Interview de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, dans "La Croix" du 22 février 2007, sur son entrevue avec les représentants du Saint-Siège à Rome concernant le commerce des médicaments, le financement de l'accès des pays les plus pauvres à ces médicaments et sur la proposition de la France de taxer les billets d'avion pour financer la lutte contre les grandes pandémies.

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Média : La Croix

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Q - Lundi, en plus des autorités gouvernementales italiennes, vous avez demandé à rencontrer des responsables du Saint-Siège. Pourquoi ?
R - Dans mon portefeuille ministériel, j'ai trois responsabilités : attractivité de la France, exportations françaises et voix de la France dans les accords multilatéraux. Tous ces thèmes ont en commun la mondialisation. Un sujet qui me préoccupe donc au premier chef et sur lequel je sais que l'Eglise réfléchit aussi, dans ses aspects sociaux, environnementaux. J'ai voulu mieux comprendre la position de l'Eglise, et c'est dans ce cadre que j'ai rencontré le cardinal Renato Martino, président du Conseil pontifical Justice et Paix.
Q - Une ministre de la république qui s'entretient avec un cardinal sur des sujets économiques, c'est un peu inattendu, non ?
R - Le commerce extérieur concerne la régulation mondiale du commerce, c'est à dire qu'il touche aussi au développement de chacun des pays. L'Eglise est un acteur du développement, dans son action pour aider les plus pauvres, et elle a une réflexion aboutie sur ce sujet, pour promouvoir un développement juste et solidaire. J'ai trouvé en la personne du cardinal Martino un interlocuteur tout à fait ouvert sur ces thèmes.
Q - Concrètement, qu'attendez-vous du Saint-Siège ?
R - Nous avons parlé du commerce des médicaments et d'une logique concernant le financement de l'accès des pays les plus pauvres à ces médicaments. Je souhaite convaincre le Saint-Siège de soutenir la proposition de la France consistant à taxer les billets d'avion pour financer la lutte contre les grandes pandémies. C'était une première rencontre et je pense que nous pourrons parvenir à un accord. Nous avons aussi discuté de la protection des brevets pharmaceutiques.
Q - Le Vatican met en avant la notion de commerce éthique ou équitable.
R - Personnellement, je pencherais plutôt pour la notion de commerce loyal, c'est-à-dire obtenir que les échanges comportent l'ensemble des informations pour les consommateurs, et des règles observées par les pays producteurs. Plus généralement, je ne suis pas pour une réglementation excessive, mais plutôt pour une démarche consensuelle.
Sur le développement durable et l'écologie, ce qui est important, c'est que les acteurs prennent conscience de leur intérêt à eux de respecter l'environnement.
Q - Comment changer l'image de la mondialisation ?
R - J'ai monté un groupe de travail sur ce sujet, dont fait partie, d'ailleurs, un prêtre du diocèse de Paris, avec des représentants de courants philosophiques et religieux, et aussi des membres de pays différents. J'ai souhaité ainsi prendre l'avis des hommes de bonne volonté, pour déchiffrer avec eux les meilleures façons de communiquer sur la mondialisation, et d'explorer les voies d'une mondialisation maîtrisée. C'est-à-dire, pour moi, plus responsable, plus durable, et plus loyale. Je rendrai publiques nos conclusions fin mars.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 février 2007