Texte intégral
1. Assurer des conditions de vie dignes
Vous insistez dans le document que vous m'avez transmis sur le fait que les incertitudes, voire le pessimisme des Français sur l'évolution du pouvoir d'achat sont l'une des principales difficultés de notre pays aujourd'hui. Je partage votre analyse : c'est le cas pour l'ensemble des Français, y compris pour les cadres. Je comprends vos inquiétudes car je sais que les salaires minima conventionnels moyens ou médians des premiers niveaux cadres, correspondant à une durée hebdomadaire de travail de 35 heures, ont été en 2005 nettement inférieurs au plafond de la Sécurité sociale et que la moitié des cadres classés aux premiers niveaux des grilles cadres ont perçu un salaire inférieur à 1 769 euros en 2005. Je sais aussi que les salaires minima des cadres progressent moins vite que ceux des autres catégories de salariés, notamment les ouvriers et les employés, ce qui a conduit à un resserrement des éventails de salaires.
Vous le savez, j'ai fait du pouvoir d'achat l'un des neufs axes de mon pacte présidentiel. Il est nécessaire aujourd'hui de réintroduire du dynamisme dans les négociations salariales. Ma proposition d'augmenter le SMIC à 1 500 euros s'inscrit dans une perspective beaucoup plus large d'augmentation de l'ensemble des salaires conventionnels, afin d'aboutir à une amélioration du pouvoir d'achat pour tous les Français. C'est l'objectif de la conférence nationale sur les salaires, les revenus et la croissance réunissant les partenaires sociaux que je souhaite organiser dès juin 2007 et qui se tiendra chaque année.
Dans ce cadre, la proposition que vous formulez d'instaurer un salaire minimum interprofessionnel plancher égal au plafond de la Sécurité sociale pour tous les salariés en forfait jours et celle de mettre en plan un salaire minimum de base de référence « Cadre » me paraissent des éléments intéressants de discussion pour la conférence nationale sur les salaires.
2. Remédier à la crise du logement
Il faut cesser de penser la politique du logement de façon segmentée. À travers la thématique du logement intermédiaire, vous mettez clairement en évidence les aberrations d'une politique du logement construite sur une dichotomie entre des aides à la personne ciblées sur les ménages les plus pauvres et des aides à la pierre attribuées quasiment sans contrepartie aux ménages les plus riches. Aux riches la responsabilité de construire, car ils peuvent accéder à la propriété ; aux pauvres, la course aux loyers modérés.
Ce système produit toute une série d'effets pervers : les ménages à bas revenus touchent les aides au logement mais ces aides sont pour partie rattrapées par les hausses de loyers ; les ménages ayant des revenus moyens ne sont pratiquement pas aidés ; les ménages les plus aisés bénéficient d'avantages souvent élevés pour des projets immobiliers qui ne s'inscrivent parfois pas dans leur projet de vie et constituent des investissements spéculatifs.
Les problèmes rencontrés par les plus démunis ne sont pas des situations aberrantes ou marginales. Elles sont le révélateur de difficultés qui touchent à des degrés divers tous les membres du corps social. Un million de ménage sont aujourd'hui privés de logements effectifs et sont sans domicile fixe ou logés chez un proche. À cette crise du logement il faut en ajouter une seconde qui pèse sur les 2 millions de ménages qui vivent soit en situation de surpeuplement, soit dans des logements dépourvus des éléments de confort de base comme les sanitaires ou le chauffage. Je crois que l'on prend souvent mal l'ampleur de cette seconde crise du logement, qui sape pourtant en profondeur la promesse de l'égalité des chances. Enfin, vous l'avez souligné, une troisième crise du logement touche ceux qui subissent une croissance des loyers de plus de 5 % par an et une explosion des prix du foncier qui empêche l'accès à la propriété.
Nous devons traiter ces trois crises du logement en même temps, chacune traduisant une situation de pénurie en logement de qualité.
J'interviendrai énergiquement pour stimuler en urgence le marché de la construction tout en restaurant l'efficacité des mécanismes qui favorisent une meilleure répartition des logements entre ménages.
Ma première priorité sera de relancer la construction. Le marché de la construction en France, même en pleine surchauffe, ne peut construire qu'un peu plus de 400 000 logements nouveaux par an. Mais ces nouveaux logements ne vont que pour une toute petite part aux ménages dépourvus de logement, ne serait ce que parce que la France enregistre chaque année environ 250 000 ménages supplémentaires. Je souhaite que 120 000 logements sociaux soient construits chaque année grâce à une incitation au livret A. Mais ce n'est pas suffisant. Je souhaite remettre à la location les logements vacants spéculatifs et donner la possibilité aux communes de les acquérir par une procédure exceptionnelle.
Je veux également remettre en ordre la dépense publique pour le logement sans opposer comme on l'a fait jusqu'à présent l'aide à la personne et l'aide à la pierre, mais en créant un continuum d'interventions qui ne laisse plus de côté les ménages qui ne bénéficient pas d'aides au logement mais n'ont pas les moyens d'accéder à la propriété. En particulier, je redéployerai les sommes (600 M euros) aujourd'hui consacrées par l'État aux dispositifs « De Robien » et « Borloo », vers des dispositifs qui prévoient une véritable modération des loyers. Parallèlement, pour encourager l'accès à la propriété, les prêts à taux zéro seront étendus et, dans le logement social, les locataires qui ont payé pendant 15 ans leur loyer pourront accéder à la propriété.
