Texte intégral
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un plaisir et une satisfaction de vous présenter le rapport sur l'état de l'environnement élaboré par l'IFEN, l'Institut Français de l'Environnement, quatre ans après sa précédente édition.
Il s'agit d'un travail considérable qui a mobilisé les personnels de l'IFEN pendant plus d'une année.
Le résultat est à la hauteur des efforts réalisés, et je souhaite publiquement remercier l'IFEN.
Cette information, complète et transparente, répond à une obligation prévue par la convention d'Aarhus et par la directive européenne sur l'accès du public à l'information en matière d'environnement, directive que j'ai transposée en droit français fin 2005.
Son principe est, vous le savez, inscrit depuis 2005 dans notre Constitution, grâce à la Charte de l'environnement.
Il est en effet, à mes yeux, essentiel que les responsabilités environnementales de tous puissent s'appuyer sur des informations fiables, sans simplification abusive. C'est pourquoi, malgré la complexité et l'étendue du champ de l'environnement, cet ouvrage se veut clair et didactique. Pari difficile qui me semble gagné.
Ce Rapport sur l'état de l'environnement dresse un bilan sans concession des progrès ou des dégradations de l'environnement survenus depuis sa précédente édition en 2002 et il met en évidence les problèmes émergents.
Je laisserai au directeur de l'IFEN, Bruno TREGOUET, le soin de détailler le contenu du rapport, mais je voudrais mettre en lumière les quelques idées fortes, qui s'en dégagent et orientent la politique écologique du Gouvernement.
De manière générale, les situations les plus critiques de forte pollution localisée se sont beaucoup améliorées.
Les pollutions ponctuelles importantes sont pour l'essentiel maîtrisées. Il subsiste quelques difficultés, qui relèvent, soit de pollutions historiques, soit de l'exception, qu'il faut traiter.
Les efforts réalisés depuis 30 ans, avec notamment la Loi de 1976 relative aux installations classées, ont porté leur fruit. Il faut bien entendu les poursuivre.
Mais nous devons aujourd'hui faire face à des problématiques moins visibles et plus insidieuses. Les milieux naturels subissent une multiplicité d'agressions qui, additionnées, les dégradent partout.
On voit aujourd'hui à la fois moins de tronçons de cours d'eau de très mauvaise qualité, mais aussi beaucoup moins de lieux où les milieux aquatiques sont en très bon état, signe d'un recul général des ressources naturelles.
La loi sur l'eau qui sera adoptée définitivement d'ici la fin de l'année permettra notamment de mettre en œuvre les politiques nécessaires à la reconquête du bon état écologique des milieux aquatiques.
Le plan de réduction des risques liés à l'utilisation de pesticides, lancé en juillet dernier, constitue également une des nombreuses réponses apportées par le Gouvernement.
Il porte une ambition forte, matérialisée notamment par un objectif de réduction de 50 % des quantités vendues de substances actives les plus dangereuses.
Concernant la lutte contre les émissions diffuses de CO², les étiquettes énergie, les crédits d'impôts en faveur des véhicules propres, le développement de l'offre de transport public, sont autant de moyens de réduire ces nuisances et d'améliorer la qualité de vie de nos concitoyens.
Le développement de l'urbanisation, et en particulier de la périurbanisation, diminue l'espace disponible pour les espèces sauvages, détruisant des habitats et rendant plus difficile leurs connexions, ce qui a des effets très négatifs sur la biodiversité et les paysages.
Les zones artificielles couvrent désormais 8% du territoire métropolitain alors que, 10 ans auparavant, elles n'en couvraient que 7%. Cette augmentation peut paraître faible mais cela représente, chaque année, 60 000 hectares perdus.
C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place un groupe de travail sur la reconquête du péri-urbain. Je souhaite réunir d'ici la fin de l'année le Conseil national du paysage afin de lui présenter un plan de reconquête.
Face à cette somme d'agressions quotidiennes, les outils utilisés contre les pollutions importantes se révèlent peu adaptés.
Au delà du respect de la réglementation, la mise en place de normes sur les équipements, comme celles sur les émissions des véhicules, les incitations financières, mais surtout la prise de conscience, par chaque citoyen, du rôle qu'il joue dans la bonne santé de notre environnement, permettront de faire face à ces nouvelles problématiques.
