Déclaration de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, sur les résultats de l'action de lutte contre la fraude de la douane en 2006, Gennevilliers le 20 mars 2007.

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Circonstance : Présentation des résultats de la Douane en 2006 à Gennevilliers le 20 mars 2007

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous retrouver, au bureau de douane de Gennevilliers, pour deux évènements : d'une part, l'inauguration du premier camion scanner mobile dont vient d'être dotée la douane, et d'autre part, la présentation des résultats de l'action de lutte contre la fraude de la douane en 2006. Je vous indiquerai également à cette occasion les suites que je compte donner, pour ce qui me concerne, au dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fraude fiscale et sociale.
Un premier mot pour dire combien l'inauguration de ce premier scanner mobile me tient à coeur. Car c'est la concrétisation d'une décision que j'ai prise en 2005, dans le cadre de l'ambitieux programme d'investissement que j'ai lancé pour moderniser les équipements de la Douane. Vouloir la performance, c'est aussi savoir investir dans le service public. Avant d'y revenir, un commentaire sur les résultats de la Douane en 2006, en me centrant sur la lutte contre la fraude.
I - En 2006, la Douane a à nouveau atteint un très haut niveau de performance dans la lutte contre les trafics frauduleux
Comme vous le savez, mes priorités d'actions concernent trois domaines de fraude, pour lesquels j'ai fixé des objectifs ambitieux à la Douane, parce que je considère qu'ils portent gravement atteinte à notre sécurité, notre santé, notre économie et nos emplois. Ce sont (i) la contrefaçon, (ii) la contrebande de tabac, (iii) les trafics de stupéfiants.
1) Sur les contrefaçons, nous avons obtenu des résultats exceptionnels
En 2006, la Douane a saisi pour la première fois plus de 6 millions d'articles contrefaits soit un quasi doublement depuis 2004. En valeur, cela représente près de 280 M euros saisis. Parallèlement, le nombre d'infractions relevées continue de progresser (+13 %) pour atteindre 13 000 en 2006.
Ce résultat historique est le fruit du travail considérable de nos douaniers. Nous avons notamment renforcé les contrôles sur les colis postaux qui sont un vecteur d'acheminement privilégié des achats réalisés sur Internet. 75 000 contrefaçons ont été saisies dans ce cadre.
Mais ces chiffres me préoccupent aussi. À deux titres :
- tout d'abord, la part des contrefaçons destinées au marché français ne cesse d'augmenter (52,5 %). Je rappelle qu'en 2001, cette proportion n'était que de 5 %.
- ensuite, ces contrefaçons touchent de plus en plus des biens de consommation courante, avec l'apparition de nouveaux produits contrefaits (clés USB, lecteurs MP3, conserves alimentaires), mais également les médicaments. Cela explique au passage qu'en valeur, les saisies de contrefaçons (280 M euros) sont un peu en deçà de notre cible (320 M euros).
2) S'agissant de la contrebande de tabac, les résultats sont aussi au rendez-vous
La mobilisation de la Douane fait partie des engagements que l'État a pris envers les débitants de tabac - je vous rappelle que j'ai signé un nouveau contrat d'avenir pour la profession en décembre dernier -. Elle a porté sur tous les vecteurs de fraude : les envois postaux liés au commerce sur Internet, les contrôles des voyageurs, la répression des trafics de proximité dans les zones frontalières et en milieu urbain contre les circuits de revente « à la sauvette ».
Avec 11 160 infractions constatées, l'objectif de 10 500 que j'avais fixé pour 2006 est largement dépassé. Et avec 240 tonnes, les quantités de tabac interceptées sont également en hausse de plus de 16 % par rapport à 2005. Je relève cette année l'augmentation considérable des saisies de tabac à fumer (+124 %) avec 75 tonnes.
