Lettre de M. Lionel Jospin, Premier ministre, en date du 24 février 1999, sur l'action du gouvernement en faveur du cinéma.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réponse à une lettre collective de professionnels du cinéma à propos de la condamnation de Canal plus, le 23 décembre 1998 par le Conseil de la concurrence saisi par TPS, sur son exclusivité des droits de diffusion de films

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Jai pris connaissance avec intérêt de votre lettre du 18 février 1999 dans laquelle vous me faites part du sentiment quaurait le cinéma français dêtre abandonné.
Comme tout sentiment, celui-ci mérite dêtre écouté et analysé. Il ne mapparaît cependant pas justifié.
Pour porter votre appréciation, vous vous référez à la décision du Conseil de la concurrence relative au litige opposant les opérateurs de TPS et de Canal Plus.
Vous savez, jen suis sûr, que le Conseil de la concurrence est un organisme indépendant. Quant à la Cour dappel de Paris, qui sest prononcée sur le sursis et doit bientôt se prononcer au fond, elle relève de lautorité judiciaire. Je ne peux pas imaginer que les signataires de la lettre aient songé que le Gouvernement pourrait intervenir dans le fonctionnement de la justice. Je vous rappelle que cest ce Gouvernement qui a décidé que plus aucune instruction ne serait donnée au Parquet dans les affaires individuelles. Il ne saurait être question de déroger cette position. En revanche, chaque fois quil a été consulté pour avis sur les sujets que vous évoquez, et notamment au Conseil de la concurrence, le Gouvernement, par ses représentants, a fait clairement connaître sa position sur le maintien dune période dexclusivité. Il le fera devant la Cour dappel.
Sur le fond, le Gouvernement continue de défendre lexception culturelle. Il ne la pas méconnue quand il sest agi de dire - comme vous le marquez vous-même - non à lAMI. Il ne la méconnaît pas non plus lorsquil sagit de protéger à lintérieur de nos frontières les cinémas français et européen.
Jai eu loccasion de le rappeler récemment lorsque jai reçu certains dentre vous à loccasion des 50 ans dUnifrance. Nous restons très attachés au système daides au cinéma et nous savons le rôle majeur que jouent dans ce système les télévisions, au premier rang desquelles figure Canal Plus.
Jai rappelé à cette occasion que « parce que le cinéma nest pas un secteur comme un autre, parce que nous restons opposés à une analyse purement marchande de la culture, nous pensons quune régulation reste plus que jamais nécessaire ». Jai indiqué quil convenait dune part de ne pas déstabiliser un système qui a jusquà présent profité à tous et que dautre part, limplication de lEtat restait déterminante. Mais lEtat ne saurait négocier à la place des différentes parties prenantes aux discussions. Il doit simplement accompagner ces discussions et les faciliter. Il prendra le moment venu les mesures qui sont de son ressort pour assurer la bonne mise ne oeuvre des accords qui auront été conclus.
Je fais pleinement confiance à la Ministre de la Culture et de la Communication pour exprimer, comme elle la déjà fait par le passé, la position du Gouvernement dans ce domaine et la traduire dans les faits. Je sais que la réunion quelle a tenue le 23 février avec les professionnels du cinéma a été à cet égard particulièrement riche et intéressante.
Je crois que seul un dialogue approfondi, sachant éviter les procès dintention, permettra davancer sur ces dossiers. Certes, ils sont difficiles mais je me réjouis de constater que les principes qui nous guident sont communs.
Je vous prie de croire, Mesdames, Messieurs, à lassurance de mes sentiments les meilleurs.

(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr)