Texte intégral
G. Bonos : On va parler de plein de choses, d'E. Besson, des supers profits, le chiffrage de la campagne entre autres, et puis, bien sûr, la campagne proprement dite.
E. Chavelet : Oui. Monsieur Copé, vous êtes doublement servi par l'actualité, l'actualité politique avec la démission surprise d'E. Besson, le monsieur qui est chargé du chiffrage du projet de S. Royal, et puis aussi par le chiffrage de l'ISF qui montre qu'un contribuable par jour, aujourd'hui, part - avant c'était deux contribuables. Avant de parler d'E. Besson, j'aurais voulu parler de l'ISF, en vous posant la question suivante : vous continuez, malgré tous les chiffres qui sont donnés, malgré les départs successifs - J. Hallyday à Monaco, on apprend aujourd'hui Renaud à Londres - à garder, à vouloir conserver ce tabou. Est-ce que vous ne craignez pas qu'à force vos électeurs doutent de N. Sarkozy en pensant voir en lui un Chirac bis, c'est-à-dire quelqu'un qui oscille un peu péniblement entre libéralisme et égalitarisme ?
R - La question de l'ISF est une question qui est très passionnelle en France, c'est d'ailleurs toute la difficulté. Bien sûr que c'est un impôt qui pose d'énormes problèmes, parce que, effectivement, on le voit bien, il est source de délocalisation de fortunes. Mais en réalité, derrière le débat sur l'ISF, il y a un débat beaucoup plus profond en France, qui est le débat sur l'argent, les Français et l'argent. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si j'ai choisi ce thème pour mon club "Génération France.fr", ce soir, c'est parce que...
E. Chavelet : Vous dites maintenant "le fric", d'ailleurs...
R - Oui, parce que je crois que c'est un de ces paradoxes : nous avons, nous, beaucoup de mal en politique à prononcer le mot. On parle de pouvoir d'achat, de niveau de vie, de vie chère...
G. Bonos : On n'a jamais aimé l'argent en France...
R - Vous avez tout à fait raison, sauf que les Français, entre eux, ils parlent quand même énormément d'argent. Vous savez, dans les repas de familles, de quoi on parle ? "Ah, j'aimerais bien gagner un peu plus"...
G. Bonos : A 1.600 euros le salaire médian en France, on comprend...
E. Chavelet : Oui, mais attendez. S. Royal et F. Hollande paient l'impôt sur la fortune, les socialistes comprendront très bien que ce n'est pas un impôt de riches.
R - Oui, sauf que je me permets de vous faire observer que c'est F. Hollande l'auteur de cette phrase grotesque, "je n'aime pas les riches". C'est le même F. Hollande qui a, parmi ses toutes premières déclarations de campagne, indiqué qu'au-dessus de 4.000 euros par mois, il réaugmentait les impôts, ce qui rappelait G. Marchais, quand j'étais petit, qui disait...
E. Chavelet : Vous restez arc-bouté sur cet impôt idiot.
R - Comment ?
E. Chavelet : Vous restez arc-bouté sur cet impôt stupide ?
R - Attendez, justement, c'est quand même le deuxième point que je voulais dire, c'est qu'il y a quand même eu beaucoup d'avancées par rapport à cela et la première c'est celle du bouclier fiscal, parce que toutes ces délocalisations que vous évoquez, elles sont antérieures à la mise en oeuvre du bouclier fiscal, qui est en place depuis le 1er janvier et dont je rappelle qu'il permet, qu'il assume que, désormais, l'impôt ne peut plus être confiscatoire puisqu'on ne peut pas payer plus de 60 % de ce que l'on gagne en impôts locaux, impôts sur le revenu ou impôt sur la fortune.
G. Bonos : deux petites questions. La première, justement, puisqu'il y a le bouclier fiscal, l'opposition vous accuse de faire une espèce de... d'assassiner de manière soft l'ISF. Pourquoi carrément ne pas dire, en effet, on fait le bouclier fiscal, et puis on arrête. Deuxième chose, c'est que le mot "Impôt de solidarité sur la fortune", quand quelqu'un paie l'ISF, en vérité, c'est quoi ? C'est une surtaxe de moins de 1.000 euros. Est-ce que l'on peut considérer que c'est quelqu'un de fortuné ? Est-ce qu'il n'y a pas aussi un problème sémantique ?
R - Mais vous voyez comme tout est compliqué. Regardez, de vous-même d'ailleurs, vous le dites. Vous dites : "Il faudrait savoir, vous ne supprimez pas mais vous l'amoindrissez". Donc, tout cela prouve que c'est un débat qui est vraiment très idéologique, et que face à cela, il faut quand même aussi dire les choses telles qu'elles sont. Beaucoup de Français, les sondages le montrent, beaucoup, une très grande majorité de Français, sont attachés au maintient de cet impôt. Il faut le savoir.
E. Chavelet : Oui, mais les sondages ne sont pas toujours les gens qui gouvernent le politique j'espère...
R - Vous avez tout à fait raison. N'empêche que, qu'est-ce que nous avons à leur proposer ? Un raisonnement. On a dit : ok, très bien, on voit bien que l'opinion publique dans son ensemble est attachée à ce que l'ISF contribue à la justice fiscale. Eh bien d'accord, ok, mais dans ce cas, on va réorienter cet impôt, c'est-à-dire que désormais, quand on a beaucoup d'argent et qu'on veut en payer moins en ISF, on n'a qu'à l'investir dans le capital des entreprises, notamment des PME.
G. Bonos : Le fameux plafond de 50.000 euros ?
R - Oui, c'est ça, voilà, tout à fait, les 50.000 euros. Quel est l'intérêt de cela ? C'est qu'alors l'Etat dit qu'il est prêt à renoncer à une partie de ses recettes fiscales si cet argent va financer les entreprises, c'est-à-dire la croissance et l'emploi. Là, cela a du sens, comme d'ailleurs le bouclier fiscal que N. Sarkozy propose de descendre à 50 %, renforçant celui qui existe aujourd'hui, puisqu'il y inclut la CSG, et qui est un dispositif qui est à la fois attractif pour les investisseurs, mais également juste, puisque je rappelle qu'une écrasante majorité des bénéficiaires du bouclier fiscal sont des gens modestes, puisqu'on y a inclus les impôts locaux. Donc, l'agriculteur qui a eu une mauvaise récolte, le monsieur ou la dame qui a perdu son emploi, qui a eu une mauvaise année en termes de revenus, peut ainsi, en bénéficiant du bouclier fiscal, payer moins d'impôts.
G. Bonos : Je m'adresse au ministre du Budget : est-ce que quand même, néanmoins, les Français sont un peu perplexes devant cette usine à gaz qui a été montée au fil des décennies ? Est-ce qu'il n'est pas temps, à un moment donné, de remettre à plat, de simplifier ? Il ne s'agit pas de faire le Grand soir, on sait que cela n'existe pas, mais au moins de faire en sorte que les choses soient plus claires. Parce que du coup, les Français ont peut-être l'impression que derrière tout cela, on trouve toujours de petits tuyaux pour leur piquer à chaque fois un euro de plus ?
