Interview de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la nécessité de réduire la dette publique, son opposition au projet présidentiel de François Bayrou en matière économique, les femmes et les postes à responsabilité, l'augmentation du coût de la vie ainsi que sur la fiscalité.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Q- G. Cahour : T. Breton, ministre de l'économie et des Finances pour encore quelques semaines, peut-être encore après, sait-on jamais, si un candidat que vous soutenez est élu président de la République. Vous sortez aujourd'hui un livre, intitulé "Anti-dette" ; voilà, c'est votre cheval de bataille, on va le voir à l'écran. Aujourd'hui, dans l'actualité, nous allons, bien sûr parler de la dette ce matin. F. Bayrou, aujourd'hui est à 24% d'intentions de vote, dans un dernier sondage ; il est à 1 point de S. Royal, qui est à 25 %. Et N. Sarkozy, lui, à 26%. Donc, c'est maintenant dans un mouchoir de poche. Le candidat UDF, qui semble être le candidat, on va dire, le plus raisonnable, qui veut combattre la dette. Alors, vous allez voter Bayrou ?
R- On est vraiment, ça y est, dans la campagne.
Q- G. Cahour : Oui.
R- Bon, ça c'est la bonne nouvelle, parce que vous l'attendiez depuis un moment. Donc, enfin, on est dans la campagne, et enfin, on peut expliquer aux électeurs...
Q- G. Cahour : Des choses sérieuses...
R- ...quels sont les problèmes et les programmes des uns et des autres. En ce qui concerne, justement, la dette, puisque, oui, vous avez raison, les candidats cette année, au cours de cette présidentielle, ont placé pour beaucoup d'entre eux, la dette au centre de leurs préoccupations et de leurs problèmes. Et voyez-vous, je m'en réjouis. C'est la raison pour laquelle, j'ai écrit "Anti-dette". Parce que c'est bien beau de placer la dette au milieu de la campagne... Souvenez-vous, il y a deux ans, j'étais celui, peu de temps après mon arrivée à Bercy qui a...
Q- G. Cahour : C'est votre cheval de bataille depuis le début.
R- Oui, c'est l'axe de ma politique.
Q- G. Cahour : C'est aussi celui de F. Bayrou, donc, c'est...
R- C'est l'axe de ma politique, parce que, il fallait de façon impérative remettre la France sur les rails du désendettement. C'est fait. L'année dernière, moins 2 points, ce qui est énorme, ce sont des dizaines de milliards d'euros de moins d'endettement ! Cette année, moins 1 point encore, et on revient progressivement sous la barre des 60% qui est notre engagement communautaire. Alors, c'est vrai que, F. Bayrou, mais S. Royal aussi, ont commencé leur discours en disant : "la dette est trop élevée"...
Q- G. Cahour : Oui, c'est le moins dépensier F. Bayrou.
R- ...Le problème, c'est que une dette c'est un acquis, et puis enfin, il faut des mesures. Et les mesures, je les ai bien regardées, pour les uns et pour les autres. C'est la raison du reste pour laquelle j'ai écrit mon livre "Anti-dette", pour démontrer que, derrière cette dette, eh bien, il y a des mesures pour déverrouiller l'économie, et pour faire encore...
Q- G. Cahour : Votre candidat, est-ce que ça pourrait être F. Bayrou ?
R- Mon candidat, c'est N. Sarkozy...
Q- A. Ventura : Mais vous n'êtes pas opposé à F. Bayrou ?
R- Non, mais, écoutez, F. Bayrou, je le connais depuis très longtemps,j'ai été très proche de R. Monory, je connais F. Bayrou depuis très longtemps. Mais derrière ça, il y a la réalité. Et la réalité de l'économie, eh bien c'est tout simplement de faire en sorte qu'on ait un programme qui permette de créer de la croissance. Pardon de le dire, mais les mesures qui sont proposées aujourd'hui par F. Bayrou ne permettent nullement de réduire la dette de la France.
Q- A. Ventura : Il n'est pas fiable F. Bayrou en matière d'économie ?
