Texte intégral
Philippe Dessaint - Ségolène Royal, soyez la bienvenue sur le plateau de TV5Monde, « France 2007 ». Merci d'être venue en personne, répondre aux Français établis à l'étranger, à la presse internationale et aux téléspectateurs du monde entier. Beaucoup de choses cette semaine pour vous : vous allez demain revenir sur votre programme international et puis, vous venez d'écrire aux Français vivant donc hors de France, vivant un peu partout dans le monde, nous allons revenir là-dessus. Comment se fait-il que ce soit sur le domaine international que vos compétiteurs soient le plus féroces avec vous, mettant en cause la légitimité, au fond, de votre politique internationale ?
Ségolène Royal - Ecoutez, moi je m'intéresse surtout à ce que pensent les Français. Aujourd'hui je suis en dialogue direct avec eux, je ne polémique pas avec les compétiteurs comme vous le dites. J'ai des idées claires, j'ai construit ce projet avec les Français et ils ont dit aussi des choses dans le domaine de la place de la France dans le monde. Je suis une européenne convaincue, vous le savez, et ma première ambition sera de remettre la France à la table de l'Europe, avec des propositions extrêmement précises. Je sais aussi que l'avenir de la France se joue dans les pays les plus pauvres de la planète...
Philippe Dessaint - Nous parlerons de l'Afrique tout à l'heure.
Ségolène Royal - Et nous parlerons de l'Afrique tout à l'heure. Donc je crois que la France aussi peut jouer un rôle très important dans le domaine du maintien de la paix dans le monde - et notamment au Moyen Orient - si elle prend des initiatives européennes dans ce sens. Donc je crois qu'il y a beaucoup de choses à faire et puis, des enjeux à repréciser.
Philippe Dessaint - Alors on est à douze jours du premier tour de l'élection présidentielle. On fait le point. Comment allez-vous déjà, vous-même ?
Ségolène Royal - Ca va très bien, je vous remercie.
Philippe Dessaint - La campagne se déroule comme vous le souhaitez ?
Ségolène Royal - Oui la campagne se déroule bien. Il y a énormément de ferveur populaire dans les réunions publiques et puis ce pacte présidentiel que j'ai construit avec les Français dans le cadre de cette démarche participative, aujourd'hui je crois que les Français s'en saisissent ; ils regardent les choses et il y a encore 18 millions de votants qui ne sont pas encore décidés...
Philippe Dessaint - Ca vous inquiète ?
Ségolène Royal - Non parce que je trouve que c'est une forme d'exigence de leur part ; c'est vrai qu'une page de l'histoire de France va s'écrire avec une nouvelle génération politique et qui arrive. Des enjeux aussi très importants et moi je veux que cette élection présidentielle serve à quelque chose, c'est-à-dire que les Français aient un vrai choix, que le 22 avril ne ressemble pas au 21 avril et qu'il n'y ait pas de confusion...
Philippe Dessaint - Vous avez peur de cela ? Vous avez encore peur de cela, que Jean-Marie Le Pen - qu'on entendra tout à l'heure - soit devant vous au soir du premier tour ?
Ségolène Royal - Je pense qu'il est important que les Français ne s'abstiennent pas, qu'ils viennent voter et qu'il y ait un vote conscient et qu'il y ait un vrai débat d'idées pour le second tour. Une vraie confrontation de projets parce qu'il y a une confrontation de projets. Moi je veux réformer la France sans la casser, sans brutalité, faire reculer toutes les formes de violence, de précarité. Je crois qu'il est nécessaire de concilier les solidarités sociales et l'efficacité économique, or c'est le contraire qui vient de se passer depuis cinq ans, puisqu'il y a une montée des précarités, des pauvretés, des insécurités et au bout du compte, il n'y a pas une efficacité économique qui avait été promise en retour. Il y a un échec aussi dans le domaine de la politique de sécurité précisément, et puis il y a, au coeur du pacte social, beaucoup de choses qui ont été détruites et qu'il va falloir reconstruire et en particulier le pacte éducatif. Moi je veux remettre l'éducation au coeur de tout, en avant de tout, et dire très clairement que, dès la prochaine rentrée scolaire, celle-ci se fera avec les moyens qui viennent d'être supprimés, qui seront rétablis. Et puis, le soutien scolaire individualisé sera mis en place dès la prochaine rentrée scolaire. Donc mon objectif, c'est à la fois de répondre à des crises, celles qui sont là, présentes, les crises sociales, les crises dans les banlieues aussi puisqu'il faut tenir les deux bouts, à la fois la prévention et puis en même temps l'ordre juste, et que mes convictions profondes qui ne datent pas d'aujourd'hui et c'est ce qui fait leur solidité, c'est que tout se tient. La politique familiale, avec la question du logement, faire bien fonctionner l'école, la valeur travail qu'il faut reconquérir et en particulier en luttant contre le chômage des jeunes. La bataille écologique et c'est dans la cohérence de ce projet que je veux mériter la confiance des Français.
Philippe Dessaint - Alors on va commencer à regarder donc différents reportages, soit sur la situation internationale, soit sur ces Français expatriés. Un mot : 95, ce qui reste dans les mémoires, c'est l'image de la fracture sociale. 2002, le thème de la sécurité. Quel est le thème essentiel de cette campagne que nous vivons aujourd'hui en France ?
Ségolène Royal - C'est le thème de la cohérence des politiques et de la conciliation, de la France rassemblée. La France rassemblée plutôt que ce qui se passe aujourd'hui où les gens sont dressés les uns contre les autres, où le programme de la droite dresse les gens les uns contre les autres. Moi je veux une politique du gagnant-gagnant, une politique du donnant-donnant aussi. C'est-à-dire que chaque progrès social sera accompagné d'obligations et d'engagements nouveaux. Et je crois qu'il est possible en France, de sortir de ces pratiques de confrontations et d'affrontements, de sortir de ces logiques d'arrogance, pour que l'on puisse construire ensemble, des valeurs ajoutées communes. C'est par exemple ce que je propose dans le cadre d'un dialogue social rénové. Je veux un syndicalisme de masse comme dans les pays du Nord de l'Europe où je me suis rendue. Vous le savez, je suis allée en Suède voir comment fonctionnait le dialogue social, et j'observe que... ce respect mutuel entre le patronat et les organisations syndicales, il est possible d'anticiper les mutations, les difficultés économiques. Quand je vois au Danemark la mise en place de la Sécurité sociale professionnelle, je reprends cette proposition dans le pacte présidentielle, parce que je suis convaincue que c'est en sécurisant les salariés, en sortant du tout libéral que l'on peut en même temps garantir l'efficacité économique des entreprises. C'est-à-dire l'agilité des entreprises d'un côté et la sécurisation des salariés de l'autre. Donc c'est un modèle social qui est à l'opposé de celui que propose le candidat de l'UMP.