R - Moi, je vais vous dire une chose, très importante : je pense que maintenant, le moment est venu d'imaginer une politique fiscale moderne. Je suis, moi, personnellement, très partisan de cela.
G. Bonos : C'est quoi ?
R - D'avoir avec les Français, à l'occasion de cette campagne présidentielle, un débat de fond sur qu'est-ce que c'est impôt moderne. Et de ce point de vue, je peux vous dire qu'avec N. Sarkozy, l'idée c'est bien que nous inventions la fiscalité de demain. Cela reposerait sur trois critères. Premier critère : un impôt qui doit être juste. Un impôt juste, c'est quoi ? C'est un impôt qui soit progressif mais qui ne soit pas confiscatoire. De ce point de vue, chacun voit bien l'intérêt d'un bouclier fiscal qui permet de dire qu'au-delà d'un certain pourcentage, on arrête de confisquer l'argent, parce que cela devient idéologique, ça n'a plus aucun sens, car alors, effectivement, vous avez des délocalisations de fortunes, et là on n'a plus que nos yeux pour pleurer. Cette image socialiste de l'impôt sanction, on augmente les impôts de celui qui est riche, parce qu'on va le punir, est une idée d'un autre siècle. Deuxième principe, il faut que l'impôt serve l'emploi, il faut que l'impôt serve le travail, il faut que l'impôt serve le revenu des Français, c'est capital. Voilà pourquoi il faut encore qu'on travaille l'impôt sur le revenu. Vous avez aujourd'hui un impôt sur le revenu, dont j'ai fait la réforme, qui est maintenant au standard européen. Eh bien, il faut probablement continuer d'avoir cette réflexion, comment on stimule le travail. Et puis, enfin, il faut un impôt attractif, parce qu'il faut arrêter de se payer de mots. Si notre système fiscal n'est pas compétitif par rapport aux autres pays, les investisseurs iront ailleurs. Or, nous, notre intérêt, c'est que les investisseurs viennent en France et que ceux qui prennent des risques, qui entreprennent, restent en France. La réforme de la taxe professionnelle, quel est son intérêt ? Quand j'ai mis le plafond à 3,5 % de la valeur ajoutée, là où certaines entreprises étaient taxées jusqu'à 10 % dans certaines villes ou dans certaines régions, sur leur valeur ajoutée, c'est tout simplement parce que là, on est compétitifs, là on freine les délocalisations. Moi, j'en ai assez de ces contradictions qui font que le même qui vous dit, avec des larmes dans la voix, "quelle horreur, mes entreprises se délocalisent, quittent ma ville", vous dise : "mais j'ai continué d'augmenter mes impôts locaux"... Eh bien, il y a un truc qui ne tourne pas.
E. Chavelet : On espère que toutes ces promesses deviendront réalité une fois que monsieur Sarkozy sera peut-être élu...
R - Je rejoins votre espoir.
E. Chavelet : Parce que l'on est souvent déçus, quand même, il faut le dire, depuis des années...
G. Bonos : On ne parlait pas de l'élection de monsieur Sarkozy, on est neutre dans cette affaire...
E. Chavelet : Revenons un peu au chapitre politique. E. Besson, soudain, démissionne. Est-ce que vous le sentiez, est-ce que vous sentiez qu'il y avait du cafouillage dans cette espèce de chiffrage de S. Royal, plus que dans le vôtre, peut-être ?
R - Comment plus que dans le nôtre ?! Il n'y a pas de cafouillage dans le nôtre ! Si vous voulez, on peut y revenir.
G. Bonos : On va y revenir...
R - Mais d'abord, je ne suis pas un intime des responsables socialistes et en plus monsieur Besson a dit que c'était pour des raisons personnelles. Donc je n'ai pas de commentaire à faire et je respecte...
E. Chavelet : Enfin, "personnelles", c'était pour s'occuper de sa mairie, ce n'est quand même pas très personnel !
R - Ce n'est pas à moi d'en faire l'analyse, l'exégèse... Je ne suis pas bon en commentaire de commentaire. Par contre, ce que je note simplement, c'est que oui, il y a un problème majeur à opérer au Parti socialiste français, c'est qu'ils sont infoutus, incapables de chiffrer leur programme. C'est quand même extraordinaire que S. Royal annonce un programme le dimanche et que le lundi vous avez ses porte-parole qui disent : "Restez tranquilles, on va maintenant travailler au chiffrage". Moi, je pensais que l'on faisait le programme et qu'on le chiffrait en même temps. On vous dit : "là on a fait le programme", et puis après on va faire le chiffrage, on revient vous voir dans quinze jours.
E. Chavelet : Cela a été chiffré, finalement : 30 milliards. Est-ce que vous l'avez refait ce chiffrage, de votre côté ?
R - J'ai essayé de le faire en direct, pendant que le discours se déroulait. A la moitié, j'ai arrêté, j'étais désespéré. Toutes les minutes, il y avait une dépense de plus, donc là j'ai...
E. Chavelet : Vous en étiez à combien à la moitié ?
R - Je n'ose pas le dire, c'était affreux. Alors, ensuite, il y a une question qui est derrière celle-là, ce n'est pas tellement de savoir si on fait beaucoup de dépenses ou pas, c'est surtout si ça boucle financièrement - pardon de parler en ministre du Budget. Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est quelles sont les dépenses publiques, quand on les augmente, qui génèrent de la croissance et celles qui ne le font pas. La grande différence entre le programme de N. Sarkozy et le programme de S. Royal c'est que dans le programme de N. Sarkozy, je suis désolé de vous le dire, on génère de la croissance, on génère de la richesse supplémentaire. Quand on dit qu'on baisse les impôts, qu'est-ce qui se passe si on baisse les impôts, par exemple...
E. Chavelet : Vous les baissez depuis cinq ans et la croissance traîne à 2 %.
R - Là-dessus, je vais vous dire une chose : elle traîne peut-être à 2 %, comme vous dites, mais d'abord, je voudrais rappeler que l'on a eu un trou d'air sur le troisième trimestre, lié à un élément très spécifique qui est le secteur automobile. Si j'ai fait la réforme de la taxe professionnelle, c'est d'abord pour le secteur automobile. Deuxièmement, si vous faites sur trois ans le taux de croissance moyen annuel, on est meilleur que les Allemands, dont on dit paraît-il beaucoup de bien ces derniers temps, mais qui ont eu des années difficiles...
G. Bonos : Ils gagnent des sous, quand même, 160 milliards d'euros !
R - Oui, d'accord, sauf qu'ils sont en rattrapage. On a le droit en France, aussi, de regarder le verre à moitié plein et de constater les choses de manière objective, même si c'est une bonne nouvelle pour la France. Deuxièmement, le taux de chômage est à 8,7 %, c'est le meilleur score depuis vingt ans. Enfin, le déficit budgétaire...
