Texte intégral
Travailleuses,
travailleurs,
camarades
et amis
Pour pimenter le spectacle électoral, la presse et la télévision s'emparent du moindre frémissement dans les sondages pour tenter de le transformer en suspense insoutenable. Depuis quelques jours, c'est la montée virtuelle de Bayrou qui alimente les spéculations sur le « troisième homme » venant perturber le duo Sarkozy-Royal. Mais, une fois que les médias ont brodé sur le thème, elles reviennent sur l'enjeu du deuxième tour, le seul qui les intéresse vraiment.
A les en croire, en choisissant qui, entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, ira occuper l'Élysée pendant les cinq ans à venir, l'électeur fera un choix décisif entre deux orientations politiques, voire entre deux conceptions de société.
Mais, parfois, la réalité fait irruption et dissipe le rideau de fumée. Depuis dix jours, par exemple, les deux candidats et la multitude de leurs conseillers s'étripent sur le chiffrage de leurs programmes respectifs. Au Parti socialiste, l'exercice a conduit à des états d'âme tels que, dans l'équipe de campagne, Eric Besson, secrétaire national à l'économie et responsable du chiffrage du projet présidentiel de Ségolène Royal, a claqué la porte, démissionné du Parti socialiste et en est, aujourd'hui, à se poser la question pour qui voter ! Désormais sans lui donc, le chiffrage officiel du PS est tombé : il est estimé à 35 milliards d'euros, un montant du même ordre que le coût du programme de Sarkozy qui annonce 32 milliards.
Il est, de toute façon, fantaisiste de chiffrer de vagues promesses électorales. Les chiffres méritent cependant d'être comparés à d'autres correspondant aux bénéfices bien réels, réalisés en 2005, des 40 premières entreprises cotées en Bourse, le CAC 40. Annoncés pour 74 milliards d'euros, ils sont devenus, au fil des jours et des précisions, 88 milliards, et peut-être plus. Et, sur ce total, 40 milliards d'euros seront reversés aux actionnaires !
Ainsi donc, pendant que les deux camps essaient de passionner la population avec ces chiffrages hypothétiques et que des économistes distingués mettent en garde contre l'endettement, les 40 plus grandes entreprises vont empocher plus d'argent que ce que chacun des candidats se promet de consacrer pour changer la société ! C'est dire le ridicule de présenter le choix entre les projets respectifs de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal comme un choix de société.
Ce ne sont pas les dirigeants politiques qui dirigent l'économie, ce sont les groupes industriels et financiers. Le président de la République et les ministres sont payés pour justifier la stratégie des grandes entreprises, pas pour la définir. Ils sont payés pour servir les intérêts politiques du grand patronat, pas pour le commander.
Le programme de Sarkozy, c'est un ensemble de mesures clairement en faveur du grand patronat et des riches et défavorables au monde du travail.
Un nouveau contrat de travail qui donne aux patrons tout loisir de licencier quand ils veulent et comme ils veulent.
Un fonctionnaire sur deux non remplacé lorsqu'il partira en retraite -ce qui fera encore moins d'enseignants, encore moins de postiers, donc de bureaux de poste, moins d'infirmières, voire moins de lits d'hôpitaux.
Les chômeurs n'auront plus le droit de refuser qu'un seul emploi parmi les galères qu'on leur proposera. Le droit de grève sera limité peu à peu, avant d'être réduit à néant.
La TVA, l'impôt qui frappe durement les plus pauvres sur leurs besoins élémentaires, sera augmenté pour compenser le bouclier fiscal et les réductions d'impôts consenties aux plus riches.
Et en guise d'augmentation du pouvoir d'achat, il y aura seulement ce slogan « travailler plus pour gagner plus » ! C'est d'autant plus cynique que les près de trois millions de chômeurs complets n'ont pas de travail du tout. Leur proposer de « travailler plus » est une sinistre plaisanterie. Quant aux trois autres millions qui n'ont qu'un emploi précaire intermittent ou un temps partiel non choisi, combien d'entre eux voudraient pouvoir travailler même les 35 heures hebdomadaires contre lesquelles Sarkozy est en guerre ? Et puis, quelle est l'usine ou la banque où ce sont les ouvriers et les employés qui choisissent librement la durée de leur temps de travail ?
On pourrait croire que cet homme, Sarkozy, vit dans la lune pour ignorer à ce point la réalité des entreprises et de la condition ouvrière. En réalité, ce n'est pas de l'ignorance, mais de la servilité à l'égard du grand patronat. Exonérer les patrons de charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires, comme le promet Sarkozy, est non seulement leur faire un beau cadeau, mais c'est une façon de les pousser à faire crever au travail leurs travailleurs et de ne pas embaucher.
Si la série de suicides à Renault Guyancourt et puis à Peugeot Charleville ont tant ému le monde du travail, c'est parce que chacun ressent que les conditions de travail sont pour quelque chose dans ces actes désespérés : la fatigue, le stress, les pressions de l'encadrement.
Il est criminel d'imposer des heures supplémentaires à ceux qui ont du travail. Ce qu'il faut faire, c'est empêcher le patronat de licencier ou de recourir aux contrats précaires. Il faut remplacer les heures supplémentaires par des emplois supplémentaires.
Alors, la « feuille de route » de Sarkozy est claire. Ce sera, en pire, la même politique que pendant les cinq ans écoulés. Augmentation des cotisations à l'assurance maladie et remboursements sans cesse diminués. Précarité généralisée. Recul de l'âge de la retraite et pensions diminuées pour la plupart des travailleurs.
Sarkozy et les siens présentent aujourd'hui les régimes spéciaux comme des injustices sous prétexte que les salariés de ces régimes partent à la retraite plus tôt que Balladur, ami de Sarkozy, a décidé de faire partir les salariés du régime général. Ces gens-là poussent d'abord la majeure partie des salariés vers le bas et crient ensuite à l'injustice et stigmatisent les « régimes spéciaux ». Mais la justice, ce n'est pas d'aligner les régimes spéciaux sur les retraites du privé, mais faire l'inverse : revenir au moins aux 37 ans et demi de cotisations pour tous et à la pension calculée sur les 10 meilleures années, primes comprises.
Et qu'on ne nous dise pas qu'à cause de l'allongement de la durée de la vie, il y aura bientôt plus d'inactifs que d'actifs ! Moins d'actifs peut-être, mais étant donné l'augmentation de la productivité depuis 50 ans, on devrait pouvoir partir en retraite à un âge et avec des ressources où l'on pourrait encore profiter de la vie, après avoir , pendant des années, contribué à la richesse générale. La véritable injustice, l'injustice scandaleuse, c'est que les possesseurs de capitaux accaparent à leur profit l'intégralité de ce qui résulte du progrès de la productivité !
Le gouvernement se vante de la diminution du chômage. Mais les discours triomphalistes des ministres sont des mensonges grossiers. Pendant qu'ils se congratulent, les grandes entreprises licencient.
Deux grandes entreprises annoncent des plans de suppression d'emplois. 12.500 emplois supprimés, 15 % de l'effectif, chez Alcatel-Lucent, dont 1.500 en France. 10.000 emplois supprimés chez Airbus qui dépend partiellement de l'Etat sans parler des licenciements en cascade chez les sous-traitants.
Si le chômage diminue quand même dans les statistiques, c'est qu'on raye des chômeurs à tour de bras des listes des ANPE. Qu'il soit dit en passant que ceux dont l'emploi est menacé chez Airbus ou Alcatel-Lucent sont des techniciens, des ingénieurs, des chercheurs ! Ce qui n'empêche pas les dirigeants politiques de tout bord de prétendre que le meilleur moyen de combattre le chômage, c'est la formation ! Mais quelle est donc la formation qu'il faudrait atteindre pour ne pas être licencié : double ou triple doctorat ? Quand il n'y a pas de travail, même bardé de diplômes, on est bon pour faire la queue à l'ANPE ! Les travailleurs hautement qualifiés d'Alcatel-Lucent ou d'Airbus se retrouvent dans la même situation que les ouvriers des chaînes de production des usines d'automobiles menacés de suppressions d'emplois.