3. Mieux répartir la fiscalité
Entre la fin de l'année 2001 et la fi n de l'année 2006, le poids de la dette publique a augmenté de plus de 8 points de PIB, atteignant 64,6% du PIB. Apparu en 2002, le déficit des comptes sociaux a triplé depuis cette date. Désormais, toutes les branches du régime général sont déficitaires et la dette sociale accumulée représente 80 milliards d'euros. Cette situation a pour conséquences l'alourdissement de la charge de la dette de l'État, désormais deuxième poste de dépense, devant la Défense, avec plus de 39 milliards d'euros, ce qui réduit les marges de manoeuvre disponibles pour financer les dépenses de solidarité ainsi qu'une difficulté accrue à faire face aux engagements financiers de long terme, en particulier ceux liés au vieillissement démographique.
Au vu de la situation de nos comptes publics et des enjeux de long terme liés au vieillissement de la population, une réduction drastique des prélèvements obligatoires, que certains candidats promeuvent, apparaît irréaliste et irresponsable, sauf à imaginer un désengagement massif de l'État et des collectivités publiques. Si la perspective d'une érosion du rôle de la puissance publique et d'une privatisation des responsabilités qui lui étaient jusqu'alors dévolues peut tenter certains, ce n'est pas mon choix.
La progression actuelle de la dette publique doit donc être enrayée, de manière à permettre à l'Etat de retrouver des marges de manoeuvres dans la conduite de politiques publiques ambitieuses. Rappelons que cet objectif est atteignable puisqu'entre 1998 et 2002, le Gouvernement avait fait baisser le poids de la dette publique en France, cette baisse n'étant pas simplement conjoncturelle mais bien structurelle.
Les objectifs de retour à l'équilibre des comptes publics et de réduction du poids de la dette publique en proportion du PIB doivent donc être prioritaires par rapport à celui de la baisse des prélèvements obligatoires. C'est la raison pour laquelle mon objectif est une stabilisation des prélèvements obligatoires à leur niveau actuel, une baisse éventuelle ne pouvant être envisagée au cours du quinquennat qu'en fonction de la vigueur du redémarrage économique, du rythme auquel seront rétablis les comptes publics et de l'ampleur des gains d'efficacité réalisés sur les dépenses publiques.
Stabilisation ne signifie pas pour autant statu quo. L'impôt n'est pas abstrait. Il n'est pas une fi n en soi mais constitue un outil, parmi d'autres, au service des objectifs d'une politique. Le débat ne peut donc se limiter à la question du niveau global de la charge fiscale mais doit porter sur la recherche de sa juste répartition. Sur ce point, je m'engage à ce que le travail cesse d'être davantage taxé que le capital.
4. Investir dans l'innovation et la recherche
La recherche française a pris ces dernières années un retard important selon tous les indicateurs internationaux : stagnation du nombre de chercheurs par personnes actives, nombre de publications, taux de citation des publications, nombre de brevets déposés, taux de départ des chercheurs vers l'étranger. Le poids de la recherche en France (fondamentale, appliquée et développement technologique) représente aujourd'hui environ 2,2 % du PIB alors que l'Union européenne préconise depuis le Conseil européen de Barcelone de 2002 un objectif de 3 % du PIB (il est de 2,7 % aux États-Unis, 2,9 % au Japon et 1,9 % dans l'Union).
Je m'engage à investir massivement dans l'innovation et la recherche : j'augmenterai pendant le quinquennat le budget de la recherche et des crédits publics pour l'innovation de 10 % par an (le budget public de recherche-développement a diminué de 1 à 0,8 % du PIB entre 2002 et 2005). Sur les 65 milliards d'aide aux entreprises, seuls 5 % sont orientés vers la recherche-développement : je propose de porter cette part à 15 %.
5. Tirer parti de la mondialisation
L'État doit jouer le rôle de « facilitateur et d'incubateur » en matière de développement économique : il doit encourager vigoureusement la création d'entreprise, ce qui suppose de mettre le secteur bancaire, souvent frileux, devant ses responsabilités. Les jeunes entreprises innovantes, les PME, qui interviennent dans des secteurs fortement exposés à la concurrence des pays à bas salaires doivent faire l'objet de soutiens adaptés.
En outre, la puissance publique doit tout mettre en oeuvre pour décourager les comportements de ceux qui profitent de la mondialisation au détriment de l'intérêt général. Le chef d'entreprise qui, après avoir reçu des subventions publiques, ferme sa société pour aller s'implanter là où les coûts de production sont moins chers, uniquement pour augmenter son profit et sans égard pour la dette qu'il a vis-à-vis de l'État qui l'a soutenu, joue contre l'intérêt général et profite de la mondialisation. Ces comportements sont inacceptables.
En même temps, la puissance publique doit aider les individus à faire face à la nouvelle donne du marché de l'emploi : si le nouvel équilibre de l'économie mondiale requiert plus de compétitivité, plus de réactivité et plus d'imagination, il importe que l'État aide les individus à répondre à cette demande. La clé de ce nouvel ordre économique mondial c'est l'éducation, la formation et l'accompagnement individualisé de chacun dans son parcours pour l'emploi.
La France saura faire face à la mondialisation si elle est capable de renforcer son capital humain. La puissance publique doit donc sécuriser les parcours professionnels de telle manière que chacun soit incité à se réinventer en permanence sans crainte pour son avenir.