E. Chavelet : C'est le plus haut de l'Europe, à part la Grèce.
R - Je veux bien tout ce que l'on veut, mais on est parti à 10,5 %...
E. Chavelet : ...Bien sûr.
R - Je veux bien que l'on dise que c'est vraiment très décevant, pas bon, etc. Mais enfin on est descendus à un des meilleurs taux de chômage depuis vingt ans. Déficit budgétaire, même chose. Là, je ne sais pas avec qui vous allez me le comparer parce que la France est le premier des quatre grands pays, Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, France, le premier des quatre à être descendu en dessous de 3 % de déficit public. Là, évidemment, il faut quand même aussi constater que l'on a fait un peu attention. Juste pour finir, sur l'avenir, parce que c'est très important : l'avantage, la vertu première du programme de N. Sarkozy c'est que financièrement, il génère de la richesse. Quand vous décidez une baisse des impôts, qu'est-ce que ça fait ? C'est bon pour la croissance, donc c'est bon pour les recettes fiscales, mais c'est bon aussi pour le désendettement du pays parce que dans le même temps, N. Sarkozy assume que l'on va baisser la dépense publique, qu'on va faire de la dépense publique efficace. C'est quand même une autre manière de voir que quand S. Royal vous aligne les promesses individuelles, c'est là où véritablement on voit que la gauche, si elle est en difficulté, aujourd'hui, c'est qu'elle n'a pas crevé ses abcès idéologiques.
G. Bonos : Néanmoins, le Français lambda dont je fais partie, qui n'est pas aussi doué que les équipes qui peuvent mouliner des chiffres...
R - Mais là, vous vous faites du mal, vous parlez d'économie tous les jours !
G. Bonos : Vous dites, 30 milliards, 35 milliards, de dépenses, est-ce que c'est vraiment si important que cela ? Parce que de toute façon, moi, en tant que citoyen, je n'ai pas le moyen de vérifier les chiffrages des uns et des autres, etc. Est-ce que ce ne sont pas des querelles qui détournent peut-être une attente des Français sur plutôt la vision que l'on peut avoir de ce pays ?
R - Qu'il y ait des querelles de chiffrage, c'est normal, c'est le débat démocratique. Je reconnais avec vous que dans ce domaine-là, les Français peuvent effectivement se dire "qui a raison, qui a tort ?". Mais moi, ce qui m'intéresse d'expliquer aux Français, ce n'est pas tellement le coût de telle mesure plutôt que de telle autre, c'est le raisonnement, c'est-à-dire de dire : voilà, lorsque la France fait de la dépense publique sur de la recherche, sur l'université, sur l'enseignement supérieur, on sait que l'on investit dans l'avenir, parce que cela veut dire améliorer la qualification des étudiants, des chercheurs, etc. Quand on dit simplement : je vous promets que si je suis élu je vous garantie le pouvoir d'achat, comme dit madame Royal, sans dire comment. Quand elle vous dit : si je suis élue, on passe le Smic à 1.500 euros, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Ceux qui sont aujourd'hui au niveau du Smic, se disent, "dites donc je ne suis pas prêt d'en sortir au SMIC, ça veut dire que je vais continuer comme ça". Et puis celui qui est aujourd'hui à 1.500 euros se dit que dans deux ans il est smicard... En réalité, ce n'est pas comme cela que l'on doit voir le salaire minimum. Il faut voir comment on peut gagner plus que le SMIC ; c'est une différence majeure, là encore, entre la gauche et la droite. On en parlera ce soir dans la réunion de mon club "Génération France.fr", parce que je veux mettre les pieds dans le plat sur cette question des Français et de l'argent.
E. Chavelet : Monsieur Copé, vous dites effectivement, et ça on abonde dans votre sens, que monsieur Sarkozy dit des choses précises, par exemple : je vais supprimer un fonctionnaire sur deux.
R - Ben oui.
E. Chavelet : Facile à dire...
R - Ah bah, dites donc !
E. Chavelet : ...Moins facile à faire. Est-ce que vous pouvez nous préciser ; monsieur Chérèque a dit l'autre jour : " ça veut dire que comme il y a la moitié des fonctionnaires qui sont dans l'Education, on va ne pas remplacer un quart des professeurs partant à la retraite, c'est impossible ". Est-ce que, quand même, vous pouvez nous dire : un fonctionnaire sur deux, où ? Puisque parallèlement on dit qu'il faut plus de policiers, plus de magistrats, plus de professeurs, plus de choses, plus de trucs...
R - Je réponds. D'abord, je voudrais vous dire une chose : il ne faut pas dire que s'engager à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux, c'est facile à dire, parce que ce n'est pas si fréquent que ça qu'un responsable politique prenne des engagements sur des sujets aussi difficiles, alors que les Français, depuis des années ont un rapport à la dépense publique qui est quand même assez compliqué. Très souvent, on l'entend, on dit : " eh bien écoutez, vous pouvez baisser les dépenses publiques mais pas dans l'école de mon enfant ", bon, on la connaît l'histoire. Bien. Donc, ça, ça s'appelle du courage politique. Deuxièmement, moi, je peux témoigner que cette approche est parfaitement crédible, je peux en témoigner parce que je suis ministre du Budget, et que j'ai présenté cette année un budget pour 2007 dans lequel on ne remplace pas 15.000 fonctionnaires qui partent en retraite.
E. Chavelet : C'est à dire que ça fait combien, grosso modo ? Cela fait un sur quatre ou cinq, non ?
R - Oui, à peu près.
E. Chavelet : Un sur deux, ce n'est pas pareil.
R - Attendez, c'est la première fois que l'on fait autant. Alors comment je l'ai fait ? Je ne l'ai pas fait de manière idéologique, je l'ai fait sur la base des audits que j'ai lancés, et qui, au fonctionnaire près, justifient le nombre de fonctionnaires que l'on ne remplace pas. Et vous savez comment on l'a fait ? On l'a fait sur la base d'analyses très précises. Je prends l'exemple de l'Education nationale, puisqu'il a l'air de vous tenir à coeur...
G. Bonos : Il y a encore plein de questions...
R - Il y a beaucoup plus d'élèves dans le primaire, on crée des postes dans le primaire, il y a moins d'élèves dans le secondaire, eh bien, on crée moins de postes dans le secondaire, voilà l'exemple très concret. Et on le fera à tous les niveaux et dans toutes les administrations. A Bercy, nous ne remplaçons pas de fonctionnaires...
E. Chavelet : Mais ce sera long, quand même...
R - Mais pas du tout, nous ne remplaçons pas de fonctionnaires sur trois à Bercy, parce qu'Internet, les nouvelles technologies, les gains de productivité, la déclaration pré-remplie, tout ça fait redéployer les effectifs.