Si Sarkozy était élu, il n'y aurait pas plus de travail. Mais, en revanche, diplômé ou pas, on devrait accepter n'importe quel emploi !
Mais les choses iront-elles mieux si c'est la gauche qui gouverne ? Pendant le quart de siècle écoulé, la gauche et la droite ont passé à peu près le même temps au pouvoir. Le niveau de vie des salariés n'a jamais cessé de se dégrader malgré les changements de majorité. On a du mal à se rappeler qui a porté tel ou tel coup contre le monde du travail.
La droite comme la gauche ont contribué à la régression sociale, aggravée par le recul des services publics : des services fermés dans de grands hôpitaux, des maternités ou des hôpitaux de proximité supprimés, des lignes locales de chemin de fer abandonnées, des bureaux de poste de village ou de quartier disparus.
En annonçant son programme, Ségolène Royal a dénoncé le « règne sans frein du capital
financier » !
Elle trouve insupportable que « la moitié des salariés du privé touchent moins de 1400 euros par mois, que 4 millions de salariés sont payés au Smic au bout de 20 à 30 ans de travail ».
Mais qui sont les responsables de ces salaires scandaleusement bas ? Les patrons. Veut-elle les contraindre à payer des salaires corrects ? Mais non ! Elle affirme que c'est « comme une forme moderne de malédiction » ! Si c'est la faute à la fatalité, c'est qu'on n'y peut rien. En tout cas, elle, elle n'y peut rien.
Aussi les quelques propositions concrètes qu'elle a formulées sont ridiculement dérisoires à côté de ce qui serait nécessaire !
Le Smic sera porté à 1500 euros. Ségolène Royal a précisé qu'il s'agit de 1500 euros brut au bout des cinq ans de sa présidence. En gros, 5 % d'augmentation par an !
« Certains ont cru que c'était tout de suite. J'aimerais bien mais il faut aussi être réaliste ».
Ce réalisme-là, qu'elle prêche aux smicards payés à 984 euros net par mois alors qu'elle n'a rien à redire aux 25 % de plus empochés par des actionnaires déjà riches du CAC40, est bien plus éloquent de ce qu'est et de ce que veut Ségolène Royal que ses discours de commisération à l'égard des plus démunis.
Quant aux salaires supérieurs au Smic, il s'agira de négocier par la suite. Mais rien que pour rattraper le retard pris par le pouvoir d'achat, il faudrait une augmentation immédiate de 300 euros pour tous !
Elle se déclare pour un plan de rattrapage des petites retraites, en annonçant généreusement 5 % de relèvement. Ce qu'elle appelle les « petites retraites » sont celles qui vont du minimum vieillesse à l'équivalent du Smic. Même compte tenu des 5 % promis, les petits retraités devront donc survivre avec une somme comprise entre 658,35 et 1033,20 euros par mois.
En revanche, elle maintient les 65 milliards d'aides que l'État consacre aux entreprises, plus de six fois le trou de la Sécurité sociale. Tout au plus, a-t-elle l'intention d'augmenter sur cette somme la part qui est consacrée à la recherche.
Tout en dénonçant l'état catastrophique du logement, elle propose la construction de 120 000 logements par an. A ce rythme, pour satisfaire les quelque un million deux cents mille personnes déjà en listes d'attente pour un logement social, il faudra dix ans, sans parler des trois millions de mal logés !
Pour les jeunes, elle propose « les emplois-tremplins que les Régions ont mis en place avec un objectif de 500 000 emplois-tremplins ». Cela ressemble aux emplois-jeunes qui ont, certes, dépanné des jeunes mais qui n'ont jamais été pérennisés. « Emplois-tremplins » dit bien ce que cela veut dire, c'est que c'est provisoire. Et où donc va tomber le jeune après avoir sauté de ce tremplin-là ? La proposition de Ségolène Royal ne fait d'ailleurs que généraliser une pratique déjà existante dans les Régions mais sans préciser si l'Etat en reprendra le financement, ce qui serait la moindre des choses.
Devant la grande misère de l'Education nationale dans les quartiers populaires, elle propose « le soutien scolaire gratuit » confié à « un corps nouveau de répétiteurs » alors qu'il faudrait embaucher le nombre d'enseignants nécessaire et construire les locaux indispensables pour assurer une éducation adaptée pour tous.
Dans les 100 propositions de Ségolène Royal, il en est d'acceptables, voire utiles pour la catégorie à laquelle elles sont destinées. Mais, sur les problèmes essentiels des classes populaires cependant, le chômage, le pouvoir d'achat, la précarité, il n'y a rien qui puisse réellement changer la vie, aucun engagement concret.
Les promesses électorales, de toute façon, ne valent pas grand-chose. Mais on peut d'autant moins croire les dirigeants politiques que le véritable pouvoir ne leur appartient pas. Président et ministres ne font que gérer ce que leur demandent ceux qui possèdent les capitaux, les propriétaires des plus grosses entreprises qui assurent le véritable pouvoir dans ce pays et que personne, à part une minorité d'actionnaires, n'a élus.
Aussi je tiens à faire savoir, à affirmer, à convaincre le maximum d'électeurs des classes populaires dans cette campagne que, sans s'en prendre aux pouvoirs du grand patronat, on ne peut rien faire pour améliorer le sort des classes populaires, on ne peut même pas arrêter la dégradation de leurs conditions d'existence.
Derrière les dirigeants politiques et leurs discours mensongers, il y a le grand patronat des industries, de la grande distribution, des banques et des assurances et le système économique qu'ils dirigent et qui fonctionne à leur profit ou au profit de leurs mandataires, les financiers qui manipulent tous les capitaux.
Dans ce système économique, c'est la concurrence, c'est la recherche du profit qui déterminent tout. Même ce qui est nécessaire à une vie normale n'est fabriqué en quantité suffisante que si sa production rapporte du profit. Et lorsqu'elle n'en rapporte pas assez, on l'abandonne.
On nous dit que les profits élevés signifieraient que les entreprises sont en bonne santé et que des entreprises en bonne santé, c'est bon pour toute la société !
C'est une contre-vérité, un mensonge cynique. La société n'a aucun contrôle sur ces profits et sur l'usage qui en est fait. Une large part en est dilapidée par les classes riches en dépenses de luxe, yachts, jets privés, nombreuses résidences, pierres précieuses ou oeuvres d'art.
Mais le pire ne réside même pas dans les dépenses de luxe de la classe riche. Le pire c'est l'immense gâchis des ressources et du travail humain qui résulte de la guerre entre les grands groupes financiers pour assurer à leurs actionnaires le maximum de profit. Le pire, c'est que ce soient la Bourse et ses fluctuations qui rythment la vie de la société et qui font à un pôle la fortune extravagante de quelques-uns et qui, à l'autre pôle, ruinent la vie de milliers d'autres.
Mais la part croissante qui est versée aux actionnaires sur le profit total -45 % en moyenne cette année pour les CAC 40 !- signifie encore autre chose. Elle signifie que, pour plaire aux actionnaires, on sacrifie encore plus les investissements productifs, on favorise la finance par rapport à la production. Les profits ne servent même plus, en tout cas de moins en moins, à faire tourner la machine productive capitaliste. Ils servent à assurer une rente usuraire aux actionnaires.
Ce que patrons et économistes appellent « investissements », c'est le fait que les entreprises se rachètent les unes les autres. Mais ces rachats, ces OPA, ne représentent pas une force productive supplémentaire pour la société. Ils ne créent pas d'emplois, ils se traduisent même, le plus souvent, par des licenciements. Et la surenchère au cours de ces achats n'alimente que la spéculation et n'accroît que les revenus spéculatifs.
Quelles raisons aurait la population de se réjouir des 13 milliards de profit en 2006 de Total, un milliard d'euros de bénéfice de plus que l'année précédente ? Ce profit vient de sa poche, de l'envolée des prix du carburant et du fuel domestique. En contrepartie de ce profit scandaleux, il y a toutes ces familles pauvres qui se chauffent plus mal, qui doivent se restreindre sur leurs déplacements. Mais il n'y a pas que cela.