3) J'en viens enfin à la lutte contre les stupéfiants
Globalement, la Douane a saisi plus de 60 tonnes de drogue, représentant une valeur d'environ 270 M euros, très voisine du chiffre de 2005. Mais cette relative stabilité masque deux phénomènes : (i) une très forte progression des saisies de cocaïne, d'héroïne et d'ecstasy, mais (ii) un recul des prises de cannabis.
S'agissant des premières, les résultats sont exceptionnels :
- Les saisies d'ecstasy ont enregistré une hausse de plus de 177 %, celles de khat de 385 %, celles d'héroïne d'un peu plus de 80 % et celles de cocaïne de plus de 24 %.
- Je rappelle que c'est la direction des douanes de Dunkerque qui détient, à ce jour, le record historique en matière de saisie d'héroïne, avec une saisie de 305 kg le 3 février 2006. Mais je voudrais féliciter aussi les agents de la brigade des douanes des Ulis, présents parmi nous, qui ont saisi le 10 mars dernier, plus de 67 kg d'amphétamines et près de 4 kg de morphine lors d'un contrôle routier.
En revanche, je ne me satisfais pas des résultats enregistrés en matière de cannabis, où nous n'avons pas atteint l'objectif de 80 tonnes de saisies. Je sais que cette situation n'est pas propre à la France, et qu'elle n'est pas propre à la Douane, puisque nos partenaires européens enregistrent également une baisse des saisies d'un niveau comparable voire supérieur. Néanmoins, je ne peux pas accepter d'en rester là. Car le cannabis reste, de loin, la 1re drogue consommée en France, 30 % des consommateurs réguliers sont de jeunes adultes et plus d'un jeune sur deux a déjà expérimenté le cannabis.
Aussi ai-je demandé au directeur général des Douanes de mettre en oeuvre sans délai un plan de mobilisation générale de tous les services douaniers concernés. Nous allons remettre à plat les méthodes de travail et de contrôle de tous les vecteurs potentiels de transport de drogues, utiliser de façon intensive les moyens les plus modernes de détection, renforcer la coopération internationale... Car bien sûr, les méthodes des trafiquants évoluent. Plus précisément :
- dans le domaine terrestre, j'ai demandé au directeur général des douanes et droits indirects de réunir sans délai l'ensemble des pôles régionaux d'orientation des contrôles, les services de renseignement et les services opérationnels avec pour objectifs de définir de nouvelles méthodes de travail dans les domaines du ciblage, de l'analyse de risques, de l'orientation et de la réalisation des contrôles. Cette réunion se tiendra à Paris dans les prochains jours ;
- dans le vecteur maritime, les services ont pour instruction de finaliser le plan littoral qui prévoit l'amélioration du recueil de renseignements et le renforcement des contrôles sur les différentes façades maritimes ;
- pour le vecteur aérien, un plan d'action spécifique aux aéroports sera lancé début avril avec pour objectif la mutualisation des critères de ciblage et des bonnes pratiques utilisés pour la sélection des vols sensibles et des voyageurs susceptibles de se livrer au trafic de stupéfiants ;
- dans les domaines fluvial et ferroviaire, de nouvelles pistes de travail seront explorées. Des protocoles d'accord avec les acteurs en charge de ces secteurs seront négociés ;
- enfin, en matière de coopération internationale, les attachés douaniers installés à l'étranger sont mobilisés pour collecter et analyser toutes les informations concernant les saisies de produits stupéfiants réalisées dans leur zone de compétence. L'objectif est de mieux appréhender la provenance, la destination, les vecteurs de transports et les modes opératoires utilisés. D'ores et déjà, ce travail commence à porter ses fruits : je vous annonce qu'au terme de plusieurs mois d'investigations, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) a pu identifier une filière d'approvisionnement de cannabis en Europe. Grâce aux renseignements recueillis par les services douaniers français et à l'intervention de leur attaché douanier à Madrid que je félicite tous à cette occasion, la douane espagnole a pu intercepter, le 15 mars dernier, un bateau « le NEGAMBO » transportant 5,2 tonnes de résine de cannabis et interpeller trois personnes.