G. Bonos : Deux mots encore, J.-F. Copé, là, sur votre thème, mais auparavant, la polémique repart sur les super profits ; est-ce que T. Breton va re-convoquer, cette fois, monsieur de Margerie, pour le sermonner, comme il l'avait fait avec monsieur Desmarest, en essayant de le coincer, est-ce que ça n'a pas contribué quand même à cette espèce de mouvement un peu populiste qu'on évoquait en disant : les super profits, etc., alors qu'on sait que ces boîtes-là font 95% de leur chiffre dans le monde...
R - Au risque de vous paraître politiquement incorrect, moi, personnellement, je suis réservé sur ce débat, parce que je sais qu'il y a une connotation idéologique très forte : c'est encore l'histoire de l'impôt sanction. Alors quoi ? On reproche à une entreprise de faire de gros bénéfices. Moi, ce n'est pas ça que je pense qu'il faut lui reprocher, ce qu'il faut reprocher à une entreprise qui ferait de gros bénéfices, ou en tout cas, l'interroger, c'est de s'assurer que quand elle fait des gros bénéfices, elle n'a pas oublié ses salariés, on est bien assuré que les salariés qui portent le développement de l'entreprise, effectivement bénéficient d'une part importante...
G. Bonos : Les trois quarts de ses salariés ne sont plus en France...
R - Oui, en fin, il y a donc un quart en France. Deuxième remarque, ce n'est pas seulement la question de tel secteur plutôt que tel autre, aujourd'hui, c'est le pétrole, mais enfin, c'est aussi le secteur bancaire, c'est certaines parties du secteur de services. En réalité, de manière générale, ce qui me préoccupe, c'est que ces entreprises utilisent une bonne part de cet argent à créer de l'emploi, à améliorer les salaires de leurs salariés. Et puis, enfin, troisième point, moi, sur l'affaire du pétrole, excusez-moi, les socialistes hurlent, et donc, dans la grande philosophie de l'impôt sanction, on dit : "quelle horreur, Total ! Total !" Mais enfin, dites donc, je voudrais faire observer que les régions socialistes qui disposent de la TIPP, une fraction de TIPP, ont tous augmenté au plafond le taux de TIPP, qui pèse sur les consommateurs, ils ont piqué 500 millions d'euros aux consommateurs et aux automobilistes, et les mêmes viennent pleurer en disant : il faudrait surtaxer Total. C'est vraiment l'hôpital qui se moque de la charité...
E. Chavelet : C'est hypocrite... Alors, J.-F. Copé, vous avez lancé un mouvement qui s'appelle : " generationfrance.fr " ; où ça en est grosso modo ? Et ce soir, vous réunissez une conférence sur l'argent. D'ailleurs, maintenant, vous ne dites plus "l'argent", vous dites "le fric". Les Français sont obsédés par "le fric"...
R - Vous savez, j'ai promis que j'arrêtais la langue de bois, donc je dis les choses telles que je les entends, telles que je les vois et telles que je les pense... Pourquoi ? Tout simplement parce que les Français attendent de nous un discours de vérité. J'ai créé ce club, dont la devise d'ailleurs est "0% de petites phrases, 100% débats d'idées", avec cette idée simple que le débat public moderne doit avoir les yeux rivés sur ce qui se passe dans le reste du monde, doit voir les choses telles qu'elles sont, avec des thèmes un peu décalés. Par exemple, le premier thème que nous avons abordé, c'est qu'est-ce que c'est être français, l'identité française dans une France aussi diverse que celle qui est la nôtre aujourd'hui. Moi, je me suis engagé, vous le savez, aux côtés de N. Sarkozy, pour cette campagne présidentielle, mais en même temps, je souhaite apporter ma contribution. Et ce soir, on va débattre de l'argent, les Français et l'argent, avec cette idée simple que nous devons aborder toutes les questions. Qu'est-ce que c'est la pauvreté aujourd'hui, les nouveaux pauvres, est-ce que la France d'aujourd'hui, c'est celle de l'hiver 54 ? A l'évidence, non. Mais il y a aussi des phénomènes de pauvreté qu'il nous faut appréhender, le maire de Meaux que je suis ne l'oublie pas. Il y a aussi la question du budget des familles, qui a aujourd'hui explosé sur certains postes, le logement, il y aura un professionnel de ce sujet qui va en parler ; la question aussi des nouvelles dépenses contraintes, le téléphone portable, Internet ; le responsable du journal L'Etudiant va venir nous dire ce que c'est que la vie quotidienne d'un étudiant. Et puis, le troisième thème, c'est les riches. Est-ce qu'on a encore besoin des riches en France ? J'ai demandé à un ancien sportif de haut niveau, P. Dominguez, de venir nous raconter ça, c'est un champion de tennis, mais aussi un jeune chef d'entreprise issu des banlieues qui a réussi, pour qu'il nous raconte ce que c'est, qu'on nous parle de délocalisations, qu'on nous parle d'argent au sens le plus commun du terme, pour essayer de tracer des perspectives d'avenir.
E. Chavelet : Et de faire aimer l'argent ?
R - Eh bien, en tout cas, de mesurer que l'argent, ça doit avoir une fonction...
G. Bonos : Ce n'est pas un gros mot...
E. Chavelet : Ce n'est pas un gros mot...
R - Une fonction de sécurité tout au long de la vie, une fonction de prime pour celui qui prend des risques, et une fonction de moteur pour celui qui a envie de travailler plus.
G. Bonos : J.-F. Copé, est-ce que ça veut dire qu'il y a une vie après le Gouvernement ?
R - Ah, ben, j'espère bien, dites donc. Je vois bien à quoi vous faites allusion, mais enfin, écoutez...
G. Bonos : Mais il va servir ? ce gouvernement, là...
R - Vous savez, par définition, moi, j'ai toujours eu à l'esprit que c'était des contrats précaires, mais que c'était au service du pays, et que c'est des moments de vie tout à fait exceptionnels.
G. Bonos : Merci J.-F. Copé.
E. Chavelet : Merci beaucoup.
R - Merci à vous.
G. Moreau : Avec G. Bonos et E. Chavelet, c'était J.-F. Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement. Et à propos d'impôt, on rappellera qu'aujourd'hui, c'est le dernier délai pour payer le premier tiers de l'impôt sur le revenu. Monsieur le Ministre, vous confirmez que vous serez sans pitié avec les retardataires...
R - Oui, sauf si vous payez sur Internet...
Bonos : Oui, là, on a un petit délai jusqu'au 27...
R - Là, vous avez des délais supplémentaires, et n'oubliez pas que cette année, la déclaration est pré-remplie, comme l'année précédente...
G. Bonos : Il y a plus qu'à signer...
R - Donc c'est plutôt du côté du mois de mai que tout cela se fera et non plus du mois de mars.