Au moment même où Total annonce un milliard de profit en plus, se déroule le procès des responsables du naufrage de l'Erika. Et un milliard, c'est exactement le montant estimé des dégâts provoqués par le naufrage. Et vous avez vu comment ce trust gigantesque, dont la course au profit, la course aux délais, a conduit à la catastrophe qui aurait pu, qui aurait dû être évitée, utilise ce profit non pas pour indemniser ses victimes mais pour payer une armada d'avocats. Il veut démontrer qu'il n'est responsable de rien et que les indemnités qu'il a versées et qui sont très loin du compte sont une pure générosité.
Et ce sont ces trusts-là, irresponsables au sens plein du terme, les yeux fixés sur le montant de leurs profits mais se désintéressant de la collectivité des hommes comme de l'environnement, qui décident de notre sort, seuls, sans contrôle. On ne peut pas les laisser faire ! On ne peut pas laisser les dirigeants des grandes groupes pousser la société vers l'abîme !
Il faut imposer que la société, la collectivité, puissent avoir un contrôle sur les comptabilités de toutes les grandes sociétés, et cela au jour le jour. Il ne s'agit pas seulement de donner le bilan qu'elles donnent aux comités d'entreprise, il s'agit d'élargir les moyens des comités d'entreprise, leur droit de contrôler les comptabilités au jour le jour, de désigner des comptables et des experts indépendants qui contrôlent ces géants qui dominent la société, mais aussi les comptes en banque de leurs dirigeants, de leurs principaux actionnaires et de leurs proches.
Il faut supprimer le secret professionnel pour que tout cela soit public, que la collectivité, la société civile, puissent jeter un oeil sur ce qui se passe dans les conseils d'administration, sur leurs projets à court terme ou à long terme qui peuvent concerner toute la population.
Je prends les comités d'entreprise comme exemple. Mais il faudrait que soient enlevées toutes les barrières inventées dès la création des CE et aggravées au fil du temps, qui réduisent leur rôle à un cérémonial annuel où les patrons leur livrent une fois par an des chiffres mélangés et incompréhensibles.
Il faut revenir sur les récentes lois qui les font élire une fois tous les quatre ans, ce qui les éloigne des travailleurs et les subordonne aux patrons. Il faut qu'ils soient élus chaque année, voire révocables en cours de mandat.
Il faut qu'ils puissent demander des comptes à la hiérarchie des entreprises, à n'importe quel moment.
Il faut que leur mode de désignation soit bien plus large afin que non seulement les salariés des entreprises mais aussi les consommateurs et toute la population puissent participer à ce contrôle.
Le dirigeant d'une entreprise connaît tout sur les revenus de ses salariés. La justice, c'est que les salariés connaissent tout sur les revenus de leur patron, et pas seulement sa paie théorique.
Un plan de licenciement ou un plan de délocalisation sont étudiés des mois avant à l'avance. Et lorsqu'ils sont annoncés, c'est au dernier moment, lorsque les futurs licenciés n'ont plus que leurs yeux pour pleurer et qu'ils ne peuvent plus réagir efficacement.
Eh bien, il faut que les travailleurs, que la population, soient avertis dès qu'une hypothèse de ce genre-là est évoquée, ne serait-ce que pour pouvoir s'organiser et se défendre.
Mais si ce contrôle existe, ils peuvent faire plus.
Si l'on vérifie d'où vient l'argent, par où il passe, et où il va, si on vérifie si les investissements qui figurent au bilan ne sont pas de simples rachats d'autres entreprises sans créer de force productive nouvelle, on verra qu'on peut satisfaire bien des revendications indispensables au monde du travail et, plus généralement, à la population. Et qu'on peut largement augmenter les salaires.
Et puis, à chaque fois qu'une grande entreprise porte un mauvais coup à ses travailleurs, soit en supprimant des emplois, soit en bloquant les salaires, soit les deux, elle prétend qu'elle le fait au nom de la compétitivité sur le marché international. Mais le prix des marchandises comprend, outre celui des matières nécessaires à leur fabrication, non seulement le prix du travail, c'est-à-dire les salaires, mais aussi les dividendes des actionnaires. Où est-il donc écrit que c'est la masse salariale qu'il faut réduire pour baisser les prix ? Pourquoi pas les revenus du capital ? C'est sur les dividendes qu'il faut prendre de quoi baisser les prix ! Et si les dividendes présents ne suffisent pas, il faut prendre sur les dividendes accumulés sous la forme de fortunes privées.
Ce ne sont pas les travailleurs, leurs emplois, leurs salaires, qu'il faut rendre flexibles, c'est au contraire la flexibilité des revenus du capital qu'il faut imposer !
Voilà les principales revendications indispensables au monde du travail.
Mes autres objectifs découlent de ce qui précède. On peut et on doit augmenter les retraites. On peut et on doit imposer le droit à un accès gratuit à la totalité des soins.
Un des problèmes majeurs pour les classes populaires est la question du logement. Cent mille personnes sans domicile. Un million qui n'ont pas de logement à elles et qui vivent dans des caravanes, des campings ou qui sont hébergées par des tiers. Plus de trois millions d'autres qui sont mal logées, obligées de vivre dans des logements dépourvus de salle d'eau, de WC ou de système de chauffage - voilà le bilan du « mal-logement » donné par la fondation de l'abbé Pierre.
C'est une situation dramatique pour toutes les familles concernées. Elle exige une réponse immédiate. Elle est à portée de main. Les bras ne manquent pas pour construire. L'Etat devrait prendre en charge un vaste programme de construction en réquisitionnant les terrains nécessaires, en créant lui-même un office national pour embaucher directement des architectes, des maçons, des plombiers, des électriciens, sans passer par les promoteurs immobiliers ou des bétonneurs à la Bouygues, sans qu'ils s'enrichissent sur la collectivité.
Le « droit au logement opposable » restera de la poudre aux yeux si l'Etat n'engage pas un programme massif de construction. En consacrant les 65 milliards dépensés actuellement en « aides aux entreprises » à la construction de logements convenables à loyer modéré, en deux ans, toutes les demandes de HLM pourraient être satisfaites !
Alors, si je me présente, c'est pour dire aux miens, au monde du travail, qu'il ne faut pas être dupe des marionnettes politiques qui occupent le devant de la scène et qui nous jouent la comédie du pouvoir, alors que, derrière la scène, c'est le grand patronat qui tire les ficelles.
Sarkozy, et la droite qu'il représente, est plus près du coeur et du porte-monnaie de la grande bourgeoisie parce qu'il se présente, drapeau déployé, comme son meilleur représentant. Mais Ségolène Royal a beau tenir un langage susceptible de plaire à l'électorat de gauche et de dénoncer « le profit facile » ou les « profits fainéants », la bourgeoisie sait d'expérience qu'elle n'a rien à craindre et qu'en cas de désaveu de Sarkozy par l'électorat, la candidate du Parti socialiste n'est pas dangereuse et représente une alternative politique valable.
Rien que pour revenir en arrière sur la régression sociale des dernières années, il faudra que les travailleurs imposent un certain nombre de revendications. Interdire les licenciements dans toutes les entreprises, à commencer par celles qui font du profit pour stopper la progression du chômage réel et de la précarité. Augmenter tous les salaires d'au moins 300 euros. Imposer un salaire minimum de 1500 euros net et qu'aucun salaire ne puisse y être inférieur quel que soit l'horaire. Transformer tous les contrats précaires en CDI.
Il faut imposer la suppression de toutes les mesures contre la retraite et les retraités prises par Balladur, maintenues par Jospin et aggravées par Raffarin, avec une pension qui soit au minimum égale au Smic réévalué.
Il faut aussi annuler toutes les privatisations dans les secteurs qui ont été des services publics ou transformer en services publics la construction des logements sociaux et aussi la fourniture de l'eau et de l'énergie.
