Texte intégral
Monsieur le Haut Commissaire,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis de me trouver aujourd'hui parmi vous au côté de Martin Hirsch, Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, avec lequel je souhaite mobiliser toutes les énergies contre la pauvreté et toutes les formes d'exclusions.
Je tiens avant tout à remercier Bernard Seillier, sénateur de l'Aveyron, qui a accepté de présider ce Conseil pour un second mandat.
Je salue d'abord le travail qu'il a accompli comme Président, depuis fin 2002. Je salue aussi son action de parlementaire. Nous avons été au Parlement, dans nos chambres respectives, rapporteurs de la loi sur le RMA en 2003 et, plus récemment, de la loi sur le droit au logement opposable.
La lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale est un sujet qui me tient le plus à coeur dans mon ministère.
Comment aider les plus démunis, les plus pauvres ?
Je crois avant tout qu'on est « pauvre » dans le regard de l'autre.
C'est pourquoi nous devons changer de regard sur ceux que l'on appelle ... les « exclus ». Ce doit être l'affaire du pays tout entier. Il s'agit de prendre conscience qu'humainement, socialement, il n'est plus possible de laisser des gens au ban de notre société.
En cela, la lutte contre l'Exclusion sociale et la Pauvreté est un sujet politique majeur.
Nous ressentons tous, dans la population, une forme de démobilisation généralisée, une désaffection émotionnelle vis à vis des plus pauvres.
Ces derniers peuvent bien souffrir, un mur invisible, aussi étanche qu'une vitre d'aquarium semble les séparer du reste de la communauté humaine. Ils survivent tant bien que mal sous notre oeil apathique dans le « ghetto » de l'exclusion. La séparation et la relégation prévalent. En cela, le terme même d'exclus me déplaît. Je le trouve lourd de conséquences, d'enfermements...
Comment expliquer notre indifférence face à tant d'hommes et de femmes qui ont perdu leur foyer, c'est-à-dire pour reprendre l'expression d'Hannah Arendt, « la familiarité de la vie quotidienne »; qui n'ont pas de profession, c'est-à-dire, pas le plus petit sentiment « d'être de quelque utilité dans ce monde ».
Qu'avons-nous fait de l'égalité ontologique des êtres humains que nous proclamons à tout va ?
Il est vrai que la pauvreté ronge notre pays depuis bientôt 25 ans. On peut comprendre que, pour beaucoup, elle soit désormais un fait, comme une donnée de la réalité qu'il n'est au pouvoir de personne de nier ou de changer.
Mais, faire à ce point l'impasse sur la misère qui règne dans notre pays - parce que c'est bien de « misère » dont il s'agit ! - n'est-ce pas aussi le moyen de nous épargner la fatigue ou le fardeau d'une remise en question.
La situation des plus pauvres nous en apprend beaucoup sur nous même, sur ce que nous sommes collectivement devenus :
. une société dans laquelle les repères les plus éminents se sont vidés de leur substance ;
. une société matérialiste dans laquelle la consommation, la performance, le corps et la beauté, sont devenus le lieu de tous les désirs et de toutes les angoisses.
. une société obligée de réfléchir à ce qu'est le « lien social » parce que, ce qui allait de soi hier, n'est plus une évidence.
. une société dans laquelle, comme le dirait Paul Thibaud, si « l'universalisme règne toujours dans les cieux, chacun sur terre fait de lui-même un absolu »;
Mesdames, messieurs,
Je pense avec Julia Kristéva, que « ce qui conditionne le lien démocratique, dans notre société si technicienne, si follement engagée dans la course à la performance, si attachée aux plus forts, ce n'est certes pas l'excellence d'autrui mais bien la connaissance et la reconnaissance de sa fragilité ».
La compétitivité, les résultats économiques sont naturellement des exigences incontournables pour les pays développés qui souhaitent préserver leurs acquis économiques et sociaux. Mais, si complètes que puissent être demain nos victoires sur ce terrain, nous n'aurons pas avancé d'un pouce - nous irons même au naufrage ! - si au milieu de l'évolution imposée par le monde moderne, nous ne parvenons pas à construire un ordre dans lequel la dignité de chacun est respectée.
Qu'il soit pauvre économiquement, qu'il soit pauvre affectivement, qu'il soit pauvre physiquement, qu'il soit pauvre mentalement ou intellectuellement, « Chaque humain sans exception - nous l'enseigne Emmanuel Lévinas - est un membre indispensable ainsi qu'une chance pour l'humanité »
Nous devons regarder comme tels ceux qui errent dans l'anonymat de nos villes.
Notre premier devoir est donc de briser des tabous et contribuer au changement des mentalités.
En venant ici, j'ai conscience de m'inscrire dans la continuité d'une histoire.