6. Sécuriser les parcours professionnels
La politique que je souhaite mettre en oeuvre en cette matière reposera sur les objectifs suivants :
* faire du contrat à durée indéterminée la règle et lutter contre la précarité au travail. Afin de faciliter l'atteinte de cet objectif, je souhaite notamment supprimer le CNE et moduler les aides aux entreprises et les exonérations de cotisations sociales, en fonction de la nature des contrats de travail et de la qualité de la gestion de l'emploi,
* mettre en place, en liaison avec les partenaires sociaux, une sécurité sociale professionnelle permettant à chaque personne privée d'emploi de se voir proposer par les pouvoirs publics un contrat de droits et devoirs d'une durée d'un an comportant une rémunération égale à 90 % du dernier salaire perçu, une formation qualifiante et une aide personnalisée à la recherche d'emploi très renforcée,
* renforcer la qualification et la capacité de revenir à l'emploi des salariés en mettant en oeuvre de manière systématique une démarche de validation des acquis de l'expérience professionnelle et en reconnaissant un doit à la formation et à la reconversion inversement proportionnel à la durée des études,
* promouvoir l'anticipation des mutations économiques au niveau des branches, des territoires et des entreprises, en s'appuyant sur le dialogue social. Nous connaissons tous de bonnes pratiques en la matière, autour de certaines branches, d'entreprises ou de comités de bassin d'emploi. Il faut assurer les conditions d'une diffusion de ces bonnes pratiques en appuyant ces démarches. Je souhaite notamment réfléchir avec les partenaires sociaux sur les modalités de mise en oeuvre d'une réelle politique de la mobilité dépassant les seules logiques de branche,
* sécuriser l'entrée des jeunes dans la vie active en leur reconnaissant un droit au premier emploi, pour qu'aucun jeune ne reste au chômage au-delà de six mois sans avoir accès à une formation, un emploi aidé ou un tutorat rémunérés. La généralisation des emplois tremplins mise en oeuvre par les régions dirigées par le Parti socialiste devrait permettre de favoriser la mise en oeuvre de ce nouveau droit, avec un objectif de 500 000 emplois tremplins. Pour faciliter l'entrée des jeunes dans la vie active, je souhaite l'instauration d'un prêt à taux zéro de 10 000 euros en faveur de chaque jeune pour l'aider à construire un projet,
* afin de favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, je propose la mise en place d'un revenu de solidarité active (RSA) permettant à tous les bénéficiaires de minima sociaux reprenant un travail d'améliorer d'un tiers leurs ressources. Aujourd'hui, il n'est pas possible de garantir à un allocataire du RMI auquel on propose un contrat de travail qu'il aura au bout du compte plus de revenus en travaillant qu'en ne travaillant pas. La mise en place d'un revenu de solidarité active permettra de réhabiliter réellement la valeur travail en faisant en sorte que le retour à l'emploi se traduise automatiquement par une augmentation des revenus.
7. Défendre la protection sociale
Je souhaite préciser plusieurs points. Sur la Sécurité sociale d'abord. Je tiens à réaffirmer mon opposition à la notion de franchise de remboursement. Cette mesure aggraverait les inégalités dans notre pays et ferait courir le risque d'une absence de soins dans une partie de la population, et donc de dégradation de la situation sanitaire.
S'agissant du stress au travail, je pense que cette réalité n'est pas suffisamment prise en compte. Le drame que vient de connaître Renault, et qui semble se rattacher à ce type de situation, nous le rappelle. Je ne vous surprendrai pas en estimant qu'il s'agit sans doute d'une nouvelle manifestation de la relative déshérence de la santé au travail dans notre pays et c'est aussi à cette dimension d'ensemble que je veux m'attaquer résolument, en renforçant la médecine du travail.
Vous m'interrogez également sur la situation des femmes. Nous vivons un paradoxe apparent : les Françaises sont de plus en plus actives ; or, elles ont de plus en plus de difficultés à concilier leur vie professionnelle avec les charges familiales, dont la majeure partie pèse encore sur elles. Dans ces conditions, les arbitrages se font en leur défaveur comme le prouve la persistance d'un fort travail à temps partiel subi par la population active féminine. C'est pourquoi l'un de mes objectifs est de créer un véritable service public de la petite enfance, qui permettra enfin d'exercer un choix entre plusieurs modes de garde. Je préfère bien entendu cette voie au prétendu choix que nous propose la droite libérale, prestations financières à la clé, et qui pousse, en réalité, les femmes les moins qualifiées à le demeurer et à rester chez elles. Cette vision du passé n'est évidemment pas la mienne et votre question me démontre qu'elle n'est pas, non plus, celle de votre organisation.
8. Mettre en place la démocratie sociale
Je suis comme vous très attachée au développement de l'adhésion syndicale dans notre pays et à l'essor d'un syndicalisme de masse, susceptible de rééquilibrer les relations au sein des entreprises, des branches et des négociations interprofessionnelles. J'ai notamment annoncé que l'adhésion syndicale serait encouragée par la transformation de l'actuelle réduction fiscale en un crédit d'impôt qui aidera l'ensemble des salariés à s'impliquer dans l'action et la réflexion syndicale. Je suis également en faveur de nouvelles modalités de financement des organisations syndicales, en contrepartie des missions d'intérêt général qu'elles remplissent.
