Extraits de la conférence de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur la mobilisation et les contributions des membres d'UNITAID à l'achat de médicaments à destination des pays du sud, Genève le 8 mars 2007.

Prononcé le

Texte intégral

Le Conseil d'administration que je préside aujourd'hui se réunit en présence des cinq pays fondateurs : Brésil, Chili, France, Norvège, Royaume-Uni et des 18 pays africains, dont je salue ici les représentants et qui ont formellement matérialisé leur participation à UNITAID.
Ce très important mouvement d'adhésion est un appel lancé à tous les pays du Nord. Il renforce le caractère partenarial d'UNITAID, initiative qui transcende le clivage traditionnel entre le Nord et le Sud puisque son action s'inscrit également dans un mouvement de solidarité du Sud vers le Sud. D'autres pays sont en train de nous rejoindre. Je laisserai la parole, dans un instant, aux représentants de l'Espagne, de la Corée du Sud, de Chypre, qui nous annonceront leur engagement fort dans UNITAID. Cette mobilisation doit continuer. Nous y travaillons activement.
Plusieurs autres pays ont déjà exprimé un intérêt marqué pour une participation à UNITAID. Je me suis, par exemple, récemment rendu en Chine ; les autorités chinoises participent au groupe pilote d'UNITAID et s'intéressent directement et très concrètement à cette initiative.
D'ores et déjà, les contributions des membres d'UNITAID vont dépasser le budget de 300 millions de dollars, en 2007. Il devrait atteindre 500 millions de dollars, en 2008, afin de faciliter l'approvisionnement des médicaments contre le paludisme, la tuberculose et le sida, principalement dans les pays en développement.
Grâce à ce financement innovant - essentiellement des contributions de solidarité sur les billets d'avion -, plus de 200 millions de dollars ont déjà été engagés dans des actions définies comme prioritaires pour répondre à un état sanitaire d'urgence mondiale. Nous les mettons en oeuvre avec les partenaires d'UNITAID, notamment l'Organisation mondiale de la Santé, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l'UNICEF et la Fondation Clinton.
Ainsi, des résultats concrets ont déjà pu être obtenus. Les premières baisses de prix ont été annoncées, par exemple, pour les formulations d'anti-rétroviraux pédiatriques afin de soigner 100.000 enfants. Dès 2007, on sera passé de 15.000 enfants à 100.000 enfants. Les approvisionnements ont commencé auprès des services sanitaires.
Nous avançons par ailleurs dans la mise en oeuvre de moyens susceptibles d'atteindre toutes les cibles d'UNITAID telles que les nouvelles formulations contre le paludisme, les anti-rétroviraux de seconde ligne ou les médicaments antituberculeux pour les enfants ou pour les patients atteints de tuberculose multirésistante.
Il s'agit déjà de résultats concrets pour cette année. Tous les Etats membres d'UNITAID et leurs partenaires, en liaison avec les pays bénéficiaires, sont plus que jamais impliqués pour suivre la mise en oeuvre des programmes sur le terrain et renforcer l'impact des actions d'UNITAID sur la baisse des prix et le meilleur accès aux traitements de qualité.
Je voudrais souligner qu'UNITAID est une véritable révolution puisqu'il s'agit de financements innovants et ces financements innovants reposent sur la solidarité des citoyens. Que ce soit la contribution sur les billets d'avion, retenue par la plupart des pays contributeurs à UNITAID, ou la taxe sur la pollution mise en oeuvre par la Norvège, il s'agit bien d'un engagement de chaque citoyen, d'une démarche citoyenne mondiale pour une mondialisation équitable et solidaire. La mondialisation de l'économie aboutit, aujourd'hui, à une situation où les pays riches sont de plus en plus riches alors que les pays pauvres demeurent dans la pauvreté. La seule solution pour combler ce fossé, ce sont des financements citoyens.
Je suis donc très heureux de voir ce processus s'engager, mais je suis aussi conscient que cela ne fait que commencer. Dans les mois ou les années qui viennent, nous vivrons probablement des moments politiques forts à l'occasion desquels d'autres grands pays nous suivront. Tout à l'heure, la Corée du Sud nous expliquait que la loi sur les financements à partir des billets d'avion a été votée par le Parlement coréen. Au Portugal, où j'étais, il y a 48 heures, l'ensemble des groupes parlementaires de l'Assemblée de la République a également accepté l'idée de mettre en place des financements innovants.
