde sportif se sont succédé à cette tribune. Je suis d'autant plus flatté d'être ici à mon tour, qu'il s'est agi à chaque fois de personnalités de très grande qualité et que le dernier responsable politique invité à prendre la parole devant vous n'était autre que Raymond Barre. Il y a 22 ans de cela.
Si j'ai répondu favorablement à votre invitation, ce n'est pas seulement parce que vous n'exigiez pas de votre invité d'honneur de compétences spécifiques en chirurgie. Ce n'est pas seulement non plus parce qu'un responsable politique hésite rarement à saisir l'occasion de pouvoir s'adresser à une assemblée nombreuse et représentative des différentes régions qui composent notre pays. C'est aussi et surtout parce que je mesure le rôle éminent que joue depuis plus d'un siècle votre vénérable société savante dans la diffusion des connaissances et des bonnes pratiques chirurgicales, comme dans le rayonnement de la chirurgie française à l'étranger.
Depuis deux ans, vous accueillez désormais le Congrès francophone de la chirurgie, portant haut et par delà nos frontières les couleurs non seulement de nos savoir-faire mais aussi de notre langue. Qu'il me soit d'ailleurs permis de saluer tous les praticiens étrangers francophones présents en ces lieux. Comme vous l'avez fait vous-même, cher Jean-Pierre Favre, je souhaiterais en particulier rendre hommage aux représentants de la chirurgie francophone venus d'Israël et du Liban. Je forme le voeu pour eux et leurs compatriotes qu'ils puissent un jour prochain connaître enfin une paix effective et durable. En tant qu'ami de ces deux pays, je me félicite des responsabilités que la France et les forces françaises ont décidé d'assumer avec l'ONU pour garantir le respect du cessez-le-feu et la sécurité des populations de part et d'autre de la frontière.
L'intérêt de votre association et de votre congrès, c'est aussi d'être les traits d'union entre les différents modes d'exercice de la chirurgie : la chirurgie civile et la chirurgie militaire, la chirurgie de l'hôpital public et la chirurgie libérale, la chirurgie générale et la chirurgie spécialisée. Notre système de santé, et plus largement notre société, souffrent d'un trop grand nombre de cloisonnements et de murs que nous devons parvenir à dépasser, et parfois à faire tomber. Nous devons apprendre à tirer bénéfice de notre diversité qui est un atout bien plus qu'un handicap. Ce n'est pas nier l'identité des uns et des autres que de tisser des passerelles et de chercher à mieux valoriser nos complémentarités. C'est au contraire conforter chacun en renforçant la cohérence d'ensemble. Voilà l'exemple que vous donnez aujourd'hui et qui doit servir de référence pour la modernisation de notre société comme pour la réforme de notre système de santé.
Vous êtes en effet des acteurs éminents de notre système de santé. Vous en incarnez à la fois toute l'excellence, toute l'espérance mais également toute la fragilité.
Toute l'excellence parce que la somme de connaissances théoriques et pratiques que vous avez dû assimiler est considérable : il faut une quinzaine d'années pour former un chirurgien. Et c'est un art où il faut savoir apprendre toute sa vie, où l'on intervient parfois dans l'urgence et où l'erreur se paie souvent cher.
Toute l'espérance, parce qu'on attend toujours beaucoup de votre intervention : elle doit réparer, elle doit faire disparaître la douleur, et dans les cas les plus extrêmes, elle doit sauver. Compte tenu de votre positionnement névralgique dans la chaîne des soins, de la technicité et de la criticité de vos opérations, c'est davantage une obligation de résultat que de moyens que le malade et son entourage font peser sur vos épaules.
Ce qui m'amène à la fragilité. Disons les choses sans détour : l'ensemble des professionnels de santé sont en proie à un malaise profond, aussi bien en ville qu'à l'hôpital, dans le public comme dans le secteur libéral. L'évolution accélérée des connaissances et des techniques médicales requiert des efforts accrus de formation et d'actualisation des compétences. A cet égard, la chirurgie est depuis plusieurs années le théâtre de révolutions considérables qui bouleversent les modes de prise en charge des malades et les pratiques professionnelles. Avec des interventions de plus en plus ciblées et de moins en moins invasives, avec des technologies de plus en plus sophistiquées et complexes. La pression des patients et de leurs proches, de mieux en mieux informés et de plus en plus exigeants, se fait par ailleurs plus forte que par le passé. L'isolement professionnel, la surcharge de travail -pour vous, les 35 heures, c'est généralement deux fois par semaines-, la succession ininterrompue des réformes et des plans de redressement qui n'arrivent pas à enrayer la dérive des dépenses et l'accumulation des déficits, les pesanteurs bureaucratiques, l'empilement des réglementations tatillonnes et des procédures kafkaïennes qui deviennent des défis au bon sens, tout cela fait partie de votre quotidien et crée des conditions de travail de moins en moins conformes à vos aspirations, de moins en moins propices à la sérénité indispensable à l'exercice de votre activité. Et je n'oublie pas non plus la réforme irresponsable et désastreuse des 35 heures à l'hôpital qui n'a fait qu'aggraver les dysfonctionnements de l'offre de soins.
