Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur l'avenir de la viticulture, la compétitivité des exploitations viticoles et la défense des intérêts des viticulteurs, Saint-Geniès des Mourgues le 8 décembre 2006.

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Texte intégral

Monsieur le ministre, cher Dominique,
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Maire, cher Yvon PELLET,
Mesdames, Messieurs les élus,
Chers amis,
Je me réjouis de me trouver parmi vous aujourd'hui, ici, à Saint-Geniès des Mourgues, avec Dominique BUSSEREAU.
Avant toute chose, permettez-moi de remercier Jean-Pierre GRAND pour son invitation. Avec Robert LECOU, avec Paul-Henri CUGNENC et tous les élus du département, je sais qu'il se mobilise avec passion pour développer son territoire et pour défendre les intérêts de la viticulture. Et de la passion, cher Jérôme DESPEY, j'en ai vu beaucoup au cours de cette visite : l'amour de la vigne et du vin, l'attachement à un terroir, le goût du métier. Je tiens à saluer l'action de tous les coopérateurs et de l'ensemble du personnel. Votre dynamisme et votre volonté sont des atouts essentiels pour renforcer votre implantation locale et développer des marchés à l'exportation.
Cette passion, cette ambition, elles sont au coeur de l'identité française.
La viticulture, c'est bien sûr une tradition d'excellence qui contribue à notre art de vivre et au rayonnement de notre pays et à notre patrimoine. Mais c'est aussi un secteur essentiel pour notre économie, un secteur qui a su conjuguer des savoir-faire anciens avec les techniques les plus innovantes pour faire des vins français les meilleurs au monde
A travers cette visite, je veux aujourd'hui rendre hommage à tous les hommes et toutes les femmes qui ont fait et qui continuent à faire vivre la viticulture en France et en Languedoc-Roussillon.
Pour autant, nous le savons tous,et vous l'avez rappelé, vous êtes aujourd'hui confrontés à de vraies difficultés : une concurrence de plus en plus rude, une production que vous avez parfois du mal à vendre et des prix à la baisse. Face à ces difficultés, je suis venu vous dire que le gouvernement est à vos côtés. Oui, le Languedoc-Roussillon doit rester une grande région viticole. Oui, nous devons vous permettre de vivre de votre travail, de développer vos exploitations et de les transmettre à vos enfants.
1. Pour vous aider à passer ce cap difficile, le gouvernement est pleinement mobilisé.
L'an dernier, j'avais annoncé à Metz, lors du congrès de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de développement de la viticulture. Depuis, de nombreuses mesures ont été adoptées dans ce cadre.
Je pense notamment aux mesures d'aides à la trésorerie, aux mesures pour les agriculteurs en difficulté et aux prêts de consolidation. Je pense encore aux reports de cotisations sociales, aux aides à l'exportation ou aux mesures portant sur la taxe sur le foncier non bâti. Au total, ce sont plus de 65 millions d'euros qui ont ainsi été mobilisés pour soutenir la viticulture du Languedoc-Roussillon.
Je pense également aux mesures structurelles que nous avons inscrites dans la loi d'orientation agricole. Elles permettront de favoriser l'emploi permanent et saisonnier dans votre secteur grâce à un allègement significatif des charges sociales. Cela représente un effort de l'Etat de près de 11 millions d'euros par an pour la viticulture. Effort auquel s'ajoutent 13 millions d'euros par an d'exonération de part salariale au titre du contrat vendange.
Aujourd'hui, je veux vous dire que nous poursuivrons cet effort de solidarité.
D'abord, pour résoudre le problème des stocks trop importants.
Dominique BUSSEREAU a obtenu l'été dernier une distillation de crise auprès de la Commission européenne. Nous avions alors décidé d'une aide de trésorerie exceptionnelle pour les agriculteurs en difficulté. Cette distillation a été très utile, mais je sais qu'elle n'a pas été suffisante, notamment pour les vins de pays et de table.
Je souhaite donc que vous puissiez souscrire à la distillation « alcool de bouche » qui est ouverte depuis le 1er octobre 2006. Dominique BUSSEREAU et Jean-François COPE prendront sans délai des mesures de soutien aux entreprises afin de leur permettre d'adapter leur production au marché. Par ailleurs, les règles d'attribution de ces aides seront simplifiées. Cette opération doit être un plein succès.
Au total, ce seront près de 30 millions d'euros qui auront été mobilisés par l'Etat en 2006.
Nous devons aussi poursuivre notre effort pour aider vos entreprises à faire face aux problèmes de trésorerie.
Nous reconduirons le report des cotisations sociales pour les exploitations les plus fragilisées. Aujourd'hui, il concerne 60% du montant des cotisations. J'ai demandé au ministre de l'Agriculture d'étudier avec le Président de la Mutualité sociale agricole la possibilité d'un report à 100% pour les situations les plus difficiles.
Par ailleurs, la Mutualité sociale agricole réserve une enveloppe d'un montant équivalent à celui de cette année pour prendre en charge les cotisations sociales de 2007 dues au titre de l'année 2006, des exploitations les plus en difficulté. Je remercie son Président pour ce geste de solidarité.
Enfin, j'ai souhaité une remise intégrale de la taxe sur le foncier non bâti due au titre de 2006. Comme en 2005, elle sera accordée dans la quasi-totalité des dossiers.
2. Au-delà de ces mesures, pour passer ce cap difficile, nous devons dès aujourd'hui préparer l'avenir de la viticulture française.