Enfin pour terminer, je veux saluer tout le Conseil d'administration : les représentants des Etats, des ONG, des communautés de malades, de la société civile en général. Je voudrais les remercier parce que nous travaillons bien. Nous travaillons en confiance, avec deux objectifs : la transparence de l'utilisation des fonds UNITAID et l'achat de médicaments au moindre coût. Peu importe qui les vend, que ce soit des fabricants de médicaments génériques indiens ou des laboratoires occidentaux - l'objectif, à efficacité égale, sera toujours de trouver le médicament le moins cher pour soigner tout simplement plus de malades.
Avant de donner la parole aux représentants de Chypre et aux journalistes, j'ajouterai deux choses :
Je voudrais remercier les autorités des 18 pays africains qui ont adhéré à UNITAID et l'Union africaine pour son soutien. L'Union africaine nous a aidé, en particulier, son président, M. Sassou Nguesso, président du Congo Brazzaville. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le Congo Brazzaville a été un des premiers pays à adhérer. Je me souviens de New York, lorsque nous avons porté UNITAID sur les fonds baptismaux, avec Kofi Annan, le président Chirac, le président Lula et M. Sassou Nguesso - au nom de la présidence du Congo Brazzaville mais également de la Présidence de l'Union africaine. Je voudrais vraiment remercier l'Union africaine et son nouveau président qui, j'en suis persuadé, continuera comme cela.
Je voudrais également saluer M. Fitchane, ainsi que les représentants des autres organisations. J'ai parlé de l'OMS tout à l'heure, on pourrait parler d'ONUSIDA. Je crois que demain, il y aura indiscutablement un travail commun avec le Fonds mondial de lutte contre le sida et qu'UNITAID ne doit pas être un doublon, UNITAID ne doit pas être en compétition avec un autre organisme. UNITAID, c'est une petite équipe exempte de bureaucratie. Nous nous appuyons sur l'OMS. Nous allons travailler sur les mêmes objectifs que le Fonds mondial de lutte contre le sida.
Il est donc important de bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'un organisme bureaucratique de plus mais, au contraire, d'un élément facilitateur qui permettra de mieux se coordonner les uns et les autres.
Q - Monsieur le Ministre, j'ai une question concernant le procès qu'intente actuellement Novartis, le laboratoire pharmaceutique suisse en Inde. Dans un de vos discours sur UNITAID, vous parliez d'un monde scandaleux où les médicaments, pour l'essentiel, sont au Nord et les maladies, pour l'essentiel, au Sud. On a donc une entreprise pharmaceutique au nord et des médicaments dans un pays du Sud. Quel est votre commentaire sur ce procès s'il vous plaît ?
R - D'abord, sachez qu'UNITAID soutient l'accès à des produits de qualité, y compris avec le recours à des licences d'office. C'est d'ailleurs récemment le cas de la Thaïlande. Je pourrais ensuite ajouter qu'UNITAID soutient la baisse des prix des médicaments de qualité, y compris les génériques.
A propos du procès Novartis en Inde, procès qui concerne, vous le savez, des droits de propriété intellectuelle - mais pas un médicament contre une des trois pandémies dont nous parlons ici -, je suis, sur le fond, pour la flexibilité des lois. Je pense que dans les zones d'endémies, il va bien falloir que nous trouvions des solutions pour que ces pays puissent se payer des médicaments. C'est aux autorités judiciaires de se prononcer dans leur pays. Ce n'est pas à moi de rentrer dans des considérations de justice. Le médecin que je suis n'a qu'un seul souhait, c'est soigner des malades.
Nous avons créé UNITAID afin de mettre en place un système de solidarité qui garantisse un financement pérenne et durable. Il s'agit d'assurer à l'industrie pharmaceutique des débouchés à moyen et long terme et des volumes d'achats considérables afin d'obtenir les prix les plus bas possibles.