La chirurgie en effet n'est pas épargnée par ces facteurs de tensions. Elle l'est d'autant moins qu'elle est victime de certains excès dans l'application du principe de précaution. La mise en cause de la responsabilité des chirurgiens est de plus en plus recherchée devant les tribunaux. Certes à une échelle moindre qu'aux Etats-Unis mais avec des condamnations plus fréquentes. Sait-on que la justice française prononce une condamnation dans un cas sur deux dont elle est saisie, contre une fois sur cinq aux Etats-Unis ? Je vais sans doute aggraver mon cas, mais j'aimerais qu'elle fasse preuve du même zèle quand il s'agit de sanctionner des délinquants, surtout lorsqu'ils sont multirécidivistes.
Cette judiciarisation croissante de votre activité, et la pression financière qui en découle, sont d'autant plus délicates à accepter et à gérer que le risque zéro n'existe pas et n'existera jamais, quels que soient votre talent et votre professionnalisme. Elles posent aussi la question du coût de vos interventions, et représentent par là une menace potentielle pour l'égalité d'accès aux soins. Les pouvoirs publics ne pouvaient rester indifférents devant cette dérive et ils ont commencé à agir. Le gouvernement a ainsi fait un premier pas en aidant les praticiens libéraux à faire face à l'augmentation de leurs primes d'assurance. Sans régler l'ensemble du problème, cela me semble aller dans la bonne direction. Sans doute faudra-t-il aller plus loin. L'idée, non pas d'une limitation des indemnités versées aux malades, mais de la définition de règles de partage du fardeau financier entre les praticiens et la collectivité, mérite à mon avis d'être creusée. Le cas échéant, le législateur ne devra pas hésiter à intervenir pour encadrer l'intervention du juge dans ce domaine. Et dans une certaine mesure, la poursuite des ajustements dans l'organisation et le fonctionnement des capacités chirurgicales sur le territoire permettront de renforcer la sécurité des soins et de réduire les aléas thérapeutiques. De toute façon, nous ne pourrons faire l'économie d'une connaissance plus fine et plus objective de la réalité des risques et de leur occurrence. Des outils d'évaluation plus précis devront donc être mis en place à cet effet car actuellement ils font défaut.
Ces difficultés que traverse votre profession, elles se lisent désormais dans la crise des vocations et la désaffection des meilleurs étudiants en médecine, qui lui préfèrent des spécialités moins contraignantes et mieux rémunérées. C'est là une tendance préoccupante pour l'avenir de notre système de santé et le renouvellement des compétences dont nous avons besoin. Elle appelle des réponses urgentes compte tenu des délais de formation d'un chirurgien.
Qui plus est, la prolongation, voire l'aggravation de cette situation nous conduiraient à priver certains pays en développement des compétences chirurgicales dont ils ont tant besoin. Nous ne pouvons nous résoudre à l'idée que le fonctionnement de nos hôpitaux et la continuité des soins reposent de manière croissante sur des praticiens étrangers au statut indéterminé et aux compétences hétérogènes. Oui, nous devons accueillir des étudiants étrangers issus de pays en développement pour les former à la chirurgie dans le cadre de nos actions de coopération. Mais ce doit être dans l'objectif qu'ils puissent faire bénéficier de leur art les populations de leur pays d'origine. Et cet objectif ne doit pas être dévoyé pour pallier les insuffisances et les dysfonctionnements de notre système de santé.
Quoi qu'il en soit, la situation des milliers de praticiens et étrangers ou d'origine étrangère qui ont été recrutés dans des conditions dérogatoires devra être réglée. Par respect pour eux et pour leurs patients, je souhaite qu'une procédure nationale de vérification de leurs connaissances professionnelles et de leur maîtrise de notre langue soit rapidement instaurée sur la base de l'équité avec les exigences imposées aux praticiens et aux étudiants français. Le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale doit nous en fournir l'occasion.