Je crois par ailleurs que les protections et les droits des adhérents et militants syndicaux devront être renforcés et toutes les propositions visant à assurer une protection des représentants des salariés en consolidant leur statut méritent d'être examinées et discutées entre les partenaires sociaux lors de la période de négociation et de concertation qui précédera la réforme des règles du jeu de notre démocratie sociale. Votre proposition de contrat d'engagement syndical présente à cet égard un intérêt évident. Mais outre ces mesures directes susceptibles d'encourager l'adhésion syndicale, je crois beaucoup à la réforme de notre démocratie sociale, qui pourra donner un dynamisme renouvelé au dialogue social et faire mieux connaître aux salariés l'action des syndicats en leur faveur. En développant le dialogue social à tous les niveaux, sur tous les thèmes, en fondant la représentativité à titre principal sur l'élection, en donnant force au principe des accords majoritaires, nous créerons les conditions d'une identification plus forte des salariés aux organisations syndicales, et par là même, d'une incitation croissante à l'adhésion. Je crois que loin de s'opposer, syndicalisme de représentation et syndicalisme d'adhésion se complètent naturellement et que nous pouvons oeuvrer à une amélioration significative par rapport à la situation actuelle.
Concernant l'idée de réserver le bénéfice des accords d'entreprise aux seuls salariés syndiqués, je perçois parfaitement l'effet de levier qu'elle pourrait offrir comme incitation à l'adhésion. Pour autant, en l'état actuel de la syndicalisation observée en France, les salariés ne seraient pas prêts à accepter un système qui renforcerait le sentiment que les syndicats interviennent que pour leurs seuls adhérents et n'obtiennent de nouveaux droits sociaux qu'à leur profit exclusif. Je crois que ce ne serait pas rendre service aux syndicats eux-mêmes et que cela irait à l'encontre de la légitimité de leur intervention pour le bien commun de l'ensemble des salariés. En tout état de cause, même dans une situation nettement plus favorable en termes de syndicalisation combinée à une évolution profonde des pratiques et des mentalités, seul un nombre restreint d'accords pourrait à mon sens voir leur bénéfice être éventuellement réservé aux seuls adhérents syndicaux. Les accords sur les rémunérations ou sur le temps et les conditions de travail devraient toujours s'appliquer à tous les salariés sans distinction.
Je partage avec vous la conviction que la représentation des salariés doit également passer par leur présence effective au sein des instances de gouvernance de l'entreprise, notamment les conseils d'administration et conseils de surveillance. C'est une exigence essentielle, notamment pour l'accès aux informations stratégiques sur l'avenir de l'entreprise dans le contexte de mondialisation financière et de mutations économiques que nous connaissons. Dans cette optique, il va de soi que les textes d'application de la loi de modernisation sociale sur la présence des administrateurs salariés seront pris et pourront être complétés par d'autres mesures prenant en compte la diversité des entreprises dans leur structure.
9. Relancer l'Europe
L'Europe est en panne. En panne d'idées, de projet et d'ambition. Et le traité constitutionnel est caduc. Les Européens traversent une période de doute sur l'utilité de l'Union. Ils estiment que celle-ci ne les protège pas des aspects négatifs de la mondialisation. Les Français refusent, en outre, dans leur majorité, de considérer que la concurrence et la déréglementation constituent à elles seules un projet de société. Or, ils ont le sentiment que l'Europe n'est plus porteuse d'autres valeurs.
Je ne me résigne pas à l'essoufflement du projet européen. L'Europe doit rester la grande ambition du XXIe siècle. Je propose de relancer l'Europe par les politiques concrètes, celles qui concernent directement la vie quotidienne des citoyens, celles qui répondent aux grands enjeux de la période. C'est ce que j'appelle « l'Europe de la preuve ».
Trois politiques me semblent devoir être lancées ou relancées :
- La recherche/innovation. L'Europe investit moins dans ce domaine que les États-Unis et le Japon. C'est d'autant plus absurde que nous savons que les emplois de demain se situeront dans les entreprises innovantes,
- L'énergie. Qui ne sait que c'est un sujet essentiel ? Nous devons garantir l'indépendance énergétique de l'Union et travailler à limiter les gaz à effets de serre. Ces deux objectifs conduisent à adopter une attitude plus coordonnée dans les négociations sur nos approvisionnements, et à promouvoir un programme ambitieux en faveur des énergies renouvelables : j'ai proposé l'objectif de 20 % d'énergies renouvelables d'ici 2020,
- Les grands réseaux de transports transeuropéens.
Sur la question institutionnelle, je suis consciente que l'Europe ne pourra fonctionner longtemps avec les institutions actuelles. Je souhaite, par conséquent, négocier avec nos partenaires un texte institutionnel pour mettre en place les outils nécessaires à un fonctionnement efficace et démocratique de l'Europe. La Charte des droits fondamentaux devra faire partie de ce texte.
Je souhaite également que l'Europe présente un visage plus social. Je crois aussi que la coopération entre syndicats européens et la mise en place d'un véritable espace de dialogue social européen ont un rôle essentiel à jouer.
Le principe de la libre circulation des travailleurs en Europe doit être respecté. Je souhaite d'ailleurs que l'on avance dans l'harmonisation des diplômes et des qualifications pour favoriser les échanges.
Voilà ma vision et mon projet. Une Europe active, ambitieuse et tournée vers les préoccupations des citoyens.
10. Evaluer les aides aux entreprises
Je suis favorable à une évaluation systématique des aides accordées aux entreprises sur des critères de gestion de l'emploi. D'abord, je veux revoir l'ensemble des aides accordées aux entreprises (les 65 milliards), et redéployer cette masse sur les entreprises qui créent de l'emploi sur le territoire, ou qui exportent ou qui sont en phase de croissance. J'ai demandé au président des Jeunes Dirigeants de me rendre un rapport sur ce thème dans les prochains jours. Je suis également favorable à une procédure de récupération des aides accordées en cas de suppression d'emplois ou de délocalisations.