G. Moreau : Nous voilà prévenus. Merci Monsieur Copé.
E. Chavelet : Oui. Monsieur Copé, vous êtes doublement servi par l'actualité, l'actualité politique avec la démission surprise d'E. Besson, le monsieur qui est chargé du chiffrage du projet de S. Royal, et puis aussi par le chiffrage de l'ISF qui montre qu'un contribuable par jour, aujourd'hui, part - avant c'était deux contribuables. Avant de parler d'E. Besson, j'aurais voulu parler de l'ISF, en vous posant la question suivante : vous continuez, malgré tous les chiffres qui sont donnés, malgré les départs successifs - J. Hallyday à Monaco, on apprend aujourd'hui Renaud à Londres - à garder, à vouloir conserver ce tabou. Est-ce que vous ne craignez pas qu'à force vos électeurs doutent de N. Sarkozy en pensant voir en lui un Chirac bis, c'est-à-dire quelqu'un qui oscille un peu péniblement entre libéralisme et égalitarisme ?
R - La question de l'ISF est une question qui est très passionnelle en France, c'est d'ailleurs toute la difficulté. Bien sûr que c'est un impôt qui pose d'énormes problèmes, parce que, effectivement, on le voit bien, il est source de délocalisation de fortunes. Mais en réalité, derrière le débat sur l'ISF, il y a un débat beaucoup plus profond en France, qui est le débat sur l'argent, les Français et l'argent. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si j'ai choisi ce thème pour mon club "Génération France.fr", ce soir, c'est parce que...
E. Chavelet : Vous dites maintenant "le fric", d'ailleurs...
R - Oui, parce que je crois que c'est un de ces paradoxes : nous avons, nous, beaucoup de mal en politique à prononcer le mot. On parle de pouvoir d'achat, de niveau de vie, de vie chère...
G. Bonos : On n'a jamais aimé l'argent en France...
R - Vous avez tout à fait raison, sauf que les Français, entre eux, ils parlent quand même énormément d'argent. Vous savez, dans les repas de familles, de quoi on parle ? "Ah, j'aimerais bien gagner un peu plus"...
G. Bonos : A 1.600 euros le salaire médian en France, on comprend...
E. Chavelet : Oui, mais attendez. S. Royal et F. Hollande paient l'impôt sur la fortune, les socialistes comprendront très bien que ce n'est pas un impôt de riches.
R - Oui, sauf que je me permets de vous faire observer que c'est F. Hollande l'auteur de cette phrase grotesque, "je n'aime pas les riches". C'est le même F. Hollande qui a, parmi ses toutes premières déclarations de campagne, indiqué qu'au-dessus de 4.000 euros par mois, il réaugmentait les impôts, ce qui rappelait G. Marchais, quand j'étais petit, qui disait...
E. Chavelet : Vous restez arc-bouté sur cet impôt idiot.
R - Comment ?
E. Chavelet : Vous restez arc-bouté sur cet impôt stupide ?
R - Attendez, justement, c'est quand même le deuxième point que je voulais dire, c'est qu'il y a quand même eu beaucoup d'avancées par rapport à cela et la première c'est celle du bouclier fiscal, parce que toutes ces délocalisations que vous évoquez, elles sont antérieures à la mise en oeuvre du bouclier fiscal, qui est en place depuis le 1er janvier et dont je rappelle qu'il permet, qu'il assume que, désormais, l'impôt ne peut plus être confiscatoire puisqu'on ne peut pas payer plus de 60 % de ce que l'on gagne en impôts locaux, impôts sur le revenu ou impôt sur la fortune.
G. Bonos : deux petites questions. La première, justement, puisqu'il y a le bouclier fiscal, l'opposition vous accuse de faire une espèce de... d'assassiner de manière soft l'ISF. Pourquoi carrément ne pas dire, en effet, on fait le bouclier fiscal, et puis on arrête. Deuxième chose, c'est que le mot "Impôt de solidarité sur la fortune", quand quelqu'un paie l'ISF, en vérité, c'est quoi ? C'est une surtaxe de moins de 1.000 euros. Est-ce que l'on peut considérer que c'est quelqu'un de fortuné ? Est-ce qu'il n'y a pas aussi un problème sémantique ?
R - Mais vous voyez comme tout est compliqué. Regardez, de vous-même d'ailleurs, vous le dites. Vous dites : "Il faudrait savoir, vous ne supprimez pas mais vous l'amoindrissez". Donc, tout cela prouve que c'est un débat qui est vraiment très idéologique, et que face à cela, il faut quand même aussi dire les choses telles qu'elles sont. Beaucoup de Français, les sondages le montrent, beaucoup, une très grande majorité de Français, sont attachés au maintient de cet impôt. Il faut le savoir.
E. Chavelet : Oui, mais les sondages ne sont pas toujours les gens qui gouvernent le politique j'espère...
R - Vous avez tout à fait raison. N'empêche que, qu'est-ce que nous avons à leur proposer ? Un raisonnement. On a dit : ok, très bien, on voit bien que l'opinion publique dans son ensemble est attachée à ce que l'ISF contribue à la justice fiscale. Eh bien d'accord, ok, mais dans ce cas, on va réorienter cet impôt, c'est-à-dire que désormais, quand on a beaucoup d'argent et qu'on veut en payer moins en ISF, on n'a qu'à l'investir dans le capital des entreprises, notamment des PME.
G. Bonos : Le fameux plafond de 50.000 euros ?
R - Oui, c'est ça, voilà, tout à fait, les 50.000 euros. Quel est l'intérêt de cela ? C'est qu'alors l'Etat dit qu'il est prêt à renoncer à une partie de ses recettes fiscales si cet argent va financer les entreprises, c'est-à-dire la croissance et l'emploi. Là, cela a du sens, comme d'ailleurs le bouclier fiscal que N. Sarkozy propose de descendre à 50 %, renforçant celui qui existe aujourd'hui, puisqu'il y inclut la CSG, et qui est un dispositif qui est à la fois attractif pour les investisseurs, mais également juste, puisque je rappelle qu'une écrasante majorité des bénéficiaires du bouclier fiscal sont des gens modestes, puisqu'on y a inclus les impôts locaux. Donc, l'agriculteur qui a eu une mauvaise récolte, le monsieur ou la dame qui a perdu son emploi, qui a eu une mauvaise année en termes de revenus, peut ainsi, en bénéficiant du bouclier fiscal, payer moins d'impôts.
G. Bonos : Je m'adresse au ministre du Budget : est-ce que quand même, néanmoins, les Français sont un peu perplexes devant cette usine à gaz qui a été montée au fil des décennies ? Est-ce qu'il n'est pas temps, à un moment donné, de remettre à plat, de simplifier ? Il ne s'agit pas de faire le Grand soir, on sait que cela n'existe pas, mais au moins de faire en sorte que les choses soient plus claires. Parce que du coup, les Français ont peut-être l'impression que derrière tout cela, on trouve toujours de petits tuyaux pour leur piquer à chaque fois un euro de plus ?