Depuis longtemps, l'Etat assure sa mission en venant au secours des plus démunis. Et l'Etat n'est pas seul dans cette tâche, il est aidé par les collectivités locales, les associations. C'est pourquoi, il est apparu nécessaire de créer en 1992 une instance rassemblant tous ces acteurs : le Conseil national sur la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
A vous tous qui avez fait le choix de consacrer votre temps et votre énergie à ceux qui en ont le plus besoin, je souhaite affirmer le soutien du gouvernement à vos travaux essentiels pour la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
En 15 d'existence, le CNLE a fait la preuve de son utilité. Trois exemples récents donneront un aperçu de l'énorme travail accompli.
. le Plan de renforcement de la lutte contre l'exclusion de 2003, destiné à rendre effectif l'accès aux droits des personnes en situation de précarité ou d'exclusion, en matière de logement et de santé et à
lutter contre l'illettrisme ;
. le Plan de cohésion sociale et la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, qui ont engagé une nouvelle politique de restauration du lien social en traitant enfin ensemble les grands problèmes de la société française qui jusque-là, étaient abordés de manière cloisonnée : l'emploi, le logement et l'égalité des chances.
. plus récemment, la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.
J'y reviendrai dans quelques instants.
Ces avancées sont importantes, mais ces avancées ne sont qu'une étape de plus.
Beaucoup reste encore à faire, pour combattre les nouvelles formes de pauvreté et d'exclusion. Aujourd'hui, la désaffiliation menace, en effet, des populations qui étaient encore récemment intégrées.
La pauvreté a de nouveaux visages :
- je pense, en premier lieu, à l'isolement, à la solitude, aux ruptures familiales, parce que le SDF, on le sait, est avant tout un « Sans Domicile Familial ». Vous le savez, j'ai rendu un rapport au Premier ministre en 2003, établissant le constat que l'isolement est aujourd'hui un risque universel, qui n'est pas réservé au marginal et qui peut toucher chacun d'entre nous ;
- je pense au phénomène des travailleurs pauvres : ceux pour qui le lien naturel travail-logement est rompu : les revenus de leur activité ne sont plus des garanties suffisantes pour les propriétaires de logement, qui ne veulent pas le leur louer ;
- enfin, je veux mentionner le problème d'insertion sociale et professionnelle des habitants des quartiers en difficulté, tout particulièrement les jeunes, qui dès la petite enfance accumulent des retards très difficilement rattrapables par la suite.
Parce que beaucoup reste à faire en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, il y a une nouvelle organisation gouvernementale.
Je voudrai profiter de cette rencontre pour vous la décrire :
Le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, M. Xavier Bertrand :
est chargé d'agir dans le domaine de l'action sociale, de la protection sociale et des solidarités envers les familles, les personnes âgées, les handicapés.
Le Président de la République a nommé auprès de lui, un secrétaire d'Etat en charge de la solidarité, Valérie Létard. Je salue d'ailleurs son arrivée qui va enrichir encore l'équipe de femmes au service de la cohésion sociale de notre pays.
Le Ministre du logement et de la ville, moi même
* prépare et met en oeuvre la politique du Gouvernement en matière de logement, de construction, de politique de la ville et de lutte contre la précarité et l'exclusion.
* élabore les règles relatives au logement social, à l'accès au logement et à la qualité de l'habitat.
* met en oeuvre une politique en faveur des quartiers en difficulté, notamment en matière de rénovation urbaine et de logement des populations en situation d'exclusion.
Mme Fadela Amara vient d'être nommée auprès de moi comme secrétaire d'état en charge de la politique de la ville. Je m'en félicite car je suis convaincue que nos différences peuvent s'additionner utilement. Je compte beaucoup sur elle pour m'aider dans l'action que j'entends mener contre l'exclusion dans nos cités.
Le Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, délégué auprès du Premier Ministre, M. Martin Hirsch, a en charge :
* l'expérimentation sur la réforme des minima sociaux, des contrats aidés, de l'incitation à la reprise d'activité,
* le programme de lutte contre la pauvreté.
Sur ces dossiers, Martin Hirsch travaillera en collaboration avec Christine LAGARDE, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ainsi qu'avec Xavier Bertrand et moi.
Cette nouvelle organisation gouvernementale a besoin de s'appuyer sur le CNLE. Voilà donc, ce que j'attends de vous.
Vous êtes une instance d'alerte sur les nouvelles formes de pauvreté. Ce rôle est à mes yeux essentiel. C'est sans doute le plus important.
Vous êtes ceux que l'on consulte avant, ceux qui veillent à l'efficacité des politiques pendant leur mise en oeuvre, et ceux qui plaident pour corriger le tir après, quand il le faut.
Vous êtes donc une instance privilégiée de dialogue entre nous, les pouvoirs publics, et tous les acteurs en charge de la lutte contre l'exclusion.
J'attends aussi de vous des enseignements sur les dérives de notre « société de l'avoir ». Je souhaite que vous nous rappeliez, sur la base des témoignages des personnes confrontées à l'exclusion, ce qui est vraiment essentiel dans une société et dans les relations entre les gens.