Philippe Dessaint - Alors ce que je vous propose, c'est de commencer à dérouler dans cette émission un certain nombre d'exemples sur lesquels je serais heureux, Ségolène Royal, de vous entendre, avec première rubrique, première séquence, « Ces Français d'ailleurs ». Français d'ailleurs, on va aller pour cela en Chine, vous y êtes allée, on reviendra sur ce voyage, les Français expatriés dans cette ville, vous allez le voir, font une sorte de jeu, de jeu de rôles pour voir pour qui ils voteraient et nous ne l'avons pas fait exprès au moment où nous avons réalisé ce reportage, je pense que le résultat de cette enquête va plutôt vous plaire.
/// Reportage en Chine ///
Philippe Dessaint - Alors avant d'écouter votre réponse, vous constatez que parmi les Français qui votent en Chine, dans les six bureaux, eh bien vous arrivez en première liste. Par rapport à cette question d'une gauche qui n'aimerait pas la mondialisation ; l'image qu'indique ce Français vivant à l'étranger, c'est vrai ?
Ségolène Royal - Je vous remercie pour les électeurs, déjà...
Philippe Dessaint - Vous savez qu'en Belgique également vous arriveriez en tête.
Ségolène Royal - Oui mais vous savez, la presse du monde entier s'intéresse à cette élection présidentielle et par rapport à l'image de la France qui s'est un peu dégradée, il faut quand même le dire, au cours de ces dernières années, la France a le sentiment d'avoir perdu la main et les Français se demandent, les Français à l'étranger que je salue, mais aussi la presse internationale et les autres citoyens, si les électeurs français vont oser voter pour une femme à la tête de l'Etat. Et au fond, ils en ont envie parce qu'ils se disent : c'est une telle image d'une France qui a confiance en elle, qui a l'audace, qui saisit cette chance de se projeter comme ça dans le siècle prochain, d'accomplir cette révolution là ; eh bien je souhaite que cet élan soit communicatif.
Philippe Dessaint - Mais lorsqu'on entend par exemple, que certains ne vont pas voter à gauche, parce qu'ils reprochent à cette gauche de ne pas être suffisamment, de ne pas accepter la mondialisation économique notamment, c'est vrai ou c'est un mauvais cliché ?
Ségolène Royal - En tout cas c'est une question très importante et mon ambition politique c'est que la France sera suffisamment solide et au clair avec ses valeurs - que j'ai évoquées tout à l'heure - et ferme sur son développement économique, qu'elle pourra donc se tourner vers les autres, avec confiance. Et c'est en sécurisant les salariés en France et en particulier en protégeant par exemple l'Europe contre les délocalisations, que je pourrais dire aux Français : mais tournons-nous maintenant vers le vaste monde. N'ayons pas peur de la mondialisation comme le disait ce jeune chef d'entreprise, car dans la mondialisation, il peut y avoir le pire ou la meilleure des choses. Le pire en effet, c'est le libéralisme sauvage et l'alignement vers le bas et la fuite du chacun pour soi. Le meilleur, s'il y a un certain nombre de règles qui permettent de faire en sorte que l'ensemble des pays progresse sur le plan social, sur le plan écologique, et bien évidemment, sur le plan économique. Et moi je n'ai pas peur de la mondialisation et je pense être suffisamment forte par rapport à la réassurance des Français sur leur identité. Il y a eu un débat récent sur l'identité, pour moi c'est très important, non pas pour se replier sur soi, les Français, à l'extérieur de nos frontières, donnent souvent le sentiment d'être repliés sur eux-mêmes, d'être arrogants, d'être un peu...
Philippe Dessaint - On reviendra sur ce point aussi.
Ségolène Royal - Voilà, et moi ce que je crois très important, c'est que par rapport à cette réassurance et à cette solidité politique nationale, je pourrais dire aux Français : regardons vers le vaste monde, parce que la mondialisation est aussi une opportunité de développement pour nous-mêmes, mais surtout un enjeu très fort pour le développement de la planète et nous ne pouvons pas nous désintéresser de l'avenir planétaire.
Philippe Dessaint - Alors, je voudrais à présent donner la parole à Jean-Pierre Pont, du magazine Vivre à l'étranger- et je présenterai dans un instant Flore Vasseur - à propos justement de ces jeunes qui s'expatrient. C'est important, les Français de l'étranger, peut-être de ceux qui nous regardent, 3% du corps électoral, et on se souvient que Lionel Jospin avait été battu, devancé de peu de chose. Alors peut-être tout d'abord, on parlait de la Chine, combien de Français vont voter en Chine, dans combien de bureaux, comment ça se passe ?
Jean-Pierre Pont - Vous serez surpris, mais il y a simplement 16.000 Français en Chine sur 1 milliard 300 millions de Chinois. 11.000 inscrits au Consulat, pardon 12.000, et 11.000 qui vont voter. Donc 16.000 c'est vraiment très peu de monde. Dans l'ensemble du monde, on est 2.200.000 à peu près...
Philippe Dessaint - Rappelons ces chiffres : 2.200.000 qui vivent en dehors donc de la France ; parmi eux, combien vont participer à cette élection ?
Jean-Pierre Pont - Près de 940.000 se sont inscrits sur les listes électorales, ils sont deux fois plus nombreux qu'en 2002. Sur ces 2.200.000 Français, vous en avez la moitié qui sont en Europe, donc à proximité de la Métropole, enfin de la France. Vous en avez 400.000 à peu près, qui sont en Amérique du Nord. Les autres sont éparpillés, vous connaissez bien l'Afrique, il y en a 250.000 seulement en Afrique, de plus en plus de binationaux ; donc les enjeux sont très différents aujourd'hui parce qu'énormément je pense, énormément de nouveaux inscrits sont probablement des binationaux qu'on a un peu négligés les années passées, vous connaissez les problèmes de protection sociale qui existent, les problèmes d'éducation...
