Texte intégral
Q- Revenons sur les pompiers, hier ; est-ce que vous avez croisé deux députés Papous à l'assemblée nationale ?
R- Je les ai vus à la tribune du public de l'assemblée nationale. Ils sont d'ailleurs restés très longtemps et très attentifs à nos débats et impassables d'ailleurs.
Q- L'un est chef de guerre, l'autre chef de paix ; ils sont donc visités l'assemblée nationale et quand ils sont sortis, ils ont eu, face à face les pompiers casqués et la policiers casqués. "Mais pourquoi s'affrontent-on quand on est de la même tribu ?", ont-ils demandé ces Papous. Qu'est-ce que vous voulez dire au lendemain de ces affrontements ?
R- Cette réflexion est pleine de sagesse. Elle montre à quel point, en France, l'autorité de l'Etat est bafouée et à quel point elle ne fonctionne plus, parce que l'autorité, elle n'est plus respectée de façon automatique, cela veut dire qu'il y a quelque chose qui ne marche plus dans notre pays. Cela me rappelle un triste évènement, avant l'élection présidentielle de 2002 : L. Jospin était Premier ministre, J. Chirac Président. C'était une manifestation un peu du même type, gendarmes contre policiers sur les Champs Elysées. Cela m'avait beaucoup choqué, cela m'avait beaucoup troublé et je regrette cette violence mais je pense qu'elle est le résultat d'une absence de dialogue et de négociations, parce que les policiers sans doute ont fait leur travail, mais les pompiers... je n'accepte pas les manifestations violentes, en tout état de cause, je les condamne. Il faut être exemplaire, surtout quand on exerce un métier comme les sapeurs pompiers mais ils sont une revendication qui devrait être traitée par la voie de la négociation. Ils demandent depuis des semaines que l'on ouvre une négociation, et N. Sarkozy qui est responsable de la sécurité civile, leur refuse. Je pense que ce serait plus simple d'ouvrir une négociation, il ne s'agit pas de dire "oui" automatiquement à toutes les revendications, mais enfin de dialoguer, ce qui n'a pas été fait.
Q- Ils demandent 70 euros et ils demandent la retraite à 55 ans et que l'on considère leur métier comme un métier à risques.
R- Le problème des sapeurs pompiers, et l'on ne va pas polariser sur l'âge de la retraite, et on va dire pourquoi 55 ans, quand les autres c'est soixante ans. Je peux comprendre la réaction immédiate, simplement pour bien connaître le problème des sapeurs pompiers comme maire, et tous les Français ont beaucoup d'admiration pour eux, quand il y a un accident, quand il y a un incendie, ils sont là, ils ne ménagent pas leur peine, ils prennent des risques et certains meurent au combat contre le feu et contre les accidents. L'indemnité, personne ne trouvera cela scandaleux : pourquoi est-ce qu'on ne leur accorde pas alors qu'on l'accorde à d'autres fonctionnaires qui vont travailler dans des zones à risques ? Mais le problème qu'il pose, c'est celui du vieillissement. Lorsque vous êtes sapeur pompier et que vous dépassez l'âge de 50 ans et que vous devez partir en mission de feu, vous allez monter sur des échelles, très haut, parfois sur des bâtiments en feu et avec une lance à incendie, pénétrer dans des appartements en fumée. Très souvent, lorsque l'on dépasse un certain âge - 52, 53 ans -, le chef de mission n'envoie plus tel ou tel personne parce qu'elle n'est plus apte physiquement ou psychologiquement. Donc la question qu'ils c'est qu'est-ce que l'on fait à partir d'un certain âge, comment peut-on éventuellement avoir une autre évolution de carrière que d'être un sapeur pompier en attente de faire quelque chose ? Donc ils posent la question, je crois qu'elle est légitime. Ils font partie de ce que l'on appelle la fonction publique territoriale, on pourrait envisager pour eux, à partir d'un peu plus de 50 ans, 53, 54 ans, des missions différentes, par exemple de l'éducation, de la prévention sur tout ce qui concerne les questions de sécurité. Si on leur maintenait un certain nombre d'avantages, je pense qu'à ce moment-là, on répondrait à leur attente. Et c'est sur cette question-là qu'il faut absolument ouvrir des négociations, demander la reconnaissance de la dangerosité de leur métier. Je pense que c'est une évidence, mais à partir de là, si c'était accepté sur le principe, bien des portes pourraient s'ouvrir, bien des solutions pourraient être envisagées.