Q - J'aurais deux questions à vous poser, Monsieur le Ministre. Tout d'abord, j'aimerais savoir si, à l'heure actuelle, vous êtes en discussion avec l'Union européenne pour savoir si elle a l'intention de se rallier à cette initiative ? J'aimerais savoir à quel stade des discussions vous en êtes avec l'Union européenne. Finalement, l'Espagne nous a fait part de ses plans, à savoir 0,7 % de son PIB pour l'aide. Est-ce que la France s'est fixé un objectif de même nature ? Merci.
R - Nous serons aussi à 0,7 %, je crois, en 2010 ou 2012. Mais, en réalité, permettez-moi de vous dire qu'UNITAID n'a d'intérêt que si évidemment cela ne vient pas en soustraction des 0,7 %. Ce ne sont pas les gouvernements qui paient avec UNITAID, ce sont les citoyens. Il faut donc bien expliquer que le financement d'UNITAID s'ajoute à l'aide publique au développement. Ce n'est certainement pas pour se donner bonne conscience et diminuer les financements publics. Même avec 0, 7 %, les Objectifs du Millénaire ne seront jamais atteints. Donc, il faut bien trouver des financements nouveaux.
En ce qui concerne l'Union européenne, je rêve que l'Union puisse, au niveau des 27 membres, décider de s'associer à la contribution sur les billets d'avion ; ce serait formidable. J'espère qu'elle le fera. J'en ai beaucoup parlé à l'Assemblée de la République du Portugal, il y a deux jours, et je suis persuadé que la Présidence portugaise sera sensible à cela parce que le Portugal aide beaucoup l'Afrique. Ce pays a une relation forte avec les pays du Sud et j'espère que nous ferons sous présidence portugaise, un énorme effort là-dessus.
Vous avez tout à fait raison, les valeurs universelles de l'Europe font que l'Union européenne devrait prendre une décision comme celle-là. Je n'ai pas été encore capable de lui faire prendre.
Q - Les citoyens qui achètent leur billet d'avion en France sont-ils informés qu'ils financent, par exemple, les traitements antiviraux des enfants en Afrique ? Le savent-ils ? Deuxième question, juste pour clarifier, est-ce que j'ai bien compris que ce sont 18 pays africains et l'Espagne, la Corée du Sud et Chypre qui ont adhéré aujourd'hui formellement ? Et pouvez-vous me dire dans combien de pays cette taxe est déjà en place ? Merci.
R - Tout d'abord, les voyageurs en France sont-ils au courant ? Il y a eu un grand débat en France parce que tout cela a été présenté à l'Assemblée nationale et au Sénat. Il y a donc eu un débat avec des groupes parlementaires et cette contribution a été votée.
Au début, beaucoup de gens étaient contre, en particulier les compagnies aériennes qui disait qu'on allait les "tuer" ainsi que le tourisme en France. Comme vous le savez, la France est le pays le plus visité et je peux vous dire que lorsque nous avons mis en place cette taxe de 1 euro sur les lignes intérieures - et européennes aussi - et de 4 euros sur les lignes internationales - multiplié par 10 lorsqu'on voyage en première classe -, eh bien, au début, cela a provoqué quelques polémiques. Aujourd'hui, le pourcentage d'augmentation du trafic aérien est de 6 % en France et il est plus important en France qu'ailleurs. Je ne dis pas que c'est parce qu'il y a une taxe, mais je dis que cela n'a pas affecté le volume de trafic aérien. Je rassure donc ceux qui, de manière maladroite, totalement égoïste et hypocrite, ont fait croire que cela tuerait le tourisme. Vous comprenez que, quand vous avez envie de prendre un billet d'avion de 500 euros, vous n'êtes pas à 1 euro ou à 4 euros près. Dites-le bien à tous ceux qui pourraient en douter dans vos pays.
Maintenant que la loi est votée, plus personne n'en parle et il y a 92 ou 93 % d'opinion positive. Aujourd'hui, est-ce que, véritablement, un Français qui prend l'avion est conscient qu'il donne un euro ? Je n'en suis plus sûr du tout. C'est tout le sens de la démarche que nous avons engagée avec les compagnies aériennes. Nous sommes en train de travailler sur la possibilité pour les compagnies aériennes, chaque fois qu'ils recevront des voyageurs à bord de leurs avions, de faire un petit film pour expliquer que, grâce à eux, voilà ce que l'on va faire.