R- C'est-à-dire que ce sont des choses qui sont très compliquées, il faut derrière avoir des programmes très précis. Je donne un exemple : F. Bayrou suggère que, désormais chaque entreprise puisse embaucher deux salariés sans charges.
Q- A. Ventura : C'est séduisant ça.
R- C'est le type même de la mauvaise idée...
Q- A. Ventura : Pourquoi ?
R- Elle est séduisante, Mme Ventura, voyez, comme ça. Et puis, quand on regarde dans le détail, il y a en fait six millions de Français qui changent d'emploi tous les ans, parce qu'ils tournent. Cela veut donc dire qu'il y a, ce qu'on appelle en économie un effet d'aubaine massif, ce qui ferait que, du coup ces Français quittent leur entreprise pour entrer dans une autre, ce qui est normal, eh bien d'un seul coup, ils seraient sans charges. Mais qui va payer ? Vous voulez que je vous dise ? La Sécurité sociale. Donc, on creuse finalement avec une bonne idée. C'est une idée généreuse, en économie tout se paye. Donc, "Anti dette", vous allez voir l'ensemble des éléments qu'il faut prendre pour derrière, déverrouiller l'économie de façon réaliste, crédible, c'est vrai
que je m'appuie sur deux ans d'expérience de mon ministère à Bercy. C'est vrai aussi, que je m'appuie sur la compréhension, la connaissance qu'on a, les uns et les autres, de ce qui se passe dans d'autres pays. Il y a des bonnes idées, l'ensemble des mesures aujourd'hui qui sont proposées par N. Sarkozy, je le dis très clairement, ce sont des mesures qui permettent à la fois de réduire les déficits budgétaires, indispensables, et de réduire la dette.
Q- A.Ventura : Est-ce qu'il n'y a pas un risque ? N. Sarkozy souhaite alléger les charges sur les heures supplémentaires ? Est-ce qu'on ne prend pas là aussi des risques ? Vous dites que F. Bayrou prend des risques avec ses deux emplois sans charges.
Q- G. Cahour : Le risque, c'est qu'un patron embauche, et au lieu de mettre 35 heures, mette 25 heures sur un contrat, et puis le reste en heures sup, et puis le jour où il n'y a plus de commandes, on se retrouve avec 25 heures de travail.
R- Deux problèmes majeurs en France : le premier, c'est le coût du travail. Nous avons un coût du travail qui est l'un des plus élevés au monde, et ça c'est un problème dont il faut trouver des solutions pour le baisser. Deuxième problème, à cause des 35 heures, on ne travaille pas assez ; moins de 1.500 heures par an en France, 1.700 heures par an en Grande-Bretagne, 1.900 heures par an aux Etats-Unis...
Q- A.Ventura : Donc ?
R- Donc, il faut tout faire dans cette économie...
Q- A. Ventura : Donc, travailler plus pour gagner plus ?
R- Tout faire dans cette économie, qui est une économie du savoir, qui est une économie du service, il faut donc effectivement tout faire pour relibérer la capacité de travailler et de construire.
Q- G. Cahour : Mais ça c'est pour ceux qui pointent.
R- ...Et donc, et donc, oui, mais alors... Vous n'allez vous refaire...Non, pas vous !
Q- G. Cahour : Ah ben, si ! Excusez-moi !...Attendez, moi je voudrais travailler plus pour gagner plus...
R- Il nous refait du malthusianisme, il nous refait le coup du gâteau ! Mais non ! Ce n'est pas comme ça que ça marche l'économie !
Q- G. Cahour : Mais comment ceux qui ne pointent pas... Mais expliquez-nous !
R- Le partage du gâteau ! Pardon, c'est moi qui vous dis que si jamais le partage du gâteau avait marché, tous les autres pays l'auraient fait.
Q- G. Cahour : Non, mais ce n'est pas une question de partage du gâteau, c'est techniquement, moi je voudrais comprendre...
R- Ben si !