Source http://www.cfecgc.org, le 6 avril 2007
Vous insistez dans le document que vous m'avez transmis sur le fait que les incertitudes, voire le pessimisme des Français sur l'évolution du pouvoir d'achat sont l'une des principales difficultés de notre pays aujourd'hui. Je partage votre analyse : c'est le cas pour l'ensemble des Français, y compris pour les cadres. Je comprends vos inquiétudes car je sais que les salaires minima conventionnels moyens ou médians des premiers niveaux cadres, correspondant à une durée hebdomadaire de travail de 35 heures, ont été en 2005 nettement inférieurs au plafond de la Sécurité sociale et que la moitié des cadres classés aux premiers niveaux des grilles cadres ont perçu un salaire inférieur à 1 769 euros en 2005. Je sais aussi que les salaires minima des cadres progressent moins vite que ceux des autres catégories de salariés, notamment les ouvriers et les employés, ce qui a conduit à un resserrement des éventails de salaires.
Vous le savez, j'ai fait du pouvoir d'achat l'un des neufs axes de mon pacte présidentiel. Il est nécessaire aujourd'hui de réintroduire du dynamisme dans les négociations salariales. Ma proposition d'augmenter le SMIC à 1 500 euros s'inscrit dans une perspective beaucoup plus large d'augmentation de l'ensemble des salaires conventionnels, afin d'aboutir à une amélioration du pouvoir d'achat pour tous les Français. C'est l'objectif de la conférence nationale sur les salaires, les revenus et la croissance réunissant les partenaires sociaux que je souhaite organiser dès juin 2007 et qui se tiendra chaque année.
Dans ce cadre, la proposition que vous formulez d'instaurer un salaire minimum interprofessionnel plancher égal au plafond de la Sécurité sociale pour tous les salariés en forfait jours et celle de mettre en plan un salaire minimum de base de référence « Cadre » me paraissent des éléments intéressants de discussion pour la conférence nationale sur les salaires.
2. Remédier à la crise du logement
Il faut cesser de penser la politique du logement de façon segmentée. À travers la thématique du logement intermédiaire, vous mettez clairement en évidence les aberrations d'une politique du logement construite sur une dichotomie entre des aides à la personne ciblées sur les ménages les plus pauvres et des aides à la pierre attribuées quasiment sans contrepartie aux ménages les plus riches. Aux riches la responsabilité de construire, car ils peuvent accéder à la propriété ; aux pauvres, la course aux loyers modérés.
Ce système produit toute une série d'effets pervers : les ménages à bas revenus touchent les aides au logement mais ces aides sont pour partie rattrapées par les hausses de loyers ; les ménages ayant des revenus moyens ne sont pratiquement pas aidés ; les ménages les plus aisés bénéficient d'avantages souvent élevés pour des projets immobiliers qui ne s'inscrivent parfois pas dans leur projet de vie et constituent des investissements spéculatifs.
Les problèmes rencontrés par les plus démunis ne sont pas des situations aberrantes ou marginales. Elles sont le révélateur de difficultés qui touchent à des degrés divers tous les membres du corps social. Un million de ménage sont aujourd'hui privés de logements effectifs et sont sans domicile fixe ou logés chez un proche. À cette crise du logement il faut en ajouter une seconde qui pèse sur les 2 millions de ménages qui vivent soit en situation de surpeuplement, soit dans des logements dépourvus des éléments de confort de base comme les sanitaires ou le chauffage. Je crois que l'on prend souvent mal l'ampleur de cette seconde crise du logement, qui sape pourtant en profondeur la promesse de l'égalité des chances. Enfin, vous l'avez souligné, une troisième crise du logement touche ceux qui subissent une croissance des loyers de plus de 5 % par an et une explosion des prix du foncier qui empêche l'accès à la propriété.
Nous devons traiter ces trois crises du logement en même temps, chacune traduisant une situation de pénurie en logement de qualité.
J'interviendrai énergiquement pour stimuler en urgence le marché de la construction tout en restaurant l'efficacité des mécanismes qui favorisent une meilleure répartition des logements entre ménages.
Ma première priorité sera de relancer la construction. Le marché de la construction en France, même en pleine surchauffe, ne peut construire qu'un peu plus de 400 000 logements nouveaux par an. Mais ces nouveaux logements ne vont que pour une toute petite part aux ménages dépourvus de logement, ne serait ce que parce que la France enregistre chaque année environ 250 000 ménages supplémentaires. Je souhaite que 120 000 logements sociaux soient construits chaque année grâce à une incitation au livret A. Mais ce n'est pas suffisant. Je souhaite remettre à la location les logements vacants spéculatifs et donner la possibilité aux communes de les acquérir par une procédure exceptionnelle.
Je veux également remettre en ordre la dépense publique pour le logement sans opposer comme on l'a fait jusqu'à présent l'aide à la personne et l'aide à la pierre, mais en créant un continuum d'interventions qui ne laisse plus de côté les ménages qui ne bénéficient pas d'aides au logement mais n'ont pas les moyens d'accéder à la propriété. En particulier, je redéployerai les sommes (600 M euros) aujourd'hui consacrées par l'État aux dispositifs « De Robien » et « Borloo », vers des dispositifs qui prévoient une véritable modération des loyers. Parallèlement, pour encourager l'accès à la propriété, les prêts à taux zéro seront étendus et, dans le logement social, les locataires qui ont payé pendant 15 ans leur loyer pourront accéder à la propriété.