Nous allons présenter cet après-midi au Conseil d'administration une réflexion que nous avons eue grâce à une entreprise citoyenne de communication qui est venue, totalement gratuitement, donner écho à UNITAID sur un site Internet. Parce que nous pensons que cela ne doit pas être uniquement de la communication du haut vers le bas, cela ne doit pas être uniquement les élites aux voyageurs qu'ils vont payer sans rien pouvoir demander. Je crois que cette période est terminée ou, en tout cas, presque terminée.
L'heure d'Internet est là et c'est l'heure de la ramification citoyenne. Nous allons présenter cela et j'espère que, d'ici un mois, nous pourrons vous présenter un des plus beaux sites interactifs qui puisse exister, avec des prises de parole qui iront de la personne soignée au Mali jusqu'à la personne qui est chercheur sur les anti-rétroviraux, en passant par des organisations non gouvernementales. Cela peut passer aussi par un ministre des Affaires étrangères, par Bill Clinton qui a pensé à tout cela avant tout le monde, par Lula, je ne sais pas, par Manu Chao ou par un acteur de cinéma, peu importe. Mais c'est cela qu'il faut faire, c'est développer UNITAID au niveau planétaire citoyen, en termes de communication, vous avez tout à fait raison de le dire.
Combien de pays ont adhéré à UNITAID ? 26 pays ont déjà adhéré et 8 pays sont en cours d'adhésion.
J'étais en Chine il y a quelques jours. En parlant avec des Chinois pour la 3ème, 4ème ou 5ème fois, on voit bien qu'il commence à y avoir un intérêt de leur part pour UNITAID. On commence à voir qu'il y a un intérêt des Indiens pour UNITAID. On commence à voir qu'il y a un intérêt des Allemands pour UNITAID.
Q - J'aurais deux questions à vous poser. Tout d'abord, l'OMS, l'ONUSIDA, le Fonds mondial, de nombreuses initiatives publiques, privées également, luttent contre toutes ces maladies à travers le monde. Ne pensez-vous donc pas que votre entité n'était peut-être pas nécessaire ? Ne s'agit-il pas d'un double emploi ? Et deuxièmement, s'agissant de l'Iran, pourriez-vous nous dire quand vous attendez la deuxième résolution au Conseil de sécurité contre l'Iran ? Merci.
R - Ce sont deux questions différentes.
Vous connaissez la belle et fameuse phrase de Lula : "la plus grande arme de destruction massive, c'est la faim". En définitive, vous posez deux questions sur le même problème, la destruction massive.
Vous évoquez le fait que d'autres organismes tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida, ONUSIDA ou l'OMS existent déjà. Vous pourriez ajouter que de nombreuses organisations non gouvernementales existent. Mais savez-vous qu'il y a 1.900 enfants contaminés chaque jour du sida ? Savez-vous qu'il y a un enfant qui meurt toutes les 30 secondes du paludisme aujourd'hui en Afrique ? Alors, si vous pensez que cela suffit... Non, évidemment, cela ne suffit pas. Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur ces organisations ou de mettre en cause leur efficacité. Ce qui manque, en réalité, c'est l'argent.
Cela paraît complètement fou de penser que l'argent manque aujourd'hui alors que, avec 50 milliards de dollars, on règlerait le problème. Cela me paraît, en effet, fou qu'on ne trouve pas 50 milliards de dollars alors qu'il y en a je ne sais combien qui sont partagés ou échangés tous les jours sur les marchés. Des milliers de milliard sont échang??s tous les jours.
Simplement, on est dans une situation d'un égoïsme effroyable. Je ne sais pas ce qui ce passe. Moi, je vois qu'à l'élection présidentielle française qui se déroule sous mes yeux tous les jours - et dieu sait si je suis un acteur de cette élection présidentielle -, on ne parle pas de cela. Ce n'est pas un sujet. Et je pense que dans tous les autres pays, cela doit être pareil.