Pour financer l'amélioration indispensable des services publics, pour donner l'argent nécessaire aux écoles des quartiers populaires, aux hôpitaux, aux transports publics, pour permettre à tous, y compris aux plus pauvres, d'accéder à une éducation convenable, à des soins de qualité, à des garanties sociales en cas de maladie, il faut augmenter les impôts sur les profits et sur les revenus des plus riches. L'impôts sur le revenu doit être fortement progressif et sans aucun « bouclier fiscal ». Il faut imposer très fortement les profits boursiers et tous les profits spéculatifs, ceux en particulier tirés de la spéculation immobilière. Il faut rétablir l'impôt sur les bénéfices au moins à ce qu'il était il y a trente ans encore, c'est-à-dire à 50 % alors qu'il n'est plus qu'à 33 % des bénéfices, et supprimer toutes les niches fiscales. Il faut rétablir les droits de succession au-dessus d'un certain seuil.
Mais, en revanche, il faut supprimer ou au moins réduire notablement la TVA sur les produits consommés par les classes populaires. Il faut réduire les taxes sur les carburants. Il faut faire prendre en charge par l'État les dépenses qu'il impose aux collectivités locales mais en donnant à ces dernières une liberté totale.
Ce ne sont nullement des revendications révolutionnaires, loin de là. Ce ne sont que les mesures indispensables pour que les travailleurs retrouvent leurs conditions d'existence d'il y a trente ans, qui étaient pourtant, déjà, difficiles pour le monde du travail. Mais face à ces exigences pourtant de première nécessité, le patronat comme les dirigeants de l'État, quelle que soit leur étiquette, nous diront que tout cela, ce n'est pas possible.
Eh bien, il est indispensable que les travailleurs, que les consommateurs, que la population, aient les moyens de vérifier leurs dires. Pour vérifier ce qu'il est possible de faire ou pas, il faut contrôler le fonctionnement des entreprises, surtout leurs finances et leurs stratégies.
Sans soumettre au contrôle ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie, on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer le chômage, alors qu'il faudrait le résorber complètement.
Nicolas Sarkozy comme Ségolène Royal cherchent l'un et l'autre à faire la cour à la jeunesse.
Mais quel est l'avenir de la jeunesse si les jeunes en sont réduits à commencer leur vie active comme chômeurs ? Et cela concerne tous les jeunes, même ceux qui ont la chance de poursuivre leurs études. Chance qui n'est même pas donnée à nombre de jeunes des quartiers populaires parce que l'Education nationale n'a pas les moyens, faute de crédits, faute d'ensei-gnants en nombre, de dispenser une éducation capable d'aider les enfants de pauvres à surmonter l'inégalité de départ, entre les familles des milieux matériellement et culturellement favorisés et celles qui cumulent la pauvreté matérielle avec des difficultés culturelles.
Mais combien de jeunes, même dotés de diplômes, sont inscrits à l'ANPE ? Combien de bac + 3 ou + 5 sont heureux de décrocher un emploi de caissière de supermarché ?
Alors oui, les jeunes représentent l'avenir. Mais leur avenir sera ce que leur génération sera capable d'imposer collectivement ; et cette capacité commence par ne pas croire les marchands d'illusions.
Je sais que nombreux sont dans les classes populaires celles et ceux qui veulent avant tout que Sarkozy ne soit pas élu. Je sais que ce qui leur apparaît le plus urgent, c'est de se débarrasser du pouvoir de la droite.
Eh bien oui, si, après le deuxième tour, Sarkozy était obligé de remballer son mépris des classes populaires, cela ferait bien plaisir et d'abord à moi-même !
Mais ce plaisir ne suffit pas. Ce n'est pas avec cela qu'on pourra payer son loyer, assurer l'éducation des enfants, se soigner ou trouver un travail ou un logement quand on n'en a pas.
Si Ségolène Royal est élue, il faut qu'elle sache que les classes populaires ne se considéreront pas quitte avec le changement de personnel à l'Élysée et que leurs exigences restent entières.
Il faut qu'elle sache que, de la part d'une partie en tout cas du monde du travail, le vote qu'elle aura recueilli n'est pas un vote de confiance mais un vote par élimination et qu'elle n'aura peut-être pas cinq ans pour décevoir à son tour ses électeurs. On ne peut pas, d'alternance en alternance, ne laisser à l'électorat populaire que la liberté de changer les équipes dirigeantes mais qui poursuivraient, toutes, la même politique.
Il ne suffit pas de chasser les hommes de droite de la présidence de la République ou du gouvernement pour que la politique de droite en soit chassée pour autant. Car quel que soit le président ou la présidente, le grand patronat conservera sa puissance économique et donc, les moyens d'imposer sa politique.
Je me présente dans cette campagne pour que les travailleurs, c'est-à-dire les ouvriers, les employés, les enseignants, les techniciens, les chômeurs, les retraités et bien d'autres, puissent dire qu'ils ne se laisseront pas tromper par la droite, bien sûr, mais pas plus par ceux qui se disent de gauche.
Je sais, bien sûr, que je ne peux pas être élue. Ne peuvent être élus dans le cadre des lois électorales que ceux qui sont appuyés par le grand capital, son argent, ses appareils politiques, son influence sur les chaînes de télévision.
Une candidate qui combat leur système n'a qu'une seule chance d'être élue : être portée par une très puissante lutte sociale, des grèves, des manifestations, par l'action collective de millions d'exploités.
Mais, même élue dans ce genre de circonstances exceptionnelles, je ne pourrais rien faire sans que l'action de la classe ouvrière se prolonge bien au-delà des élections.
Nous ne sommes pas dans cette situation aujourd'hui. Mais plus il y aura de votes contestataires sur mon nom, plus cela redonnera confiance à tous ceux qui en ont assez de recevoir des coups et qui ont envie de les rendre.
Parlant du passé, Ségolène Royal s'est posée, dans son discours programme, les questions : « A-t-on porté remède au précariat ? à l'insécurité sociale ? aux discriminations ? à la désertion des services publics ? au chômage des jeunes ? ». Elle y répond « Non, hélas ! Rien ou presque rien n'a été fait ».
Le constat est juste. Comme est peut-être prémonitoire ce qu'elle en déduit si les choses continuent de cette façon : « Il y aura des émeutes d'une violence extrême et qui ne seront plus limitées aux seuls quartiers dits sensibles. Il y aura des gestes de désespoir radical, des actes de nihilisme sans pareil qui laisseront les pouvoirs publics sans ressource et sans voix. La France entrera en crise (...) Il y a urgence ».
Oui, il y a urgence. Mais il ne suffit pas d'élire Ségolène Royal à la présidence de la République pour surmonter la crise qui résulte de la course au profit, de l'avidité de la bourgeoisie, du fonctionnement même d'un système qui, pour permettre à une minorité de s'enrichir, pousse les classes exploitées à la misère. Et Ségolène Royal n'a peut-être pas tort de redouter une explosion sociale car cela ne peut pas continuer comme cela.
Eh bien, ce qui est à souhaiter c'est que cette explosion sociale, au lieu de prendre le chemin stérile de la violence aveugle, mette en mouvement, collectivement, les millions d'exploités, au travail ou en chômage, avec l'objectif conscient de changer leur sort en s'en prenant à ceux qui en sont responsables : le grand patronat, la grande bourgeoisie et le système économique qui est le leur.
Alors, ce qui, aux yeux de Ségolène Royal, apparaît comme une menace, se révèlera être le moyen, le seul, pour la classe ouvrière d'obliger la bourgeoise à sacrifier, au moins, une partie de ses profits pour satisfaire les exigences des classes populaires.
Aidez-nous à faire en sorte que nombreux soient ceux qui, dans les classes populaires, en votant pour ma candidature, montrent qu'ils partagent les idées que je viens de défendre. Qu'ils montrent que, s'ils rejettent la droite, porte-parole et serviteur attitré du grand patronat, ils ne font pas pour autant confiance à la gauche qui a toujours trahi ceux qui l'ont élue par refus de toucher au grand capital et à ses intérêts.