Parallèlement, nous devons restaurer l'attractivité de la chirurgie. Quand je parle de la chirurgie, je ne veux pas seulement parler des chirurgiens. Je pense aussi à toutes celles et tous ceux qui font partie des équipes d'intervention, car la chirurgie se pratique essentiellement en équipe : il y a aussi les médecins et infirmière anesthésistes, et il y a bien sûr les infirmières de bloc. Preuve en est que votre Congrès a veillé à les associer et à leur faire une place aux côtés des chirurgiens. La qualité et la sécurité de vos interventions dépendent en effet de la valeur de chaque membre de l'équipe.
En dehors des problèmes de responsabilité dont j'ai déjà parlé, et qui avec l'aide des pouvoirs publics doivent trouver de solutions, il y a la question de la revalorisation des rémunérations. J'y suis favorable, aussi bien dans le secteur public que dans le privé. Pour répondre à cette demande légitime, je propose une démarche gagnant-gagnant où cette revalorisation ira de pair avec une véritable culture de la transparence, de l'évaluation et du résultat. Dans mon esprit, cela vaut d'ailleurs plus largement pour l'ensemble des professions de santé. Ainsi, pourquoi ne pas ouvrir de nouveaux espaces de liberté tarifaire aux médecins, dont les chirurgiens, qui accepteraient une évaluation régulière de leurs pratiques et de leur obligation en matière de formation continue. Cette liberté plus grande serait alors encadrée selon des modalités définies au niveau national qui pourraient varier selon les spécialités. Elle devrait associer les complémentaires qui seraient appelées à prendre en charge une partie des dépassements autorisés. A condition de renforcer les aides à l'acquisition d'une complémentaire, cette liberté tarifaire régulée, conditionnée et surtout transparente, qu'on l'appelle secteur optionnel ou autrement, ne remettrait pas en cause l'égalité d'accès aux soins. Elle suppose toutefois que l'on donne la possibilité aux complémentaire de prendre une part plus active à la régulation des soins. Les pouvoirs publics doivent donc cesser de les cantonner dans un rôle de "payeurs aveugles".
Je suis également très attaché à ce que l'ascenseur social soit remis en mouvement dans notre système de santé. Cela concerne en particulier les infirmières et infirmiers. Il est temps que leur diplôme soit reconnu comme une licence professionnelle de niveau bac+3. Certaines infirmières spécialisées et expérimentées doivent en outre pouvoir prétendre au niveau Master (bac+5), grâce notamment à la validation des acquis de l'expérience conjuguée, au besoin, à des formations complémentaires. Cette reconnaissance des qualifications, qui devrait logiquement se traduire dans les rémunérations, pourrait notamment servir de point d'appui à des délégations plus poussées d'actes diagnostics et thérapeutiques.
L'attractivité de vos métiers dépend en outre de la qualité des conditions de travail qui vous sont offertes. Cela renvoie principalement à deux questions : le fonctionnement de l'hôpital qui doit être amélioré, l'organisation et la répartition des capacités hospitalières qui doivent être repensées.
L'hôpital public fonctionne mal. Ce n'est pas tant la faute des personnels qui aiment leur métier et font généralement preuve d'un dévouement et d'une abnégation tout à fait remarquables. C'est que l'hôpital n'est tout simplement pas conçu pour bien fonctionner : il n'y a pas de patron ou plutôt il y en a beaucoup trop; les règles de gestion, trop centralisées, sont excessivement rigides et parfois archaïques; les systèmes d'information sont défaillants et insuffisamment mobilisés; les coûts sont mal maîtrisés parce que mal connus; et les établissements ne disposent pas d'une autonomie suffisante.
Voilà pourquoi je plaide pour le renforcement de la souplesse de gestion et de l'autonomie des hôpitaux. L'unité de pilotage et de gestion des établissements doit être consolidée autour d'équipes de direction responsabilisés, dotées des moyens de définir et de conduire une véritable politique d'établissement. Il faut également lutter contre la bureaucratie inutile, en diminuant l'intervention de l'échelon central, en allégeant les procédures et en simplifiant les structures qui ont eu tendance à proliférer ces derniers temps.
Et il est devenu impératif de mettre en place les outils d'une gestion plus dynamique et plus fluide des ressources humaines. Cela passe par le desserrement de l'étau statutaire, la diversification des modes de recrutement et des déroulements de carrières, la modulation des rémunérations en fonction de l'activité et du mérite. Cela implique aussi et surtout que les conditions d'application des 35 heures soient complètement revues. Pour redonner des marges de manoeuvre aux établissements et améliorer leur productivité -ce mot ne me fait pas peur et je ne vois pas en quoi l'utilisation de l'argent de la collectivité, c'est-à-dire celui du contribuable et de l'assuré social, devrait échapper à cette exigence d'efficacité de la dépense. Cela n'a rien à voir avec de l'idéologie. Pour permettre aussi aux personnels qui le souhaitent de gagner plus en travaillant davantage, dans le respect évidemment des limites imposées par la sécurité des malades.