Q- On aborde trois sujets : les parrainages, évidemment G. Frêche et la discussion du projet de loi sur la délinquance. Les parrainages, très vite, faut-il ne pas rendre publics les parrainages des maires ? Etes-vous pour la publicité ?
R- Je suis pour la transparence. Un maire est maire parce qu'il a reçu un mandat de ses électeurs. Donc il est bien normal que les électeurs sachent pour qui il signe pour l'élection présidentielle. Cela ne veut pas dire qu'il soutient forcément le candidat mais quand il signe, il doit assumer sa décision, il ne doit pas avoir peur de la faire savoir.
Q- Déni de démocratie si Besancenot et Le Pen ne peuvent pas être candidats ?
R- Je crois que s'ils ont suffisamment d'appui dans le pays, ils ne devraient avoir aucun problème pour trouver des signatures. Quand je vois Besancenot qui se plaint que le PS ne donne pas mandat à ses élus de signer pour Besancenot ! On a raison, on a parfaitement raison ! En 2002, certains maires socialistes ont signé pour Besancenot, cela ne l'a pas empêché, une fois candidat, de taper à bras raccourcis sur le PS. Ce qu'il continue de faire aujourd'hui. On a besoin de cohérence et de clarté, là encore : les élus socialistes signeront pour la candidate du PS.
Q- Parlons de G. Frêche. Vous avez posé la question : est-ce que vous êtes favorable à l'exclusion de G. Frêche ? Celui-ci se défend et dit que 90 % des gens normaux pensent à peu près comme lui, qu'il n'a pas à s'excuser. Il dit que son idéal c'est une équipe Black,Blanc, Beur, avec toutes les couleurs de la société française, qu'une équipe où il n'y aurait que des Noirs, ce n'est pas une équipe de France, que ce n'est pas une question de Blanc ou de Noir, que la France est faite de Blancs, de Noirs, de Jaunes, et manifestement, ce n'est pas une équipe équilibrée aux couleurs de la France. Voilà ce qu'il a déclaré, hier encore.
R- Il est dans le rattrapage, le mal est fait. Ce qui a été retenu comme premier message, c'est qu'il y avait trop de Noirs dans l'équipe de France et c'est une blessure. Je pense que ces propos sont profondément choquants ; moi, j'ai réagi immédiatement. Il n'est pas novice G. Frêche, il a beaucoup d'expérience, il doit mesurer ses paroles. C'est un élu qui représente une région, il a été maire de Montpellier et il a d'ailleurs été un excellent maire de Montpellier, il faut le dire. Mais je ne comprends pas ce qui se passe. Il a tenu des propos pareils sur les Harkis. J'ai réagi immédiatement ! Je pense qu'il y a des moment où il ne faut pas accepter certaines dérives de langage, parce que dérive de langage c'est aussi dérive des idées, dérive des valeurs et après, il n'y a plus de repères, on n'y comprend plus rien. Je pense aux jeunes par exemple, qui ont besoin de repères aujourd'hui. Quand on parle comme cela, on ne sait plus où l'on habite. G. Frêche dit qu'il ne veut pas gêner le PS, eh bien s'il ne veut pas le gêner, il n'a qu'a démissionné du PS.
Q- Vous êtes favorable à son exclusion ?