A cet égard, la composition de votre Conseil est votre premier atout avec :
. Les représentants de 8 ministères, dont le ministère de l'Intérieur.
. De nombreux élus. En tant que parlementaires ou en tant qu'élus locaux, ils apportent leur expérience de la déclinaison et de l'articulation des politiques publiques à tous les niveaux territoriaux. La participation des collectivités territoriales est d'autant plus déterminante que leurs compétences ont été renforcées par la loi d'août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
. Les représentants des associations qui interviennent dans le champ de la lutte contre les exclusions. Les 8 mouvements, réseaux et fédérations qui siègent au CNLE représentent le vaste mouvement associatif qui mène une action essentielle dans ce domaine. Ils sont nos vigies et nos éclaireurs et les mieux à même de nous proposer des réponses préventives. A l'heure de l'universalisation des droits sociaux et de l'individualisation des politiques sociales, leur expérience d'hommes et de femmes de terrain est irremplaçable pour prendre en compte les cas réels, les situations personnelles.
. Les personnes qualifiées, Mme Maria Nowak, présidente de l'ADIE -et M. Jean-Baptiste de Foucauld, président de Solidarités nouvelles face au chômage. Ces personnalités qui ont accepté de participer aux travaux du CNLE sont un atout pour l'enrichissement de la réflexion.
. Je salue aussi la participation des deux nouveaux collèges qui ont rejoint le CNLE en 2005, grâce au décret élargissant sa composition :
- les partenaires sociaux, qui y sont aujourd'hui tous représentés : acteurs sociaux autant qu'acteurs
économiques, ils ont toute leur place dans la définition des politiques, l'organisation de l'action sociale et son évaluation ;
- les organismes sociaux, sans lesquels ne pourraient être conduite une véritable politique de prévention.
. Et pour finir, les présidents des conseils et comités qui interviennent dans le domaine de la lutte contre les exclusions, et qui sont membres de droit du CNLE : Le Conseil économique et social, le Conseil national des villes, le Conseil national des missions locales, le Conseil national de l'insertion par l'activité économique, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, le Conseil national de l'habitat, l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Ils apportent au CNLE la richesse de leurs analyses et la pertinence de leurs propositions chacun dans son domaine spécifique.
Depuis un an vos moyens ont été renforcés avec le recrutement d'une Secrétaire générale uniquement dédiée à votre Conseil et l'installation de la Maison de la cohésion sociale rue Saint Georges. Votre proximité avec le Conseil national de l'insertion par l'activité économique et le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, vous permet dorénavant, de créer des synergies fructueuses sur des champs d'intervention communs. Vous avez multiplié les échanges entre vous. Enfin, le fait de partager des locaux avec la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, souligne clairement que la pauvreté commence dès qu'on n'est plus regardé comme personne humaine, dès qu'on est catégorisé.
Votre Conseil a adopté de nouvelles procédures de travail, notamment, avec la création de commissions techniques. Je voudrai à cet égard vous féliciter pour votre implication dans les travaux européens avec la mise en place d'un groupe de suivi de la mise en oeuvre de la stratégie française pour l'inclusion sociale.
Je ne doute pas que vous apporterez une contribution active à la préparation de la présidence française de l'Union européenne en 2008, où les sujets sociaux doivent avoir toute leur place.
Dans le cadre de ma mission ministérielle de lutte contre la pauvreté, je proposerai au Premier ministre la tenue d'un Comité interministériel de lutte contre les exclusions en 2008, comme cela avait été fait il y a deux ans, pour dégager des décisions concrètes et tracer de nouveaux objectifs pour l'avenir. Une réunion de ce Comité tous les deux ans me paraît nécessaire.
Pour que les décisions prises soient efficaces et tiennent compte de la réalité du terrain, je souhaite que ce Comité soit précédé d'une grande Conférence nationale de lutte contre l'exclusion, elle-même précédée de conférences territoriales de proximité.
Je souhaite que vous jouiez un rôle de premier plan dans la préparation de cette Conférence nationale.
Afin que les propositions des conférences territoriales et de la conférence nationale aient un impact sur les politiques portées par chacun des membres du gouvernement, je proposerai à mes collègues de s'investir personnellement en présidant des conférences territoriales thématiques.
Aujourd'hui je veux vous entretenir plus particulièrement de 4 sujets d'actualité :
- Le droit au logement opposable :
Au-delà des textes d'application de la loi du 5 mars 2007 dite loi DALO, des enjeux majeurs pour rendre effectif ce droit au logement pèsent sur l'Etat. Il s'agit d'abord d'augmenter l'offre de logements abordables. L'effort considérable accompli depuis deux ans par mon collègue Jean-Louis Borloo, dans le cadre du Plan de cohésion sociale, doit être non seulement poursuivi mais renforcé afin de pouvoir apporter une réponse quantitative et qualitative aux milliers de demandes de logements et d'hébergement que va susciter l'application de la nouvelle loi.