Et pourtant c'est le sujet numéro un du XXIème siècle parce qu'il va être responsable d'une catastrophe effroyable sur le plan sanitaire, éthique et moral. C'est important pour les pays riches parce que si nous ne faisons rien, il y aura des dizaines de millions de personnes qui vont émigrer vers nos pays. Parce que l'instinct de conservation existe. Je suis médecin, je sais que l'instinct de conservation existe : si votre fils de 5 ans est en train de mourir de la tuberculose alors que la rifampicine existe à 3000 km, vous prenez la voiture, ou le bateau ou la pirogue et vous allez chercher votre rifampicine.
Je pense qu'on est à l'aube d'une énorme catastrophe migratoire et je ne parle pas du phénomène d'humiliation, de colère de ces pays qui ont des mortalités infantiles terribles et qui, pour la première fois de leur histoire, voient les images de nos sociétés sur leurs télévisions. Ils voient CNN, ils voient TV5, ils voient BBC World, ils voient nos gaspillages. Donc je crains que nos lendemains soient difficiles si rien ne se passe.
Vous avez parlé d'organismes publics intergouvernementaux, j'ai envie de dire : ce sont les ministres du Budget, des Finances qui donnent à l'OMS, ce sont les ministres du Budget, des Finances qui donnent au Fonds mondial de lutte contre le sida, ce sont les ministres du Budget, des Finances qui donnent à ONUSIDA. Mais ce ne sont pas des citoyens, ce sont des citoyens via le ministre du Budget. Ce n'est pas direct et ce n'est pas totalement anonyme.
Ce qui est positif dans la révolution d'UNITAID, c'est que c'est une démarche citoyenne mondiale anonyme. Certains pays commencent en contribuant au financement mais ce n'est pas l'idée. L'idée c'est de transformer rapidement cela en contribution de solidarité citoyenne sur des billets d'avion, ou autre chose d'ailleurs parce qu'on peut inventer aussi d'autres financements innovants.
S'agissant de votre deuxième question sur l'Iran, ce que je peux vous dire c'est que nous avons voté à l'unanimité du Conseil de sécurité des Nations unies, le 23 décembre dernier, la résolution 1737 qui vise à appliquer des sanctions économiques à l'Iran. Nous voyons, depuis que cette résolution a été votée, que l'Iran, à aucun moment, n'a mis en oeuvre ce que nous lui avons demandé. Avec M. El Baradeï, le directeur général de l'Agence internationale pour l'Energie atomique, nous nous sommes aperçus très vite que l'Iran poursuivait son programme nucléaire qui, selon M. El Baradeï, n'est pas obligatoirement conçu à des fins pacifiques.
Nous avons donc rencontré les autres membres du groupe des Six, c'est-à-dire les Allemands et les Britanniques avec nous autres Français - pour l'Union européenne - et, d'autre part, les Russes, les Chinois et les Américains - membres permanents du Conseil de sécurité. Nous avons engagé des discussions sur une deuxième résolution. Nos directeurs politiques se sont rencontrés, il y a maintenant quelques jours, et nous sommes en train de travailler sur cette deuxième résolution placée sous article 41, chapitre 7. S'agissant du contenu du texte, j'ai déjà précisé le cadre général des discussions et les objectifs généraux. Ne spéculons pas, attendons, négocions.
La seule chose que je peux vous dire c'est que c'est l'unanimité qui sera la plus importante parce que c'est elle qui crédibilise la communauté internationale vis-à-vis de l'Iran.
Et je vois d'ailleurs que les effets commencent à se faire sentir en Iran car, pour la première fois depuis le début de la crise de prolifération nucléaire en Iran, il y a un débat dans ce pays. J'observe, par exemple, que M. Rafsandjani et son frère, M. Khatami l'ancien président, ainsi que des proches du Guide suprême commencent à se demander si le discours radical du président Ahmadinejad est le bon. Moi-même j'ai fait un "chat" sur Internet sur le site Roozeline avec des étudiants iraniens. Aujourd'hui, on peut dire que le caractère économique et politique des sanctions, c'est-à-dire l'isolement de l'Iran, commence à fonctionner.