Philippe Dessaint - La scolarisation bien sûr...
Jean-Pierre Pont - La scolarisation absolument...
Philippe Dessaint - Jean-Pierre est-ce qu'on a une idée de la coloration politique de ce vote des Français expatriés ? Ils sont parfois classés plus à droite...
Jean-Pierre Pont - Ca c'est une légende à mon avis, parce que c'est vrai que traditionnellement, il y avait peu de votants. Les forces, si vous voulez les expatriés qui pèsent simplement 10% de l'ensemble des Français dans le monde, sont 200.000 ; ils sont mieux éduqués, ils communiquent mieux. En Chine pour voter, il n'y a que sept bureaux dans six villes. Donc il faut se déplacer. Donc tout ça nécessite des moyens...
Ségolène Royal - Oui et puis je crois qu'il ne faut pas s'adresser à eux de façon spécifique. Ils ont des problèmes spécifiques. Moi je voudrais d'abord rendre hommage aux Français qui sont à l'étranger parce qu'ils participent au rayonnement de la France...
Philippe Dessaint - Excusez-moi de vous interrompre, vous venez de leur écrire et vous dites : vous êtes l'exemple de l'énergie et du dynamisme dont doit faire preuve notre pays. Votre présence à l'étranger est une chance et une richesse pour chacun.
Ségolène Royal - Bien sûr. Je crois que vivre à l'étranger c'est bien pour la France, d'abord parce que c'est la conquête de marché, donc c'est l'équilibre de notre commerce extérieur, c'est le rayonnement culturel, c'est la francophonie. Je crois que ce qui est important pour les Français de l'étranger, c'est l'image de leur pays lorsqu'ils sont à l'étranger. C'est-à-dire qu'ils ont envie d'une France qui se relève, d'une France neuve, d'une France qui rayonne, d'une France qui a confiance en elle, d'une France qui se déploie et qui occupe son rang à l'échelle internationale...
Philippe Dessaint - C'est-à-dire que cette fois-ci, vous pensez à cette partie du corps électoral à gauche, comme peut-être ça n'avait pas été fait en 2002 ?
Ségolène Royal - Oui, je pense surtout qu'avec moi, sur ce plan-là, ils ne seront pas déçus. C'est-à-dire que la France aura une très forte visibilité internationale, elle reprendra sa place en Europe, dans le monde avec une diplomatie pragmatique, avec un souci très clair de procéder autrement, de mettre fin à une forme d'arrogance et donc d'être en empathie aussi avec les peuples du monde avec lesquels nous dialoguons et en même temps, de répondre aux préoccupations concrètes de nos concitoyens qui sont expatriés et en particulier, sur la question de l'éducation, de la protection sociale, du fonctionnement des consulats. C'est vrai qu'on a l'impression souvent que ce sont des grands chefs d'entreprise qui sont à l'étranger, mais il y a aussi beaucoup de petits salaires et donc, le pacte projet présidentiel les concerne aussi. Toutes les questions de vie chère, de services publics lorsqu'ils reviennent sur le territoire national, d'accès à l'éducation. Je veux multiplier le nombre de bourses scolaires pour pouvoir permettre de réduire les frais de scolarisation des enfants ; par exemple tout cela, je crois que c'est très important et je m'en étais occupée lorsque j'étais ministre de l'Enseignement scolaire, et j'avais déjà vu les difficultés de nombreuses familles pour accéder tout simplement à un système scolaire gratuit.
Philippe Dessaint - Alors on va écouter cette question à propos de la représentativité de ces Français vivant justement hors de France, on écoute.
Christine Auclerc, urbaniste à Nairobi - En complément des douze sénateurs des Français de l'étranger, pourquoi ne pas créer des sièges de députés des Français de l'étranger ?
Philippe Dessaint - Oui, donc je rappelle qu'actuellement douze sénateurs - neuf de droite, trois de gauche - représentent ces Français expatriés. Vous, il y aurait des députés...
Ségolène Royal - Oui oui. Oui c'est prévu, je trouve que c'est bien, c'est normal.
Philippe Dessaint - Et vous changez la notion de représentativité ? Vous changez, sans entrer dans la dimension institutionnelle, ces Français seraient mieux représentés dans la vie démocratique française ?
Ségolène Royal - Les Français seront mieux représentés puisqu'ils auront des parlementaires à l'Assemblée nationale, donc qui pourront faire valoir un certain nombre de questions, par l'intermédiaire de leurs députés ; faire des propositions également et puis en plus, dans la réforme des institutions que je propose, dans la République nouvelle, dans la VIème République, il y aura l'interdiction du cumul des mandats. Donc ce seront en plus des députés à plein temps qui se consacreront à ce mandat.
Philippe Dessaint - Alors, autre invitée rapidement, Flore Vasseur qui vient de sortir un livre « Une fille dans la ville ». En quelques mots, vous, vous avez fait le choix de l'expatriation à 24 ans, sans un sou vous êtes allée monter une société aux Etats-Unis. C'est difficile ? Quels conseils vous donneriez ? Il faut partir ? Il faut être tenté ?
Flore Vasseur - Oui il faut absolument le faire, surtout à cet âge-là, ça forme la jeunesse...
Philippe Dessaint - Même sans un sou ?
Flore Vasseur - Même sans un sou, surtout sans un sou. C'est une expérience extrêmement formatrice, d'abord de se confronter concrètement au réel, à ce que ça peut être. Moi je l'ai fait dans un pays qui, à l'époque, bénéficiait d'un dynamisme économique extraordinaire, avec une bulle et une énergie créatrice extraordinaire donc... Enfin c'est une hérésie de ne pas le faire et quel que soit le diplôme je veux dire, justement la création d'entreprise et je ne dirais pas l'expatriation, parce que justement l'expatriation indique quelque chose d'aider, d'accompagner, mais plutôt partir et créer quelque chose ; c'est une expérience absolument structurante pour le reste de la vie.
Philippe Dessaint - Il faut que les jeunes le fassent, c'est un conseil que vous donnez aussi ?
Ségolène Royal - Bien sûr, je crois qu'il faut être très mobile et moi je développe par exemple sur le territoire que je préside, des bourses de la mobilité. Je pense que tous les Français devraient pouvoir, dans leur cursus de formation, quel que soit le niveau de cette formation, y compris au niveau de l'apprentissage, pouvoir passer quelques mois dans un autre pays.