J'entends donc lancer une vaste politique du logement, qui permette « in fine » à chacun de pouvoir habiter un logement correspondant à ses revenus. Par parenthèse, je réfléchis, beaucoup actuellement à l'équation particulière de l'Ile de France qui est un problème à part entière en matière de logement et d'hébergement. Je n'en suis, cependant, qu'à la « décantation » des hypothèses.
Je m'interroge aussi sur le meilleur moyen de solliciter le parc social « privé », comme cela a été fait en Grande-Bretagne.
Je sais, Monsieur le Président, tout ce que le Droit au logement vous doit. Vous appeliez en effet depuis longtemps à sa reconnaissance. Je sais aussi que vous vous montrerez particulièrement vigilant sur son application concrète. Je m'engagerai pour ma part sans réserve pour que ce texte ambitieux tienne ses promesses.
Nous savons que ce ne sera pas simple. C'est un chantier gigantesque. Je ferai mon maximum afin de respecter le calendrier de mise en oeuvre ; et je me soucie déjà des moyens humains qui seront mobilisés pour la mise en place des commissions de médiation. Ils sont importants mais nous les trouverons.
J'étais, hier au Parlement, le rapporteur de ce texte. Aujourd'hui, ministre, me voilà au pied du mur. Sachez que je veillerai avec une opiniâtreté intacte à ce que les choses aillent vite et ce, pendant tout le temps de mon ministère.
- L'hébergement d'urgence et la veille sociale :
Avec le plan d'action renforcé pour les sans abri lancé le 8 janvier 2007 et complété par des dispositions de la DALO, il s'agit de :
- mener à bien l'amélioration qualitative du dispositif d'hébergement d'urgence pour le pérenniser et le transformer en hébergement avec accompagnement au-delà de la simple mise à l'abri ; le principe de « non remise à la rue » ayant été adopté. Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir désormais y demeurer, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée vers un hébergement stable. Je salue, au passage, l'ampleur du travail déjà accompli.
- rétablir une fluidité d'accès au logement pour les personnes hébergées ;
- faire progresser la professionnalisation des métiers de l'urgence sociale.
Pour faire progresser nos réflexions communes, je soutiendrai l'organisation de la Conférence de consensus pilotée par la FNARS en lien avec la direction générale de l'action sociale qui se tiendra cet automne.
D'une manière générale, je souhaite encourager les moyens d'observations, de veille sociale.
- Le retour à l'emploi :
Dans cette bataille contre la pauvreté, une attention particulière sera accordée au retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, pour que ceux qui reprennent un emploi, avec un temps de travail suffisant, aient un intérêt financier réel à sortir des minima sociaux.
M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté va justement nous faire part dans quelques instants d'un projet d'expérimentation du revenu de solidarité active.
- Le lien entre exclusion et éducation :
J'entends relever le défi éducatif.
L'exclusion commence son oeuvre très tôt, dès l'enfance. Elle frappe tout particulièrement les jeunes qui habitent les quartiers de la politique de la ville et ceux appartenant aux minorités visibles :
. Le nombre d'élèves en retard scolaire de 2 ans à l'entrée en 6ème est deux fois plus élevé que dans le reste de la France ;
. Le taux de chômage des 15-24 ans dans les quartiers en difficultés est de 42 %, contre une moyenne nationale de 23 %.
Ce n'est pas admissible. C'est pourquoi, l'enjeu de l'éducation et de la formation, est crucial.
C'est pourquoi, nous allons nous engager des moyens considérables en faveur de ces jeunes pour qu'ils puissent envisager sereinement l'avenir.
Pour permettre à chaque jeune de 14 à 24 ans de s'inscrire dans un parcours personnalisé, qui lui permette de s'en sortir, je vais bâtir le « plan Marshall pour l'accès à la formation et à l'emploi des jeunes ».
Ce plan sera centré sur des personnes plutôt que des quartiers, parce que ce qui est important, c'est de trouver une réponse qui soit adaptée à chaque situation personnelle. La politique des quartiers - en dépit d'investissements financiers et humains importants - a trop contribué à fragmenter la ville, à renforcer les frontières des quartiers et à "fixer" les personnes sur des portions de territoire.
Ce plan visera aussi à réintégrer les habitants dans la dynamique économique et sociale de la ville et du pays.
Cela passera notamment par une plus grande ouverture des jeunes vers le monde extérieur et toutes les opportunités qu'il offre. La mobilité est, à mon sens, la question centrale pour les quartiers difficiles.
Parce qu'il y va de la dignité humaine, ce plan Marshall s'appuiera sur le principe d'un engagement personnel des jeunes dans leur démarche d'insertion.
J'ai l'intention de réfléchir, par ailleurs, à tout ce qui pourra aider certains d'entre eux à intégrer les règles élémentaires de la vie en entreprise. Les employeurs attendent, en effet, des jeunes un respect des horaires, des consignes et de la hiérarchie, ce qui n'est pas toujours évident pour eux. Cet aspect des choses n'est pas négligeable dans un pays où des centaines de milliers d'emplois disponibles ne trouvent pas preneurs dans des secteurs comme l'hôtellerie, la restauration, la construction et les services à la personne.