La France n'a jamais changé d'avis : la fermeté mais aussi l'ouverture et le dialogue. Nous ne demandons pas mieux que de voir l'Iran changer d'avis. Cela s'appelle la double suspension. C'est le président Chirac qui l'a présentée à New York en septembre dernier : les Iraniens suspendent les activités nucléaires sensibles et nous, nous suspendons immédiatement les sanctions au Conseil de sécurité des Nations unies.
Q - Vous avez parlé de ces prélèvements sur les billets d'avion. Certains diplomates dans le domaine du commerce estiment que la solution la plus rapide pour aider les pays les plus pauvres, notamment l'Afrique, reviendrait à plutôt supprimer les subventions accordées aux entreprises telles qu'Airbus en Europe. Ils estiment qu'il vaudrait mieux donner tout cet argent aux Africains pour leur permettre de se doter des capacités notamment sur le terrain, pour leur permettre de produire leurs propres médicaments, par exemple. On parle de 280 milliards de dollars que l'Europe et l'Amérique du Nord et d'autres pays riches versent en subventions agricoles également tous les ans. Alors quand vous nous dites qu'il n'y a pas d'argent, est-ce vraiment vrai ?
R - Je fais de la politique depuis maintenant plus de 15 ans. C'est une affaire sérieuse qui doit considérer le monde tel qu'il est aujourd'hui. La mondialisation est là, vous et moi n'y pouvons rien.
Comment sauver les pays les plus pauvres ? En diminuant les moyens des pays les plus riches ? Il y a déjà des gens qui ont eu cette idée au XXème siècle, mais cela n'a pas très bien marché et s'est soldé par une catastrophe. Je pense que la seule solution, c'est de profiter de la mondialisation pour la rendre plus équitable, en prélevant des richesses sur des symboles de la mondialisation. Quels sont les symboles de mondialisation ? L'avion est un symbole de mondialisation ; Internet est un symbole de mondialisation. On peut peut-être trouver d'autres idées sur des symboles de la mondialisation pour mieux partager les richesses. La mondialisation, en effet, enrichit les pays riches.
A propos des subventions, l'Union européenne est bien placée pour en parler puisque nous recevons 80 % de la production agricole des pays du Sud et nous aimerions, d'ailleurs, que les Américains puissent en recevoir autant avant de poursuivre leurs négociations à l'OMC. Pour ce qui concerne la taxe Tobin, c'est une très belle idée mais cela ne fonctionne pas. Pourquoi ? Parce que vous avez des égoïsmes terribles au niveau des banques, au niveau des organismes financiers, qui font qu'on n'y arrivera jamais.
Plutôt que de rêver à un monde idéal, essayons de commencer doucement, humblement, par prendre un euro par billet d'avion. Vous savez, si tous les avions du monde qui partent contribuent à hauteur d'un euro par voyageur, on aura très vite réglé le problème de la pauvreté et des pandémies dans le monde.
Q - Les élections présidentielles françaises verront certainement l'émergence de nouveaux acteurs politiques. Pensez-vous que le ou la successeur du président Chirac donnera autant de poids à UNITAID et vous-même quelle sera votre position par rapport à l'avenir de la France et d'UNITAID ?
R - Nous avons eu cette discussion au Conseil d'administration. Je me suis moi-même posé la question puisque les élections présidentielles approchaient et qu'il est possible aussi que certains pays puissent se poser la question. Alors j'ai pensé qu'il était bon en effet, dans ce contexte, de créer une continuité dans l'action d'UNITAID pour plaider politiquement auprès des gouvernements et des chefs d'Etat pour qu'ils adhèrent à UNITAID.
En réponse à votre question très spécifique sur les élections présidentielles, je ne vois pas quel candidat ou candidate à l'élection présidentielle pourrait, une fois élu, remettre en cause une aussi belle aventure. Je crois que ce n'est pas possible.
Par contre, ce que je souhaiterais, c'est que le chef de l'Etat nouvellement élu puisse s'impliquer politiquement en faveur d'UNITAID à l'occasion de chacun de ses voyages à l'étranger. Et ça, croyez-moi, quelle que soit ma position, je serai là pour le lui rappeler, quel que soit ce président.
(...)
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mars 2007