Texte intégral
Intervention de Dominique Strauss-Kahn, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrieà propos du projet de loi sur l'épargne et la sécurité financière, à l'Assemblée nationale, le 9 mars 1999
I - Quelques idées générales sur le texte que je présente et défends aujourd'hui devant vous :
1) Ce texte achève un processus, auquel l'Assemblée a été étroitement associée et dont les deux moments forts auront été un rapport et un débat.
. le rapport est celui de Raymond Douyère ; il a donné lieu à des centaines d'auditions ; il a plaidé pour une modernisation du statut des caisses d'épargne ; il a analysé le champ du possible ; il a opté pour la voie de la coopérative ; à l'évidence, ce rapport a constitué la sève dont s'est nourri le projet de loi du gouvernement.
. le débat est plus récent : c'est celui que nous avons eu le 17 février dernier sur l'avenir du secteur bancaire et financier ; il a fait apparaître - et c'était attendu - des différences d'appréciation sur les politiques conduites par le passé ou sur le rôle de l'Etat ; mais il a également mis en évidence - et c'était moins attendu - de réelles convergences sur les choix du gouvernement.
2) Ce texte s'inscrit dans un environnement : un monde qui bouge à grande vitesse.
. chacun peut penser ce qu'il veut de la mondialisation et, en fonction de son tempérament, de ses convictions, de son analyse, la dénoncer ou la soutenir, la redouter ou la souhaiter.
. chacun doit la prendre en compte : chaque jour qui passe le confirme : dans le domaine financier davantage que dans tout autre, la mondialisation n'est pas seulement une
perspective ; elle n'est même pas un processus ; elle est déjà une réalité concrète.
3) Ce texte constitue une partie d'un tout : nous allons débattre de cette partie ; le Parlement va l'amender ; il va se prononcer par un vote, dont j'espère et je pense qu'il sera positif. Mais, au-delà, Gouvernement et Parlement ont, en quelques mois, engagé une action visant à la fois à renforcer le secteur financier au service de la croissance et de l'emploi et à protéger les épargnants.
Renforcer le secteur financier, c'est d'abord et avant tout redonner une stratégie à ses entreprises ; en refusant le dogmatisme de la privatisation pour la privatisation (CNP) ; en cherchant à régler les dossiers (GAN - CIC - SMC - réforme du CDR - sauvetage du CL...).
Protéger les épargnants (réforme des taux réglementés - réaménagements des PAP - droit au compte dans la loi exclusion - nouvelles dispositions sur le surendettement...)
Le projet de loi s'inscrit dans ce double mouvement : la réforme des caisses d'épargne renforce ; les dispositions sur la sécurité financière protègent.
II - Quelques précisions sur le texte.
Le projet de loi comportait deux parties. Il a donné lieu à la rédaction de deux rapports dont je veux saluer la grande qualité.
L'existence de deux parties, en effet distinctes, n'est pas contradictoire avec la conviction que ce texte présente une unité.
Il n'y a pas deux parties de nature différente - une partie qui serait plus politique et une autre qui serait plus technique - mais un seul texte dont les deux parties ont une grande importance et, surtout, une grande incidence au quotidien pour nos concitoyens.
Il n'y a pas deux parties de contenu différent mais un même choix : celui du mouvement, celui de la solidarité, celui de l'efficacité et, pour moi, ces mots sont complémentaires. C'est parce qu'il y a mouvement qu'il y a efficacité. C'est parce qu'il y a efficacité qu'il peut - pour autant que nous en ayons la volonté - y avoir solidarité.
1) Le choix du mouvement
1-1) Pour les Caisses d'épargne
Les Caisses d'épargne constituent une incontestable réussite : grand réseau de l'économie sociale, au service de l'intérêt général, qui a su se développer et jouer un rôle essentiel dans la protection de l'épargne populaire et le financement du logement social.
Elles sont aujourd'hui à un tournant de leur histoire. Leurs handicaps sont aujourd'hui bien connus : isolement statutaire / ghetto juridique ; parts de marché trop faibles et résultats insuffisants (rentabilité sur fonds propres inférieure à 3 %, la plus basse des grands établissements de crédit) ; organisation déficiente (séparation des fonctions décisionnelles
- CENCEP - et opérationnelles - caisse centrale). Ces handicaps entravent leur développement et les empêchent de remplir pleinement leur rôle d'intérêt général. L'enjeu, c'est l'Europe et l'adaptation à un secteur bancaire en pleine évolution et restructuration.