C'est le sens du pacte national pour l'environnement proposé par le Premier ministre.
Parallèlement, de nouvelles problématiques émergent. Certains sujets, qui étaient peu présents dans les rapports précédents apparaissent dans celui-ci.
Des produits phytosanitaires peuvent être présents dans l'air en périphérie des agglomérations.
De nouveaux polluants, comme les médicaments, apparaissent dans les eaux. Même le changement climatique, sujet ô combien prégnant, ne faisait pas l'objet d'un chapitre en 2002 !
Il y a, dans les politiques de l'environnement, une part essentielle de vigilance sur les problématiques émergentes.
La prise en compte des travaux de la recherche doit être rapide, mais proportionnée au risque.
La mise en œuvre du principe de précaution, tel qu'il a été défini après de longs débats dans la Charte de l'Environnement, donne une méthode efficace et équilibrée pour ce faire.
Heureusement, l'importance de l'environnement dans les politiques publiques s'accroît.
C'est évidemment un point essentiel. L'emblème en est la Charte de l'environnement, adoptée le 28 février 2005. Voulue par la Président de la République, de valeur constitutionnelle, elle crée des droits et des devoirs qui désormais orientent nos actions : principes de prévention, de précaution, de responsabilité et d'information. Son adoption a déjà et aura dans l'avenir des conséquences sur l'action publique et le comportement de tous les acteurs.
D'ores et déjà, l'action renforcée de l'Etat s'est traduite par la transposition de toutes les directives européennes qui dépendent de mon Ministère. Nous n'avons plus aucun retard de transposition et ce résultat redonne du crédit à la parole de la France.
Il se traduit aussi par un Budget du service public de l'environnement en augmentation en 2007 de presque 10% par rapport à 2006.
Nous répondons aux 3 enjeux essentiels que décrit le rapport de l'IFEN.
Tout d'abord, le changement climatique.
La planète se réchauffe et nous en sommes tous conscients.
La question du changement climatique est un défi pour nos comportements, nos modes de consommation et de production.
Notre société doit devenir plus économe en carbone.
Il est impératif de diminuer notre consommation d'énergie fossile pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
La loi d'orientation sur la politique énergétique fixe, au delà du protocole de Kyoto, l'objectif de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050.
Pour cela, nous devons agir à la fois sur la production et sur la consommation d'énergie.
La France est un pays riche en ressources énergétiques renouvelables.
Le potentiel hydraulique de la France est exploité de longue date et la place en tête des pays européens pour la production d'hydroélectricité.
Elle possède le second gisement éolien d'Europe et présente d'importantes capacités pour le solaire et le bois-énergie.
Fort de ce potentiel, nous encourageons la production d'énergie d'origine renouvelable, notamment en relevant les prix de rachat de l'électricité d'origine renouvelable.
Les résultats sont là. L'éolien, en particulier, a vu sa production progresser de plus de 40 % chaque année depuis 2003.
La France s'est aussi résolument engagée dans le développement des biocarburants en anticipant l'objectif européen.
7 % de biocarburant seront intégrés dans les carburants d'ici 2010. La mise en place du E85 dès 2007 devrait encore accélérer cette montée en puissance.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, nous serons très vigilants à ce que la production de ces biocarburants soit exemplaire et se fasse dans de bonnes conditions environnementales.
A l'horizon 2010, les énergies renouvelables devront fournir 21 % de la consommation intérieure totale d'énergie.
Dans ce cadre, la maîtrise de la demande d'énergie est primordiale.
L'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments est une mesure forte de l'actualisation du plan Climat.
En plus des crédits d'impôts existants, des moyens financiers sous forme de prêts bonifiés aux particuliers et aux sociétés de HLM vont être prochainement mobilisés à cette fin. Le relèvement du plafond des dépôts sur le nouveau "livret de développement durable" qui succède au CODEVI, les portant de 4 600 à 6 000 euros, permettra de mobiliser 10 milliards d'euros en faveur de prêts écologiques.
Premier consommateur de produits pétroliers, le secteur des transports est également un objectif important.