En ce qui concerne les enfants, je souhaite organiser des jumelages entre les écoles primaires des ZEP et celles des autres quartiers de la ville. Je crois aux vertus de la rencontre et de la mixité sociale. Les enfants issus des milieux les plus modestes doivent rencontrer, dès le plus jeune âge, leurs congénères plus favorisés.
Dernier point, primordial, dès lors qu'on s'intéresse aux quartiers défavorisés : la question des femmes, au premier rang desquelles il y a les « mères ». Je veux trouver les voies et moyens de les associer. D'abord parce qu'elles sont les « éducatrices ». Ensuite parce que la question de la femme est devenu un point nodal des quartiers où le vernis de la mixité se craquelle et où la différence des sexes n'est plus forcément envisagée de la même manière que dans le reste du pays.
Conclusion :
Il nous reste encore beaucoup à faire.
Je sais pouvoir compter sur vous ; je peux vous assurer de ma totale confiance. Vous serez plus que jamais associés, le plus en amont possible, à toute initiative que je conduirai et je compte sur vous pour continuer à apporter votre expertise.
Je tiens enfin à vous dire solennellement que, durant mon mandat, je chercherais à être prosaïque, concrète, efficace. Cela a une conséquence : je ne multiplierai pas les plans, les effets d'annonce gratuits, et d'improbables « lois Boutin ». Il est des mauvaises habitudes dont les ministres, de tous bords, doivent savoir se désintoxiquer, surtout sur un sujet aussi grave. Je suis là pour faire avancer les choses. N'oublions pas que, dans cette affaire, il s'agit toujours, d'hommes, de femmes et d'enfants...
Le gouvernement auquel j'appartiens a souligné le caractère impératif d'une mobilisation collective pour lutter contre la pauvreté et toutes les formes d'exclusion.
Au sein de ce conseil et sans doute plus qu'ailleurs, chacun sait que seul l'engagement d'une dynamique collective permettra de relever le défi qui nous est posé. C'est un appel à la responsabilité de chacun : au-delà des postures institutionnelles, nous devons ensemble poursuivre notre engagement pour mettre fin à la détresse des plus exclus.
C'est une affaire d'éthique.
Non pas une éthique, comme le disait Paul Ricoeur, qui se réduirait à « la moralité du devoir » mais bien « une éthique de la reconnaissance mutuelle de l'égale dignité de toutes les personnes qui habitent ce pays »
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis de me trouver aujourd'hui parmi vous au côté de Martin Hirsch, Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, avec lequel je souhaite mobiliser toutes les énergies contre la pauvreté et toutes les formes d'exclusions.
Je tiens avant tout à remercier Bernard Seillier, sénateur de l'Aveyron, qui a accepté de présider ce Conseil pour un second mandat.
Je salue d'abord le travail qu'il a accompli comme Président, depuis fin 2002. Je salue aussi son action de parlementaire. Nous avons été au Parlement, dans nos chambres respectives, rapporteurs de la loi sur le RMA en 2003 et, plus récemment, de la loi sur le droit au logement opposable.
La lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale est un sujet qui me tient le plus à coeur dans mon ministère.
Comment aider les plus démunis, les plus pauvres ?
Je crois avant tout qu'on est « pauvre » dans le regard de l'autre.
C'est pourquoi nous devons changer de regard sur ceux que l'on appelle ... les « exclus ». Ce doit être l'affaire du pays tout entier. Il s'agit de prendre conscience qu'humainement, socialement, il n'est plus possible de laisser des gens au ban de notre société.
En cela, la lutte contre l'Exclusion sociale et la Pauvreté est un sujet politique majeur.
Nous ressentons tous, dans la population, une forme de démobilisation généralisée, une désaffection émotionnelle vis à vis des plus pauvres.
Ces derniers peuvent bien souffrir, un mur invisible, aussi étanche qu'une vitre d'aquarium semble les séparer du reste de la communauté humaine. Ils survivent tant bien que mal sous notre oeil apathique dans le « ghetto » de l'exclusion. La séparation et la relégation prévalent. En cela, le terme même d'exclus me déplaît. Je le trouve lourd de conséquences, d'enfermements...
Comment expliquer notre indifférence face à tant d'hommes et de femmes qui ont perdu leur foyer, c'est-à-dire pour reprendre l'expression d'Hannah Arendt, « la familiarité de la vie quotidienne »; qui n'ont pas de profession, c'est-à-dire, pas le plus petit sentiment « d'être de quelque utilité dans ce monde ».
Qu'avons-nous fait de l'égalité ontologique des êtres humains que nous proclamons à tout va ?
Il est vrai que la pauvreté ronge notre pays depuis bientôt 25 ans. On peut comprendre que, pour beaucoup, elle soit désormais un fait, comme une donnée de la réalité qu'il n'est au pouvoir de personne de nier ou de changer.