Et, surtout, il faut que les votes en ma faveur et qui contestent l'ordre social soient suffisamment nombreux pour que le grand patronat et ses serviteurs s'inquiètent de l'évolution de l'état d'esprit des classes populaires. Il faut qu'ils aient des raisons d'y entrevoir les mouvements sociaux indispensables pour changer notre avenir à tous !
travailleurs,
camarades
et amis
Pour pimenter le spectacle électoral, la presse et la télévision s'emparent du moindre frémissement dans les sondages pour tenter de le transformer en suspense insoutenable. Depuis quelques jours, c'est la montée virtuelle de Bayrou qui alimente les spéculations sur le « troisième homme » venant perturber le duo Sarkozy-Royal. Mais, une fois que les médias ont brodé sur le thème, elles reviennent sur l'enjeu du deuxième tour, le seul qui les intéresse vraiment.
A les en croire, en choisissant qui, entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, ira occuper l'Élysée pendant les cinq ans à venir, l'électeur fera un choix décisif entre deux orientations politiques, voire entre deux conceptions de société.
Mais, parfois, la réalité fait irruption et dissipe le rideau de fumée. Depuis dix jours, par exemple, les deux candidats et la multitude de leurs conseillers s'étripent sur le chiffrage de leurs programmes respectifs. Au Parti socialiste, l'exercice a conduit à des états d'âme tels que, dans l'équipe de campagne, Eric Besson, secrétaire national à l'économie et responsable du chiffrage du projet présidentiel de Ségolène Royal, a claqué la porte, démissionné du Parti socialiste et en est, aujourd'hui, à se poser la question pour qui voter ! Désormais sans lui donc, le chiffrage officiel du PS est tombé : il est estimé à 35 milliards d'euros, un montant du même ordre que le coût du programme de Sarkozy qui annonce 32 milliards.
Il est, de toute façon, fantaisiste de chiffrer de vagues promesses électorales. Les chiffres méritent cependant d'être comparés à d'autres correspondant aux bénéfices bien réels, réalisés en 2005, des 40 premières entreprises cotées en Bourse, le CAC 40. Annoncés pour 74 milliards d'euros, ils sont devenus, au fil des jours et des précisions, 88 milliards, et peut-être plus. Et, sur ce total, 40 milliards d'euros seront reversés aux actionnaires !
Ainsi donc, pendant que les deux camps essaient de passionner la population avec ces chiffrages hypothétiques et que des économistes distingués mettent en garde contre l'endettement, les 40 plus grandes entreprises vont empocher plus d'argent que ce que chacun des candidats se promet de consacrer pour changer la société ! C'est dire le ridicule de présenter le choix entre les projets respectifs de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal comme un choix de société.
Ce ne sont pas les dirigeants politiques qui dirigent l'économie, ce sont les groupes industriels et financiers. Le président de la République et les ministres sont payés pour justifier la stratégie des grandes entreprises, pas pour la définir. Ils sont payés pour servir les intérêts politiques du grand patronat, pas pour le commander.
Le programme de Sarkozy, c'est un ensemble de mesures clairement en faveur du grand patronat et des riches et défavorables au monde du travail.
Un nouveau contrat de travail qui donne aux patrons tout loisir de licencier quand ils veulent et comme ils veulent.
Un fonctionnaire sur deux non remplacé lorsqu'il partira en retraite -ce qui fera encore moins d'enseignants, encore moins de postiers, donc de bureaux de poste, moins d'infirmières, voire moins de lits d'hôpitaux.
Les chômeurs n'auront plus le droit de refuser qu'un seul emploi parmi les galères qu'on leur proposera. Le droit de grève sera limité peu à peu, avant d'être réduit à néant.
La TVA, l'impôt qui frappe durement les plus pauvres sur leurs besoins élémentaires, sera augmenté pour compenser le bouclier fiscal et les réductions d'impôts consenties aux plus riches.
Et en guise d'augmentation du pouvoir d'achat, il y aura seulement ce slogan « travailler plus pour gagner plus » ! C'est d'autant plus cynique que les près de trois millions de chômeurs complets n'ont pas de travail du tout. Leur proposer de « travailler plus » est une sinistre plaisanterie. Quant aux trois autres millions qui n'ont qu'un emploi précaire intermittent ou un temps partiel non choisi, combien d'entre eux voudraient pouvoir travailler même les 35 heures hebdomadaires contre lesquelles Sarkozy est en guerre ? Et puis, quelle est l'usine ou la banque où ce sont les ouvriers et les employés qui choisissent librement la durée de leur temps de travail ?
On pourrait croire que cet homme, Sarkozy, vit dans la lune pour ignorer à ce point la réalité des entreprises et de la condition ouvrière. En réalité, ce n'est pas de l'ignorance, mais de la servilité à l'égard du grand patronat. Exonérer les patrons de charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires, comme le promet Sarkozy, est non seulement leur faire un beau cadeau, mais c'est une façon de les pousser à faire crever au travail leurs travailleurs et de ne pas embaucher.
Si la série de suicides à Renault Guyancourt et puis à Peugeot Charleville ont tant ému le monde du travail, c'est parce que chacun ressent que les conditions de travail sont pour quelque chose dans ces actes désespérés : la fatigue, le stress, les pressions de l'encadrement.
Il est criminel d'imposer des heures supplémentaires à ceux qui ont du travail. Ce qu'il faut faire, c'est empêcher le patronat de licencier ou de recourir aux contrats précaires. Il faut remplacer les heures supplémentaires par des emplois supplémentaires.
Alors, la « feuille de route » de Sarkozy est claire. Ce sera, en pire, la même politique que pendant les cinq ans écoulés. Augmentation des cotisations à l'assurance maladie et remboursements sans cesse diminués. Précarité généralisée. Recul de l'âge de la retraite et pensions diminuées pour la plupart des travailleurs.
Sarkozy et les siens présentent aujourd'hui les régimes spéciaux comme des injustices sous prétexte que les salariés de ces régimes partent à la retraite plus tôt que Balladur, ami de Sarkozy, a décidé de faire partir les salariés du régime général. Ces gens-là poussent d'abord la majeure partie des salariés vers le bas et crient ensuite à l'injustice et stigmatisent les « régimes spéciaux ». Mais la justice, ce n'est pas d'aligner les régimes spéciaux sur les retraites du privé, mais faire l'inverse : revenir au moins aux 37 ans et demi de cotisations pour tous et à la pension calculée sur les 10 meilleures années, primes comprises.
Et qu'on ne nous dise pas qu'à cause de l'allongement de la durée de la vie, il y aura bientôt plus d'inactifs que d'actifs ! Moins d'actifs peut-être, mais étant donné l'augmentation de la productivité depuis 50 ans, on devrait pouvoir partir en retraite à un âge et avec des ressources où l'on pourrait encore profiter de la vie, après avoir , pendant des années, contribué à la richesse générale. La véritable injustice, l'injustice scandaleuse, c'est que les possesseurs de capitaux accaparent à leur profit l'intégralité de ce qui résulte du progrès de la productivité !
Le gouvernement se vante de la diminution du chômage. Mais les discours triomphalistes des ministres sont des mensonges grossiers. Pendant qu'ils se congratulent, les grandes entreprises licencient.
Deux grandes entreprises annoncent des plans de suppression d'emplois. 12.500 emplois supprimés, 15 % de l'effectif, chez Alcatel-Lucent, dont 1.500 en France. 10.000 emplois supprimés chez Airbus qui dépend partiellement de l'Etat sans parler des licenciements en cascade chez les sous-traitants.
Si le chômage diminue quand même dans les statistiques, c'est qu'on raye des chômeurs à tour de bras des listes des ANPE. Qu'il soit dit en passant que ceux dont l'emploi est menacé chez Airbus ou Alcatel-Lucent sont des techniciens, des ingénieurs, des chercheurs ! Ce qui n'empêche pas les dirigeants politiques de tout bord de prétendre que le meilleur moyen de combattre le chômage, c'est la formation ! Mais quelle est donc la formation qu'il faudrait atteindre pour ne pas être licencié : double ou triple doctorat ? Quand il n'y a pas de travail, même bardé de diplômes, on est bon pour faire la queue à l'ANPE ! Les travailleurs hautement qualifiés d'Alcatel-Lucent ou d'Airbus se retrouvent dans la même situation que les ouvriers des chaînes de production des usines d'automobiles menacés de suppressions d'emplois.