Cette réflexion, nous l'avons déjà engagée ensemble, dans un esprit de dialogue et de concertation. A travers les nombreuses propositions que vous avez formulées, vous avez d'ailleurs largement contribué à la qualité du rapport sur l'avenir de la viticulture française que Dominique BUSSEREAU a demandé au Préfet Bernard POMEL et aux premières mesures qui en ont découlé.
Quelle est la situation aujourd'hui ? Notre viticulture a bien sûr des atouts considérables : la force de ses traditions, l'excellence de ses savoir-faire et de sa production. Mais dans une concurrence mondiale de plus en plus rude, nous ne pouvons pas nous reposer sur nos acquis. Aujourd'hui, nous avons 3 défis à relever.
Le premier, c'est de mieux nous organiser.
Dans ce domaine, vous avez déjà réalisé des efforts considérables. Je pense à la création de la fédération des interprofessions de votre région. Je pense également à la mise en place du pôle d'excellence rurale oenotouristique porté par le pays de Lunel. Je pense enfin, cher Jacques GRAVEGEAL, à la démarche « Vins de pays d'oc » que vous avez entreprise pour améliorer la visibilité de votre production. La marque « Sud de France » devrait également y contribuer. Je sais, Monsieur le Président ALARY, que la Région la soutient, et je m'en réjouis.
Une meilleure organisation, c'est aussi un dispositif d'aides plus efficace. Avec Dominique BUSSEREAU, nous proposons d'expérimenter en Languedoc-Roussillon une déconcentration de l'attribution des aides à l'export au niveau du préfet de région. Votre conseil de bassin pourrait se saisir de cette question dès sa prochaine réunion en janvier afin de proposer un dispositif simple. A cet effet, nous abonderons le budget export de Viniflhor de 2,5 millions d'euros spécialement pour les vins du Languedoc-Roussillon.
Le deuxième défi, c'est de renforcer la compétitivité de nos exploitations.
Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur l'excellence de notre recherche. Car la viticulture, ce ne sont pas seulement des traditions et des gestes qui se transmettent de génération en génération. C'est aussi un secteur à la pointe de l'innovation. Le Réseau Thématique de Recherche Avancée « agronomie et développement durable » et le campus de La Gaillarde que je visiterai tout à l'heure en sont la preuve : notre pays est aux avant-postes en matière de recherche agronomique. C'est un atout essentiel pour construire ensemble l'avenir de votre filière.
Mais au-delà, nous le savons tous, pour faire face à la concurrence et accompagner les ajustements quantitatifs indispensables, une restructuration de votre secteur est nécessaire. Je sais que la profession y travaille depuis plusieurs mois avec beaucoup de lucidité et de courage, notamment dans le cadre des réflexions menées par le conseil de bassin et du groupe de travail animé par le président GIBELIN et vous-même, Monsieur le président BENASSIS. Je salue cette initiative, à laquelle la Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles, les Jeunes agriculteurs, les caves particulières et les coopératives ont participé. Le gouvernement sera à vos côtés pour vous aider dans cette démarche.
Pour encourager la restructuration et le rapprochement des entreprises, et pour faciliter leurs investissements, 55 millions d'euros sont disponibles dans le contrat de projets et les programmes européens. Ce dispositif sera opérationnel dès le début 2007.
La restructuration des exploitations agricoles est également l'un des objectifs du contrat de projets Etat-région. Le Gouvernement a inscrit une enveloppe spécifique à hauteur de 18 millions d'euros. Cette mesure permettra par exemple de conjuguer arrachage et restructuration foncière. Je souhaite que les collectivités locales prennent toute leur part pour accompagner ce plan.
Pour vous aider, nous avons également décidé de proroger par décret le dispositif de préretraite qui se terminait cette année. Nous avons décidé d'en améliorer le montant et d'en simplifier les conditions d'accès.
Enfin, pour aider les restructurations en cours, la SAFER a accepté d'apporter son savoir-faire et son expertise aux exploitants. Nous l'y aiderons en allégeant le coût financier du portage foncier.
Le troisième défi que nous devons relever, c'est de mieux défendre nos intérêts.
Cela suppose notamment que nous abordions la question des distorsions de concurrence. Je sais que c'est pour vous un enjeu majeur, notamment dans le secteur des produits phytosanitaires. Dominique BUSSEREAU a pris l'initiative de confier ce dossier très sensible à l'observatoire des distorsions de la concurrence créé par la loi d'orientation agricole et présidé par le Député Jacques LE GUEN. Je souhaite que vous soyez très étroitement associés à cette expertise, pour laquelle nous devons obtenir des résultats rapides.
Mieux défendre nos intérêts, c'est également peser de tout notre poids dans les négociations avec nos partenaires européens. Dans la réforme de l'organisation commune du marché (OCM) vitivinicole, Dominique BUSSEREAU fait preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande mobilisation. Je sais qu'il a travaillé avec vous et que vous partagez avec lui le souhait de voir aboutir cette réforme indispensable pour moderniser notre viticulture. Je sais aussi qu'il saura défendre une réforme dynamique pour conserver à la viticulture française sa première place dans le monde.
Chers amis,
Vous le voyez, le gouvernement est pleinement mobilisé pour vous aider à construire l'avenir de votre filière. Toutes les difficultés ne se résoudront pas en un jour. Il faudra beaucoup de courage, de détermination et de volonté. Mais je sais que chez les viticulteurs, ces qualités ne manquent pas. Elles font la force et l'excellence de la viticulture française. Vous pouvez compter sur mon soutien.
Je vous remercie.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 11 décembre 2006