R - Moi, je vais vous dire une chose, très importante : je pense que maintenant, le moment est venu d'imaginer une politique fiscale moderne. Je suis, moi, personnellement, très partisan de cela.
G. Bonos : C'est quoi ?
R - D'avoir avec les Français, à l'occasion de cette campagne présidentielle, un débat de fond sur qu'est-ce que c'est impôt moderne. Et de ce point de vue, je peux vous dire qu'avec N. Sarkozy, l'idée c'est bien que nous inventions la fiscalité de demain. Cela reposerait sur trois critères. Premier critère : un impôt qui doit être juste. Un impôt juste, c'est quoi ? C'est un impôt qui soit progressif mais qui ne soit pas confiscatoire. De ce point de vue, chacun voit bien l'intérêt d'un bouclier fiscal qui permet de dire qu'au-delà d'un certain pourcentage, on arrête de confisquer l'argent, parce que cela devient idéologique, ça n'a plus aucun sens, car alors, effectivement, vous avez des délocalisations de fortunes, et là on n'a plus que nos yeux pour pleurer. Cette image socialiste de l'impôt sanction, on augmente les impôts de celui qui est riche, parce qu'on va le punir, est une idée d'un autre siècle. Deuxième principe, il faut que l'impôt serve l'emploi, il faut que l'impôt serve le travail, il faut que l'impôt serve le revenu des Français, c'est capital. Voilà pourquoi il faut encore qu'on travaille l'impôt sur le revenu. Vous avez aujourd'hui un impôt sur le revenu, dont j'ai fait la réforme, qui est maintenant au standard européen. Eh bien, il faut probablement continuer d'avoir cette réflexion, comment on stimule le travail. Et puis, enfin, il faut un impôt attractif, parce qu'il faut arrêter de se payer de mots. Si notre système fiscal n'est pas compétitif par rapport aux autres pays, les investisseurs iront ailleurs. Or, nous, notre intérêt, c'est que les investisseurs viennent en France et que ceux qui prennent des risques, qui entreprennent, restent en France. La réforme de la taxe professionnelle, quel est son intérêt ? Quand j'ai mis le plafond à 3,5 % de la valeur ajoutée, là où certaines entreprises étaient taxées jusqu'à 10 % dans certaines villes ou dans certaines régions, sur leur valeur ajoutée, c'est tout simplement parce que là, on est compétitifs, là on freine les délocalisations. Moi, j'en ai assez de ces contradictions qui font que le même qui vous dit, avec des larmes dans la voix, "quelle horreur, mes entreprises se délocalisent, quittent ma ville", vous dise : "mais j'ai continué d'augmenter mes impôts locaux"... Eh bien, il y a un truc qui ne tourne pas.
E. Chavelet : On espère que toutes ces promesses deviendront réalité une fois que monsieur Sarkozy sera peut-être élu...
R - Je rejoins votre espoir.
E. Chavelet : Parce que l'on est souvent déçus, quand même, il faut le dire, depuis des années...
G. Bonos : On ne parlait pas de l'élection de monsieur Sarkozy, on est neutre dans cette affaire...
E. Chavelet : Revenons un peu au chapitre politique. E. Besson, soudain, démissionne. Est-ce que vous le sentiez, est-ce que vous sentiez qu'il y avait du cafouillage dans cette espèce de chiffrage de S. Royal, plus que dans le vôtre, peut-être ?
R - Comment plus que dans le nôtre ?! Il n'y a pas de cafouillage dans le nôtre ! Si vous voulez, on peut y revenir.
G. Bonos : On va y revenir...
R - Mais d'abord, je ne suis pas un intime des responsables socialistes et en plus monsieur Besson a dit que c'était pour des raisons personnelles. Donc je n'ai pas de commentaire à faire et je respecte...
E. Chavelet : Enfin, "personnelles", c'était pour s'occuper de sa mairie, ce n'est quand même pas très personnel !
R - Ce n'est pas à moi d'en faire l'analyse, l'exégèse... Je ne suis pas bon en commentaire de commentaire. Par contre, ce que je note simplement, c'est que oui, il y a un problème majeur à opérer au Parti socialiste français, c'est qu'ils sont infoutus, incapables de chiffrer leur programme. C'est quand même extraordinaire que S. Royal annonce un programme le dimanche et que le lundi vous avez ses porte-parole qui disent : "Restez tranquilles, on va maintenant travailler au chiffrage". Moi, je pensais que l'on faisait le programme et qu'on le chiffrait en même temps. On vous dit : "là on a fait le programme", et puis après on va faire le chiffrage, on revient vous voir dans quinze jours.
E. Chavelet : Cela a été chiffré, finalement : 30 milliards. Est-ce que vous l'avez refait ce chiffrage, de votre côté ?
R - J'ai essayé de le faire en direct, pendant que le discours se déroulait. A la moitié, j'ai arrêté, j'étais désespéré. Toutes les minutes, il y avait une dépense de plus, donc là j'ai...
E. Chavelet : Vous en étiez à combien à la moitié ?
R - Je n'ose pas le dire, c'était affreux. Alors, ensuite, il y a une question qui est derrière celle-là, ce n'est pas tellement de savoir si on fait beaucoup de dépenses ou pas, c'est surtout si ça boucle financièrement - pardon de parler en ministre du Budget. Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est quelles sont les dépenses publiques, quand on les augmente, qui génèrent de la croissance et celles qui ne le font pas. La grande différence entre le programme de N. Sarkozy et le programme de S. Royal c'est que dans le programme de N. Sarkozy, je suis désolé de vous le dire, on génère de la croissance, on génère de la richesse supplémentaire. Quand on dit qu'on baisse les impôts, qu'est-ce qui se passe si on baisse les impôts, par exemple...
E. Chavelet : Vous les baissez depuis cinq ans et la croissance traîne à 2 %.
R - Là-dessus, je vais vous dire une chose : elle traîne peut-être à 2 %, comme vous dites, mais d'abord, je voudrais rappeler que l'on a eu un trou d'air sur le troisième trimestre, lié à un élément très spécifique qui est le secteur automobile. Si j'ai fait la réforme de la taxe professionnelle, c'est d'abord pour le secteur automobile. Deuxièmement, si vous faites sur trois ans le taux de croissance moyen annuel, on est meilleur que les Allemands, dont on dit paraît-il beaucoup de bien ces derniers temps, mais qui ont eu des années difficiles...
G. Bonos : Ils gagnent des sous, quand même, 160 milliards d'euros !
R - Oui, d'accord, sauf qu'ils sont en rattrapage. On a le droit en France, aussi, de regarder le verre à moitié plein et de constater les choses de manière objective, même si c'est une bonne nouvelle pour la France. Deuxièmement, le taux de chômage est à 8,7 %, c'est le meilleur score depuis vingt ans. Enfin, le déficit budgétaire...