Au total, l'ensemble de cette action de lutte contre la fraude sera poursuivie et amplifiée en 2007, et je confirme à cet égard les objectifs retenus dans le contrat de performance 2006 - 2008 de la Douane :
- contrefaçons : je fixe à la Douane pour 2007 un objectif d'augmentation de 10 % des saisies d'articles contrefaits, par rapport aux résultats obtenus en 2006 ;
- contrebande de tabac : je fixe pour 2007 un objectif de 11 000 infractions relevées, en hausse de 5 % par rapport à l'objectif 2006 ;
- trafics de stupéfiants : je fixe pour 2007 un objectif global de 315 M euros de valeur marchande des drogues saisies, en hausse de 10 % par rapport aux résultats de 2006.
Naturellement, les 3 priorités que j'ai évoquées n'épuisent pas, loin s'en faut, l'activité des services douaniers en 2006 (loyauté des échanges commerciaux, respect des normes, ...) La Douane, c'est aussi et surtout une administration de services, qui joue un rôle majeur dans le soutien de la compétitivité économique des entreprises et dans le dynamisme de l'économie française. A cet égard, elle poursuit une dynamique de modernisation de grande ampleur, avec cette année le lancement d'expérimentations pour une modernisation en profondeur du dédouanement (avec l'objectif de reconquérir une partie des flux de marchandises dédouanées dans d'autres pays de l'Union européenne), et la mise en place d'un programme sans précédent de dématérialisation des formalités douanières (objectif d'une « Douane sans papier »). La Douane poursuivra également en 2007 ses efforts de productivité, qui s'inscrivent dans la dynamique exemplaire de Bercy (environ 2 départs à la retraite sur 3 non remplacés en 2007).
Sur tous ces points, je vous renvoie la lecture du dossier de presse et je serai naturellement heureux de répondre à vos questions.
II - Je voudrais également revenir sur les premières suites que j'entends donner au rapport du conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sur la fraude fiscale et sociale.
Comme je l'avais indiqué, j'ai réuni tous les directeurs de Bercy concernés. Nous avons défini ensemble 3 grandes priorités d'action.
1) S'attaquer vraiment à la fraude sur Internet
J'en fais une priorité phare. Car il faut bien voir qu'Internet introduit des bouleversements majeurs dans les techniques et les risques de fraude (activité commerciale non déclarée, sous couvert de l'anonymat qui prévaut sur Internet, ventes éludant la TVA, contrefaçons...). Face à cela, l'administration n'est pas assez armée pour contrôler les multiples opérateurs en ligne, souvent basés hors de nos frontières. Le développement du jeu illégal sur Internet, qui passe par des paradis fiscaux off-shore, est à cet égard emblématique.
Aussi, deux orientations me semblent prioritaires :
- les services doivent avoir les moyens juridiques d'accéder à l'information détenue, souvent à l'étranger, par les prestataires. Cela passe par renforcement du droit de communication pour les activités en ligne ;
- il faut par ailleurs une approche internationale concertée de ces problèmes (compréhension des mécanismes, recherche de solutions, échanges de renseignements, contrôles multilatéraux...).
Vous l'aurez compris, Internet est un défi majeur pour les administrations fiscales nationales. La France pour ce qui la concerne ne restera pas inerte. J'ai demandé à mes services de préparer une initiative concrète dans la perspective de la prochaine présidence française de l'Union européenne.
2) Renforcer au maximum la coopération contre la fraude internationale
De façon générale, il est urgent de renforcer la coopération entre États pour endiguer la fraude, notamment les « carrousels ». Vous savez que j'ai pris dans le cadre de la loi de finances rectificative 2006 une mesure de renforcement de la lutte contre ces « carrousels ». C'est un pas important qui a été franchi.