Q- G. Cahour : Je voudrais comprendre : techniquement, quelqu'un qui ne pointe pas, parce que pour ceux qui pointent, travailler plus pour gagner plus, d'accord. Ceux qui ne pointent pas, comment ils font pour travailler plus, pour gagner plus ? Moi, si je travaille plus, je suis dans [inaud].
R- Parce que vous pensez que vous, quand vous travaillez 35 heures, et que parce que vous avez une commande de plus, eh bien on va pouvoir vous faire travailler 37 heures, deux heures supplémentaires, vous pensez que c'est comme ça que on va embaucher quelqu'un pour faire deux heures ? Eh bien, non !...
Q- G. Cahour : Mais ça c'est pour ceux qui pointent ?
R- Vous savez qui on embauche en France ? Eh bien non !
Q- G. Cahour : Pour ceux qui ne pointent pas, qui ont des horaires, un jour ils travaillent jusqu'à 18 heures, le lendemain jusqu'à 20 heures.
R- Je peux vous répondre à cette intéressante question ? Eh bien, c'est précisément à cause de la rigidité du travail que pour ceux qui "ne pointent pas" comme vous dites, on a, en France...on est le premier pays mondial vous savez dans quoi ? Dans l'intérim ! Parce que c'est le
système : le malthusianisme que vous appelez de vos voeux, précisément, a créé les emplois précaires, et le fait que pour éviter de répondre à cette rigidité, on a créé les sociétés d'intérim, où justement on peut faire des deux heures ici, des trois heures là, et c'est comme ça que la France est devenue, vous savez quoi ? Champion du monde, premier pays mondial en terme d'intérim, parce que précisément pour que ceux qui ne pointent pas puissent rentrer sans être pour autant salariés, eh bien on a fait de l'intérim, une fois un petit peu ici, une fois un petit peu là. Voilà. Eh bien moi, cette précarité-là, je la refuse !
Q- A. Ventura : Mais alors, les salariés soulignent qu'ils n'auront pas le choix des heures supplémentaires, que ce sont les patrons qui l'imposeront.
R- Ce ne seront pas les patrons, ce seront les clients. N'oublions pas que dans une entreprise, ce sont des clients. Si vous avez des clients, si vous avez des contrats, vous avez du travail. Si vous n'avez pas de clients et pas de contrats, vous n'avez pas de travail, patron ou pas patron. L'idée,c'est quoi ? C'est en permanence d'avoir une capacité de répondre aux afflux de commandes, et de permettre à ceux qui veulent travailler plus pour y répondre de pouvoir le faire. C'est simple, mais croyez-moi, c'est efficace et nécessaire en économie.
Q- G. Cahour : Quelques questions sur la Journée de la femme. Question précise, réponse du tac au tac, spontanée. Pour ou contre l'équité parfaite en politique et dans le management des entreprises ?
R- Mais toujours ! J'ai été moi-même...
Q- G. Cahour : 50-50 ?
R- J'ai été moi-même le plus possible, quand j'étais chef d'entreprise, j'ai toujours veillé à ce qu'il y ait des femmes dans mes comités exécutifs, dans les conseils d'administration. C'est une évidence...
Q- G. Cahour : Donc, du tac au tac, oui, 50-50 ?
R- C'est une évidence, il faut le faire le plus naturellement possible, bien sûr.
Q- A. Ventura : Ca oui, mais le précepte "A travail égal, salaire égal", ce n'est pas encore...
R- Mais bien sûr que si, c'est aussi une évidence, il faut évidemment le faire.
Q- G. Cahour : Justement, comment on fait, une idée choc pour avoir "à travail égal, salaire égal" ? Car aujourd'hui ce n'est pas le cas. Déjà c'est un problème de culture, c'est vraiment un problème de culture.
Q-G. Cahopur : Est-ce que l'Etat peut faire quelque chose, ou ce sont les entreprises ?
R- C'est un problème de culture, il faut vraiment qu'on porte ça en soi. Moi dans les entreprises dans lesquelles j'ai été... ???
Q- G. Cahour : C'est un peu facile de dire que c'est un problème de culture.