Si Sarkozy était élu, il n'y aurait pas plus de travail. Mais, en revanche, diplômé ou pas, on devrait accepter n'importe quel emploi !
Mais les choses iront-elles mieux si c'est la gauche qui gouverne ? Pendant le quart de siècle écoulé, la gauche et la droite ont passé à peu près le même temps au pouvoir. Le niveau de vie des salariés n'a jamais cessé de se dégrader malgré les changements de majorité. On a du mal à se rappeler qui a porté tel ou tel coup contre le monde du travail.
La droite comme la gauche ont contribué à la régression sociale, aggravée par le recul des services publics : des services fermés dans de grands hôpitaux, des maternités ou des hôpitaux de proximité supprimés, des lignes locales de chemin de fer abandonnées, des bureaux de poste de village ou de quartier disparus.
En annonçant son programme, Ségolène Royal a dénoncé le « règne sans frein du capital
financier » !
Elle trouve insupportable que « la moitié des salariés du privé touchent moins de 1400 euros par mois, que 4 millions de salariés sont payés au Smic au bout de 20 à 30 ans de travail ».
Mais qui sont les responsables de ces salaires scandaleusement bas ? Les patrons. Veut-elle les contraindre à payer des salaires corrects ? Mais non ! Elle affirme que c'est « comme une forme moderne de malédiction » ! Si c'est la faute à la fatalité, c'est qu'on n'y peut rien. En tout cas, elle, elle n'y peut rien.
Aussi les quelques propositions concrètes qu'elle a formulées sont ridiculement dérisoires à côté de ce qui serait nécessaire !
Le Smic sera porté à 1500 euros. Ségolène Royal a précisé qu'il s'agit de 1500 euros brut au bout des cinq ans de sa présidence. En gros, 5 % d'augmentation par an !
« Certains ont cru que c'était tout de suite. J'aimerais bien mais il faut aussi être réaliste ».
Ce réalisme-là, qu'elle prêche aux smicards payés à 984 euros net par mois alors qu'elle n'a rien à redire aux 25 % de plus empochés par des actionnaires déjà riches du CAC40, est bien plus éloquent de ce qu'est et de ce que veut Ségolène Royal que ses discours de commisération à l'égard des plus démunis.
Quant aux salaires supérieurs au Smic, il s'agira de négocier par la suite. Mais rien que pour rattraper le retard pris par le pouvoir d'achat, il faudrait une augmentation immédiate de 300 euros pour tous !
Elle se déclare pour un plan de rattrapage des petites retraites, en annonçant généreusement 5 % de relèvement. Ce qu'elle appelle les « petites retraites » sont celles qui vont du minimum vieillesse à l'équivalent du Smic. Même compte tenu des 5 % promis, les petits retraités devront donc survivre avec une somme comprise entre 658,35 et 1033,20 euros par mois.
En revanche, elle maintient les 65 milliards d'aides que l'État consacre aux entreprises, plus de six fois le trou de la Sécurité sociale. Tout au plus, a-t-elle l'intention d'augmenter sur cette somme la part qui est consacrée à la recherche.
Tout en dénonçant l'état catastrophique du logement, elle propose la construction de 120 000 logements par an. A ce rythme, pour satisfaire les quelque un million deux cents mille personnes déjà en listes d'attente pour un logement social, il faudra dix ans, sans parler des trois millions de mal logés !
Pour les jeunes, elle propose « les emplois-tremplins que les Régions ont mis en place avec un objectif de 500 000 emplois-tremplins ». Cela ressemble aux emplois-jeunes qui ont, certes, dépanné des jeunes mais qui n'ont jamais été pérennisés. « Emplois-tremplins » dit bien ce que cela veut dire, c'est que c'est provisoire. Et où donc va tomber le jeune après avoir sauté de ce tremplin-là ? La proposition de Ségolène Royal ne fait d'ailleurs que généraliser une pratique déjà existante dans les Régions mais sans préciser si l'Etat en reprendra le financement, ce qui serait la moindre des choses.
Devant la grande misère de l'Education nationale dans les quartiers populaires, elle propose « le soutien scolaire gratuit » confié à « un corps nouveau de répétiteurs » alors qu'il faudrait embaucher le nombre d'enseignants nécessaire et construire les locaux indispensables pour assurer une éducation adaptée pour tous.
Dans les 100 propositions de Ségolène Royal, il en est d'acceptables, voire utiles pour la catégorie à laquelle elles sont destinées. Mais, sur les problèmes essentiels des classes populaires cependant, le chômage, le pouvoir d'achat, la précarité, il n'y a rien qui puisse réellement changer la vie, aucun engagement concret.
Les promesses électorales, de toute façon, ne valent pas grand-chose. Mais on peut d'autant moins croire les dirigeants politiques que le véritable pouvoir ne leur appartient pas. Président et ministres ne font que gérer ce que leur demandent ceux qui possèdent les capitaux, les propriétaires des plus grosses entreprises qui assurent le véritable pouvoir dans ce pays et que personne, à part une minorité d'actionnaires, n'a élus.
Aussi je tiens à faire savoir, à affirmer, à convaincre le maximum d'électeurs des classes populaires dans cette campagne que, sans s'en prendre aux pouvoirs du grand patronat, on ne peut rien faire pour améliorer le sort des classes populaires, on ne peut même pas arrêter la dégradation de leurs conditions d'existence.
Derrière les dirigeants politiques et leurs discours mensongers, il y a le grand patronat des industries, de la grande distribution, des banques et des assurances et le système économique qu'ils dirigent et qui fonctionne à leur profit ou au profit de leurs mandataires, les financiers qui manipulent tous les capitaux.
Dans ce système économique, c'est la concurrence, c'est la recherche du profit qui déterminent tout. Même ce qui est nécessaire à une vie normale n'est fabriqué en quantité suffisante que si sa production rapporte du profit. Et lorsqu'elle n'en rapporte pas assez, on l'abandonne.
On nous dit que les profits élevés signifieraient que les entreprises sont en bonne santé et que des entreprises en bonne santé, c'est bon pour toute la société !
C'est une contre-vérité, un mensonge cynique. La société n'a aucun contrôle sur ces profits et sur l'usage qui en est fait. Une large part en est dilapidée par les classes riches en dépenses de luxe, yachts, jets privés, nombreuses résidences, pierres précieuses ou oeuvres d'art.
Mais le pire ne réside même pas dans les dépenses de luxe de la classe riche. Le pire c'est l'immense gâchis des ressources et du travail humain qui résulte de la guerre entre les grands groupes financiers pour assurer à leurs actionnaires le maximum de profit. Le pire, c'est que ce soient la Bourse et ses fluctuations qui rythment la vie de la société et qui font à un pôle la fortune extravagante de quelques-uns et qui, à l'autre pôle, ruinent la vie de milliers d'autres.
Mais la part croissante qui est versée aux actionnaires sur le profit total -45 % en moyenne cette année pour les CAC 40 !- signifie encore autre chose. Elle signifie que, pour plaire aux actionnaires, on sacrifie encore plus les investissements productifs, on favorise la finance par rapport à la production. Les profits ne servent même plus, en tout cas de moins en moins, à faire tourner la machine productive capitaliste. Ils servent à assurer une rente usuraire aux actionnaires.
Ce que patrons et économistes appellent « investissements », c'est le fait que les entreprises se rachètent les unes les autres. Mais ces rachats, ces OPA, ne représentent pas une force productive supplémentaire pour la société. Ils ne créent pas d'emplois, ils se traduisent même, le plus souvent, par des licenciements. Et la surenchère au cours de ces achats n'alimente que la spéculation et n'accroît que les revenus spéculatifs.
Quelles raisons aurait la population de se réjouir des 13 milliards de profit en 2006 de Total, un milliard d'euros de bénéfice de plus que l'année précédente ? Ce profit vient de sa poche, de l'envolée des prix du carburant et du fuel domestique. En contrepartie de ce profit scandaleux, il y a toutes ces familles pauvres qui se chauffent plus mal, qui doivent se restreindre sur leurs déplacements. Mais il n'y a pas que cela.