Jean-Pierre Pont - Excusez-moi, vous avez prévu un an de gratuité de protection sociale pour les créateurs d'entreprise à l'étranger.
Ségolène Royal - Oui tout à fait, absolument.
Jean-Pierre Pont - Ca c'est à noter !
Philippe Dessaint - Un élément supplémentaire. Alors on vient de...
Ségolène Royal - Et puis ça fait partie du goût d'entreprendre. Je crois qu'il faut que les Français trouvent...
Philippe Dessaint - Alors on vient de voir la situation en Chine par rapport à ce vote qui vous est favorable, peut-être on va avoir une sensation différente aux Etats-Unis. Je vous propose de voir là-bas comment également les Français expatriés s'apprêtent à voter, à faire un choix et vous nous direz quel serait votre type de relation avec l'administration américaine. On regarde.
/// Reportage aux Etats-Unis ///
Philippe Dessaint - On va compléter ce reportage avec un duplex. En direct donc nous retrouvons Philippe Gassot aux Etats-Unis, correspondant de la RTBF et de TV5. Alors Philippe on vient de voir ce reportage ; il y a une mobilisation, on en parle dans les médias américains de cette élection française ?
Philippe Gassot - On ne peut pas dire que les Américains se lèvent tous les matins en se demandant ce qui se passe dans la campagne présidentielle française, mais il y a un véritable intérêt. D'ailleurs tout ce qui touche la France provoque, suscite, un intérêt ici. Alors dans les grands journaux américains, vous avez régulièrement des papiers sur les candidats. Alors madame Royal intéresse beaucoup les Américains car ici, on fait peut-être un peu hâtivement, mais on le fait quand même, on fait un parallèle entre sa candidature et la candidature d'Hillary Clinton.
Philippe Dessaint - C'est un parallèle qui vous plaît ?
Ségolène Royal - Oui bien sûr, bien sûr parce que je crois que c'est difficile, très difficile aujourd'hui pour toutes les femmes qui accèdent à ce niveau de responsabilité-là, donc il y a un fond de solidarité parce que je crois qu'à travers nos différences, bien évidemment, on se comprend.
Philippe Dessaint - Alors quel changement politique y aurait-il si vous étiez présidente de la République, par rapport aux Etats-Unis ? On se souvient de ce qui s'est passé en Irak, on y reviendra d'ailleurs tout à l'heure, est-ce qu'il y aurait une rupture, un ton différent dans le dialogue que vous auriez avec la Maison Blanche ?
Ségolène Royal - Sur la question irakienne, il y aurait une continuité, une continuité avec ce qu'a fait le président Jacques Chirac, qui est très différent de ce qu'a entrepris récemment Nicolas Sarkozy qui est allé s'excuser près de Bush de la position française, ça ce n'est pas ma façon de voir les choses...
Philippe Dessaint - Il y a eu une arrogance française à ce moment-là, comme le dit Nicolas Sarkozy ?
Ségolène Royal - De sa part vous voulez dire ?
Philippe Dessaint - Oui, lorsque Nicolas Sarkozy parle de l'arrogance française...
Ségolène Royal - Je pense qu'il devait parler de lui-même peut-être à ce moment-là. Donc il y aura une continuité dans cet esprit d'autonomie, d'indépendance des prises de positions de la France par rapport aux Etats-Unis et puis, comme je le souhaite et je l'ai dit tout à l'heure, je veux que la France revienne à la table de l'Europe. Que l'Europe définisse des positions communes, puisse dialoguer avec les autres grands partis du monde en ayant des prises de position beaucoup plus cohérentes que ça n'est le cas aujourd'hui. Cette continuité par rapport à l'indépendance, à l'autonomie de la France vis-à-vis des positions américaines, s'accompagnera du renforcement de la dimension européenne.
Philippe Dessaint - Alors je voudrais vous montrer et revenir sur un évènement qui s'est produit en France à propos de cette France qui marche. C'est un record du monde de vitesse réalisé par une entreprise, donc la SNCF et un constructeur, ALSTOM. Vous allez voir comme la presse internationale s' y est beaucoup intéressé et vous nous direz quelle est votre vision de la France dans le monde, quelle place elle doit avoir.
/// Reportage sur le record du TGV ///
Philippe Dessaint - D'où le débat sur la place de la France dans le monde, grand pays, puissance moyenne, qu'est-ce que vous diriez ? Lorsque l'on voit cette réalisation technologique, évidemment, le monde entier dit « la France ça marche », vous dites la même chose ?
Ségolène Royal - Oui je suis fière de ses performances technologiques françaises. Et en même temps, cela prouve aussi qu'il faut les défendre au niveau européen. On a vu le problème d'AIRBUS et puis cela veut dire aussi qu'il faut préparer dès maintenant, les nouveaux défis technologiques et en particulier dans le domaine de l'énergie, dans le domaine des transports collectifs de marchandises, le ferroutage par exemple ; ce sont des technologies qui n'en sont qu'à leurs débuts et qui vont concerner l'ensemble des pays de la planète qui tous, sont confrontés à la lutte contre le réchauffement planétaire et la France qui est en avance sur ces technologies, ne doit pas perdre cette avance et elle doit, en même temps, nouer des partenariats avec des partenaires industriels qui ont les mêmes objectifs.
Philippe Dessaint - Alors je vais vous présenter deux confrères, nous avons notamment parlé de l'Europe, confrère et consoeur, Michaela Wiegel qui dirige à Paris le bureau de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, la fameuse FAZ, grand quotidien de centre droit on peut dire ; et Vadim Glusker à côté, qui est le correspondant également à Paris de la plus grande chaîne privée de la télévision russe et naturellement, ils sont toujours très intéressés par la réponse des candidats à ces questions. Tout d'abord sur l'Allemagne, j'imagine que Ségolène Royal est très connue, on fait des reportages, vous avez fait des reportages sur la pléiade socialiste ?
Michaela Wiegel - Oui tout à fait et madame Royal vous êtes allée récemment rencontrer pour la première fois Angela Merkel ; vous avez parlé après d'une certaine complicité et justement je voulais vous demander, en quoi vous pensez qu'un couple de femmes au milieu, au centre de l'Europe, pourrait mieux gérer l'Europe qu'aujourd'hui ; parce qu'on sait que le couple franco-allemand restera toujours nécessaire, même dans une Europe élargie ?