Dans le secteur d'activité qui est le vôtre, la sécurité et la qualité des soins passent ensuite par une meilleure organisation des capacités hospitalières. C'est là aussi une condition forte de l'amélioration de vos conditions de vie et de travail. C'est la raison pour laquelle il faut encourager les mises en réseau et les rapprochements entre les établissements. En chirurgie, la sûreté des interventions et des gestes pratiqués exige un volume critique d'opérations, tout comme l'optimisation des plateaux techniques et des équipements qui le composent. L'enjeu n'est pas seulement sanitaire, il est également économique. Ce regroupement des compétences et des moyens seront en outre de nature à réduire les contraintes de disponibilité liées à la permanence des soins. Je le dis clairement : dans l'intérêt de la population comme des professionnels de santé, il ne faut pas essayer de maintenir coûte que coûte des unités chirurgicales dans les petits établissements. D'autant que la fermeture de ces petits établissements peut être évitée si on les reconfigure autour des missions de prise en charge de proximité, de soins de suite et de permanence des soins.
Avec ces réseaux de soins qui pourraient s'organiser dans un cadre régional, nous devons oeuvrer ensemble à faire tomber les cloisons entre les différentes composantes de notre système de soins : l'hôpital public, les cliniques privées et la médecine de ville. Entre ces composantes, il y a aujourd'hui trop de distance et de défiance, pas assez de synergie et de confiance. Si nous voulons gagner en cohérence et en efficacité, si nous voulons préserver la liberté de choix et l'égalité d'accès aux soins, il est nécessaire que tous acceptent de se considérer comme des partenaires au service de la santé des Français.
L'hôpital privé doit être associé aux missions de service public, y compris les urgences, tandis que l'hôpital public ne doit pas être fâché avec les notions de performance et de rentabilité. Il y a des médecins du secteur public qui ont des activités libérales, et des praticiens libéraux doivent pouvoir travailler en hôpital public. Pourquoi du reste ne pas envisager que le secteur libéral puisse participer à la formation des praticiens? La médecine de ville et l'hôpital doivent par ailleurs réapprendre à travailler ensemble. Pour quelle raison par exemple l'hôpital n'est-il toujours pas intégré dans les parcours coordonnés de soins? C'est une évidence quand on sait que les patients évoluent dans la chaîne des soins en passant indifféremment et fréquemment d'une composante à l'autre, quand on sait encore que les progrès des techniques chirurgicales, en raccourcissant les durées d'hospitalisation, intensifient les échanges entre l'hôpital et le secteur ambulatoire. Quand on sait encore les transferts d'activité qui s'opèrent parfois subrepticement d'une composante à l'autre. Mettons la même énergie à valoriser les complémentarités que nous l'avons fait jusqu'ici à cultiver les différences ! Et n'ayons pas peur de l'émulation et de la diversité, sans lesquelles il n'y a d'égalité que par le bas et dans l'uniformité. Ce que je veux pour mon pays et nos concitoyens n'est pas différent de ce que vous voulez pour vos malades : l'excellence accessible à tous.
Pour favoriser ces évolutions, je crois qu'il nous faudra encore progresser dans la cohérence d'ensemble de notre système de santé et de l'architecture de son pilotage. C'est ainsi que je soutiens la création d'agences régionales de santé qui ont notamment vocation à regrouper les ARH, les DRASS, les DDASS et les URCAM. Ces agences seront chargées de mieux adapter l'organisation et le financement des politiques de santé aux spécificités territoriales. Elles permettront d'intégrer davantage les préoccupations des différents acteurs : les financeurs, les professions de santé, les collectivités locales, la médecine de ville et l'hôpital.
Au niveau national, je souhaite que l'animation et le pilotage de ces agences régionales soient unifiés et organisés autour d'une agence nationale de santé. Placée sous l'autorité du ministre de la santé et présidée par lui, elle aurait la responsabilité de l'organisation et du financement du système de santé dans son ensemble. Elle regrouperait notamment l'UNCAM et une partie de l'administration du ministère, DGS, DHOS et direction de la sécurité sociale en particulier, dont les structures propres seraient en conséquence redimensionnées et allégées. Les partenaires sociaux et les professionnels de santé auraient bien sûr toute leur place dans cette nouvelle organisation. Cela aurait notamment pour avantage d'insuffler plus d'intelligence collective dans le système. En mettant fin au morcellement et à la dilution des responsabilités d'une part, aux multiples clivages qui entravent la bonne marche de notre système de soins d'autre part.