3. Mieux répartir la fiscalité
Entre la fin de l'année 2001 et la fi n de l'année 2006, le poids de la dette publique a augmenté de plus de 8 points de PIB, atteignant 64,6% du PIB. Apparu en 2002, le déficit des comptes sociaux a triplé depuis cette date. Désormais, toutes les branches du régime général sont déficitaires et la dette sociale accumulée représente 80 milliards d'euros. Cette situation a pour conséquences l'alourdissement de la charge de la dette de l'État, désormais deuxième poste de dépense, devant la Défense, avec plus de 39 milliards d'euros, ce qui réduit les marges de manoeuvre disponibles pour financer les dépenses de solidarité ainsi qu'une difficulté accrue à faire face aux engagements financiers de long terme, en particulier ceux liés au vieillissement démographique.
Au vu de la situation de nos comptes publics et des enjeux de long terme liés au vieillissement de la population, une réduction drastique des prélèvements obligatoires, que certains candidats promeuvent, apparaît irréaliste et irresponsable, sauf à imaginer un désengagement massif de l'État et des collectivités publiques. Si la perspective d'une érosion du rôle de la puissance publique et d'une privatisation des responsabilités qui lui étaient jusqu'alors dévolues peut tenter certains, ce n'est pas mon choix.
La progression actuelle de la dette publique doit donc être enrayée, de manière à permettre à l'Etat de retrouver des marges de manoeuvres dans la conduite de politiques publiques ambitieuses. Rappelons que cet objectif est atteignable puisqu'entre 1998 et 2002, le Gouvernement avait fait baisser le poids de la dette publique en France, cette baisse n'étant pas simplement conjoncturelle mais bien structurelle.
Les objectifs de retour à l'équilibre des comptes publics et de réduction du poids de la dette publique en proportion du PIB doivent donc être prioritaires par rapport à celui de la baisse des prélèvements obligatoires. C'est la raison pour laquelle mon objectif est une stabilisation des prélèvements obligatoires à leur niveau actuel, une baisse éventuelle ne pouvant être envisagée au cours du quinquennat qu'en fonction de la vigueur du redémarrage économique, du rythme auquel seront rétablis les comptes publics et de l'ampleur des gains d'efficacité réalisés sur les dépenses publiques.
Stabilisation ne signifie pas pour autant statu quo. L'impôt n'est pas abstrait. Il n'est pas une fi n en soi mais constitue un outil, parmi d'autres, au service des objectifs d'une politique. Le débat ne peut donc se limiter à la question du niveau global de la charge fiscale mais doit porter sur la recherche de sa juste répartition. Sur ce point, je m'engage à ce que le travail cesse d'être davantage taxé que le capital.
4. Investir dans l'innovation et la recherche
La recherche française a pris ces dernières années un retard important selon tous les indicateurs internationaux : stagnation du nombre de chercheurs par personnes actives, nombre de publications, taux de citation des publications, nombre de brevets déposés, taux de départ des chercheurs vers l'étranger. Le poids de la recherche en France (fondamentale, appliquée et développement technologique) représente aujourd'hui environ 2,2 % du PIB alors que l'Union européenne préconise depuis le Conseil européen de Barcelone de 2002 un objectif de 3 % du PIB (il est de 2,7 % aux États-Unis, 2,9 % au Japon et 1,9 % dans l'Union).
Je m'engage à investir massivement dans l'innovation et la recherche : j'augmenterai pendant le quinquennat le budget de la recherche et des crédits publics pour l'innovation de 10 % par an (le budget public de recherche-développement a diminué de 1 à 0,8 % du PIB entre 2002 et 2005). Sur les 65 milliards d'aide aux entreprises, seuls 5 % sont orientés vers la recherche-développement : je propose de porter cette part à 15 %.
5. Tirer parti de la mondialisation
L'État doit jouer le rôle de « facilitateur et d'incubateur » en matière de développement économique : il doit encourager vigoureusement la création d'entreprise, ce qui suppose de mettre le secteur bancaire, souvent frileux, devant ses responsabilités. Les jeunes entreprises innovantes, les PME, qui interviennent dans des secteurs fortement exposés à la concurrence des pays à bas salaires doivent faire l'objet de soutiens adaptés.
En outre, la puissance publique doit tout mettre en oeuvre pour décourager les comportements de ceux qui profitent de la mondialisation au détriment de l'intérêt général. Le chef d'entreprise qui, après avoir reçu des subventions publiques, ferme sa société pour aller s'implanter là où les coûts de production sont moins chers, uniquement pour augmenter son profit et sans égard pour la dette qu'il a vis-à-vis de l'État qui l'a soutenu, joue contre l'intérêt général et profite de la mondialisation. Ces comportements sont inacceptables.
En même temps, la puissance publique doit aider les individus à faire face à la nouvelle donne du marché de l'emploi : si le nouvel équilibre de l'économie mondiale requiert plus de compétitivité, plus de réactivité et plus d'imagination, il importe que l'État aide les individus à répondre à cette demande. La clé de ce nouvel ordre économique mondial c'est l'éducation, la formation et l'accompagnement individualisé de chacun dans son parcours pour l'emploi.
La France saura faire face à la mondialisation si elle est capable de renforcer son capital humain. La puissance publique doit donc sécuriser les parcours professionnels de telle manière que chacun soit incité à se réinventer en permanence sans crainte pour son avenir.