R- S'il veut être exemplaire, qu'il se mette en congé du PS. F. Hollande a décidé de saisir la commission des conflits. Dans notre parti, on a des règles, c'est comme une sorte de tribunal interne, c'est lui qui va juger. J'espère que le jugement sera juste, bien sûr, après avoir entendu toutes les parties, on fait les choses en règle. Mais la bonne logique, c'est qu'il soit sanctionné.
Q- Si les propos sont confirmés, faut-il l'exclure du parti ?
R- Oui, parce qu'on ne peut être à la fois socialiste, parler au nom des valeurs du PS, de la gauche, de la République et continuer à tenir des propos comme ça. Ou alors, on fait autre chose ; ou alors, on ne se revendique plus du PS.
Q- Ecoutez ce que répond G. Frêche lorsqu'on lui parle d'exclusion [Passage-antenne de G. Frêche]. Il dit qu'il y a un certain nombre qui veut sa peau depuis toujours, parce qu'il est un type qui n'est pas dans la norme. Il menace qu'il pourrait semer la panique...
R- Je trouve cela lamentable, qu'est-ce que vous voulez que je dise ? C'est quelqu'un qui dérape, qui dérape et qui continue de déraper.
Q- Les propos de G. Frêche auraient été sortis de leur contexte, nous dit l'auditeur Kamel, 20 ans, qui appelle des Pyrénées Orientales...
R- On a décidé qu'il y aurait une commission des conflits ; je vous ai dit dans quelles conditions elle se réunissait. Tous les éléments du dossier seront présentés parce que c'est une sorte de tribunal, mais qui doit juger en toute équité. Malgré tout, le mal est fait.
Q- Les socialistes n'ont-ils pas peur que G. Frêche ressorte les vieux dossiers ; y a-t-il encore de vieux dossiers ?
R- Je n'en sais rien. En tout cas, cela me choque beaucoup qu'il utilise ce type de chantage et, en tout état de cause, cela ne me fera pas bouger sur le respect des principes. On ne peut s'engager en politique sans avoir un certain nombre de principes et c'est cela qui donne du sens à l'action.
[ 8h45 ]
Q- Le ministre de l'intérieur a-t-il un bon bilan ou pas ? Vous allez me dire mauvais !
R- Vous savez, c'est très contesté. D'ailleurs, depuis ce matin, les SMS des auditeurs de RMC ont évolué, c'était 50/50, cela monte un peu... C'est très intéressant parce que le bilan est effectivement très contrasté. On ne peut pas dire que N. Sarkozy n'ait pas eu un discours de fermeté, d'autorité, etc. mais quand on regarde dans le détail, son bilan n'est franchement pas extraordinaire et parfois même extrêmement négatif. Là, on est en train d'examiner à l'assemblée nationale, un texte qui s'appelle "loi sur la prévention de la délinquance". Ce n'est pas un texte sur la prévention de la délinquance, on parle surtout de répression de la délinquance des mineurs, ce qui est un problème en soi mais la prévention, il n'en est pas question dans ce texte, pratiquement. Ce que je voudrais dire c'est que le fait d'examiner ce texte est un échec pour N. Sarkozy : c'est le sixième texte sur la délinquance depuis qu'il est ministre de l'intérieur, c'est-à-dire depuis moins de cinq ans ! Pourquoi le sixième texte ? On n'a jamais vu cela ! Pourquoi autant de lois, si ce n'est pas le constat d'un échec ? Je vais vous donner...
Q- Echec collectif, pardonnez-moi, c'est un échec de la gauche et de la droite !
R- Eh bien, justement. Moi, ce que j'aimerais bien, c'est que l'on n'arrête de prendre la sécurité et l'insécurité en otage du débat politique. Pourquoi ce sixième texte ? Et maintenant ? Parce que N. Sarkozy veut mettre au coeur de sa démarche présidentielle la question de la sécurité, alors que son bilan n'est pas terrible. Il veut encore une fois, comme en 2002, s'en servir électoralement, mais je ne suis pas sûr que cela le servira. Quand on regarde les sondages, on s'aperçoit que cela justifie surtout les thèses de Le Pen. J'aimerais qu'à l'occasion de l'élection présidentielle, on recherche les conditions d'un consensus républicain sur la sécurité, pas pour s'en servir comme otage.
