Entretien de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec divers médias le 1er février 2007, sur les questions liées à l'abolition de la peine de mort et au dossier nucléaire iranien.

Prononcé le 1er février 2007

Texte intégral

Q - A propos de l'inscription de l'abolition de la peine de mort dans la Constitution française.
R - C'est le message du président de la République. C'est le message aussi de la France, lorsqu'elle souhaite que, dans sa Constitution, on puisse inscrire que la justice ne pourra jamais s'accompagner de la peine de mort.
C'est surtout dire que personne, aucun gouvernement, aucune force politique, ne pourra revenir sur ce qui est écrit dans notre Constitution.
Q - A propos de la condamnation à mort des infirmières bulgares et du médecin palestinien en Libye.
R - J'ai été, personnellement, très choqué de la nouvelle condamnation à mort des infirmières bulgares et du médecin palestinien. Maintenant, c'est à la Cour suprême de Libye de s'exprimer. Je souhaite demander la clémence aux autorités libyennes. J'ai entendu les dernières déclarations du fils du colonel Kadhafi. Je souhaite qu'il y ait, le plus vite possible, une transformation de cette peine, d'abord en peine de prison. Ensuite, j'espère qu'ils pourront revenir le plus vite possible en Bulgarie, pour les infirmières, et dans les Territoires palestiniens pour le médecin.
Je mènerai le combat jusqu'au bout pour la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien. C'est ce que nous faisons depuis longtemps. C'est à la justice libyenne de décider. J'ai été choqué comme tout le monde de leur nouvelle condamnation à mort. J'espère, je demande la clémence aux autorités libyennes. J'ai parfaitement entendu les propos plutôt positifs du président de la Fondation Kadhafi, qui est le fils du colonel Kadhafi. J'attends maintenant le résultat.
Q - Que répondre à des pays qui voudraient rétablir la peine de mort ?
R - Il ne se passe pas aujourd'hui de semestre dans le monde sans qu'un pays ne nous rejoigne dans ce mouvement d'abolition universelle de la peine de mort. Il faut donc dire qu'il ne peut pas y avoir, par définition, de justice basée sur la peine de mort. Une seule justice est possible pour nous, celle qui est basée sur la reconnaissance du caractère sacré de la personne humaine.
Pour être au rendez-vous de la justice et de l'humanisme, la seule solution est donc de rendre universelle une valeur portée par la France : l'abolition de la peine de mort dans tous les pays du monde.
J'espère que l'Assemblée générale des Nations unies, d'ici un ou deux ans, sera en mesure de voter à l'unanimité l'abolition de la peine de mort. Ce sera le grand objectif de la France.
Q - On parle justement d'un moratoire universel sur les exécutions, qui serait repris par Ban Ki-moon, le Secrétaire général des Nations unies. Est-ce qu'il ne faudrait pas défendre un moratoire sur les condamnations ?
R - Nous avons trois objectifs.
D'abord montrer à quel point nous voulons que l'abolition de la peine de mort devienne une valeur universelle. C'est ce que ne nous faisons dans la Constitution française, grâce au président Chirac. Plus personne, plus aucune force politique, aucun gouvernement ne pourra revenir sur cette idée même. C'est dans le texte fondamental.
Ensuite, nous souhaitons que tous les pays du monde nous rejoignent et que, derrière le Secrétaire général des Nations unies, l'Assemblée générale des Nations unies, d'ici un ou deux ans, puisse voter une résolution qui abolisse la peine de mort sur la planète.
Enfin, en attendant, il faut un moratoire, pas uniquement sur les exécutions, mais également sur les condamnations. Mettons-nous à la place de ces centaines, de ces milliers de personnes qui sont dans les couloirs de la mort, imaginons ce qu'ils vivent physiquement et psychologiquement. Ce n'est tout simplement pas acceptable. Ce n'est pas être au rendez-vous des Droits de l'Homme. C'est une violation du Droit humain.
Q - A propos de la question du nucléaire iranien.
R - La France a voté le 23 décembre, pour la première fois, avec l'ensemble de la communauté internationale la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui définit des sanctions contre l'Iran s'il ne suspend pas ses activités nucléaires sensibles.
Tant que l'Iran n'accepte pas de suspendre ses activités nucléaires sensibles, nous poursuivons la mise en oeuvre des sanctions au Conseil de sécurité de l'ONU.
Nous appelons plus que jamais les Iraniens à ne pas s'isoler et à suspendre les activités nucléaires sensibles.
Dans cette résolution, il y a également un élément important en dehors des sanctions : il y a la demande de l'AIEA et de M. El Baradeï d'envoyer des inspecteurs. Malheureusement ces inspecteurs n'ont pas été acceptés il y a 48 heures en Iran. Je le regrette.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 février 2007