R- Mais non. Parce que la preuve, il y a une loi, je veux dire. Encore ce matin, sur votre radio, j'entendais... vous le disiez vous-même, j'ai écouté ce que vous disiez ce matin, vous disiez : il y a une loi et on voit que la loi finalement n'est pas appliquée. Tout ne doit pas se faire que par la loi. Il faut aussi que les habitudes changent, et moi je sais... Ondonne ensuite des opportunités aux uns et aux autres, et puis on leur donne la possibilité de progresser, de se déployer, il faut le faire vraiment. Je vous assure...
Q- A.Ventura : Il y a combien de femmes qui travaillent dans votre équipe.
R- Quand j'étais chez France Télécom...
Q- G. Cahour : On répond du tac au tac, hein.
R- Quand j'étais chez France Télécom, j'ai nommé, j'ai voulu nommer à un moment donné des directeurs régionaux, j'ai voulu que ce soient des femmes, et on a nommé énormément de femmes directeurs régionales.
Q- G. Cahour : Et là, aujourd'hui dans votre équipe combien de femmes ?
R- Dans mon équipe, dans mon cabinet ? Dans mon cabinet, il y a 35% de femmes.
Q- G. Cahour : Dernière question : Journée de la femme...
Q- A. Ventura : 35 ?
R- Oui, mais voilà, je le dis comme ça. Regardez par exemple, L. Parisot, moi je le dis sincèrement. Il est normal des fois, le ministre des Finances et la patronne du Medef on est structurellement pas en opposition. Je dis sincèrement c'est une femme formidable, elle est exceptionnelle, elle fait un travail à la tête du Medef que personne n'a fait.
Q- A.Ventura : On pourra expliquer.
R- Oui, mais c'est formidable.
[Pause à 8h45]
Q- G. Cahour : Votre livre "Anti dette" sort aujourd'hui même.
Q- A. Ventura : T. Breton, on va faire un peu de politique fiction : en juin, N. Sarkozy est élu, il vous a demandé de rester à Bercy. Votre politique, quand on voit votre livre, on se dit : "oh la, la ! Rigueur, austérité ". Cela va être quoi ?
R- C'est "croissance". Croissance, croissance, croissance. A partir du moment où on a pu remettre la France sur les rails de la vertu budgétaire, à savoir atteindre en 2010 l'équilibre budgétaire, c'est-à-dire faire en sorte que la France ne perde plus d'argent tous les ans,qu'on ne vive plus à crédit, et que l'on commence à rembourser clairement notre dette pour faire en sorte que ce ne soit pas nos enfants qui la payent demain, alors oui, c'est exactement ce que je fais depuis deux ans, je propose dans le livre la façon de le faire tout en intégrant le programme de N. Sarkozy sur les trois, quatre, cinq prochaines années. Alors, oui, on peut commencer vraiment à déverrouiller...
Q- A. Ventura : Pourquoi on n'a pas fait cela avant ?
R- Pour une raison très simple : avant de pouvoir libérer la croissance, il fallait tuer, TUER ce fardeau immense qui était le fait que nous avions pris l'habitude de vivre à crédit pendant vingt-cinq ans. Et donc, la confiance qui est le préalable à la croissance ne pouvait pas revenir, parce qu'on savait finalement que demain on aurait payé davantage pour notre bien-être d'aujourd'hui. J'ai cassé cette dynamique. Et cela m'a pris deux ans. Bien entendu, on a fait des tas de choses aussi pour libérer la croissance. Par exemple...
Q- G. Cahour : Pourquoi sortez-vous ce livre aujourd'hui ?
R- J'ai beaucoup de questions. On a libéré la croissance, par exemple en faisant une réforme fiscale qui a rendu le pouvoir d'achat aux Français : c'est 0,5 à 0,6 point de PIB, c'est immense, ce qu'on donne cette année.
Q- G. Cahour : Sauf qu'on paye plus à l'échelle régionale.
R- Oui mais ça, attendez ! La fiscalité régionale, on va en parler. Mais enfin, l'impôt sur le revenu, c'est quand même quelque chose d'important.