J'ai proposé que les futures normes européennes d'émission des véhicules intègrent le CO².
La mise en place de l'étiquette énergie pour les véhicules et, dans quelques semaines, les logements, va donner aux Français les moyens d'intégrer cette préoccupation dans leurs achats.
Deuxième enjeu essentiel à mes yeux : l'érosion de la biodiversité.
La Charte de l'environnement nous rappelle "Que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel".
Or, les activités humaines menacent la biodiversité et le changement climatique accentuera ces impacts.
Des espèces animales et végétales sont menacées : en métropole, c'est par exemple le cas de 14% des vertébrés.
Des espèces, qui hier étaient banales, pourraient à l'avenir devenir rares : les populations d'oiseaux communs des milieux agricoles ont par exemple reculé de 27% au cours de ces quinze dernières années.
La France possède en métropole et surtout outre-mer un patrimoine naturel exceptionnel.
Cette richesse du patrimoine confère à la France une responsabilité de premier plan.
Pour faire face à l'érosion de la biodiversité et respecter l'objectif ambitieux d'arrêt de la perte de biodiversité d'ici à 2010, nous utilisons et modernisons de nombreux outils pour protéger les milieux naturels.
2006 a vu l'achèvement du réseau Natura 2000. En plus de régler un contentieux européen, les zones proposées à ce titre sont un atout pour nos territoires.
Des moyens sont en effet dégagés pour permettre à leurs usagers de les gérer dans le respect des équilibres écologiques.
La Loi sur les parcs nationaux a été votée en avril dénier. 7 parcs nationaux assurent la conservation de milieux exceptionnels. Mais aucun nouveau projet n'arrivait à émerger.
La nouvelle Loi accroît le rôle des élus locaux dans la création et la gestion de ces espaces naturels afin qu'ils puissent s'emparer de la bonne gestion de ces biens publics.
La dynamique qu'elle a engagée permettra très rapidement la création de 2 parcs nationaux supplémentaires en Guyane et à la Réunion, ainsi que la création du premier parc naturel marin, celui de la Mer d'Iroise.
Au delà de la gestion des milieux exceptionnels, la biodiversité est l'affaire de tous, c'est pourquoi la France s'est dotée en 2004 d'une stratégie nationale. La mise en œuvre de cette stratégie passe par 10 plans d'actions interministériels adoptés en 2005 et 2006.
Troisième enjeu : les ressources non renouvelables.
Il est de notre devoir d'assurer aux générations actuelles et futures, l'accès au progrès économique et social, tout en préservant, sur le long terme, les ressources naturelles et énergétiques.
Il nous faut être vigilant.
Ce n'est pas seulement pour limiter les émissions de gaz à effet de serre ou la dégradation de la biodiversité, mais aussi du fait de la perspective de la raréfaction des énergies fossiles, des ressources halieutiques, de la qualité des sols, que nous devons être économe en ressources.
Il est notamment important de réutiliser autant que possible nos déchets.
C'est le sens de la création des filières de recyclage des déchets, dont la plus récente est celle des déchets électroménagers électriques et électroniques et qui vient s'ajouter à celle des pneumatiques, emballages ou véhicules hors d'usage.
Parallèlement, j'ai fixé l'objectif que les déchets non recyclés passent dans notre pays de 290 kg par habitant et par an aujourd'hui à 250 kg dans 5 ans et 200 dans 10 ans.
Pour conclure sur une note positive, il me semble que ce rapport confirme le succès des politiques menées pour lutter contre les pollutions localisées.
Il montre cependant que le défi actuel est de diminuer la pression due à des dizaines de millions d'agressions quotidiennes contre l'environnement, qui, au total, le dégradent fortement.
L'action que le Gouvernement a mené ces dernières années a donné une inflexion pour y répondre dans la durée, en rendant la notion de développement durable désirable, et en mettant en route les acteurs économiques et les institutions. Elle vise aussi à ce que chacun soit conscient qu'"il n'y a pas de petits gestes quand on est 60 millions à le faire" et à ce que les Français aient les moyens d'agir au quotidien en choisissant le bon geste pour l'environnement.
Je vous remercie de votre attention et cède la parole à Bruno TREGOUET.
Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 18 octobre 2006