Je voudrais enfin vous faire partager quelques convictions fortes sur l'avenir de nos politiques de santé.
Je crois d'abord que la santé doit rester au premier rang des priorités de notre pays. C'est à l'évidence une préoccupation de tous les instants pour chacune et chacun d'entre nous. Ce n'est pas seulement une source de dépenses et de tensions pour les finances publiques, c'est aussi un secteur d'activité stratégique pour notre pays, son économie, ses emplois, sa recherche scientifique et son potentiel d'innovation. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu que la formation politique que je préside consacre en juin dernier l'une de ses conventions thématiques à la santé. Cette convention a été très riche en débats et en propositions. Et elle nous aura permis d'avancer très substantiellement dans l'élaboration de notre projet politique dans ce domaine.
Je crois ensuite que s'il n'est ni réaliste ni souhaitable de dépenser moins dans ce domaine, il est en revanche possible de dépenser mieux. Chacun sait le poids des gaspillages, des abus et des fraudes dans la dérive des finances de l'assurance-maladie. Certaines études évoquent même des chiffres voisins, voire supérieurs, au déficit actuel. Il faut mettre un terme à tout cela. La générosité de notre protection sociale et la grande liberté que notre système de santé laisse à ses acteurs, patients et praticiens, commandent que chacun assume ses devoirs et fassent preuve de responsabilité. Mais ce rééquilibrage entre les droits et les devoirs sera d'autant plus légitime et efficace que les efforts seront équitablement partagés, que les résultats atteints pourront être connus et débattus en toute transparence, que chacun pourra voir la qualité de son implication récompensée et sa négligence symétriquement sanctionnée.
Nous le devons aux contribuables dont les prélèvements obligatoires financent ces dépenses. Nous le devons aux malades d'aujourd'hui et de demain, car les marges de manoeuvre obtenues grâce à une gestion plus rigoureuse et plus efficace permettront de garantir à tous l'accès au progrès médical et aux nouveaux traitements. Nous le devons aux professions de santé qui doivent pouvoir bénéficier de rémunérations à la hauteur de leurs compétences et du travail fourni.
Je crois enfin qu'il faut remiser cette illusion de la réforme définitive censée régler tous les problèmes une fois pour toute. Des réformes, notre système de santé en a connu près d'une vingtaine au cours des 30 dernières années. Les paramètres de notre système de santé évoluent très vite et en permanence, qu'il s'agisse des connaissances et des technologies médicales, des pathologies, des attentes de la population, des aspirations des professionnels de santé et des grands enjeux de santé publique. D'où la nécessité de dédramatiser le mouvement de réforme pour qu'il s'opère de manière plus fluide et moins heurtée. D'où l'importance de créer les conditions d'une concertation permanente avec l'ensemble des acteurs sur les inflexions à apporter. Le changement ne sera en effet possible qu'avec l'adhésion et le concours des professionnels de santé. Nous ne le ferons pas sans elles et encore moins contre elles.
Le processus de réforme engagé en 2004, même s'il a déjà permis des avancées décisives qui commencent à porter leurs fruits, devra donc être poursuivi. Pour assurer la soutenabilité financière de notre système, donc garantir sa pérennité. Pour mieux lutter contre les inégalités géographiques et sociales qui se développent. Pour remédier aux carences et aux anomalies sanitaires qui demeurent ou qui se font jour : la surmortalité de notre jeunesse, l'augmentation du nombre des cancers, la surconsommation de médicaments ou les insuffisances de nos politiques de prévention. Pour affronter les nouveaux problèmes que nous posent le vieillissement, l'obésité, les maladies neuro-dégénératives, la dégradation de l'environnement et son impact sur la santé humaine. Pour redynamiser enfin notre recherche médicale et conforter son rang dans le monde.
Mesdames et Messieurs, je ne doute pas que la chirurgie, demain comme aujourd'hui, jouera un grand rôle dans la transformation de notre système de santé. Les valeurs et les qualités que vous incarnez, la passion, la rigueur, la quête de l'excellence, le sens des responsabilités mais aussi l'humilité et l'aptitude à se remettre en question, seront incontestablement des atouts précieux pour relever l'ensemble de ces défis.
Je vous remercie de votre attention, en souhaitant plein succès aux travaux de votre congrès. Source http://www.u-m-p.org, le 2 octobre 2006