6. Sécuriser les parcours professionnels
La politique que je souhaite mettre en oeuvre en cette matière reposera sur les objectifs suivants :
* faire du contrat à durée indéterminée la règle et lutter contre la précarité au travail. Afin de faciliter l'atteinte de cet objectif, je souhaite notamment supprimer le CNE et moduler les aides aux entreprises et les exonérations de cotisations sociales, en fonction de la nature des contrats de travail et de la qualité de la gestion de l'emploi,
* mettre en place, en liaison avec les partenaires sociaux, une sécurité sociale professionnelle permettant à chaque personne privée d'emploi de se voir proposer par les pouvoirs publics un contrat de droits et devoirs d'une durée d'un an comportant une rémunération égale à 90 % du dernier salaire perçu, une formation qualifiante et une aide personnalisée à la recherche d'emploi très renforcée,
* renforcer la qualification et la capacité de revenir à l'emploi des salariés en mettant en oeuvre de manière systématique une démarche de validation des acquis de l'expérience professionnelle et en reconnaissant un doit à la formation et à la reconversion inversement proportionnel à la durée des études,
* promouvoir l'anticipation des mutations économiques au niveau des branches, des territoires et des entreprises, en s'appuyant sur le dialogue social. Nous connaissons tous de bonnes pratiques en la matière, autour de certaines branches, d'entreprises ou de comités de bassin d'emploi. Il faut assurer les conditions d'une diffusion de ces bonnes pratiques en appuyant ces démarches. Je souhaite notamment réfléchir avec les partenaires sociaux sur les modalités de mise en oeuvre d'une réelle politique de la mobilité dépassant les seules logiques de branche,
* sécuriser l'entrée des jeunes dans la vie active en leur reconnaissant un droit au premier emploi, pour qu'aucun jeune ne reste au chômage au-delà de six mois sans avoir accès à une formation, un emploi aidé ou un tutorat rémunérés. La généralisation des emplois tremplins mise en oeuvre par les régions dirigées par le Parti socialiste devrait permettre de favoriser la mise en oeuvre de ce nouveau droit, avec un objectif de 500 000 emplois tremplins. Pour faciliter l'entrée des jeunes dans la vie active, je souhaite l'instauration d'un prêt à taux zéro de 10 000 euros en faveur de chaque jeune pour l'aider à construire un projet,
* afin de favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, je propose la mise en place d'un revenu de solidarité active (RSA) permettant à tous les bénéficiaires de minima sociaux reprenant un travail d'améliorer d'un tiers leurs ressources. Aujourd'hui, il n'est pas possible de garantir à un allocataire du RMI auquel on propose un contrat de travail qu'il aura au bout du compte plus de revenus en travaillant qu'en ne travaillant pas. La mise en place d'un revenu de solidarité active permettra de réhabiliter réellement la valeur travail en faisant en sorte que le retour à l'emploi se traduise automatiquement par une augmentation des revenus.
7. Défendre la protection sociale
Je souhaite préciser plusieurs points. Sur la Sécurité sociale d'abord. Je tiens à réaffirmer mon opposition à la notion de franchise de remboursement. Cette mesure aggraverait les inégalités dans notre pays et ferait courir le risque d'une absence de soins dans une partie de la population, et donc de dégradation de la situation sanitaire.
S'agissant du stress au travail, je pense que cette réalité n'est pas suffisamment prise en compte. Le drame que vient de connaître Renault, et qui semble se rattacher à ce type de situation, nous le rappelle. Je ne vous surprendrai pas en estimant qu'il s'agit sans doute d'une nouvelle manifestation de la relative déshérence de la santé au travail dans notre pays et c'est aussi à cette dimension d'ensemble que je veux m'attaquer résolument, en renforçant la médecine du travail.
Vous m'interrogez également sur la situation des femmes. Nous vivons un paradoxe apparent : les Françaises sont de plus en plus actives ; or, elles ont de plus en plus de difficultés à concilier leur vie professionnelle avec les charges familiales, dont la majeure partie pèse encore sur elles. Dans ces conditions, les arbitrages se font en leur défaveur comme le prouve la persistance d'un fort travail à temps partiel subi par la population active féminine. C'est pourquoi l'un de mes objectifs est de créer un véritable service public de la petite enfance, qui permettra enfin d'exercer un choix entre plusieurs modes de garde. Je préfère bien entendu cette voie au prétendu choix que nous propose la droite libérale, prestations financières à la clé, et qui pousse, en réalité, les femmes les moins qualifiées à le demeurer et à rester chez elles. Cette vision du passé n'est évidemment pas la mienne et votre question me démontre qu'elle n'est pas, non plus, celle de votre organisation.
8. Mettre en place la démocratie sociale
Je suis comme vous très attachée au développement de l'adhésion syndicale dans notre pays et à l'essor d'un syndicalisme de masse, susceptible de rééquilibrer les relations au sein des entreprises, des branches et des négociations interprofessionnelles. J'ai notamment annoncé que l'adhésion syndicale serait encouragée par la transformation de l'actuelle réduction fiscale en un crédit d'impôt qui aidera l'ensemble des salariés à s'impliquer dans l'action et la réflexion syndicale. Je suis également en faveur de nouvelles modalités de financement des organisations syndicales, en contrepartie des missions d'intérêt général qu'elles remplissent.