La France soutient évidemment toutes les initiatives prises par la Commission européenne pour améliorer l'assistance et la coopération entre États membres. Mais il faut aller plus loin et expertiser, comme le suggère le CPO, trois mesures :
- la mise en place de bases de données supranationales d'identification des opérateurs TVA ;
- l'accès direct par un État membre à certains éléments des bases de données d'autres États membres ;
- l'harmonisation et l'amélioration du système TVA d'information sur les échanges de biens (VIES) afin d'en permettre la restitution accélérée aux États membres.
Faut-il aller plus loin et créer un véritable organisme européen de coopération en matière de lutte contre la grande fraude fiscale internationale, sur le modèle d'Europol ? Pour ma part j'y suis favorable : c'est une réponse concrète à la globalisation et à la dématérialisation croissante des flux économiques. Cette proposition figurera dans l'initiative française que nous transmettrons à nos partenaires européens.
3) Aller plus loin dans la coopération entre les administrations fiscale et sociale
Cette coopération a déjà montré son efficacité, notamment dans en matière de lutte contre le travail clandestin, au sein des comités locaux de lutte contre le travail illégal - COLTI -, ou des groupements d'intervention régionaux - GIR. Mais elle peut être améliorée, en recherchant de meilleures synergies, plus de systématisation dans les échanges et dans la préparation des actions opérationnelles à entreprendre.
Comme vous le savez, le Gouvernement a mis en place en 2006 un « Comité de stratégie de lutte contre la fraude sociale » qui coordonne l'action des services et mutualise l'information. L'administration fiscale y participe activement. Dans le prolongement de ces travaux, il faut renforcer les échanges avec la sphère sociale :
- en innovant sur les motifs de ces échanges. Nous allons nous appuyer sur la plateforme actuelle d'échanges de données pour améliorer les échanges d'information, par exemple en matière de ressources prises en compte pour le calcul des prestations familiales, de domiciliation des personnes et de contrôle de la couverture maladie universelle (CMU) ;
- en transmettant plus systématiquement les résultats des contrôles faits par chaque administration à l'autre.
Pour aller le plus loin possible dans cette direction, je vais diligenter sans délai un audit de modernisation qui nous permettra d'élaborer le cadre opérationnel de coopération entre les services chargés des contrôles fiscaux et sociaux.
III - Je vous propose de passer maintenant à l'inauguration du premier scanner mobile de la Douane française.
Comme je le rappelais tout à l'heure, cette acquisition s'inscrit dans le programme pluriannuel d'investissement que j'ai décidé pour la Douane d'un montant sans précédent de 80 M euros. Il comporte aussi l'achat de 3 autres scanners mobiles, 2 patrouilleurs garde-côtes de 40 mètres, 4 vedettes de surveillance rapprochée, un navire école et 5 hélicoptères biturbines équipés de senseurs.
Quel est l'intérêt de tels équipements ? Vous savez que la douane est déjà équipée de scanners fixes, comme au Havre, et que ces appareils ont démontré en de nombreuses occasions leur efficacité. Dans certains cas, le recours à ces scanners a été déterminant dans la constatation d'infractions.
Aujourd'hui, avec ce scanner mobile, la Douane pourra faire peser la menace d'un contrôle sur les marchandises de fraude en n'importe quel point du territoire. Les chargements seront visualisés, en quelques minutes, avant de faire l'objet d'un contrôle physique approfondi. Nous aurons tous ensemble l'occasion de le vérifier dans quelques instants, à partir d'une démonstration.
Vous l'avez compris, ma stratégie est claire : je veux des résultats. Avec ses performances en matière de lutte contre la fraude, sa démarche de modernisation ambitieuse dans tous ses domaines d'action, un contrat de performance fixant une feuille de route claire pour la période 2006 - 2008, l'engagement professionnel de ses cadres et de ses agents pour lesquels nous avons, avec Th. BRETON, une véritable « ambition sociale », la Douane est d'ores et déjà l'une des administrations les plus en pointe en matière de réforme de l'État. Et je ne doute pas qu'elle le soit tous les jours davantage !
Je vous remercie.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 21 mars 2007