Mais, faire à ce point l'impasse sur la misère qui règne dans notre pays - parce que c'est bien de « misère » dont il s'agit ! - n'est-ce pas aussi le moyen de nous épargner la fatigue ou le fardeau d'une remise en question.
La situation des plus pauvres nous en apprend beaucoup sur nous même, sur ce que nous sommes collectivement devenus :
. une société dans laquelle les repères les plus éminents se sont vidés de leur substance ;
. une société matérialiste dans laquelle la consommation, la performance, le corps et la beauté, sont devenus le lieu de tous les désirs et de toutes les angoisses.
. une société obligée de réfléchir à ce qu'est le « lien social » parce que, ce qui allait de soi hier, n'est plus une évidence.
. une société dans laquelle, comme le dirait Paul Thibaud, si « l'universalisme règne toujours dans les cieux, chacun sur terre fait de lui-même un absolu »;
Mesdames, messieurs,
Je pense avec Julia Kristéva, que « ce qui conditionne le lien démocratique, dans notre société si technicienne, si follement engagée dans la course à la performance, si attachée aux plus forts, ce n'est certes pas l'excellence d'autrui mais bien la connaissance et la reconnaissance de sa fragilité ».
La compétitivité, les résultats économiques sont naturellement des exigences incontournables pour les pays développés qui souhaitent préserver leurs acquis économiques et sociaux. Mais, si complètes que puissent être demain nos victoires sur ce terrain, nous n'aurons pas avancé d'un pouce - nous irons même au naufrage ! - si au milieu de l'évolution imposée par le monde moderne, nous ne parvenons pas à construire un ordre dans lequel la dignité de chacun est respectée.
Qu'il soit pauvre économiquement, qu'il soit pauvre affectivement, qu'il soit pauvre physiquement, qu'il soit pauvre mentalement ou intellectuellement, « Chaque humain sans exception - nous l'enseigne Emmanuel Lévinas - est un membre indispensable ainsi qu'une chance pour l'humanité »
Nous devons regarder comme tels ceux qui errent dans l'anonymat de nos villes.
Notre premier devoir est donc de briser des tabous et contribuer au changement des mentalités.
En venant ici, j'ai conscience de m'inscrire dans la continuité d'une histoire.
Depuis longtemps, l'Etat assure sa mission en venant au secours des plus démunis. Et l'Etat n'est pas seul dans cette tâche, il est aidé par les collectivités locales, les associations. C'est pourquoi, il est apparu nécessaire de créer en 1992 une instance rassemblant tous ces acteurs : le Conseil national sur la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
A vous tous qui avez fait le choix de consacrer votre temps et votre énergie à ceux qui en ont le plus besoin, je souhaite affirmer le soutien du gouvernement à vos travaux essentiels pour la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
En 15 d'existence, le CNLE a fait la preuve de son utilité. Trois exemples récents donneront un aperçu de l'énorme travail accompli.
. le Plan de renforcement de la lutte contre l'exclusion de 2003, destiné à rendre effectif l'accès aux droits des personnes en situation de précarité ou d'exclusion, en matière de logement et de santé et à
lutter contre l'illettrisme ;
. le Plan de cohésion sociale et la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, qui ont engagé une nouvelle politique de restauration du lien social en traitant enfin ensemble les grands problèmes de la société française qui jusque-là, étaient abordés de manière cloisonnée : l'emploi, le logement et l'égalité des chances.
. plus récemment, la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.
J'y reviendrai dans quelques instants.
Ces avancées sont importantes, mais ces avancées ne sont qu'une étape de plus.
Beaucoup reste encore à faire, pour combattre les nouvelles formes de pauvreté et d'exclusion. Aujourd'hui, la désaffiliation menace, en effet, des populations qui étaient encore récemment intégrées.
La pauvreté a de nouveaux visages :
- je pense, en premier lieu, à l'isolement, à la solitude, aux ruptures familiales, parce que le SDF, on le sait, est avant tout un « Sans Domicile Familial ». Vous le savez, j'ai rendu un rapport au Premier ministre en 2003, établissant le constat que l'isolement est aujourd'hui un risque universel, qui n'est pas réservé au marginal et qui peut toucher chacun d'entre nous ;
- je pense au phénomène des travailleurs pauvres : ceux pour qui le lien naturel travail-logement est rompu : les revenus de leur activité ne sont plus des garanties suffisantes pour les propriétaires de logement, qui ne veulent pas le leur louer ;
- enfin, je veux mentionner le problème d'insertion sociale et professionnelle des habitants des quartiers en difficulté, tout particulièrement les jeunes, qui dès la petite enfance accumulent des retards très difficilement rattrapables par la suite.
Parce que beaucoup reste à faire en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, il y a une nouvelle organisation gouvernementale.