Q- C'est-à-dire que l'on s'installe tous autour de la même table ?
R- Oui, une sorte de paix des braves sur la sécurité, un pacte de non agression, comme je le dirai cet après-midi à l'assemblée nationale, parce que le problème de l'insécurité est un problème grave. Il y a la délinquance des mineurs, il y a l'économie souterraine, il y a tous ces problèmes qui pourrissent la vie des gens. Et cela, dans beaucoup de pays, c'est l'objet d'un accord national. On prend le problème à bras le corps et on se dit qu'est-ce qu'on va faire pour résoudre la problème. En France, on s'en sert comme un élément de clivage pour gagner des voix, les uns contre les autres. C'est pour cela que ça ne marche pas. Ce que je constate, c'est que l'atteinte aux personnes, depuis maintenant plus de quatre ans, a augmenté en France de 27 % ; c'est un vrai problème l'agression contre les personnes, la violence qui monte, qui s'installe dans la société. C'est quelque chose que je ne peux pas accepter !
Q- Vous allez proposer cet après-midi, à l'assemblée nationale, dans votre discours, un pacte de non-agression ?
R- Oui, je vais parler de cela, je vais dire qu'il faut créer les conditions d'un consensus républicain et par exemple, dire des points de désaccord avec le projet de N. Sarkozy qui voudrait donner aux maires des pouvoirs de police, de justice, qui ne sont pas de rôle et qui relèvent des pouvoirs de l'Etat et qui, si c'était fait, ce serait une sorte de démission de l'Etat. J'aimerais bien que l'ensemble de la chaîne fonctionne mieux, la police, la justice mais aussi l'éducation et l'action sociale. C'est tout cela qui devrait marcher mieux.
Q- Mais si N. Sarkozy ne faisait rien, on le lui reprocherait, on dirait "mais que fait le ministre de l'intérieur ?!".
R- Comme il n'a de mauvais résultats, il s'agite et il communique. Si l'on prend concrètement les problèmes, je constate que l'atteinte aux personnes ne cesse d'augmenter et que ces problèmes ne sont pas réglés.
Q- Lorsqu'il dit "Si l'on excuse la violence, il faut s'attendre à la barbarie", il a raison ou il a tort ?
R- Il ne s'agit pas d'excuser la violence, je ne l'excuse absolument pas, mais quand un mineur commet un premier acte de violence et que le juge des enfants en est saisi et qu'il prend une mesure de placement pour éviter que le mineur récidive, mais qu'il n'y a pas d'établissement pour le recevoir, pas de famille d'accueil, pas de mesures intermédiaires, pas de mesures de maintien ; pourquoi ? Parce que les moyens ne suivent pas ! Eh bien le juge a pris une décision mais en réalité, elle n'est pas appliquée. Donc, le jeune retourne chez lui et il parle, en disant, "vous soyez, j'ai été voir le juge, cela ne fait rien, je peux recommencer comme avant". C'est inadmissible ! Il ne suffit pas de faire des effets d'annonce, il faut - ce que j'appelle le fonctionnement de l'ensemble de la chaîne judiciaire, la chaîne éducative. Et donc, il ne faut pas que l'on fasse des coups. Chez N. Sarkozy, il y a le sentiment d'une politique de coups, d'une police de la statistique, alors que la réalité vécue par les Français est différente.
Q- Vous allez voter non ?
R- Oui, je voterai contre pour montrer qu'il y a une autre voie qui est possible et qu'il ne suffit pas de faire des effets d'annonce. On n'a pas besoin d'assister une nouvelle fois, en se réjouissant, en disant "bravo, bravo" à un nouveau show de N. Sarkozy. Ce n'est plus supportable. Nous ce que nous voulons, c'est du concret, du changement concret. Et pour cela, il faut voir aussi avec les Français, discuter avec eux sur la manière dont on pourrait changer les choses.
