Texte intégral
1/ Salaires, pouvoir d'achat, accès au logement
Le sujet du pouvoir d'achat illustre le décalage qui existe entre les citoyens et le pouvoir. D'un côté, les dirigeants, relayant les statistiques officielles, affirment que le pouvoir d'achat augmente, alors que les Français vivent une réalité inverse.
Pour relancer le pouvoir d'achat, je propose deux mesures d'application immédiate : la rémunération des heures supplémentaires et l'encouragement au partage des bénéfices.
Afin de donner vraiment du pouvoir d'achat aux salariés qui veulent et peuvent travailler davantage, l'heure supplémentaire sera rémunérée 35% de plus que l'heure normale. Et pour ne pas pénaliser les entreprises, le texte prévoira que cette rémunération supplémentaire viendra en diminution des charges sociales, neutralisant ainsi son coût pour l'entreprise.
Par ailleurs, je veux accélérer la possibilité pour les salariés de bénéficier des mécanismes d'intéressement, de participation et d'épargne salariale plus rapidement qu'aujourd'hui. Je demanderai au Parlement de voter deux mesures : structurelle, qui tiendrait dans la réduction du délai de déblocage des fonds (5 ans actuellement) et conjoncturelle, d'application très rapide, qui tendrait à débloquer pendant une durée limitée (jusqu'au 31 décembre 2007 par exemple) les fonds concernés.
Dans le même ordre d'idée, nous devrons réfléchir à l'extension du champ d'application et des conditions d'accès à l'intéressement, à la participation et à l'épargne salariale.
Dans tous les cas, ces dispositions seront naturellement précédées d'une consultation des partenaires sociaux.
En ce qui concerne le logement, je propose d'agir pour les locataires, à travers le remplacement des cautions et des dépôts de garantie par un mécanisme d'assurance, qui ne coûtera que quelques euros par mois, et pour l'accès à la propriété. Sur ce point, tout le monde voit bien qu'il est effectivement devenu très difficile d'acheter. On s'endette parfois jusqu'à trente ans. Le problème principal est le manque de foncier constructible. Il faut débloquer le système, en libérant le foncier disponible, y compris certains terrains appartenant à l'État. Et puis je propose une stratégie pour un meilleur usage du parc de logements du marché immobilier : régionalisation de l'aide à la pierre pour un meilleur ciblage, modulation des loyers dans le parc social, respect de la loi SRU sur le logement social, garanties mutuelles... Un marché immobilier qui fonctionne mieux, plus fluide, ce sont des prix qui baissent.
Par ailleurs, je propose que tout programme immobilier comprenne au moins 25% de sa surface en logements sociaux : cette réglementation devrait être plus efficaces que les dispositions actuelles non seulement pour que soit construit du logement social, mais aussi pour stimuler la construction dans son ensemble. Enfin, la loi SRU devra être appliquée : je propose que les préfets exercent, temporairement, les compétences sur le permis de construire dans les communes rétives à toute construction de logements sociaux.
2 / L'impôt sur le revenu et la fiscalité des individus
Dans la situation où est le budget de l'État, priorité doit désormais être donnée à la réduction des déficits. Le niveau des prélèvements obligatoires ne peut plus être augmenté, il n'est pas non plus possible à court terme de le réduire.
Sur le prélèvement à la source, il est certain que la mise en oeuvre de cette mesure poserait de délicats problèmes de confidentialité. Le rapport Bébéar, Viricelle et Auvigne apporte des éléments sur la faisabilité technique de la retenue à la source, mais sans répondre aux questions de fond, notamment la confidentialité et la charge que cela transfère aux employeurs.
Votre analyse selon laquelle la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG accroîtrait la progressivité de l'impôt est fondée. Je pense qu'il ne serait pas acceptable d'accroître encore le niveau de taxation des revenus de travail des classes moyennes. Le caractère proportionnel de la CSG a été jusqu'ici parfaitement compris et accepté, venant en complément d'un impôt sur le revenu progressif, et cette distinction me semble garder son sens.
3 / Politique de formation et d'emploi
Pour être plus performant, notre système de formation doit être doté de moyens adaptés. Cela demande un accord durable, trans-partisan, pour investir sur l'enseignement supérieur : je prévois de porter l'investissement par étudiant en université, au niveau de la moyenne des pays performants de l'OCDE - ce qui signifie un objectif de doublement en dix ans.
Un effort budgétaire similaire devra également être investi en faveur de la recherche. Le budget sera augmenté de 5% par an pendant 10 ans. D'autres mesures me paraissent indispensables : rapprocher universités et grandes écoles, permettre des allers-retours entre ces deux cursus, pour que la recherche devienne une formation vers les responsabilités dans l'entreprise ; revalorisation des grilles salariales des chercheurs ; exonérer d'impôt sur le revenu les droits liés aux brevets pour encourager les chercheurs à rester ou à venir s'installer en France ...
Vous me demandez si et comment nous devons spécialiser la France et l'Europe sur certains secteurs. Les nanotechnologies, les biocarburants, les réseaux sécurisés à haut débit... font partie de ces secteurs sur lesquels - c'est l'avis général - nous devons investir bien plus fortement dans la recherche et l'appui à l'innovation industrielle, en coordination avec nos partenaires européens.
Vous me demandez quel doit être le rôle de l'État en matière de développement économique et de régulation des effets de la mondialisation.
L'État conserve aujourd'hui des leviers décisifs dans ces domaines. Je ne crois pas à l'idée d'un déclin de la politique industrielle : je pense que nous devons réinventer cette politique. L'intervention de l'État doit contribuer à ce que des activités économiquement viables, ne soient pas sacrifiées à des intérêts financiers de très court terme.