E. Chavelet : C'est le plus haut de l'Europe, à part la Grèce.
R - Je veux bien tout ce que l'on veut, mais on est parti à 10,5 %...
E. Chavelet : ...Bien sûr.
R - Je veux bien que l'on dise que c'est vraiment très décevant, pas bon, etc. Mais enfin on est descendus à un des meilleurs taux de chômage depuis vingt ans. Déficit budgétaire, même chose. Là, je ne sais pas avec qui vous allez me le comparer parce que la France est le premier des quatre grands pays, Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, France, le premier des quatre à être descendu en dessous de 3 % de déficit public. Là, évidemment, il faut quand même aussi constater que l'on a fait un peu attention. Juste pour finir, sur l'avenir, parce que c'est très important : l'avantage, la vertu première du programme de N. Sarkozy c'est que financièrement, il génère de la richesse. Quand vous décidez une baisse des impôts, qu'est-ce que ça fait ? C'est bon pour la croissance, donc c'est bon pour les recettes fiscales, mais c'est bon aussi pour le désendettement du pays parce que dans le même temps, N. Sarkozy assume que l'on va baisser la dépense publique, qu'on va faire de la dépense publique efficace. C'est quand même une autre manière de voir que quand S. Royal vous aligne les promesses individuelles, c'est là où véritablement on voit que la gauche, si elle est en difficulté, aujourd'hui, c'est qu'elle n'a pas crevé ses abcès idéologiques.
G. Bonos : Néanmoins, le Français lambda dont je fais partie, qui n'est pas aussi doué que les équipes qui peuvent mouliner des chiffres...
R - Mais là, vous vous faites du mal, vous parlez d'économie tous les jours !
G. Bonos : Vous dites, 30 milliards, 35 milliards, de dépenses, est-ce que c'est vraiment si important que cela ? Parce que de toute façon, moi, en tant que citoyen, je n'ai pas le moyen de vérifier les chiffrages des uns et des autres, etc. Est-ce que ce ne sont pas des querelles qui détournent peut-être une attente des Français sur plutôt la vision que l'on peut avoir de ce pays ?
R - Qu'il y ait des querelles de chiffrage, c'est normal, c'est le débat démocratique. Je reconnais avec vous que dans ce domaine-là, les Français peuvent effectivement se dire "qui a raison, qui a tort ?". Mais moi, ce qui m'intéresse d'expliquer aux Français, ce n'est pas tellement le coût de telle mesure plutôt que de telle autre, c'est le raisonnement, c'est-à-dire de dire : voilà, lorsque la France fait de la dépense publique sur de la recherche, sur l'université, sur l'enseignement supérieur, on sait que l'on investit dans l'avenir, parce que cela veut dire améliorer la qualification des étudiants, des chercheurs, etc. Quand on dit simplement : je vous promets que si je suis élu je vous garantie le pouvoir d'achat, comme dit madame Royal, sans dire comment. Quand elle vous dit : si je suis élue, on passe le Smic à 1.500 euros, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Ceux qui sont aujourd'hui au niveau du Smic, se disent, "dites donc je ne suis pas prêt d'en sortir au SMIC, ça veut dire que je vais continuer comme ça". Et puis celui qui est aujourd'hui à 1.500 euros se dit que dans deux ans il est smicard... En réalité, ce n'est pas comme cela que l'on doit voir le salaire minimum. Il faut voir comment on peut gagner plus que le SMIC ; c'est une différence majeure, là encore, entre la gauche et la droite. On en parlera ce soir dans la réunion de mon club "Génération France.fr", parce que je veux mettre les pieds dans le plat sur cette question des Français et de l'argent.
E. Chavelet : Monsieur Copé, vous dites effectivement, et ça on abonde dans votre sens, que monsieur Sarkozy dit des choses précises, par exemple : je vais supprimer un fonctionnaire sur deux.
R - Ben oui.
E. Chavelet : Facile à dire...
R - Ah bah, dites donc !
E. Chavelet : ...Moins facile à faire. Est-ce que vous pouvez nous préciser ; monsieur Chérèque a dit l'autre jour : " ça veut dire que comme il y a la moitié des fonctionnaires qui sont dans l'Education, on va ne pas remplacer un quart des professeurs partant à la retraite, c'est impossible ". Est-ce que, quand même, vous pouvez nous dire : un fonctionnaire sur deux, où ? Puisque parallèlement on dit qu'il faut plus de policiers, plus de magistrats, plus de professeurs, plus de choses, plus de trucs...
R - Je réponds. D'abord, je voudrais vous dire une chose : il ne faut pas dire que s'engager à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux, c'est facile à dire, parce que ce n'est pas si fréquent que ça qu'un responsable politique prenne des engagements sur des sujets aussi difficiles, alors que les Français, depuis des années ont un rapport à la dépense publique qui est quand même assez compliqué. Très souvent, on l'entend, on dit : " eh bien écoutez, vous pouvez baisser les dépenses publiques mais pas dans l'école de mon enfant ", bon, on la connaît l'histoire. Bien. Donc, ça, ça s'appelle du courage politique. Deuxièmement, moi, je peux témoigner que cette approche est parfaitement crédible, je peux en témoigner parce que je suis ministre du Budget, et que j'ai présenté cette année un budget pour 2007 dans lequel on ne remplace pas 15.000 fonctionnaires qui partent en retraite.
E. Chavelet : C'est à dire que ça fait combien, grosso modo ? Cela fait un sur quatre ou cinq, non ?
R - Oui, à peu près.
E. Chavelet : Un sur deux, ce n'est pas pareil.
R - Attendez, c'est la première fois que l'on fait autant. Alors comment je l'ai fait ? Je ne l'ai pas fait de manière idéologique, je l'ai fait sur la base des audits que j'ai lancés, et qui, au fonctionnaire près, justifient le nombre de fonctionnaires que l'on ne remplace pas. Et vous savez comment on l'a fait ? On l'a fait sur la base d'analyses très précises. Je prends l'exemple de l'Education nationale, puisqu'il a l'air de vous tenir à coeur...
G. Bonos : Il y a encore plein de questions...
R - Il y a beaucoup plus d'élèves dans le primaire, on crée des postes dans le primaire, il y a moins d'élèves dans le secondaire, eh bien, on crée moins de postes dans le secondaire, voilà l'exemple très concret. Et on le fera à tous les niveaux et dans toutes les administrations. A Bercy, nous ne remplaçons pas de fonctionnaires...
E. Chavelet : Mais ce sera long, quand même...
R - Mais pas du tout, nous ne remplaçons pas de fonctionnaires sur trois à Bercy, parce qu'Internet, les nouvelles technologies, les gains de productivité, la déclaration pré-remplie, tout ça fait redéployer les effectifs.