[...]
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 novembre 2006
R- Je les ai vus à la tribune du public de l'assemblée nationale. Ils sont d'ailleurs restés très longtemps et très attentifs à nos débats et impassables d'ailleurs.
Q- L'un est chef de guerre, l'autre chef de paix ; ils sont donc visités l'assemblée nationale et quand ils sont sortis, ils ont eu, face à face les pompiers casqués et la policiers casqués. "Mais pourquoi s'affrontent-on quand on est de la même tribu ?", ont-ils demandé ces Papous. Qu'est-ce que vous voulez dire au lendemain de ces affrontements ?
R- Cette réflexion est pleine de sagesse. Elle montre à quel point, en France, l'autorité de l'Etat est bafouée et à quel point elle ne fonctionne plus, parce que l'autorité, elle n'est plus respectée de façon automatique, cela veut dire qu'il y a quelque chose qui ne marche plus dans notre pays. Cela me rappelle un triste évènement, avant l'élection présidentielle de 2002 : L. Jospin était Premier ministre, J. Chirac Président. C'était une manifestation un peu du même type, gendarmes contre policiers sur les Champs Elysées. Cela m'avait beaucoup choqué, cela m'avait beaucoup troublé et je regrette cette violence mais je pense qu'elle est le résultat d'une absence de dialogue et de négociations, parce que les policiers sans doute ont fait leur travail, mais les pompiers... je n'accepte pas les manifestations violentes, en tout état de cause, je les condamne. Il faut être exemplaire, surtout quand on exerce un métier comme les sapeurs pompiers mais ils sont une revendication qui devrait être traitée par la voie de la négociation. Ils demandent depuis des semaines que l'on ouvre une négociation, et N. Sarkozy qui est responsable de la sécurité civile, leur refuse. Je pense que ce serait plus simple d'ouvrir une négociation, il ne s'agit pas de dire "oui" automatiquement à toutes les revendications, mais enfin de dialoguer, ce qui n'a pas été fait.
Q- Ils demandent 70 euros et ils demandent la retraite à 55 ans et que l'on considère leur métier comme un métier à risques.
R- Le problème des sapeurs pompiers, et l'on ne va pas polariser sur l'âge de la retraite, et on va dire pourquoi 55 ans, quand les autres c'est soixante ans. Je peux comprendre la réaction immédiate, simplement pour bien connaître le problème des sapeurs pompiers comme maire, et tous les Français ont beaucoup d'admiration pour eux, quand il y a un accident, quand il y a un incendie, ils sont là, ils ne ménagent pas leur peine, ils prennent des risques et certains meurent au combat contre le feu et contre les accidents. L'indemnité, personne ne trouvera cela scandaleux : pourquoi est-ce qu'on ne leur accorde pas alors qu'on l'accorde à d'autres fonctionnaires qui vont travailler dans des zones à risques ? Mais le problème qu'il pose, c'est celui du vieillissement. Lorsque vous êtes sapeur pompier et que vous dépassez l'âge de 50 ans et que vous devez partir en mission de feu, vous allez monter sur des échelles, très haut, parfois sur des bâtiments en feu et avec une lance à incendie, pénétrer dans des appartements en fumée. Très souvent, lorsque l'on dépasse un certain âge - 52, 53 ans -, le chef de mission n'envoie plus tel ou tel personne parce qu'elle n'est plus apte physiquement ou psychologiquement. Donc la question qu'ils c'est qu'est-ce que l'on fait à partir d'un certain âge, comment peut-on éventuellement avoir une autre évolution de carrière que d'être un sapeur pompier en attente de faire quelque chose ? Donc ils posent la question, je crois qu'elle est légitime. Ils font partie de ce que l'on appelle la fonction publique territoriale, on pourrait envisager pour eux, à partir d'un peu plus de 50 ans, 53, 54 ans, des missions différentes, par exemple de l'éducation, de la prévention sur tout ce qui concerne les questions de sécurité. Si on leur maintenait un certain nombre d'avantages, je pense qu'à ce moment-là, on répondrait à leur attente. Et c'est sur cette question-là qu'il faut absolument ouvrir des négociations, demander la reconnaissance de la dangerosité de leur métier. Je pense que c'est une évidence, mais à partir de là, si c'était accepté sur le principe, bien des portes pourraient s'ouvrir, bien des solutions pourraient être envisagées.