Dans ce cadre, nous avons écarté deux voies. La première, pour des raisons économiques. La seconde, par choix politique.
Le statu quo était impossible. Il risquait de conduire, à terme, à une marginalisation des caisses d'épargne.
La banalisation était inacceptable ; elle aurait conduit à un échec programmé de la réforme en niant la spécificité et les forces du réseau des caisses d'épargne.
Entre ces deux refus, après Raymond Douyère, nous avons fait le choix de la coopérative. Parce qu'il répond le mieux aux faiblesses des Caisses d'épargne, en leur permettant notamment de nouer des alliances avec d'autres partenaires, français ou européens. Parce qu'il est le plus adapté à l'histoire et à la spécificité des caisses d'épargne. Parce qu'il est le plus conforme aux valeurs de la majorité, en particulier par l'application du principe " un homme, une voix ".
1-2) Pour la sécurité financière
Comme pour les Caisses d'épargne, la situation actuelle n'était pas satisfaisante. Mieux que de longs discours, la simple évocation de quelques sinistres financiers récents, gérés au coup par coup dans les pires conditions, le démontre : Compagnie du BTP, Banque Pallas-Stern, Crédit Martiniquais, Finindus, Europavie ... C'est un des enjeux majeurs de ce projet de loi : mettre en place un dispositif complet, nouveau et original de prévention et de gestion des sinistres financiers. Quelle était en effet la situation ?
Aucun dispositif de garantie dans l'assurance : en cas de faillite de leurs compagnies d'assurance, les assurés ne disposaient d'aucun mécanisme d'indemnisation et risquaient de perdre la totalité des fonds épargnés.
Exemple : la faillite d'europavie au début de l'année 1997 qui concernait près de 5 000 épargnants laissés sans protection.
Un dispositif incomplet et imparfait de garantie dans les banques. L'absence de règles claires et applicables à tous conduisait soit :
. à une prise en charge par l'Etat, et donc des contribuables, du coût des faillites. Exemple : le sinistre de la Compagnie du BTP en 1995, qui a coûté près de 800 MF à l'Etat.
. à des procédures très longues et incertaines pour les épargnants. Exemple : le sinistre de Finindus début 1997, dont les 10 000 clients n'ont été protégés qu'à l'issue d'une procédure de plus d'une année.
Là encore, il fallait faire mouvement.
2) Le choix de la solidarité
2-1) Pour les Caisses d'épargne
Ce choix se concrétise et se résume en une formule : la défense de l'intérêt général. Cette spécificité des Caisses d'épargne se trouve encore renforcée par le texte de loi.
Par la consécration, pour la première fois de leur histoire, de leurs missions d'intérêt général d'abord.
Par la défense du Livret A ensuite.
Par l'alimentation, à hauteur de 18 MdsF, du fonds de réserve pour les retraites par répartition encore.
Par l'affectation d'une partie de leurs résultats au financement de projets locaux et sociaux enfin.
2-2) Pour la sécurité financière
Le choix de la solidarité se concrétise par la mise en place d'un dispositif complet de protection des épargnants.
De nouvelles dispositions sont en effet prévues à chaque stade où peut survenir une crise ou un sinistre.
Avant, il s'agit d'empêcher les crises ou les sinistres de survenir. Nous y reviendrons.
Pendant, il s'agit de garantir les fonds ou les dépôts des épargnants en cas de faillite :
La France sera le premier pays de la zone euro à créer un mécanisme de garantie de l'assurance vie. Ce mécanisme bénéficiera à tous les clients des entreprises d'assurance agréées en France pour commercialiser des contrats d'assurances de personnes (assurance vie, opérations de capitalisation, prévoyance). Pour mesurer la portée de cette innovation, il faut rappeler que les engagements pris à l'égard des assurés dépassent 3 100 MdsF.
Un mécanisme unique de garantie des dépôts, couvrant l'ensemble des établissements de crédit quel que soit leur statut juridique, se substituera aux différents régimes de garantie qui coexistent aujourd'hui suivant la nature juridique de l'établissement concerné. Ceci mettra un terme aux interventions de l'Etat sur des banques privées, destinées à pallier une insuffisante solidarité.