La politique économique a longtemps été conçue pour, si ce n'est par, les grandes entreprises et leurs cadres dirigeants. Je prévois de la réorienter vers le soutien aux PME. Les deux tiers des créations nettes d'emplois sont aujourd'hui le fait d'entreprises de moins de 20 salariés. Or, l'aide publique à l'innovation industrielle est aujourd'hui concentrée sur les grands groupes.
Je propose donc de recentrer nos dispositifs d'aide à l'innovation industrielle sur les PME, selon une logique analogue à celle qui a inspiré le Small Business Act aux Etats-Unis. Le fonctionnement des pôles de compétitivité doit être simplifié pour qu'ils répondent pleinement à leur vocation : la rencontre entre chercheurs et entrepreneurs, en particulier les PME innovantes.
4 / L'évolution du droit du travail et de l'assurance-chômage
Toutes les organisations syndicales que j'ai rencontrées jusqu'ici, organisations patronales et organisations syndicales, se sont dites «intéressées par le modèle scandinave de flexi-sécurité». On doit en effet imaginer que désormais, les garanties de sécurité apportées aux salariés ne soient plus seulement «dans» l'entreprise ; que l'on puisse exercer le contrat de travail, soit dans le cadre d'un réseau d'entreprises, soit en pouvant bénéficier des avantages de formation que l'on aurait acquis au travers de son contrat de travail.
Derrière cette idée, il y a au fond, une plus grande responsabilité de la société dans son ensemble quant au risque d'une séparation, temporaire ou définitive, entre salariés et entreprises. Loin de précariser l'entreprise ou le salarié, la société apporte un environnement professionnel plus sûr à l'une et à l'autre.
C'est un projet sur lequel je demanderai aux partenaires sociaux, qui en discutent déjà, des propositions précises. Et plus généralement, je propose que soit inscrite dans la Constitution l'obligation de consulter les partenaires sociaux avant toute réforme du droit du travail. De même, je propose qu'un délai suffisant soit prévu entre le dépôt d'un projet de loi et son examen par le Parlement, afin que le débat s'installe dans le pays.
5 / L'avenir notre système de protection sociale.
Je suis comme vous profondément attaché au principe de solidarité sur lequel repose aujourd'hui notre protection sociale. Ce principe doit être, avec celui d'équité, au coeur de toute réflexion sur l'évolution du système.
Le financement de la protection sociale pèse trop lourdement, aujourd'hui, sur le travail. Je propose que nous réfléchissions au transfert du financement de la protection sociale, en partie significative, vers d'autres marqueurs de l'activité économique. Je me suis engagé sur la fiscalité environnementale (taxe carbone), mais celle-ci sera appliquée progressivement sur une durée de l'ordre de 15 ans. La TVA sociale est une idée intéressante, et j'ai noté avec intérêt que la hausse de 3 points de TVA n'a déclenché en Allemagne aucune inflation supplémentaire depuis janvier. La hausse de la CSG (ou la suppression de certaines « niches sociales ») a également été évoquée.
Je partage enfin vos préoccupations concernant la prise en charge des accidents du travail, la prévention au travail et la nécessité de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.
6 / Le dialogue social et la représentativité.
La désyndicalisation progressive des salariés français à laquelle nous assistons depuis trente ans me paraît extrêmement préoccupante. En fragilisant les syndicats, elle affaiblit dangereusement le dialogue social et la concertation.
Dans cette perspective, j'ai été très intéressé par votre idée d'un contrat d'engagement social, qui permettrait la reconnaissance du fait syndical et la valorisation de l'engagement syndical.
Je ne suis en revanche pas favorable à l'idée de réserver le bénéfice des accords d'entreprise aux seuls adhérents des organisations syndicales : le principe de liberté syndicale comporte également la liberté de ne pas se syndiquer, et les salariés qui font ce choix ne doivent pas être pénalisés par rapport à leurs collègues.
Concernant enfin le retard pris dans la publication des décrets d'application de la loi du 17 janvier 2002, je vois dans cette situation une illustration, parmi tant d'autres hélas, d'une pratique administrative qui bafoue la séparation des pouvoirs en faisant obstacle à la mise en oeuvre des lois votées par le Parlement. Si je suis élu à la Présidence de la République, je souhaite que tous les décrets d'application non publiés le soient dans un délai d'un an.
7 / La place de la France dans le monde.
Concernant la Constitution européenne, la décision prise par les Français, par référendum, ne saurait être contredite dans leur dos par leurs représentants. Un nouveau texte ne pourra donc être adopté que par voie de référendum.
Je souhaite que ce texte, simple, lisible, compréhensible par tous, devra dire ce que nous sommes, pourquoi nous sommes ensemble et ce à quoi nous croyons.
Je souhaite que s'édifie une politique économique européenne, extérieure et intérieure, notamment évidemment dans la zone euro.
La coordination des politiques économiques nationales est insuffisante. A côté de la Banque centrale européenne, il une politique économique européenne : une politique extérieure face aux déséquilibres environnementaux et monétaires, et une politique intérieure pour arrêter le dumping fiscal à l'intérieur même de la zone euro ... Nous devons réfléchir sérieusement à l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés et à la fiscalité écologique. Il ne s'agit pas d'avoir le même impôt partout, mais de se donner un cadre commun, un «serpent fiscal» comme il y a eu un «serpent monétaire».
L'attractivité de la France existe heureusement encore. Notre territoire, sa position géographique, et aussi notre «art de vivre», restent appréciés dans les décisions d'implantation. Mais la complexité administrative, l'instabilité réglementaire, le poids de la dette publique sont autant de freins. Il faut lever ces freins et investir dans notre système de formation, dans nos infrastructures et dans nos services publics.Source http://www.cfecgc.org, le 6 avril 2007