Q- A. Ventura : Vous pouvez baisser les impôts, mais les Français payent de plus en plus de cotisations.
R- Non, non, pardon - c'est une petite correction que je veux faire - : là, vous parlez des prélèvements obligatoires.
Q- A. Ventura : Oui, tout à fait.
R- On en parlait hier, ils sont à 44,4 %. Donc, les prélèvements obligatoires, il y a l'aspect fiscal qui, lui, baisse, puisque l'impôt sur le revenu des Français baisse, le poids... C'est vrai les régions vont augmenter, mais l'impôt sur les revenus des Français a baissé très nettement...
Q- G. Cahour : Oui, c'est important...
R- ... de plus de 20 % depuis que J. Chirac l'avait annoncé il y a cinq ans. C'est quand même très important. Et puis, vous avez effectivement, dans les prélèvements obligatoires, des prélèvements sociaux, etc. Etpuis les impôts des entreprises. On a fait une bonne année 2006. Donc, les entreprises ont payé beaucoup d'impôts, ce qui est une bonne nouvelle, et j'ai eu donc 10 milliards de surplus, qui fait que c'est mécaniquement monté dans les prélèvements obligatoires à 44,4. Mais ces 10 milliards de surplus, je les ai affectés immédiatement au désendettement de la France.
Q- G. Cahour : Nous allons retrouver P. Dufreigne. Quelles sont les réactions, les questions qui arrivent au standard ?
R- P. Dufreigne : C'est très divers tout ce qui nous arrive ce matin. On parle consommation tout d'abord - consommation et pouvoir d'achat - avec Vincent, qui dit : "Au second tour, moi je suis commerçant, je pense qu'on devrait baisser les taxes notamment sur l'essence. Pour moi, cela permettrait d'inciter les Français à consommer. Comment peut-on parler de pouvoir d'achat sans parler de la lourdeur des taxes et des charges sociales ?". J'ai beaucoup d'auditeurs qui souhaitent vous poser des questions ce matin. J'ai Denis tout d'abord, qui attire votre attention sur ses impôts. Denis est célibataire, il est divorcé, il paie une pension et il est surendetté. Il dit que le système des impôts tel qu'il est ne tient pas compte du tout de la situation financière réelle des personnes qui sont célibataires et divorcées. "Moi j'ai 1.500 euros par mois, il ne m'en reste que 80 pour vivre à la fin du mois. Est-ce que vous trouvez cela normal ?". Les affaires. Michel, sur le tchat : "Monsieur Breton, on entend parler des révélations du Canard sur N. Sarkozy, son appartement, et sur l'ISF de S. Royal. "Aux Finances, certains de vos services devraient être au courant. Est-ce qu'il n'y a pas un consensus entre les partis politiques pour qu'on évite de parler de ces sujets-là". Et puis, on parle beaucoup, beaucoup, ce matin, de votre chariot-type ici. Au départ, il était à 100 euros, en 2005 ; deux ans plus tard, il est à 100 euros et 67 centimes. Les auditeurs ne se retrouvent pas vraiment dans ces chiffres, à l'image de Lina qui est dans les Bouches du Rhône, qui dit : "Moi, je suis pourtant très économe, j'achète presque toujours les mêmes produits. Eh bien, d'un mois sur l'autre, il y a une légère augmentation. Par exemple, les yaourts, qui sont passés de 0,99 à 1,05 euro, etc. Est-ce que Monsieur Breton fait vraiment ses courses, ou est-ce que son chariot n'est que virtuel" ?
Q- G. Cahour : Dites-nous, vous faites vos courses, et on ne ressent pas de cette manière-là. 100,67 euros...