La création d'un mécanisme de garantie des investisseurs conforme aux standards internationaux les plus exigeants. Ce dispositif permettra de garantir les épargnants investisseurs en cas de faillite de leur établissement teneur de compte, qui conduirait à une indisponibilité des titres qui lui ont été confiés.
Après, il s'agit de garantir les droits des épargnants dans les procédures de liquidation ou de redressement des banques ou des compagnies d'assurance, en prenant mieux en compte, au bénéfice des épargnants, la spécificité des établissements de crédit. Les clients des banques n'ont pas à être responsables de la défaillance de leurs banques et leur statut particulier sera donc reconnu : les déposants seront ainsi dispensés de déclarer leur créances, c'est-à-dire le montant de leurs avoirs, afin de simplifier et accélérer l'indemnisation. La procédure de liquidation des entreprises d'assurance sera rendue plus juste et plus efficace.
J'ajoute un élément : l'égalité. L'indemnisation des épargnants se fera sans distinction ou discrimination, à concurrence de plafonds garantissant en totalité l'épargne populaire
[400 000 FF aujourd'hui]. Les clients de toutes les banques, quelles que soient leurs statuts, sont protégés.
3) Le choix de l'efficacité
3-1) Pour les Caisses d'épargne
Efficacité financière, avec une rentabilité accrue sans laquelle le choix de la solidarité que j'évoquais serait sans objet. L'objectif est simple : plus de résultat, pour plus de solidarité.
A l'issue de la réforme et tout au long de celle-ci, la solidité financière du réseau des Caisses d'épargne sera confortée : le ratio de solvabilité des Caisses d'épargne sera ainsi de l'ordre de 11 %, soit d'environ 50 % supérieur à la moyenne des établissements de crédit français.
Efficacité des structures, afin de passer d'un " réseau décentralisé " à un véritable " groupe décentralisé ", efficace et dynamique. La création d'une Caisse nationale des caisses d'épargne permettra de mettre fin à la séparation actuelle des fonctions décisionnelle et opérationnelle et conduira à une organisation plus efficace ; une Fédération nationale des Caisses d'épargne assurera auprès d'elle la représentation des intérêts et des sensibilités du réseau.
Efficacité de la stratégie, avec le soutien, aujourd'hui, d'un partenaire privilégié - la CDC - et, demain peut-être, de nouveaux partenaires européens.
L'objectif est notamment d'instaurer un partenariat fort de développement avec la Caisse des dépôts, partenaire naturel et de référence des caisses d'épargne, autour d'une relation équilibrée et mutuellement avantageuse (pacte d'actionnaire, entrée des caisses d'épargne au capital de filiales de la CDC). Ce partenariat sera suffisamment souple pour autoriser les évolutions futures. Objectif : un vrai pôle financier public (CDC, CNP, Caisses d'épargne, BDPME, Poste ...).
3-2) Pour la sécurité financière
Des moyens forts : la création d'un " collège des autorités de contrôle " (regroupant la CB, la CCA, la COB et la CMF, destiné notamment à renforcer le contrôle sur les conglomérats) ; le renforcement des moyens d'action des autorités de contrôle du secteur financier (la CB pourra interdire à une banque de verser une rémunération à ses actionnaires lorsqu'elle l'estimera nécessaire).
Des modalités simples. Le fonctionnement des fonds de garantie en fournit une illustration : automaticité de l'intervention ; absence de formalité ; absence de délai dans l'indemnisation des épargnants.
Un dernier mot sur l'état d'esprit du gouvernement à l'ouverture de ce débat.
Par le passé, la réforme du statut des Caisses d'épargne a été, par deux fois, en 1983 et en 1992, à la quasi-unanimité de l'Assemblée nationale.
Aujourd'hui, si cette quasi-unanimité paraît sans doute hors d'atteinte, j'ai la conviction que les conditions peuvent être réunies pour qu'il ne fasse l'objet que d'une petite opposition. Le texte du gouvernement peut être amélioré, enrichi, précisé. J'y suis tout à fait ouvert.
