Texte intégral
Après une telle présentation de réussites et un panel dune si grande qualité réuni pour vos tables-rondes, il est toujours difficile de trouver le ton juste et de dire des choses utiles et intéressantes. Je vais mefforcer de le faire avec simplicité.
Depuis mon arrivée au Ministère, je suis allée autant que possible sur le terrain, pour rencontrer les chefs dentreprise, les acteurs du développement local. Je lai fait car je suis convaincue depuis toujours que, derrière les concepts économiques, il y a des femmes et des hommes qui travaillent, investissent et consomment. Je suis convaincue quil est nécessaire de faciliter leurs décisions, dorienter favorablement leurs anticipations, bref quune action macro-économique pourtant nécessaire et indispensable ne peut pas suffire et quil faut la compléter dactions dans le domaine de la micro-économie.
1°) Il faut réussir la création dentreprise :
Toutes les enquêtes de conjoncture récentes le prouvent : les PME se portent bien. Elles développent leur activité, elles investissent et dans une très large proportion pour se doter de nouvelles capacités de production, elles embauchent. Elles se préparent aux grands chantiers du moment : euro et 35 heures. Beaucoup de celles que je rencontre y voient un moyen de repenser leur organisation, de rénover leur offre commerciale, bref de trouver de nouveaux espaces de croissance.
Pourtant, je voudrais vous faire partager un souci : elles sont encore trop peu nombreuses à se soucier des difficultés du passage à lan 2000. Ne nous y trompons pas, il faut soccuper des systèmes technologiques comme des outils informatiques. Pour de nombreuses PME, les automatismes sont au coeur de leur outil de production : chaîne du froid, machine-outil, standard téléphonique. Favorisons ensemble la prise de conscience des risques et leur résolution préventive. Cela ne veut pas dire non plus naïveté, il faut regarder les propositions qui peuvent nous être faites, rester vigilant.
Souci, ai-je dit. Venons en maintenant à une préoccupation forte : la création dentreprise. Depuis 1990, celle-ci sessouffle indéniablement en France. Ce repli ininterrompu a même provoqué une baisse du nombre dentreprises en France, denviron 20 000. Si cette baisse peut sembler relativement faible, rapportée aux quelques 2,35 millions dentreprises, elle nen est pas moins inquiétante. Les derniers chiffres indiquent que cette tendance se serait poursuivie en 1998.
Tendance inquiétante, car elle ne se retrouve pas chez nos partenaires, lAngleterre et lItalie créent beaucoup plus dentreprises, lAllemagne légèrement plus.
Tendance inquiétante, car la création dentreprise nest pas seulement un révélateur de la santé de notre économie, elle en constitue un pilier essentiel. Deux chiffres en témoignent :
. 40 % des entreprises existantes ont été créés au cours des 6 dernières années ;
. En 1997, plus de 500 000 emplois sont le fait des entreprises nouvelles.
La création dentreprise est donc un élément essentiel de la croissance de notre économie. Au delà des emplois quelle génère, elle permet à de nouvelles idées et à des activités nouvelles de prendre corps. En ce sens, une création dentreprise est toujours une innovation.
Relancer la création, mieux accompagner les créateurs, créer un environnement porteur constituent donc une priorité de mon ministère.
2°) Un Etat qui se veut partenaire :
La politique daide que je mène est à la fois simple, complète, et en prise directe avec les réalités quotidiennes des créateurs dentreprises.
Mais il ny aura de créateurs que dans la mesure où des femmes et des hommes auront envie de créer leur entreprise. Or, cette envie de créer vient aussi de la rencontre avec des chefs dentreprise heureux, avec des personnes qui illustrent par lexemple que la création dentreprise nest pas une impasse. Le panel rassemblé ce soir, quil sagisse des exemples retenus pour les présentations à la tribune ou ceux qui mécoutent, tous lauréats dun des prix de la création dentreprise, en témoigne. Mais ce message doit être relayé, porté plus largement, y compris dans les écoles. Une campagne de communication sera toujours impuissante à inverser les propos tenus par ceux qui ont créé, par ceux qui excercent ce métier dentrepreneur.
Lidée ne saurait pour autant suffire. Il faut encore réussir sa difficile transformation en projet dentreprise. Pour cela un accompagnement en amont, dans la définition du projet, dans lapport de tel ou tel conseil, dans le suivi dune formation est essentiel. Un accompagnement qui doit se prolonger par un suivi pendant les 2 ou 3 premières années de la création, pour permettre de renforcer les chances de réussite du créateur.
Cest pourquoi les acteurs daccompagnement sont au coeur de notre projet. Ils sont nombreux à sêtre crée autour de cet objectif : organismes consulaires, FIR, ADIE, Boutiques de Gestion... Nous avons reconnu la qualité de leur travail en proposant que laide pour les jeunes créateurs et laide aux chômeurs-créateurs soient gérés par eux. Ces acteurs qui feront lobjet dune sélection dans un cadre départemental pour tenir compte des réalités du terrain (ce travail est en cours) joueront à légard des créateurs le rôle de guichet unique daides. Ils permettront à ces créateurs de bénéficier dune avance remboursable et dun accompagnement. Jattends beaucoup du dispositif, qui innove fortement en matière daction publique, et qui devrait concerner environ 10 000 aides en 1999, ce qui en fera le dispositif le plus important en ce domaine.
Mais cette pluralité dacteurs ne doit pas conduire à rendre plus complexe le parcours du créateur. Ces acteurs doivent collaborer entre eux. Ils doivent ensemble répondre aux demandes des créateurs en tout point du territoire, et cette réponse doit être de qualité.