Au moment même où Total annonce un milliard de profit en plus, se déroule le procès des responsables du naufrage de l'Erika. Et un milliard, c'est exactement le montant estimé des dégâts provoqués par le naufrage. Et vous avez vu comment ce trust gigantesque, dont la course au profit, la course aux délais, a conduit à la catastrophe qui aurait pu, qui aurait dû être évitée, utilise ce profit non pas pour indemniser ses victimes mais pour payer une armada d'avocats. Il veut démontrer qu'il n'est responsable de rien et que les indemnités qu'il a versées et qui sont très loin du compte sont une pure générosité.
Et ce sont ces trusts-là, irresponsables au sens plein du terme, les yeux fixés sur le montant de leurs profits mais se désintéressant de la collectivité des hommes comme de l'environnement, qui décident de notre sort, seuls, sans contrôle. On ne peut pas les laisser faire ! On ne peut pas laisser les dirigeants des grandes groupes pousser la société vers l'abîme !
Il faut imposer que la société, la collectivité, puissent avoir un contrôle sur les comptabilités de toutes les grandes sociétés, et cela au jour le jour. Il ne s'agit pas seulement de donner le bilan qu'elles donnent aux comités d'entreprise, il s'agit d'élargir les moyens des comités d'entreprise, leur droit de contrôler les comptabilités au jour le jour, de désigner des comptables et des experts indépendants qui contrôlent ces géants qui dominent la société, mais aussi les comptes en banque de leurs dirigeants, de leurs principaux actionnaires et de leurs proches.
Il faut supprimer le secret professionnel pour que tout cela soit public, que la collectivité, la société civile, puissent jeter un oeil sur ce qui se passe dans les conseils d'administration, sur leurs projets à court terme ou à long terme qui peuvent concerner toute la population.
Je prends les comités d'entreprise comme exemple. Mais il faudrait que soient enlevées toutes les barrières inventées dès la création des CE et aggravées au fil du temps, qui réduisent leur rôle à un cérémonial annuel où les patrons leur livrent une fois par an des chiffres mélangés et incompréhensibles.
Il faut revenir sur les récentes lois qui les font élire une fois tous les quatre ans, ce qui les éloigne des travailleurs et les subordonne aux patrons. Il faut qu'ils soient élus chaque année, voire révocables en cours de mandat.
Il faut qu'ils puissent demander des comptes à la hiérarchie des entreprises, à n'importe quel moment.
Il faut que leur mode de désignation soit bien plus large afin que non seulement les salariés des entreprises mais aussi les consommateurs et toute la population puissent participer à ce contrôle.
Le dirigeant d'une entreprise connaît tout sur les revenus de ses salariés. La justice, c'est que les salariés connaissent tout sur les revenus de leur patron, et pas seulement sa paie théorique.
Un plan de licenciement ou un plan de délocalisation sont étudiés des mois avant à l'avance. Et lorsqu'ils sont annoncés, c'est au dernier moment, lorsque les futurs licenciés n'ont plus que leurs yeux pour pleurer et qu'ils ne peuvent plus réagir efficacement.
Eh bien, il faut que les travailleurs, que la population, soient avertis dès qu'une hypothèse de ce genre-là est évoquée, ne serait-ce que pour pouvoir s'organiser et se défendre.
Mais si ce contrôle existe, ils peuvent faire plus.
Si l'on vérifie d'où vient l'argent, par où il passe, et où il va, si on vérifie si les investissements qui figurent au bilan ne sont pas de simples rachats d'autres entreprises sans créer de force productive nouvelle, on verra qu'on peut satisfaire bien des revendications indispensables au monde du travail et, plus généralement, à la population. Et qu'on peut largement augmenter les salaires.
Et puis, à chaque fois qu'une grande entreprise porte un mauvais coup à ses travailleurs, soit en supprimant des emplois, soit en bloquant les salaires, soit les deux, elle prétend qu'elle le fait au nom de la compétitivité sur le marché international. Mais le prix des marchandises comprend, outre celui des matières nécessaires à leur fabrication, non seulement le prix du travail, c'est-à-dire les salaires, mais aussi les dividendes des actionnaires. Où est-il donc écrit que c'est la masse salariale qu'il faut réduire pour baisser les prix ? Pourquoi pas les revenus du capital ? C'est sur les dividendes qu'il faut prendre de quoi baisser les prix ! Et si les dividendes présents ne suffisent pas, il faut prendre sur les dividendes accumulés sous la forme de fortunes privées.
Ce ne sont pas les travailleurs, leurs emplois, leurs salaires, qu'il faut rendre flexibles, c'est au contraire la flexibilité des revenus du capital qu'il faut imposer !
Voilà les principales revendications indispensables au monde du travail.
Mes autres objectifs découlent de ce qui précède. On peut et on doit augmenter les retraites. On peut et on doit imposer le droit à un accès gratuit à la totalité des soins.
Un des problèmes majeurs pour les classes populaires est la question du logement. Cent mille personnes sans domicile. Un million qui n'ont pas de logement à elles et qui vivent dans des caravanes, des campings ou qui sont hébergées par des tiers. Plus de trois millions d'autres qui sont mal logées, obligées de vivre dans des logements dépourvus de salle d'eau, de WC ou de système de chauffage - voilà le bilan du « mal-logement » donné par la fondation de l'abbé Pierre.
C'est une situation dramatique pour toutes les familles concernées. Elle exige une réponse immédiate. Elle est à portée de main. Les bras ne manquent pas pour construire. L'Etat devrait prendre en charge un vaste programme de construction en réquisitionnant les terrains nécessaires, en créant lui-même un office national pour embaucher directement des architectes, des maçons, des plombiers, des électriciens, sans passer par les promoteurs immobiliers ou des bétonneurs à la Bouygues, sans qu'ils s'enrichissent sur la collectivité.
Le « droit au logement opposable » restera de la poudre aux yeux si l'Etat n'engage pas un programme massif de construction. En consacrant les 65 milliards dépensés actuellement en « aides aux entreprises » à la construction de logements convenables à loyer modéré, en deux ans, toutes les demandes de HLM pourraient être satisfaites !
Alors, si je me présente, c'est pour dire aux miens, au monde du travail, qu'il ne faut pas être dupe des marionnettes politiques qui occupent le devant de la scène et qui nous jouent la comédie du pouvoir, alors que, derrière la scène, c'est le grand patronat qui tire les ficelles.
Sarkozy, et la droite qu'il représente, est plus près du coeur et du porte-monnaie de la grande bourgeoisie parce qu'il se présente, drapeau déployé, comme son meilleur représentant. Mais Ségolène Royal a beau tenir un langage susceptible de plaire à l'électorat de gauche et de dénoncer « le profit facile » ou les « profits fainéants », la bourgeoisie sait d'expérience qu'elle n'a rien à craindre et qu'en cas de désaveu de Sarkozy par l'électorat, la candidate du Parti socialiste n'est pas dangereuse et représente une alternative politique valable.
Rien que pour revenir en arrière sur la régression sociale des dernières années, il faudra que les travailleurs imposent un certain nombre de revendications. Interdire les licenciements dans toutes les entreprises, à commencer par celles qui font du profit pour stopper la progression du chômage réel et de la précarité. Augmenter tous les salaires d'au moins 300 euros. Imposer un salaire minimum de 1500 euros net et qu'aucun salaire ne puisse y être inférieur quel que soit l'horaire. Transformer tous les contrats précaires en CDI.
Il faut imposer la suppression de toutes les mesures contre la retraite et les retraités prises par Balladur, maintenues par Jospin et aggravées par Raffarin, avec une pension qui soit au minimum égale au Smic réévalué.
Il faut aussi annuler toutes les privatisations dans les secteurs qui ont été des services publics ou transformer en services publics la construction des logements sociaux et aussi la fourniture de l'eau et de l'énergie.