Ségolène Royal - D'abord je voudrais vous dire que si je suis élue, mon premier déplacement sera en Allemagne parce que je crois que c'est là que se trouve le coeur de la relance européenne, puisque l'Allemagne assure actuellement la présidence, que la France aura la présidence au 1er juillet 2008 et que je veux préparer dès maintenant cette présidence avec Angela Merkel pour que ce soit un succès et que nous puissions voir converger nos vues. Je pense qu'il y a des convergences possibles. Il y a encore bien sûr des débats, vous le savez sur la question de l'Europe sociale. Je crois que nous pouvons nous entendre sur l'émergence d'un protocole social puisque Jacques Delors vient de travailler à un document et vous connaissez l'importance de cette personnalité respectée à l'échelle européenne. Je crois aussi qu'il y a actuellement des différences de points de vue sur le rôle de la Banque Centrale Européenne dont je souhaite voir élargies des compétences vers la croissance et l'emploi pour que l'Europe puisse d'abord faire ses preuves dans le domaine de la lutte contre le chômage, pour me permettre ensuite de réussir lorsque je vais reconsulter les Français par référendum...
Philippe Dessaint - Alors, on s'y arrête un instant, vous persistez dans ce souhait de faire un deuxième référendum c'est cela ?
Ségolène Royal - Vous savez, je crois que le principe démocratique de consultation d'un peuple, ne doit pas souffrir d'un affaiblissement. Le peuple français a été consulté une fois...
Philippe Dessaint - Il a dit : non.
Ségolène Royal - Il a dit « non » ; il n'a pas dit « non » à l'Europe, il a dit « non » à une Europe qui ne nous protège pas assez. Il a dit « non » à une Europe qui ne donne pas assez de garanties sur le progrès social...
Philippe Dessaint - Mais madame Royal, s'il y a un deuxième « non », l'Europe est bloquée pour dix ans.
Michaela Wiegel - Pourquoi vous voulez... dès maintenant, alors que vous auriez pu attendre les négociations justement pour voir si vous pouvez soumettre un véritable nouveau traité changé sur le plan social comme vous le réclamez, aux Français ?
Ségolène Royal - Mais comme je l'ai dit à madame Merkel, je pars du principe que nous allons réussir, nous allons réussir ensemble. Parce que nous nous sommes entendues sur une idée qui est celle de relancer d'abord l'Europe par la preuve et d'ailleurs madame Merkel a fait des propositions très importantes ; l'actuel gouvernement français a longtemps résisté. Je veux parler des énergies renouvelables, elle était assez d'ailleurs contrariée d'avoir dû attendre aussi longtemps l'accord des Français. Si j'avais été en situation, je lui aurais donné immédiatement mon accord et l'Europe n'aurait pas pris de retard sur la préparation de l'après pétrole. Donc je crois que si nous nous entendons sur les grands objectifs de l'Europe, l'Europe de la recherche, l'Europe de l'enseignement supérieur, l'Europe de l'écologie, l'Europe de la préparation des défis du futur et sur l'idée que si nous faisons l'Europe ça n'est pas pour nous tirer vers le bas, ce n'est pas nous faire concurrence entre nous à partir des plus bas salaires, ce n'est pas pour délocaliser les activités à l'intérieur même de l'Europe et donc par exemple l'idée de supprimer les fonds structurels aux entreprises qui délocalisent à l'intérieur de l'Europe, je pense que nous pouvons nous entendre sur ces règles ; et dès lors que nous avons une même vision du progrès, de la personne humaine et de la nécessité pour les entreprises d'être performantes sans sacrifier les salariés ; je pense que nous pouvons nous entendre et que l'Allemagne d'ailleurs est exemplaire dans bien des endroits sur le plan du dialogue social, dans de nombreuses entreprises, la France a beaucoup à apprendre de la qualité du dialogue social en Allemagne et inversement, l'Allemagne peut regarder avec bienveillance et intérêt, par exemple, le fonctionnement des services publics en France ou de la protection sociale, ou du système de santé.
Michaela Wiegel - Et dans votre alliance avec Jean-Pierre Chevènement, c'est plutôt vous qui avez avalé le lion de Belfort que lui il vous a avalé.
Philippe Dessaint - Jean-Pierre Chevènement est en effet contre cette Europe-là.
Ségolène Royal - C'est un dépassement que j'ai accompli, puisque je suis la seule candidate à l'élection présidentielle, à être soutenue par des responsables politiques qui ont fait campagne pour le « oui » et d'autres qui ont fait campagne pour le « non ». Je suis la seule dans ce cas, donc mon devoir et mon plaisir aussi c'est de réussir ce dépassement ; de m'entendre avec l'Allemagne, avec Angela Merkel et je pense que si nous réussissons cela et je sais que nous réussirons parce que, pour répondre à votre question, nous avons un peu la même démarche d'une diplomatie pragmatique ; on peut très bien assurer la grandeur de la présence de chacun de nos pays, et en même temps, avoir une démarche pragmatique qui a le soucis de l'efficacité et de la rapidité.
Philippe Dessaint - Alors autre regard depuis la Russie, Ségolène Royal également connue en Russie, et même on va voir pour quelle raison, peut-être préférée à ses challengers ou compétiteurs.
Vadim Glusker - Oui c'est vraiment dommage que vous venez de dire que vous alliez déjà en Allemagne que chez nous, parce que c'est vrai que chez nous, on vous aime beaucoup...
Ségolène Royal - Mais ce n'est pas loin, je pourrais peut-être prolonger mon voyage.
Vadim Glusker - Voilà, on vous aime vraiment beaucoup et c'est vrai que même la position du Kremlin, on peut parler de ça, que honnêtement le Kremlin vous préfère à monsieur Sarkozy et je peux vous expliquer, juste pour une simple raison, que pour le Kremlin, la position de Sarkozy c'est plutôt très proaméricain, très atlantiste ; comment vous voyez actuellement les relations entre la Russie et la France et surtout, il ne faut pas oublier que les derniers temps, les relations entre monsieur Chirac et monsieur Poutine étaient très très amicales...
Philippe Dessaint - Etaient excellentes, on se souvient de la Légion d'Honneur. Donc il y a beaucoup de questions dans votre question, donc on vous apprécie au Kremlin, vous venez de l'entendre, mais quels seraient vos rapports avec la Russie ? Vous êtes critique par exemple sur la Tchétchénie, sur la démocratie à la russe ?