Ces acteurs nont pu se développer quavec laide des collectivités territoriales, de grandes entreprises, comme la Caisse des Dépôts et Consignations à travers son programme PME, des administrations comme la Datar.
Cette capacité dorganisation des territoires est essentielle, elle constitue à côté du travail et du capital, un véritable facteur de production. Je souhaite et jattends des collectivités locales, des grandes entreprises et des organismes consulaires quils simpliquent plus fortement dans la constitution et lanimation de ces dispositifs.
3°) Un Etat qui permette aux individus dassurer des risques dans un cadre de solidarité
Créer, cest pour une femme ou un homme accepter dassumer des risques économiques. Les motivations qui président à ce choix sont diverses, votre enquête la montrée, mais, quelles quen soient les raisons, ce choix est laffaire des créateurs. Encore faut-il que dans cette décision, ils ne soient pas seuls et quils trouvent auprès dautres les moyens de la réussite de son projet.
Votre enquête confirme ce que nous savons tous : les créateurs ne disposent bien souvent que de leurs seules économies. Cest pourquoi nous avons choisi de recréer une aide pour ceux qui ont le moins de probabilité den détenir un : les jeunes et les chômeurs. Sans doute dautres publics ont des besoins proches et la même aide pourrait être étendue, pour que la création dentreprise puisse apparaître comme un avenir ouvert à tous, au jeune étudiant passé par les Etats-Unis comme aux jeunes de nos banlieux ou de nos campagnes.
En conséquence, la frilosité des banques à sengager dans le soutien à un projet de création est promptement dénoncée. Il est essentiel den chercher les raisons pour y remédier : les banques ne peuvent ni prendre des risques trop importants - elles gèrent nos dépôts après tout - ni sélectionner les projets. La prise en charge par la collectivité dune partie du risque incite les établissements de crédit à « prendre plus de risques « .
LEtat a affecté lan dernier une dotation dun milliard à SOFARIS ce qui lui a permis de garantir 30 milliards de crédit ou dinvestissement en fonds propres, au bénéfice de plus de 30 000 entreprises.
Cette capacité dintervention sera maintenue en 1999.
Cette action de lEtat pourra être complétée par les collectivités territoriales en fonction de leurs priorités. Une filiale commune de la BDPME et de la Caisse des Dépôts et Consignations vient dêtre constituée à cet effet, et un premier accord vient dêtre signé avec une région française.
Ces quelques exemples illustrent la façon dont nous voulons procéder : donner plus de moyens aux dispositifs permettant daccompagner les créateurs en organisant la convergence des efforts de tous, organiser un cadre réglementaire et financier incitatif - Avant de conclure mon propos, je voudrais mentionner quelques chantiers pour lesquels des progrès devraient à mon sens intervenir :
· le cas du créateur qui échoue : est-il normal quun salarié qui possède des droits à indemnisation les perdent totalement sil démissionne de son entreprise pour créer ? Même si nous ne parvenons pas à répondre à lensemble de la question de lassurance-chômage des chefs dentreprise, il me semble que lon pourrait améliorer la situation du salarié qui crée et échoue.
· les cotisations sociales au démarrage : tout le monde le sait, il est exceptionnel de réaliser demblée une activité suffisante pour réaliser des bénéfices. Or les cotisations sociales sont prélevées au démarrage de lactivité et sur une base forfaitaire qui savère supérieure à bien des revenus réels de la première année. Je crois que nous pourrions mieux adapter les nécessaires cotisations sociales à la réalité économique des créations.
· le maillage des instruments financiers et le capital de proximité.
Chaque année, 130 000 créations se réalisent avec en moyenne 36 000 francs seulement, les autres mettent en oeuvre des moyens plus importants mais quelques milliers de cas seulement dépassent 500 000 francs, seuil minimum dintervention du capital-risque. Seul le crédit ou lépargne de proximité permettent de répondre aux besoins du plus grand nombre des créateurs. Plusieurs mesures existent, nous en avons fait adopter nous-mêmes quelques-unes, comme le crédit dimpôt pour les dons aux associations daides à la création dentreprise. Elles ne vaudront pourtant que tant que des acteurs locaux existeront pour les mettre en oeuvre et plusieurs expériences originales ont été tentées récemment : banque solidaire, clubs dépargne de proximité.. Elles nont toutes dautre vocation que de permettre une meilleure insertion des créations dans les circuits normaux de financement.
· la simplification des formalités liées à la création dentreprises. Le dispositif législatif et réglementaire a été amélioré. Des efforts ont été demandés aux CCI et des financements prévus pour lamélioration des CFE. Je souhaite que, dans ce domaine, on aille plus loin et notamment dans la coordination entre les CFE des chambres de métiers et ceux des chambres de commerce et dindustrie. Les administrations elles-mêmes sont invitées à accélérer leurs propres procédures de telle sorte, que la délivrance du K bis soit accélérée. Cela suppose également une coopération efficace des greffes, chacun doit avoir le souci de lefficacité au service du créateur. Il ne doit pas y avoir de chasse gardée. Enfin, je ne vous cache pas que je trouve le coût global de la création, toutes démarches confondues, encore trop élevé. Cest un point qui reste à travailler avec lensemble des partenaires y compris lEtat.
Cest en orchestrant tous ces chantiers que nous parviendrons à réveiller lesprit dentreprise en France. Cest en organisant un dialogue constructif envers tous les acteurs qui participent à la création dentreprise, que nous permettront aux efforts de tous de converger et à ceux qui hésitent encore de nous rejoindre. Nous en reparlerons prochainement.
(Source http://www.finances.gouv.fr)