Je voudrai profiter de cette rencontre pour vous la décrire :
Le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, M. Xavier Bertrand :
est chargé d'agir dans le domaine de l'action sociale, de la protection sociale et des solidarités envers les familles, les personnes âgées, les handicapés.
Le Président de la République a nommé auprès de lui, un secrétaire d'Etat en charge de la solidarité, Valérie Létard. Je salue d'ailleurs son arrivée qui va enrichir encore l'équipe de femmes au service de la cohésion sociale de notre pays.
Le Ministre du logement et de la ville, moi même
* prépare et met en oeuvre la politique du Gouvernement en matière de logement, de construction, de politique de la ville et de lutte contre la précarité et l'exclusion.
* élabore les règles relatives au logement social, à l'accès au logement et à la qualité de l'habitat.
* met en oeuvre une politique en faveur des quartiers en difficulté, notamment en matière de rénovation urbaine et de logement des populations en situation d'exclusion.
Mme Fadela Amara vient d'être nommée auprès de moi comme secrétaire d'état en charge de la politique de la ville. Je m'en félicite car je suis convaincue que nos différences peuvent s'additionner utilement. Je compte beaucoup sur elle pour m'aider dans l'action que j'entends mener contre l'exclusion dans nos cités.
Le Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, délégué auprès du Premier Ministre, M. Martin Hirsch, a en charge :
* l'expérimentation sur la réforme des minima sociaux, des contrats aidés, de l'incitation à la reprise d'activité,
* le programme de lutte contre la pauvreté.
Sur ces dossiers, Martin Hirsch travaillera en collaboration avec Christine LAGARDE, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ainsi qu'avec Xavier Bertrand et moi.
Cette nouvelle organisation gouvernementale a besoin de s'appuyer sur le CNLE. Voilà donc, ce que j'attends de vous.
Vous êtes une instance d'alerte sur les nouvelles formes de pauvreté. Ce rôle est à mes yeux essentiel. C'est sans doute le plus important.
Vous êtes ceux que l'on consulte avant, ceux qui veillent à l'efficacité des politiques pendant leur mise en oeuvre, et ceux qui plaident pour corriger le tir après, quand il le faut.
Vous êtes donc une instance privilégiée de dialogue entre nous, les pouvoirs publics, et tous les acteurs en charge de la lutte contre l'exclusion.
J'attends aussi de vous des enseignements sur les dérives de notre « société de l'avoir ». Je souhaite que vous nous rappeliez, sur la base des témoignages des personnes confrontées à l'exclusion, ce qui est vraiment essentiel dans une société et dans les relations entre les gens.
A cet égard, la composition de votre Conseil est votre premier atout avec :
. Les représentants de 8 ministères, dont le ministère de l'Intérieur.
. De nombreux élus. En tant que parlementaires ou en tant qu'élus locaux, ils apportent leur expérience de la déclinaison et de l'articulation des politiques publiques à tous les niveaux territoriaux. La participation des collectivités territoriales est d'autant plus déterminante que leurs compétences ont été renforcées par la loi d'août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
. Les représentants des associations qui interviennent dans le champ de la lutte contre les exclusions. Les 8 mouvements, réseaux et fédérations qui siègent au CNLE représentent le vaste mouvement associatif qui mène une action essentielle dans ce domaine. Ils sont nos vigies et nos éclaireurs et les mieux à même de nous proposer des réponses préventives. A l'heure de l'universalisation des droits sociaux et de l'individualisation des politiques sociales, leur expérience d'hommes et de femmes de terrain est irremplaçable pour prendre en compte les cas réels, les situations personnelles.
. Les personnes qualifiées, Mme Maria Nowak, présidente de l'ADIE -et M. Jean-Baptiste de Foucauld, président de Solidarités nouvelles face au chômage. Ces personnalités qui ont accepté de participer aux travaux du CNLE sont un atout pour l'enrichissement de la réflexion.
. Je salue aussi la participation des deux nouveaux collèges qui ont rejoint le CNLE en 2005, grâce au décret élargissant sa composition :
- les partenaires sociaux, qui y sont aujourd'hui tous représentés : acteurs sociaux autant qu'acteurs
économiques, ils ont toute leur place dans la définition des politiques, l'organisation de l'action sociale et son évaluation ;
- les organismes sociaux, sans lesquels ne pourraient être conduite une véritable politique de prévention.
. Et pour finir, les présidents des conseils et comités qui interviennent dans le domaine de la lutte contre les exclusions, et qui sont membres de droit du CNLE : Le Conseil économique et social, le Conseil national des villes, le Conseil national des missions locales, le Conseil national de l'insertion par l'activité économique, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, le Conseil national de l'habitat, l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Ils apportent au CNLE la richesse de leurs analyses et la pertinence de leurs propositions chacun dans son domaine spécifique.