Ségolène Royal - D'abord la Russie est un très grand pays que les Français connaissent insuffisamment...
Vadim Glusker - Vous pensez ?
Ségolène Royal - ...avec une immense culture et je crois que nous devrons faire un travail en commun pour que les Français connaissent mieux la Russie. Je pense aussi, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, que la Russie fait partie de la civilisation européenne, et donc je veux renforcer les liens avec votre pays. Mais en disant aussi très clairement les choses, lorsqu'il faut les dire, nous les disons...
Philippe Dessaint - Comme sur la Tchétchénie ?
Ségolène Royal - Comme sur la Tchétchénie, comme sur l'assassinat d'une journaliste en pleine ville et ces choses-là doivent être dites parce que c'est en les disant aussi que nous pouvons faire évoluer les principes démocratiques et je crois que c'est en ayant des dialogues approfondis francs, comme d'ailleurs madame Merkel les a eus, que nous pouvons avancer ensembles. Mais je le répète, je considère que la Russie fait partie de cette zone d'influence européenne.
Vadim Glusker - Mais sur la question par exemple, énergétique, c'est vrai que ça fait un petit peu peur aux Européens, c'est vrai qu'il y a par exemple plein de pays comme la Pologne qui même utilisent le droit de veto ; ça ne vous fait pas peur cette puissance gaz pétrolière russe qui monte actuellement ?
Ségolène Royal - C'est une question en effet qui est soulevée, et donc là aussi, je crois que c'est dans un dialogue approfondi d'ailleurs que l'Europe a commencé, les Italiens par exemple sont à l'avant-garde de ce dialogue avec la Russie pour qu'il y est un équilibre énergétique et que l'énergie ne soit pas utilisée comme un rapport de force ou comme un outil de domination, car de toute façon la question énergétique doit être posée aujourd'hui dans le cadre du protocole de Kyoto et de la lutte contre le réchauffement planétaire et donc ces questions-là, je pense peuvent nous permettre aussi de converger vers des débats de fond sur l'avenir de l'humanité et sur le bien être de nos peuples.
Vadim Glusker - Vous avez bien dit que vous voyez bien la Russie donc dedans, un petit peu en Europe, plutôt donc vous êtes partagée, vous êtes d'accord un petit peu avec de Gaulle qui a dit « l'Europe de l'Atlantique à l'Oural », mais selon vous, honnêtement vous préférez plutôt la Turquie en Europe ou la Russie en Europe ? Entre ces deux, entre nous deux, vous préférez qui ?
Ségolène Royal - Le processus n'est pas enclenché au même rythme entre ces deux pays donc il y a déjà des procédures qui sont engagées avec la Turquie, vous le savez, et en même temps, aujourd'hui je pense que l'Europe doit faire une pause. Elle doit faire une pause, mais ça n'empêche pas de nouer des relations privilégiées avec tel ou tel pays, et de nouer surtout des projets communs, je crois qu'aujourd'hui la diplomatie nouvelle telle qu'elle doit se lever, doit s'appuyer sur des projets et je crois que c'est en abordant les questions de cette façon là, on peut surmonter bien des blocages, bien des suspicions, bien des arrière-pensées, bien des malentendus et sur les questions énergétiques que vous évoquiez à l'instant, sur les questions aussi de recherche scientifique, sur les questions avec les échanges par exemple dans le domaine des technologies médicales avec la Russie, je crois que nous pouvons construire en commun des choses et nouer ensuite des partenariats privilégiés. Je pense également bien évidemment aux échanges d'étudiants, aux échanges culturels et donc je crois que cette influence européenne au sens large que j'évoquais tout à l'heure, me tient beaucoup à coeur.
Philippe Dessaint - Nous voici rassurés. On va parler de l'Afrique dans un instant. Je voudrais néanmoins puisqu'on parlait de l'énergie, revenir sur l'annonce faite aujourd'hui par l'Iran de sa capacité à produire de façon industrielle, c'est ce que dit en tout cas le président iranien, de produire donc du plutonium enrichi. Vous êtes présidente de la République, quelles consignes donnez-vous à votre ambassadeur à l'ONU pour des sanctions amplifiées ? Que feriez-vous ?
Ségolène Royal - D'abord ces sanctions déjà, il y a déjà eu deux étapes du Conseil de sécurité...
Philippe Dessaint - Bien sûr, mais il faut aller plus loin dans ce cadre-là ?
Ségolène Royal - Alors je crois qu'il faut mettre ce pays devant ses responsabilités, je voudrais d'ailleurs rappeler que j'ai été la première à lever ce tabou souvenez-vous à l'époque...
Philippe Dessaint - Sur le nucléaire civil.
Ségolène Royal - Sur le nucléaire civil iranien. Voilà, tout le monde s'est élevé contre mes propos à l'époque, j'observe que le déroulement des faits aujourd'hui m'a donné raison. C'est-à-dire qu'on ne peut pas, le traité de non-prolifération nucléaire c'est du donnant-donnant, c'est-à-dire qu'on permet à un pays d'accéder au nucléaire civil, à condition qu'il accepte les opérations de contrôles, les inspections de l'agence de Vienne. Et donc il faut impérativement obtenir de ce pays qu'il accepte les inspections et qu'il respecte le traité de non-prolifération, sinon en effet, il va falloir monter d'un cran dans les sanctions. Mais j'observe qu'il y a un débat à l'intérieur de l'Iran et c'est cela aussi qui est intéressant ; il y a une forme d'opinion publique si j'ose dire ou d'autres dirigeants qui ont le sentiment que les décisions actuelles ne vont pas forcément dans le bon sens. Donc je crois qu'il faut déployer un effort intense diplomatique, la Russie a fait des propositions d'ailleurs, tout à fait censées, pour fournir l'uranium enrichi à l'Iran, ce qui permettrait d'empêcher l'Iran d'accéder aux technologies de l'enrichissement de l'uranium puisque l'on sait bien, comme je l'ai dit, comme j'ai été la première à le dire, que le passage de l'enrichissement à des fins civiles vers l'enrichissement à des fins militaires, ensuite, ne pouvaient plus être arrêtées dès lors que les technologies étaient maîtrisées. Donc moi qui ait eu, en tant que ministre de l'Environnement justement à contrôler toutes les opérations de la sécurité nucléaire, je sais parfaitement que ce seuil peut être franchi, dans un délai bien sûr de quelques années, mais peut-on tolérer d'un pays qui a remis en cause la réalité de l'Etat d'Israël, de poursuivre ainsi son avancée ? C'est extrêmement grave et je crois que la communauté internationale doit se mobiliser toute entière.