Pour financer l'amélioration indispensable des services publics, pour donner l'argent nécessaire aux écoles des quartiers populaires, aux hôpitaux, aux transports publics, pour permettre à tous, y compris aux plus pauvres, d'accéder à une éducation convenable, à des soins de qualité, à des garanties sociales en cas de maladie, il faut augmenter les impôts sur les profits et sur les revenus des plus riches. L'impôts sur le revenu doit être fortement progressif et sans aucun « bouclier fiscal ». Il faut imposer très fortement les profits boursiers et tous les profits spéculatifs, ceux en particulier tirés de la spéculation immobilière. Il faut rétablir l'impôt sur les bénéfices au moins à ce qu'il était il y a trente ans encore, c'est-à-dire à 50 % alors qu'il n'est plus qu'à 33 % des bénéfices, et supprimer toutes les niches fiscales. Il faut rétablir les droits de succession au-dessus d'un certain seuil.
Mais, en revanche, il faut supprimer ou au moins réduire notablement la TVA sur les produits consommés par les classes populaires. Il faut réduire les taxes sur les carburants. Il faut faire prendre en charge par l'État les dépenses qu'il impose aux collectivités locales mais en donnant à ces dernières une liberté totale.
Ce ne sont nullement des revendications révolutionnaires, loin de là. Ce ne sont que les mesures indispensables pour que les travailleurs retrouvent leurs conditions d'existence d'il y a trente ans, qui étaient pourtant, déjà, difficiles pour le monde du travail. Mais face à ces exigences pourtant de première nécessité, le patronat comme les dirigeants de l'État, quelle que soit leur étiquette, nous diront que tout cela, ce n'est pas possible.
Eh bien, il est indispensable que les travailleurs, que les consommateurs, que la population, aient les moyens de vérifier leurs dires. Pour vérifier ce qu'il est possible de faire ou pas, il faut contrôler le fonctionnement des entreprises, surtout leurs finances et leurs stratégies.
Sans soumettre au contrôle ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie, on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer le chômage, alors qu'il faudrait le résorber complètement.
Nicolas Sarkozy comme Ségolène Royal cherchent l'un et l'autre à faire la cour à la jeunesse.
Mais quel est l'avenir de la jeunesse si les jeunes en sont réduits à commencer leur vie active comme chômeurs ? Et cela concerne tous les jeunes, même ceux qui ont la chance de poursuivre leurs études. Chance qui n'est même pas donnée à nombre de jeunes des quartiers populaires parce que l'Education nationale n'a pas les moyens, faute de crédits, faute d'ensei-gnants en nombre, de dispenser une éducation capable d'aider les enfants de pauvres à surmonter l'inégalité de départ, entre les familles des milieux matériellement et culturellement favorisés et celles qui cumulent la pauvreté matérielle avec des difficultés culturelles.
Mais combien de jeunes, même dotés de diplômes, sont inscrits à l'ANPE ? Combien de bac + 3 ou + 5 sont heureux de décrocher un emploi de caissière de supermarché ?
Alors oui, les jeunes représentent l'avenir. Mais leur avenir sera ce que leur génération sera capable d'imposer collectivement ; et cette capacité commence par ne pas croire les marchands d'illusions.
Je sais que nombreux sont dans les classes populaires celles et ceux qui veulent avant tout que Sarkozy ne soit pas élu. Je sais que ce qui leur apparaît le plus urgent, c'est de se débarrasser du pouvoir de la droite.
Eh bien oui, si, après le deuxième tour, Sarkozy était obligé de remballer son mépris des classes populaires, cela ferait bien plaisir et d'abord à moi-même !
Mais ce plaisir ne suffit pas. Ce n'est pas avec cela qu'on pourra payer son loyer, assurer l'éducation des enfants, se soigner ou trouver un travail ou un logement quand on n'en a pas.
Si Ségolène Royal est élue, il faut qu'elle sache que les classes populaires ne se considéreront pas quitte avec le changement de personnel à l'Élysée et que leurs exigences restent entières.
Il faut qu'elle sache que, de la part d'une partie en tout cas du monde du travail, le vote qu'elle aura recueilli n'est pas un vote de confiance mais un vote par élimination et qu'elle n'aura peut-être pas cinq ans pour décevoir à son tour ses électeurs. On ne peut pas, d'alternance en alternance, ne laisser à l'électorat populaire que la liberté de changer les équipes dirigeantes mais qui poursuivraient, toutes, la même politique.
Il ne suffit pas de chasser les hommes de droite de la présidence de la République ou du gouvernement pour que la politique de droite en soit chassée pour autant. Car quel que soit le président ou la présidente, le grand patronat conservera sa puissance économique et donc, les moyens d'imposer sa politique.
Je me présente dans cette campagne pour que les travailleurs, c'est-à-dire les ouvriers, les employés, les enseignants, les techniciens, les chômeurs, les retraités et bien d'autres, puissent dire qu'ils ne se laisseront pas tromper par la droite, bien sûr, mais pas plus par ceux qui se disent de gauche.
Je sais, bien sûr, que je ne peux pas être élue. Ne peuvent être élus dans le cadre des lois électorales que ceux qui sont appuyés par le grand capital, son argent, ses appareils politiques, son influence sur les chaînes de télévision.
Une candidate qui combat leur système n'a qu'une seule chance d'être élue : être portée par une très puissante lutte sociale, des grèves, des manifestations, par l'action collective de millions d'exploités.
Mais, même élue dans ce genre de circonstances exceptionnelles, je ne pourrais rien faire sans que l'action de la classe ouvrière se prolonge bien au-delà des élections.
Nous ne sommes pas dans cette situation aujourd'hui. Mais plus il y aura de votes contestataires sur mon nom, plus cela redonnera confiance à tous ceux qui en ont assez de recevoir des coups et qui ont envie de les rendre.
Parlant du passé, Ségolène Royal s'est posée, dans son discours programme, les questions : « A-t-on porté remède au précariat ? à l'insécurité sociale ? aux discriminations ? à la désertion des services publics ? au chômage des jeunes ? ». Elle y répond « Non, hélas ! Rien ou presque rien n'a été fait ».
Le constat est juste. Comme est peut-être prémonitoire ce qu'elle en déduit si les choses continuent de cette façon : « Il y aura des émeutes d'une violence extrême et qui ne seront plus limitées aux seuls quartiers dits sensibles. Il y aura des gestes de désespoir radical, des actes de nihilisme sans pareil qui laisseront les pouvoirs publics sans ressource et sans voix. La France entrera en crise (...) Il y a urgence ».
Oui, il y a urgence. Mais il ne suffit pas d'élire Ségolène Royal à la présidence de la République pour surmonter la crise qui résulte de la course au profit, de l'avidité de la bourgeoisie, du fonctionnement même d'un système qui, pour permettre à une minorité de s'enrichir, pousse les classes exploitées à la misère. Et Ségolène Royal n'a peut-être pas tort de redouter une explosion sociale car cela ne peut pas continuer comme cela.
Eh bien, ce qui est à souhaiter c'est que cette explosion sociale, au lieu de prendre le chemin stérile de la violence aveugle, mette en mouvement, collectivement, les millions d'exploités, au travail ou en chômage, avec l'objectif conscient de changer leur sort en s'en prenant à ceux qui en sont responsables : le grand patronat, la grande bourgeoisie et le système économique qui est le leur.
Alors, ce qui, aux yeux de Ségolène Royal, apparaît comme une menace, se révèlera être le moyen, le seul, pour la classe ouvrière d'obliger la bourgeoise à sacrifier, au moins, une partie de ses profits pour satisfaire les exigences des classes populaires.
Aidez-nous à faire en sorte que nombreux soient ceux qui, dans les classes populaires, en votant pour ma candidature, montrent qu'ils partagent les idées que je viens de défendre. Qu'ils montrent que, s'ils rejettent la droite, porte-parole et serviteur attitré du grand patronat, ils ne font pas pour autant confiance à la gauche qui a toujours trahi ceux qui l'ont élue par refus de toucher au grand capital et à ses intérêts.
Et, surtout, il faut que les votes en ma faveur et qui contestent l'ordre social soient suffisamment nombreux pour que le grand patronat et ses serviteurs s'inquiètent de l'évolution de l'état d'esprit des classes populaires. Il faut qu'ils aient des raisons d'y entrevoir les mouvements sociaux indispensables pour changer notre avenir à tous !