Je crois par ailleurs que les protections et les droits des adhérents et militants syndicaux devront être renforcés et toutes les propositions visant à assurer une protection des représentants des salariés en consolidant leur statut méritent d'être examinées et discutées entre les partenaires sociaux lors de la période de négociation et de concertation qui précédera la réforme des règles du jeu de notre démocratie sociale. Votre proposition de contrat d'engagement syndical présente à cet égard un intérêt évident. Mais outre ces mesures directes susceptibles d'encourager l'adhésion syndicale, je crois beaucoup à la réforme de notre démocratie sociale, qui pourra donner un dynamisme renouvelé au dialogue social et faire mieux connaître aux salariés l'action des syndicats en leur faveur. En développant le dialogue social à tous les niveaux, sur tous les thèmes, en fondant la représentativité à titre principal sur l'élection, en donnant force au principe des accords majoritaires, nous créerons les conditions d'une identification plus forte des salariés aux organisations syndicales, et par là même, d'une incitation croissante à l'adhésion. Je crois que loin de s'opposer, syndicalisme de représentation et syndicalisme d'adhésion se complètent naturellement et que nous pouvons oeuvrer à une amélioration significative par rapport à la situation actuelle.
Concernant l'idée de réserver le bénéfice des accords d'entreprise aux seuls salariés syndiqués, je perçois parfaitement l'effet de levier qu'elle pourrait offrir comme incitation à l'adhésion. Pour autant, en l'état actuel de la syndicalisation observée en France, les salariés ne seraient pas prêts à accepter un système qui renforcerait le sentiment que les syndicats interviennent que pour leurs seuls adhérents et n'obtiennent de nouveaux droits sociaux qu'à leur profit exclusif. Je crois que ce ne serait pas rendre service aux syndicats eux-mêmes et que cela irait à l'encontre de la légitimité de leur intervention pour le bien commun de l'ensemble des salariés. En tout état de cause, même dans une situation nettement plus favorable en termes de syndicalisation combinée à une évolution profonde des pratiques et des mentalités, seul un nombre restreint d'accords pourrait à mon sens voir leur bénéfice être éventuellement réservé aux seuls adhérents syndicaux. Les accords sur les rémunérations ou sur le temps et les conditions de travail devraient toujours s'appliquer à tous les salariés sans distinction.
Je partage avec vous la conviction que la représentation des salariés doit également passer par leur présence effective au sein des instances de gouvernance de l'entreprise, notamment les conseils d'administration et conseils de surveillance. C'est une exigence essentielle, notamment pour l'accès aux informations stratégiques sur l'avenir de l'entreprise dans le contexte de mondialisation financière et de mutations économiques que nous connaissons. Dans cette optique, il va de soi que les textes d'application de la loi de modernisation sociale sur la présence des administrateurs salariés seront pris et pourront être complétés par d'autres mesures prenant en compte la diversité des entreprises dans leur structure.
9. Relancer l'Europe
L'Europe est en panne. En panne d'idées, de projet et d'ambition. Et le traité constitutionnel est caduc. Les Européens traversent une période de doute sur l'utilité de l'Union. Ils estiment que celle-ci ne les protège pas des aspects négatifs de la mondialisation. Les Français refusent, en outre, dans leur majorité, de considérer que la concurrence et la déréglementation constituent à elles seules un projet de société. Or, ils ont le sentiment que l'Europe n'est plus porteuse d'autres valeurs.
Je ne me résigne pas à l'essoufflement du projet européen. L'Europe doit rester la grande ambition du XXIe siècle. Je propose de relancer l'Europe par les politiques concrètes, celles qui concernent directement la vie quotidienne des citoyens, celles qui répondent aux grands enjeux de la période. C'est ce que j'appelle « l'Europe de la preuve ».
Trois politiques me semblent devoir être lancées ou relancées :
- La recherche/innovation. L'Europe investit moins dans ce domaine que les États-Unis et le Japon. C'est d'autant plus absurde que nous savons que les emplois de demain se situeront dans les entreprises innovantes,
- L'énergie. Qui ne sait que c'est un sujet essentiel ? Nous devons garantir l'indépendance énergétique de l'Union et travailler à limiter les gaz à effets de serre. Ces deux objectifs conduisent à adopter une attitude plus coordonnée dans les négociations sur nos approvisionnements, et à promouvoir un programme ambitieux en faveur des énergies renouvelables : j'ai proposé l'objectif de 20 % d'énergies renouvelables d'ici 2020,
- Les grands réseaux de transports transeuropéens.
Sur la question institutionnelle, je suis consciente que l'Europe ne pourra fonctionner longtemps avec les institutions actuelles. Je souhaite, par conséquent, négocier avec nos partenaires un texte institutionnel pour mettre en place les outils nécessaires à un fonctionnement efficace et démocratique de l'Europe. La Charte des droits fondamentaux devra faire partie de ce texte.
Je souhaite également que l'Europe présente un visage plus social. Je crois aussi que la coopération entre syndicats européens et la mise en place d'un véritable espace de dialogue social européen ont un rôle essentiel à jouer.
Le principe de la libre circulation des travailleurs en Europe doit être respecté. Je souhaite d'ailleurs que l'on avance dans l'harmonisation des diplômes et des qualifications pour favoriser les échanges.
Voilà ma vision et mon projet. Une Europe active, ambitieuse et tournée vers les préoccupations des citoyens.
10. Evaluer les aides aux entreprises
Je suis favorable à une évaluation systématique des aides accordées aux entreprises sur des critères de gestion de l'emploi. D'abord, je veux revoir l'ensemble des aides accordées aux entreprises (les 65 milliards), et redéployer cette masse sur les entreprises qui créent de l'emploi sur le territoire, ou qui exportent ou qui sont en phase de croissance. J'ai demandé au président des Jeunes Dirigeants de me rendre un rapport sur ce thème dans les prochains jours. Je suis également favorable à une procédure de récupération des aides accordées en cas de suppression d'emplois ou de délocalisations.
Source http://www.cfecgc.org, le 6 avril 2007