Philippe Dessaint - Je voudrais naturellement que l'on parle sur TV5Monde naturellement, que l'on parle de la situation en Afrique. Je voudrais que l'on revienne sur l'un des drames qui se vit actuellement, il s'agit du Darfour et on ne pourra pas dire, « on ne savait pas », avec peut-être plus de 200.000 morts, deux millions de déplacés et avec aussi une démocratie de l'opinion, puisque vous allez voir, c'est un acteur américain, George CLOONEY, qui est allé sur place, vous nous direz là encore si ce n'est pas le rôle bien sûr des politiques, que d'agir de façon plus visible.
/// Reportage au Darfour ///
Philippe Dessaint - Alors je voudrais vous présenter Denise Epote-Durand qui est directrice de TV5Afrique, qui présente de nombreuses émissions sur cette chaîne, nous allons parler des rapports entre la France et l'Afrique, en quelques mots, que feriez vous si vous étiez président de la République à propos de la situation intolérable du Darfour ?
Ségolène Royal - C'est très clair. D'abord je trouve que ce drame humain, en face duquel il y a une forme de mollesse diplomatique, est totalement intolérable, vous l'avez dit, 300.000 victimes, deux millions de déplacés et une espèce d'indifférence diplomatique, pourquoi ? parce qu'il y aurait du pétrole dans le sous-sol. On ne ferait pas ce qu'il faut sur le Soudan et notamment également sur la Chine ? Je crois qu'il faut que le Conseil de sécurité se saisisse de ce sujet, là aussi, mette en place des sanctions, qu'il y ait des corridors humanitaires, que l'on utilise aussi les moyens diplomatiques sur la Chine, l'échéance des jeux olympiques aussi, il faut le demander...
Philippe Dessaint - Il faut les boycotter ?
Ségolène Royal - Peut-être pas, boycotter... parce que annoncer le boycott maintenant, c'est supposé que nous allons échouer dans ce rapport de force, mais en tout cas il y a cette échéance, il est impensable d'aller faire comme si de rien n'était des jeux olympiques en Chine si d'ici là, il ne se passe rien pour sauver les populations du Darfour.
Philippe Dessaint - Alors Denise, vos questions ?
Denise Epote-Durand - Est-ce que face à l'entêtement du président Al Bachire, le devoir d'ingérence ne s'impose pas aujourd'hui pour imposer ces 20.000 casques bleus sur son territoire ?
Ségolène Royal - Mais il y a un devoir d'ingérence bien sûr, il faut que la communauté internationale s'en saisisse, je souhaite que la France, au Conseil de sécurité, puisse faire des propositions en ce sens, ce qui n'est pas encore le cas. Je souhaite aussi qu'il y ait une dimension européenne qui se dresse face à cette question ; voilà des sujets à l'égard desquels l'Europe pourrait exister sur le plan diplomatique en parlant d'une même voix. Et en tout cas, c'est cela que je ferais.
Denise Epote-Durand - Alors je voudrais parler de la relation Afrique - France, vous avez déclaré récemment que la France en tant que puissance coloniale avait bien profité de l'Afrique, et qu'en retour, elle lui devait beaucoup. Quelle pourrait être l'évolution que connaîtrait la relation Afrique - France, au lendemain du 6 mai si vous étiez élue ?
Philippe Dessaint - Oui et je complète la question de Denise, nous recevons un courriel par exemple du Sénégal, puisque vous êtes née au Sénégal et que vous connaissez bien l'Afrique.
Ségolène Royal - Et je me sens très proche en effet de l'Afrique.
Philippe Dessaint - Alors y aurait-il une autre relation dans ce qu'on appelle le France - Afrique ?
Ségolène Royal - Bien sûr.
Philippe Dessaint - Qu'est-ce qu'il faut changer ?
Ségolène Royal - Il faut changer de fond en comble les politiques de coopération, il faut faire du co-développement et là aussi je souhaite que...
Philippe Dessaint - Mais tout le monde parle de co-développement.
Ségolène Royal - Non, tout le monde répète le mot co-développement, mais j'ai été la première là aussi à parler de co-développement et j'ai entendu ensuite les autres candidats répéter ce mot sans même comprendre ce qu'il voulait dire, parce qu'un certain nombre de ces candidats sont aux responsabilités, sont au pouvoir et n'ont rien changé dans la relation franco-africaine. Et quand je vois la façon dont les fonds sont mal utilisés, sont détournés, sont gaspillés ou ne vont pas sur les projets souhaités par les Africains eux-mêmes, qu'est-ce que ça veut dire le co-développement ? ça veut dire que les projets sont décidés en commun avec les pays qui donnent et les pays qui reçoivent. Et je considère qu'une partie de l'avenir de la France se joue en Afrique, que l'Afrique souffre aussi du dérèglement du commerce mondial, ne parvient pas à faire émerger son agriculture, donc il faut aussi d'autres règles pour que l'agriculture africaine puisse émerger, pour que l'Afrique soit équipée en énergie renouvelable. Je me suis rendue à Dakar, je suis allée voir dans ce village d'où partent les pirogues avec des jeunes qui se noient en mer ; j'ai vu toutes ces femmes, toutes ces mères de famille qui attendent que les micro crédits arrivent pour développer des activités ; je suis scandalisée...
Philippe Dessaint - Justement, pardon de vous interrompre...
Ségolène Royal - ... aucune maison n'est équipée d'énergie solaire, aucune école n'est équipée d'énergie solaire. Donc qu'ont fait les pays riches par rapport à la définition des choix de co-développement...
Philippe Dessaint - Justement, laissez-moi vous poser cette question justement : comment envisagez-vous de lutter contre la pauvreté en Afrique et la confiscation du pouvoir et de l'argent, par certains chefs d'Etat ? Est-ce qu'il y aurait, est-ce que vous subordonnez par exemple, l'aide économique à ce qu'on peut appeler la bonne gouvernance ?