Ensemble, nous pouvons franchir une étape majeure dans la voie du progrès solidaire que j'appelle de mes voeux.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 9 mars 1999 )
I - Quelques idées générales sur le texte que je présente et défends aujourd'hui devant vous :
1) Ce texte achève un processus, auquel l'Assemblée a été étroitement associée et dont les deux moments forts auront été un rapport et un débat.
. le rapport est celui de Raymond Douyère ; il a donné lieu à des centaines d'auditions ; il a plaidé pour une modernisation du statut des caisses d'épargne ; il a analysé le champ du possible ; il a opté pour la voie de la coopérative ; à l'évidence, ce rapport a constitué la sève dont s'est nourri le projet de loi du gouvernement.
. le débat est plus récent : c'est celui que nous avons eu le 17 février dernier sur l'avenir du secteur bancaire et financier ; il a fait apparaître - et c'était attendu - des différences d'appréciation sur les politiques conduites par le passé ou sur le rôle de l'Etat ; mais il a également mis en évidence - et c'était moins attendu - de réelles convergences sur les choix du gouvernement.
2) Ce texte s'inscrit dans un environnement : un monde qui bouge à grande vitesse.
. chacun peut penser ce qu'il veut de la mondialisation et, en fonction de son tempérament, de ses convictions, de son analyse, la dénoncer ou la soutenir, la redouter ou la souhaiter.
. chacun doit la prendre en compte : chaque jour qui passe le confirme : dans le domaine financier davantage que dans tout autre, la mondialisation n'est pas seulement une
perspective ; elle n'est même pas un processus ; elle est déjà une réalité concrète.
3) Ce texte constitue une partie d'un tout : nous allons débattre de cette partie ; le Parlement va l'amender ; il va se prononcer par un vote, dont j'espère et je pense qu'il sera positif. Mais, au-delà, Gouvernement et Parlement ont, en quelques mois, engagé une action visant à la fois à renforcer le secteur financier au service de la croissance et de l'emploi et à protéger les épargnants.
Renforcer le secteur financier, c'est d'abord et avant tout redonner une stratégie à ses entreprises ; en refusant le dogmatisme de la privatisation pour la privatisation (CNP) ; en cherchant à régler les dossiers (GAN - CIC - SMC - réforme du CDR - sauvetage du CL...).
Protéger les épargnants (réforme des taux réglementés - réaménagements des PAP - droit au compte dans la loi exclusion - nouvelles dispositions sur le surendettement...)
Le projet de loi s'inscrit dans ce double mouvement : la réforme des caisses d'épargne renforce ; les dispositions sur la sécurité financière protègent.
II - Quelques précisions sur le texte.
Le projet de loi comportait deux parties. Il a donné lieu à la rédaction de deux rapports dont je veux saluer la grande qualité.
L'existence de deux parties, en effet distinctes, n'est pas contradictoire avec la conviction que ce texte présente une unité.
Il n'y a pas deux parties de nature différente - une partie qui serait plus politique et une autre qui serait plus technique - mais un seul texte dont les deux parties ont une grande importance et, surtout, une grande incidence au quotidien pour nos concitoyens.
Il n'y a pas deux parties de contenu différent mais un même choix : celui du mouvement, celui de la solidarité, celui de l'efficacité et, pour moi, ces mots sont complémentaires. C'est parce qu'il y a mouvement qu'il y a efficacité. C'est parce qu'il y a efficacité qu'il peut - pour autant que nous en ayons la volonté - y avoir solidarité.
1) Le choix du mouvement
1-1) Pour les Caisses d'épargne
Les Caisses d'épargne constituent une incontestable réussite : grand réseau de l'économie sociale, au service de l'intérêt général, qui a su se développer et jouer un rôle essentiel dans la protection de l'épargne populaire et le financement du logement social.
Elles sont aujourd'hui à un tournant de leur histoire. Leurs handicaps sont aujourd'hui bien connus : isolement statutaire / ghetto juridique ; parts de marché trop faibles et résultats insuffisants (rentabilité sur fonds propres inférieure à 3 %, la plus basse des grands établissements de crédit) ; organisation déficiente (séparation des fonctions décisionnelles
- CENCEP - et opérationnelles - caisse centrale). Ces handicaps entravent leur développement et les empêchent de remplir pleinement leur rôle d'intérêt général. L'enjeu, c'est l'Europe et l'adaptation à un secteur bancaire en pleine évolution et restructuration.