R- C'est toujours la même chose. Le chariot, on l'a créé avec les associations de consommateurs. Ce sont elles qui ont décidé - et pour la première fois - par catégories, par typologies de Français et de familles : il y a les 25 ans, il y a ceux qui vivent en couple, il y a les célibataires, il y a ceux qui sont mariés avec un enfant, il y a ceux qui ont deux enfants, il y a ceux qui ont trois enfants... On a fait les catégories pour que les Français, précisément, puissent mieux s'y retrouver. Et puis, les
associations de consommateurs ont identifié 135 produits qui font partie des produits courants, et qu'on va acheter essentiellement dans les hypermarchés. Donc, le premier élément de réponse, cela mesure en fait les prix des produits les plus courants, de la consommation hebdomadaire ou quotidienne...
Q- A. Ventura : Hors essence, hors logement...
R- Hors essence, hors baguette, qui n'en fait pas partie.
Q- G. Cahour : Alors, ce sont les distributeurs qui font la guerre des prix ?
R- Cela veut dire que la réforme sur la loi Galland effectivement a fonctionné. Dieu sait que quand je dis cela, les gens au mieux m'écoutent poliment, et au pire me disent qu'on raconte des histoires. C'est mesuré, ça, c'est vraiment la réalité. Je sais que ce n'est pas le perçu des Français. Je sais que les Français, après cela, ils voient par exemple que le café - quand on consomme le café - sur le zinc il a augmenté, que la baguette de pain a augmenté. Alors, je vais vous dire, ça ce sont des produits et des services de proximité qui ont augmenté beaucoup plus fortement, alors que dans les autres pays, comme par exemple l'Allemagne, comme par exemple la Belgique, ces produits et services de proximité - le pain, le petit noir, le sandwich, la coupe de cheveux - ont plutôt eu tendance à baisser. Et vous savez pourquoi ? On dit c'est l'euro. Non, ce n'est pas l'euro. C'est que nous, entre temps, on a eu les 35 heures et que les 35 heures payées 39 font que lorsque vous êtes un garçon dans un café, vous devez du coup payer le serveur 35 heures travaillées [mais] payées 39. Qui paye la différence ? Il n'y a pas de productivité comme dans les grandes entreprises. Le consommateur. Pareil pour le boulanger. Le boulanger, il est obligé, il achète la farine, c'est le même prix, l'eau le même prix, les courses le même prix. Mais par contre, eh bien, il faut faire payer la différence, et cela, c'est vrai que c'est un perçu, c'est douloureux chez les Français. Donc, je m'y attache évidemment.
Q- Dominique, auditeur : Bonjour Monsieur Breton. Je vais être très direct. J'entends depuis tout à l'heure l'habile technocrate que vous êtes, mais c'est à l'homme que je parle et c'est une vraie réponse d'homme que j'attends. Seriez-vous prêt à réformer l'ISF sur l'habitation principale, cet impôt absolument démagogue ? Je suis prêt à venir l'expliquer à votre place aux Français, parce que, manifestement, vous ne savez pas l'expliquer. Aujourd'hui, j'ai perdu l'utilisation de mon habitation principale, parce que je vis dans une vallée alpine où les gens qui sont venus s'installer ici ont fait exploser l'immobilier ; les vallées sont en train de mourir, on a surestimé mon chalet, j'ai été obligé de le vendre à cause de l'ISF. J'attends une réponse, Monsieur Breton.
R- C'est l'ISF sur l'habitation. Effectivement, il y a beaucoup de Français qui sont dans votre cas, et c'est la raison pour laquelle j'ai fait voter au Parlement - c'est en application depuis maintenant le mois de janvier - un principe qui est le principe du bouclier fiscal, qui fait que, pour des cas exactement comme le vôtre, qui sont - on me dit, ce bouclier c'est pour les riches... Non, c'est précisément pour des cas comme ce monsieur, qui visiblement ne fait pas partie des personnes les plus aisées.
Q- G. Cahour : Visiblement, ça ne suffit pas.
R- Eh bien, non, parce que j'imagine que ça a été fait avant le 1er janvier, ce qu'il vient de dire.
Q- G. Cahour : Mais est-ce que vraiment, il va le sentir, Dominique ?