Q- On aborde trois sujets : les parrainages, évidemment G. Frêche et la discussion du projet de loi sur la délinquance. Les parrainages, très vite, faut-il ne pas rendre publics les parrainages des maires ? Etes-vous pour la publicité ?
R- Je suis pour la transparence. Un maire est maire parce qu'il a reçu un mandat de ses électeurs. Donc il est bien normal que les électeurs sachent pour qui il signe pour l'élection présidentielle. Cela ne veut pas dire qu'il soutient forcément le candidat mais quand il signe, il doit assumer sa décision, il ne doit pas avoir peur de la faire savoir.
Q- Déni de démocratie si Besancenot et Le Pen ne peuvent pas être candidats ?
R- Je crois que s'ils ont suffisamment d'appui dans le pays, ils ne devraient avoir aucun problème pour trouver des signatures. Quand je vois Besancenot qui se plaint que le PS ne donne pas mandat à ses élus de signer pour Besancenot ! On a raison, on a parfaitement raison ! En 2002, certains maires socialistes ont signé pour Besancenot, cela ne l'a pas empêché, une fois candidat, de taper à bras raccourcis sur le PS. Ce qu'il continue de faire aujourd'hui. On a besoin de cohérence et de clarté, là encore : les élus socialistes signeront pour la candidate du PS.
Q- Parlons de G. Frêche. Vous avez posé la question : est-ce que vous êtes favorable à l'exclusion de G. Frêche ? Celui-ci se défend et dit que 90 % des gens normaux pensent à peu près comme lui, qu'il n'a pas à s'excuser. Il dit que son idéal c'est une équipe Black,Blanc, Beur, avec toutes les couleurs de la société française, qu'une équipe où il n'y aurait que des Noirs, ce n'est pas une équipe de France, que ce n'est pas une question de Blanc ou de Noir, que la France est faite de Blancs, de Noirs, de Jaunes, et manifestement, ce n'est pas une équipe équilibrée aux couleurs de la France. Voilà ce qu'il a déclaré, hier encore.
R- Il est dans le rattrapage, le mal est fait. Ce qui a été retenu comme premier message, c'est qu'il y avait trop de Noirs dans l'équipe de France et c'est une blessure. Je pense que ces propos sont profondément choquants ; moi, j'ai réagi immédiatement. Il n'est pas novice G. Frêche, il a beaucoup d'expérience, il doit mesurer ses paroles. C'est un élu qui représente une région, il a été maire de Montpellier et il a d'ailleurs été un excellent maire de Montpellier, il faut le dire. Mais je ne comprends pas ce qui se passe. Il a tenu des propos pareils sur les Harkis. J'ai réagi immédiatement ! Je pense qu'il y a des moment où il ne faut pas accepter certaines dérives de langage, parce que dérive de langage c'est aussi dérive des idées, dérive des valeurs et après, il n'y a plus de repères, on n'y comprend plus rien. Je pense aux jeunes par exemple, qui ont besoin de repères aujourd'hui. Quand on parle comme cela, on ne sait plus où l'on habite. G. Frêche dit qu'il ne veut pas gêner le PS, eh bien s'il ne veut pas le gêner, il n'a qu'a démissionné du PS.
Q- Vous êtes favorable à son exclusion ?
R- S'il veut être exemplaire, qu'il se mette en congé du PS. F. Hollande a décidé de saisir la commission des conflits. Dans notre parti, on a des règles, c'est comme une sorte de tribunal interne, c'est lui qui va juger. J'espère que le jugement sera juste, bien sûr, après avoir entendu toutes les parties, on fait les choses en règle. Mais la bonne logique, c'est qu'il soit sanctionné.