Dans ce cadre, nous avons écarté deux voies. La première, pour des raisons économiques. La seconde, par choix politique.
Le statu quo était impossible. Il risquait de conduire, à terme, à une marginalisation des caisses d'épargne.
La banalisation était inacceptable ; elle aurait conduit à un échec programmé de la réforme en niant la spécificité et les forces du réseau des caisses d'épargne.
Entre ces deux refus, après Raymond Douyère, nous avons fait le choix de la coopérative. Parce qu'il répond le mieux aux faiblesses des Caisses d'épargne, en leur permettant notamment de nouer des alliances avec d'autres partenaires, français ou européens. Parce qu'il est le plus adapté à l'histoire et à la spécificité des caisses d'épargne. Parce qu'il est le plus conforme aux valeurs de la majorité, en particulier par l'application du principe " un homme, une voix ".
1-2) Pour la sécurité financière
Comme pour les Caisses d'épargne, la situation actuelle n'était pas satisfaisante. Mieux que de longs discours, la simple évocation de quelques sinistres financiers récents, gérés au coup par coup dans les pires conditions, le démontre : Compagnie du BTP, Banque Pallas-Stern, Crédit Martiniquais, Finindus, Europavie ... C'est un des enjeux majeurs de ce projet de loi : mettre en place un dispositif complet, nouveau et original de prévention et de gestion des sinistres financiers. Quelle était en effet la situation ?
Aucun dispositif de garantie dans l'assurance : en cas de faillite de leurs compagnies d'assurance, les assurés ne disposaient d'aucun mécanisme d'indemnisation et risquaient de perdre la totalité des fonds épargnés.
Exemple : la faillite d'europavie au début de l'année 1997 qui concernait près de 5 000 épargnants laissés sans protection.
Un dispositif incomplet et imparfait de garantie dans les banques. L'absence de règles claires et applicables à tous conduisait soit :
. à une prise en charge par l'Etat, et donc des contribuables, du coût des faillites. Exemple : le sinistre de la Compagnie du BTP en 1995, qui a coûté près de 800 MF à l'Etat.
. à des procédures très longues et incertaines pour les épargnants. Exemple : le sinistre de Finindus début 1997, dont les 10 000 clients n'ont été protégés qu'à l'issue d'une procédure de plus d'une année.
Là encore, il fallait faire mouvement.
2) Le choix de la solidarité
2-1) Pour les Caisses d'épargne
Ce choix se concrétise et se résume en une formule : la défense de l'intérêt général. Cette spécificité des Caisses d'épargne se trouve encore renforcée par le texte de loi.
Par la consécration, pour la première fois de leur histoire, de leurs missions d'intérêt général d'abord.
Par la défense du Livret A ensuite.
Par l'alimentation, à hauteur de 18 MdsF, du fonds de réserve pour les retraites par répartition encore.
Par l'affectation d'une partie de leurs résultats au financement de projets locaux et sociaux enfin.
2-2) Pour la sécurité financière
Le choix de la solidarité se concrétise par la mise en place d'un dispositif complet de protection des épargnants.
De nouvelles dispositions sont en effet prévues à chaque stade où peut survenir une crise ou un sinistre.
Avant, il s'agit d'empêcher les crises ou les sinistres de survenir. Nous y reviendrons.
Pendant, il s'agit de garantir les fonds ou les dépôts des épargnants en cas de faillite :
La France sera le premier pays de la zone euro à créer un mécanisme de garantie de l'assurance vie. Ce mécanisme bénéficiera à tous les clients des entreprises d'assurance agréées en France pour commercialiser des contrats d'assurances de personnes (assurance vie, opérations de capitalisation, prévoyance). Pour mesurer la portée de cette innovation, il faut rappeler que les engagements pris à l'égard des assurés dépassent 3 100 MdsF.
Un mécanisme unique de garantie des dépôts, couvrant l'ensemble des établissements de crédit quel que soit leur statut juridique, se substituera aux différents régimes de garantie qui coexistent aujourd'hui suivant la nature juridique de l'établissement concerné. Ceci mettra un terme aux interventions de l'Etat sur des banques privées, destinées à pallier une insuffisante solidarité.