G. Bonos : Deux mots encore, J.-F. Copé, là, sur votre thème, mais auparavant, la polémique repart sur les super profits ; est-ce que T. Breton va re-convoquer, cette fois, monsieur de Margerie, pour le sermonner, comme il l'avait fait avec monsieur Desmarest, en essayant de le coincer, est-ce que ça n'a pas contribué quand même à cette espèce de mouvement un peu populiste qu'on évoquait en disant : les super profits, etc., alors qu'on sait que ces boîtes-là font 95% de leur chiffre dans le monde...
R - Au risque de vous paraître politiquement incorrect, moi, personnellement, je suis réservé sur ce débat, parce que je sais qu'il y a une connotation idéologique très forte : c'est encore l'histoire de l'impôt sanction. Alors quoi ? On reproche à une entreprise de faire de gros bénéfices. Moi, ce n'est pas ça que je pense qu'il faut lui reprocher, ce qu'il faut reprocher à une entreprise qui ferait de gros bénéfices, ou en tout cas, l'interroger, c'est de s'assurer que quand elle fait des gros bénéfices, elle n'a pas oublié ses salariés, on est bien assuré que les salariés qui portent le développement de l'entreprise, effectivement bénéficient d'une part importante...
G. Bonos : Les trois quarts de ses salariés ne sont plus en France...
R - Oui, en fin, il y a donc un quart en France. Deuxième remarque, ce n'est pas seulement la question de tel secteur plutôt que tel autre, aujourd'hui, c'est le pétrole, mais enfin, c'est aussi le secteur bancaire, c'est certaines parties du secteur de services. En réalité, de manière générale, ce qui me préoccupe, c'est que ces entreprises utilisent une bonne part de cet argent à créer de l'emploi, à améliorer les salaires de leurs salariés. Et puis, enfin, troisième point, moi, sur l'affaire du pétrole, excusez-moi, les socialistes hurlent, et donc, dans la grande philosophie de l'impôt sanction, on dit : "quelle horreur, Total ! Total !" Mais enfin, dites donc, je voudrais faire observer que les régions socialistes qui disposent de la TIPP, une fraction de TIPP, ont tous augmenté au plafond le taux de TIPP, qui pèse sur les consommateurs, ils ont piqué 500 millions d'euros aux consommateurs et aux automobilistes, et les mêmes viennent pleurer en disant : il faudrait surtaxer Total. C'est vraiment l'hôpital qui se moque de la charité...
E. Chavelet : C'est hypocrite... Alors, J.-F. Copé, vous avez lancé un mouvement qui s'appelle : " generationfrance.fr " ; où ça en est grosso modo ? Et ce soir, vous réunissez une conférence sur l'argent. D'ailleurs, maintenant, vous ne dites plus "l'argent", vous dites "le fric". Les Français sont obsédés par "le fric"...
R - Vous savez, j'ai promis que j'arrêtais la langue de bois, donc je dis les choses telles que je les entends, telles que je les vois et telles que je les pense... Pourquoi ? Tout simplement parce que les Français attendent de nous un discours de vérité. J'ai créé ce club, dont la devise d'ailleurs est "0% de petites phrases, 100% débats d'idées", avec cette idée simple que le débat public moderne doit avoir les yeux rivés sur ce qui se passe dans le reste du monde, doit voir les choses telles qu'elles sont, avec des thèmes un peu décalés. Par exemple, le premier thème que nous avons abordé, c'est qu'est-ce que c'est être français, l'identité française dans une France aussi diverse que celle qui est la nôtre aujourd'hui. Moi, je me suis engagé, vous le savez, aux côtés de N. Sarkozy, pour cette campagne présidentielle, mais en même temps, je souhaite apporter ma contribution. Et ce soir, on va débattre de l'argent, les Français et l'argent, avec cette idée simple que nous devons aborder toutes les questions. Qu'est-ce que c'est la pauvreté aujourd'hui, les nouveaux pauvres, est-ce que la France d'aujourd'hui, c'est celle de l'hiver 54 ? A l'évidence, non. Mais il y a aussi des phénomènes de pauvreté qu'il nous faut appréhender, le maire de Meaux que je suis ne l'oublie pas. Il y a aussi la question du budget des familles, qui a aujourd'hui explosé sur certains postes, le logement, il y aura un professionnel de ce sujet qui va en parler ; la question aussi des nouvelles dépenses contraintes, le téléphone portable, Internet ; le responsable du journal L'Etudiant va venir nous dire ce que c'est que la vie quotidienne d'un étudiant. Et puis, le troisième thème, c'est les riches. Est-ce qu'on a encore besoin des riches en France ? J'ai demandé à un ancien sportif de haut niveau, P. Dominguez, de venir nous raconter ça, c'est un champion de tennis, mais aussi un jeune chef d'entreprise issu des banlieues qui a réussi, pour qu'il nous raconte ce que c'est, qu'on nous parle de délocalisations, qu'on nous parle d'argent au sens le plus commun du terme, pour essayer de tracer des perspectives d'avenir.
E. Chavelet : Et de faire aimer l'argent ?
R - Eh bien, en tout cas, de mesurer que l'argent, ça doit avoir une fonction...
G. Bonos : Ce n'est pas un gros mot...
E. Chavelet : Ce n'est pas un gros mot...
R - Une fonction de sécurité tout au long de la vie, une fonction de prime pour celui qui prend des risques, et une fonction de moteur pour celui qui a envie de travailler plus.
G. Bonos : J.-F. Copé, est-ce que ça veut dire qu'il y a une vie après le Gouvernement ?
R - Ah, ben, j'espère bien, dites donc. Je vois bien à quoi vous faites allusion, mais enfin, écoutez...
G. Bonos : Mais il va servir ? ce gouvernement, là...
R - Vous savez, par définition, moi, j'ai toujours eu à l'esprit que c'était des contrats précaires, mais que c'était au service du pays, et que c'est des moments de vie tout à fait exceptionnels.
G. Bonos : Merci J.-F. Copé.
E. Chavelet : Merci beaucoup.
R - Merci à vous.
G. Moreau : Avec G. Bonos et E. Chavelet, c'était J.-F. Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement. Et à propos d'impôt, on rappellera qu'aujourd'hui, c'est le dernier délai pour payer le premier tiers de l'impôt sur le revenu. Monsieur le Ministre, vous confirmez que vous serez sans pitié avec les retardataires...
R - Oui, sauf si vous payez sur Internet...
Bonos : Oui, là, on a un petit délai jusqu'au 27...
R - Là, vous avez des délais supplémentaires, et n'oubliez pas que cette année, la déclaration est pré-remplie, comme l'année précédente...
G. Bonos : Il y a plus qu'à signer...
R - Donc c'est plutôt du côté du mois de mai que tout cela se fera et non plus du mois de mars.
G. Moreau : Nous voilà prévenus. Merci Monsieur Copé.