R- Je voudrais y répondre précisément. A partir du moment... c'est précisément pour des cas comme cela, où à partir du moment où vous avez l'impôt sur le revenu, avec des revenus faibles, les taxes foncières, et l'ISF, et que vous avez en face vos revenus, et que cet impôt ISF compris, dépasserait les 60 %, le bouclier vous protège. Et dans le cas qui vient d'être décrit, eh bien, précisément, avec le bouclier, on n'a plus à commettre ce type d'aberration - et je suis d'accord, c'est une aberration - qui a conduit, avec un cas comme celui-là, mais en France, il y en a d'autres, on a souvent parlé de l'Île de Ré, vous vous en souvenez, effectivement, les zones touristiques, par exemple, où des personnes qui sont propriétaires de leur maison depuis des générations, voient les prix exploser, eh bien le bouclier les protège désormais.
Q- A. Ventura : On va aborder maintenant la question des services fiscaux qui sont au coeur de la campagne. Vous êtes à la tête de Bercy. On en est où de l'enquête - les auditeurs ont posé la question - sur la prétendue plus-value de N. Sarkozy, ou encore sur le R- patrimoine de F. Hollande et de S. Royal ?
Il y a toute une polémique, on est dans la campagne et ce genre de polémique ne sert jamais vraiment la démocratie, mais je vais répondre précisément à votre question. D'abord, je rappelle que le dossier des contribuables est couvert par le secret fiscal, et donc, il ne faut pas compter sur moi, ministre des Finances, pour mettre un quelconque élément sur la table, ou émettre une quelconque opinion sur le fond, dans cette affaire, par exemple, la déclaration ISF de S. Royal...
Q- G. Cahour : Est-ce que vos services ont enquêté ?
R- Je réponds à cette question. On a 34 millions de dossiers, et sur ces dossiers, les Français le savent, il n'y a qu'une minorité qui fait l'objet d'enquêtes ou de contrôles. On ne contrôle pas tous les contribuables, vous ne pouvez contrôler 34 millions de dossiers de l'administration
fiscale.
Q- G. Cahour : Et le soupçon...
R- Alors, si un dossier - je le redis, parce que j'ai entendu un peu tout et n'importe quoi - si un dossier n'a pas été vérifié, le fait qu'il n'y ait pas eu de redressement, cela ne veut évidemment pas dire qu'il n'y a pas d'anomalie, c'est une évidence que chacun peut comprendre. En revanche, quand j'entends dire que c'est à l'administration de fixer la valeur des biens, c'est faux.
Q- A.. Ventura : C'est F. Hollande qui le dit.
R- Je suis obligé de rappeler les règles : c'est à chaque citoyen de s'assurer qu'il est en règle avec ses obligations fiscales, c'est la loi. Nous avons en France un système déclaratif, c'est-à-dire que c'est au contribuable à déclarer, sous sa responsabilité de citoyen et de déclarer la réalité.
Q- A. Ventura : Donc, F. Hollande et S. Royal auraient dû déclarer...
Q- G. Cahour : Pour conclure - là, il y a des soupçons - est-ce qu'il faut enquêter, oui ou non ?
R- Quand on ne déclare pas la réalité, c'est extrêmement grave, et à ce moment-là, soit c'est une négligence, une erreur, une fraude. Et dans ce cas, il y a redressement et des pénalités.
Q- G. Cahour : Il nous reste vingt secondes, s'il vous plaît, est-ce que oui ou non - là il y a des soupçons - il y a une enquête ?
R- Je vous le dis : si le contribuable veut... D'abord, moi je ne donne par principe aucune instruction de contrôle à mon administration. Si un contribuable veut s'assurer qu'il est en règle, il peut toujours se rapprocher de l'administration ou lui écrire, pour poser des questions. C'est exactement ce qu'a fait N. Sarkozy. Il a estimé qu'il était diffamé sur sa déclaration ISF, il a écrit à la direction générale des impôts, celle-ci lui a répondu qu'il n'y avait pas d'anomalie, et il a publié la lettre. Eh bien, si d'autres se sentent diffamés, qu'ils fassent la même chose, qu'ils écrivent la direction générale des impôts, elle leur répondra.
A. Ventura : Merci, on a compris.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 mars 2007