La création d'un mécanisme de garantie des investisseurs conforme aux standards internationaux les plus exigeants. Ce dispositif permettra de garantir les épargnants investisseurs en cas de faillite de leur établissement teneur de compte, qui conduirait à une indisponibilité des titres qui lui ont été confiés.
Après, il s'agit de garantir les droits des épargnants dans les procédures de liquidation ou de redressement des banques ou des compagnies d'assurance, en prenant mieux en compte, au bénéfice des épargnants, la spécificité des établissements de crédit. Les clients des banques n'ont pas à être responsables de la défaillance de leurs banques et leur statut particulier sera donc reconnu : les déposants seront ainsi dispensés de déclarer leur créances, c'est-à-dire le montant de leurs avoirs, afin de simplifier et accélérer l'indemnisation. La procédure de liquidation des entreprises d'assurance sera rendue plus juste et plus efficace.
J'ajoute un élément : l'égalité. L'indemnisation des épargnants se fera sans distinction ou discrimination, à concurrence de plafonds garantissant en totalité l'épargne populaire
[400 000 FF aujourd'hui]. Les clients de toutes les banques, quelles que soient leurs statuts, sont protégés.
3) Le choix de l'efficacité
3-1) Pour les Caisses d'épargne
Efficacité financière, avec une rentabilité accrue sans laquelle le choix de la solidarité que j'évoquais serait sans objet. L'objectif est simple : plus de résultat, pour plus de solidarité.
A l'issue de la réforme et tout au long de celle-ci, la solidité financière du réseau des Caisses d'épargne sera confortée : le ratio de solvabilité des Caisses d'épargne sera ainsi de l'ordre de 11 %, soit d'environ 50 % supérieur à la moyenne des établissements de crédit français.
Efficacité des structures, afin de passer d'un " réseau décentralisé " à un véritable " groupe décentralisé ", efficace et dynamique. La création d'une Caisse nationale des caisses d'épargne permettra de mettre fin à la séparation actuelle des fonctions décisionnelle et opérationnelle et conduira à une organisation plus efficace ; une Fédération nationale des Caisses d'épargne assurera auprès d'elle la représentation des intérêts et des sensibilités du réseau.
Efficacité de la stratégie, avec le soutien, aujourd'hui, d'un partenaire privilégié - la CDC - et, demain peut-être, de nouveaux partenaires européens.
L'objectif est notamment d'instaurer un partenariat fort de développement avec la Caisse des dépôts, partenaire naturel et de référence des caisses d'épargne, autour d'une relation équilibrée et mutuellement avantageuse (pacte d'actionnaire, entrée des caisses d'épargne au capital de filiales de la CDC). Ce partenariat sera suffisamment souple pour autoriser les évolutions futures. Objectif : un vrai pôle financier public (CDC, CNP, Caisses d'épargne, BDPME, Poste ...).
3-2) Pour la sécurité financière
Des moyens forts : la création d'un " collège des autorités de contrôle " (regroupant la CB, la CCA, la COB et la CMF, destiné notamment à renforcer le contrôle sur les conglomérats) ; le renforcement des moyens d'action des autorités de contrôle du secteur financier (la CB pourra interdire à une banque de verser une rémunération à ses actionnaires lorsqu'elle l'estimera nécessaire).
Des modalités simples. Le fonctionnement des fonds de garantie en fournit une illustration : automaticité de l'intervention ; absence de formalité ; absence de délai dans l'indemnisation des épargnants.
Un dernier mot sur l'état d'esprit du gouvernement à l'ouverture de ce débat.
Par le passé, la réforme du statut des Caisses d'épargne a été, par deux fois, en 1983 et en 1992, à la quasi-unanimité de l'Assemblée nationale.
Aujourd'hui, si cette quasi-unanimité paraît sans doute hors d'atteinte, j'ai la conviction que les conditions peuvent être réunies pour qu'il ne fasse l'objet que d'une petite opposition. Le texte du gouvernement peut être amélioré, enrichi, précisé. J'y suis tout à fait ouvert.
Ensemble, nous pouvons franchir une étape majeure dans la voie du progrès solidaire que j'appelle de mes voeux.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 9 mars 1999 )