Ségolène Royal - Je vais surtout de la coopération décentralisée. Parce que c'est comme ça que ça marche et qu'on met en place des circuits courts ; c'est-à-dire des aides de ville à ville, de région à région, d'inter région en inter région et bien sûr des aides d'Etat - Etat qui devront continuer à être maintenues, mais en même temps avec une évaluation de l'utilisation de ces fonds, dans l'intérêt même des populations. Et puis je cesse les compétitions entre pays européens en Afrique, parce que...
Denise Epote-Durand - Mais est-ce que l'offensive chinoise justement en Afrique aujourd'hui, ne vous contraint pas, ne contraint pas la France, à repenser sa coopération avec l'Afrique ?
Ségolène Royal - Je crois que la principale préoccupation ce n'est pas l'offensive chinoise, c'est tout simplement le fait que l'avenir de la planète ne peut pas se concevoir sans le développement du continent africain et que la question des migrations de la misère est aussi étroitement liée à la capacité que nous avons à réduire les écarts entre pays du Nord et pays du Sud. Et que l'Europe est tournée vers l'Afrique et que le dialogue entre l'Europe et l'Afrique est absolument indispensable puisqu'une partie de notre avenir se joue dans la capacité que nous aurons à nouer ce dialogue ; et cela veut dire en effet, que si nous ne faisons pas cela, c'est la Chine qui prendra la place avec des conditions et des critères qui ne sont pas les nôtres.
Philippe Dessaint - Alors je voudrais vous proposer maintenant la dernière rubrique dans cette émission, vous allez voir que ça va vous parler également, il s'agit de la rubrique des blogs puisque là aussi, vous avez de façon très anticipée, mis en place, comment on dit, « la blogosphère », c'était ça ?
Ségolène Royal - La blogosphère.
Philippe Dessaint - La blogosphère. Alors je vous propose donc de voir cette rubrique. Avec Isabelle Mourgère, alors quelle moisson avez-vous faite sur les sites, sur les blogs cette semaine ?
Isabelle Mourgère - Alors écoutez Philippe, une fois n'est pas coutume, nous sommes trois femmes sur ce plateau, donc cette semaine le ton de cette rubrique sera résolument, comment dire, eh bien féministe. Alors c'est une évidence, que ce soit en politique ou dans d'autres domaines, les femmes ont encore du mal à faire leur place et cela n'a pas échappé aux Internautes. Alors pour commencer sur un ton un petit peu léger, cette photo montage avec un slogan : « Avec Ségolène, eh bien déclarons la guerre aux machos ». Alors un ton peut-être léger pour commencer, mais le débat est beaucoup plus sérieux...
Ségolène Royal - Je ne suis pas pour la guerre, je vous rassure, je suis pour les convaincre.
Philippe Dessaint - Voilà, de faire leur part de boulot à la maison.
Ségolène Royal - Pour les convaincre aussi de voter pour une femme.
Isabelle Mourgère - Alors justement ce débat-là est très sérieux, à tel point qu'il a inquiété une blogueuse française qui vit en Suède depuis plus dix ans, elle reprend un article en une d'un journal suédois qui titrait : mais qui va garder les gosses ? Alors elle répond « évidemment, les réflexions de certains quant aux compétences et à la capacité d'une femme à être présidente, confirment ce que les Suédois pensent de la politique française en général, je la cite, un truc poussiéreux et macho à souhait, loin des électeurs. Alors heureusement ...
Ségolène Royal - C'est pour cela qu'il y a une occasion exceptionnelle de sortir de cette image surannée...
Philippe Dessaint - ... pour vous voilà, on avait bien compris.
Ségolène Royal - Voilà.
Denise Epote-Durand - Eh bien justement madame Royal, il y a certain pays qui ne sont pas machos, exemple : la Belgique. C'est un magazine belge qui s'appelle Juliette et Victor et c'est le site « Ségolène 2007 » qui a repris ce sondage effectué par ce magazine, une enquête selon laquelle 43% des Belges voteraient pour vous, contre 29% à Nicolas Sarkozy...
Philippe Dessaint - Donc vous seriez élue en Belgique !
Ségolène Royal - Voilà, c'est parfait.
Denise Epote-Durand - Voilà, la candidate socialiste séduirait plus...
Philippe Dessaint - Déjà en Chine pour les Français expatriés, en Belgique, allez-y poursuivez.
Denise Epote-Durand - Et ce sont les Belges qui voteraient...
Ségolène Royal - En Russie tout à l'heure, vous l'avez entendu, et en Allemagne, c'est pas mal non plus.
Denise Epote-Durand - Alors vous séduiriez plus l'électorat masculin que l'électorat féminin et plus les Flamands que les Wallons francophones, à méditer également. Alors une femme présidente, une femme à l'Elysée, une femme à la Maison Blanche, tout est désormais possible selon Clémentine, une blogueuse qui est étudiante journaliste à New York, elle a demandé à un confrère du New York Times de dresser un portrait croisé entre Ségolène Royal et Hillary Clinton, alors selon ce journaliste : Hillary est beaucoup plus au point que Ségolène sur les questions politiques....
Ségolène Royal - Vous voyez qu'il n'y a pas que des fleurs dans cette revue des blogs...
Denise Epote-Durand - Je continue de citer le journaliste, il ne serait jamais venu à l'esprit de l'ex Première dame des Etats-Unis, de se présenter comme la candidate des problèmes de la famille et du quotidien, comme l'a fait la candidate française.
Philippe Dessaint - Alors, c'est injuste cette... non ?
Ségolène Royal - Oui, heureusement je n'ai pas fait que cela, d'abord vous l'avez vu à l'instant puisque je suis aussi la candidate pour que la France rayonne dans le monde, reprenne sa place en Europe et donne de l'image de notre pays, une image neuve, une France qui a à nouveau confiance en elle, qui a un message universel à porter au monde, mais qui est aussi à l'écoute des autres pays et qui est là avec nos valeurs fondamentales de liberté, d'égalité, de fraternité qui ont fait le tour de la planète pour les mettre justement au service du bien commun et du progrès commun.
Philippe Dessaint - Merci Ségolène Royal. Je montre le titre de votre livre « Ségolène Royal maintenant », ce livre programme que vous sortez. Merci d'être venu sans personne sur le plateau de TV5Monde pour à nouveau parler à ces deux millions de Français expatriés, à la presse internationale et donc d'avoir pu, de cette façon, traiter avant la grande réunion que vous avez demain, sur notamment la dimension internationale, de pouvoir en débattre avec nous. Merci Ségolène Royal.
Ségolène Royal - Merci.