Q- Si les propos sont confirmés, faut-il l'exclure du parti ?
R- Oui, parce qu'on ne peut être à la fois socialiste, parler au nom des valeurs du PS, de la gauche, de la République et continuer à tenir des propos comme ça. Ou alors, on fait autre chose ; ou alors, on ne se revendique plus du PS.
Q- Ecoutez ce que répond G. Frêche lorsqu'on lui parle d'exclusion [Passage-antenne de G. Frêche]. Il dit qu'il y a un certain nombre qui veut sa peau depuis toujours, parce qu'il est un type qui n'est pas dans la norme. Il menace qu'il pourrait semer la panique...
R- Je trouve cela lamentable, qu'est-ce que vous voulez que je dise ? C'est quelqu'un qui dérape, qui dérape et qui continue de déraper.
Q- Les propos de G. Frêche auraient été sortis de leur contexte, nous dit l'auditeur Kamel, 20 ans, qui appelle des Pyrénées Orientales...
R- On a décidé qu'il y aurait une commission des conflits ; je vous ai dit dans quelles conditions elle se réunissait. Tous les éléments du dossier seront présentés parce que c'est une sorte de tribunal, mais qui doit juger en toute équité. Malgré tout, le mal est fait.
Q- Les socialistes n'ont-ils pas peur que G. Frêche ressorte les vieux dossiers ; y a-t-il encore de vieux dossiers ?
R- Je n'en sais rien. En tout cas, cela me choque beaucoup qu'il utilise ce type de chantage et, en tout état de cause, cela ne me fera pas bouger sur le respect des principes. On ne peut s'engager en politique sans avoir un certain nombre de principes et c'est cela qui donne du sens à l'action.
[ 8h45 ]
Q- Le ministre de l'intérieur a-t-il un bon bilan ou pas ? Vous allez me dire mauvais !
R- Vous savez, c'est très contesté. D'ailleurs, depuis ce matin, les SMS des auditeurs de RMC ont évolué, c'était 50/50, cela monte un peu... C'est très intéressant parce que le bilan est effectivement très contrasté. On ne peut pas dire que N. Sarkozy n'ait pas eu un discours de fermeté, d'autorité, etc. mais quand on regarde dans le détail, son bilan n'est franchement pas extraordinaire et parfois même extrêmement négatif. Là, on est en train d'examiner à l'assemblée nationale, un texte qui s'appelle "loi sur la prévention de la délinquance". Ce n'est pas un texte sur la prévention de la délinquance, on parle surtout de répression de la délinquance des mineurs, ce qui est un problème en soi mais la prévention, il n'en est pas question dans ce texte, pratiquement. Ce que je voudrais dire c'est que le fait d'examiner ce texte est un échec pour N. Sarkozy : c'est le sixième texte sur la délinquance depuis qu'il est ministre de l'intérieur, c'est-à-dire depuis moins de cinq ans ! Pourquoi le sixième texte ? On n'a jamais vu cela ! Pourquoi autant de lois, si ce n'est pas le constat d'un échec ? Je vais vous donner...
Q- Echec collectif, pardonnez-moi, c'est un échec de la gauche et de la droite !
R- Eh bien, justement. Moi, ce que j'aimerais bien, c'est que l'on n'arrête de prendre la sécurité et l'insécurité en otage du débat politique. Pourquoi ce sixième texte ? Et maintenant ? Parce que N. Sarkozy veut mettre au coeur de sa démarche présidentielle la question de la sécurité, alors que son bilan n'est pas terrible. Il veut encore une fois, comme en 2002, s'en servir électoralement, mais je ne suis pas sûr que cela le servira. Quand on regarde les sondages, on s'aperçoit que cela justifie surtout les thèses de Le Pen. J'aimerais qu'à l'occasion de l'élection présidentielle, on recherche les conditions d'un consensus républicain sur la sécurité, pas pour s'en servir comme otage.
Q- C'est-à-dire que l'on s'installe tous autour de la même table ?
R- Oui, une sorte de paix des braves sur la sécurité, un pacte de non agression, comme je le dirai cet après-midi à l'assemblée nationale, parce que le problème de l'insécurité est un problème grave. Il y a la délinquance des mineurs, il y a l'économie souterraine, il y a tous ces problèmes qui pourrissent la vie des gens. Et cela, dans beaucoup de pays, c'est l'objet d'un accord national. On prend le problème à bras le corps et on se dit qu'est-ce qu'on va faire pour résoudre la problème. En France, on s'en sert comme un élément de clivage pour gagner des voix, les uns contre les autres. C'est pour cela que ça ne marche pas. Ce que je constate, c'est que l'atteinte aux personnes, depuis maintenant plus de quatre ans, a augmenté en France de 27 % ; c'est un vrai problème l'agression contre les personnes, la violence qui monte, qui s'installe dans la société. C'est quelque chose que je ne peux pas accepter !
Q- Vous allez proposer cet après-midi, à l'assemblée nationale, dans votre discours, un pacte de non-agression ?
R- Oui, je vais parler de cela, je vais dire qu'il faut créer les conditions d'un consensus républicain et par exemple, dire des points de désaccord avec le projet de N. Sarkozy qui voudrait donner aux maires des pouvoirs de police, de justice, qui ne sont pas de rôle et qui relèvent des pouvoirs de l'Etat et qui, si c'était fait, ce serait une sorte de démission de l'Etat. J'aimerais bien que l'ensemble de la chaîne fonctionne mieux, la police, la justice mais aussi l'éducation et l'action sociale. C'est tout cela qui devrait marcher mieux.
Q- Mais si N. Sarkozy ne faisait rien, on le lui reprocherait, on dirait "mais que fait le ministre de l'intérieur ?!".
R- Comme il n'a de mauvais résultats, il s'agite et il communique. Si l'on prend concrètement les problèmes, je constate que l'atteinte aux personnes ne cesse d'augmenter et que ces problèmes ne sont pas réglés.
Q- Lorsqu'il dit "Si l'on excuse la violence, il faut s'attendre à la barbarie", il a raison ou il a tort ?
R- Il ne s'agit pas d'excuser la violence, je ne l'excuse absolument pas, mais quand un mineur commet un premier acte de violence et que le juge des enfants en est saisi et qu'il prend une mesure de placement pour éviter que le mineur récidive, mais qu'il n'y a pas d'établissement pour le recevoir, pas de famille d'accueil, pas de mesures intermédiaires, pas de mesures de maintien ; pourquoi ? Parce que les moyens ne suivent pas ! Eh bien le juge a pris une décision mais en réalité, elle n'est pas appliquée. Donc, le jeune retourne chez lui et il parle, en disant, "vous soyez, j'ai été voir le juge, cela ne fait rien, je peux recommencer comme avant". C'est inadmissible ! Il ne suffit pas de faire des effets d'annonce, il faut - ce que j'appelle le fonctionnement de l'ensemble de la chaîne judiciaire, la chaîne éducative. Et donc, il ne faut pas que l'on fasse des coups. Chez N. Sarkozy, il y a le sentiment d'une politique de coups, d'une police de la statistique, alors que la réalité vécue par les Français est différente.
Q- Vous allez voter non ?
R- Oui, je voterai contre pour montrer qu'il y a une autre voie qui est possible et qu'il ne suffit pas de faire des effets d'annonce. On n'a pas besoin d'assister une nouvelle fois, en se réjouissant, en disant "bravo, bravo" à un nouveau show de N. Sarkozy. Ce n'est plus supportable. Nous ce que nous voulons, c'est du concret, du changement concret. Et pour cela, il faut voir aussi avec les Français, discuter avec eux sur la manière dont on pourrait changer les choses.
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Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 novembre 2006