Depuis un an vos moyens ont été renforcés avec le recrutement d'une Secrétaire générale uniquement dédiée à votre Conseil et l'installation de la Maison de la cohésion sociale rue Saint Georges. Votre proximité avec le Conseil national de l'insertion par l'activité économique et le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, vous permet dorénavant, de créer des synergies fructueuses sur des champs d'intervention communs. Vous avez multiplié les échanges entre vous. Enfin, le fait de partager des locaux avec la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, souligne clairement que la pauvreté commence dès qu'on n'est plus regardé comme personne humaine, dès qu'on est catégorisé.
Votre Conseil a adopté de nouvelles procédures de travail, notamment, avec la création de commissions techniques. Je voudrai à cet égard vous féliciter pour votre implication dans les travaux européens avec la mise en place d'un groupe de suivi de la mise en oeuvre de la stratégie française pour l'inclusion sociale.
Je ne doute pas que vous apporterez une contribution active à la préparation de la présidence française de l'Union européenne en 2008, où les sujets sociaux doivent avoir toute leur place.
Dans le cadre de ma mission ministérielle de lutte contre la pauvreté, je proposerai au Premier ministre la tenue d'un Comité interministériel de lutte contre les exclusions en 2008, comme cela avait été fait il y a deux ans, pour dégager des décisions concrètes et tracer de nouveaux objectifs pour l'avenir. Une réunion de ce Comité tous les deux ans me paraît nécessaire.
Pour que les décisions prises soient efficaces et tiennent compte de la réalité du terrain, je souhaite que ce Comité soit précédé d'une grande Conférence nationale de lutte contre l'exclusion, elle-même précédée de conférences territoriales de proximité.
Je souhaite que vous jouiez un rôle de premier plan dans la préparation de cette Conférence nationale.
Afin que les propositions des conférences territoriales et de la conférence nationale aient un impact sur les politiques portées par chacun des membres du gouvernement, je proposerai à mes collègues de s'investir personnellement en présidant des conférences territoriales thématiques.
Aujourd'hui je veux vous entretenir plus particulièrement de 4 sujets d'actualité :
- Le droit au logement opposable :
Au-delà des textes d'application de la loi du 5 mars 2007 dite loi DALO, des enjeux majeurs pour rendre effectif ce droit au logement pèsent sur l'Etat. Il s'agit d'abord d'augmenter l'offre de logements abordables. L'effort considérable accompli depuis deux ans par mon collègue Jean-Louis Borloo, dans le cadre du Plan de cohésion sociale, doit être non seulement poursuivi mais renforcé afin de pouvoir apporter une réponse quantitative et qualitative aux milliers de demandes de logements et d'hébergement que va susciter l'application de la nouvelle loi.
J'entends donc lancer une vaste politique du logement, qui permette « in fine » à chacun de pouvoir habiter un logement correspondant à ses revenus. Par parenthèse, je réfléchis, beaucoup actuellement à l'équation particulière de l'Ile de France qui est un problème à part entière en matière de logement et d'hébergement. Je n'en suis, cependant, qu'à la « décantation » des hypothèses.
Je m'interroge aussi sur le meilleur moyen de solliciter le parc social « privé », comme cela a été fait en Grande-Bretagne.
Je sais, Monsieur le Président, tout ce que le Droit au logement vous doit. Vous appeliez en effet depuis longtemps à sa reconnaissance. Je sais aussi que vous vous montrerez particulièrement vigilant sur son application concrète. Je m'engagerai pour ma part sans réserve pour que ce texte ambitieux tienne ses promesses.
Nous savons que ce ne sera pas simple. C'est un chantier gigantesque. Je ferai mon maximum afin de respecter le calendrier de mise en oeuvre ; et je me soucie déjà des moyens humains qui seront mobilisés pour la mise en place des commissions de médiation. Ils sont importants mais nous les trouverons.
J'étais, hier au Parlement, le rapporteur de ce texte. Aujourd'hui, ministre, me voilà au pied du mur. Sachez que je veillerai avec une opiniâtreté intacte à ce que les choses aillent vite et ce, pendant tout le temps de mon ministère.
- L'hébergement d'urgence et la veille sociale :
Avec le plan d'action renforcé pour les sans abri lancé le 8 janvier 2007 et complété par des dispositions de la DALO, il s'agit de :
- mener à bien l'amélioration qualitative du dispositif d'hébergement d'urgence pour le pérenniser et le transformer en hébergement avec accompagnement au-delà de la simple mise à l'abri ; le principe de « non remise à la rue » ayant été adopté. Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir désormais y demeurer, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée vers un hébergement stable. Je salue, au passage, l'ampleur du travail déjà accompli.
- rétablir une fluidité d'accès au logement pour les personnes hébergées ;
- faire progresser la professionnalisation des métiers de l'urgence sociale.
Pour faire progresser nos réflexions communes, je soutiendrai l'organisation de la Conférence de consensus pilotée par la FNARS en lien avec la direction générale de l'action sociale qui se tiendra cet automne.
D'une manière générale, je souhaite encourager les moyens d'observations, de veille sociale.
- Le retour à l'emploi :
Dans cette bataille contre la pauvreté, une attention particulière sera accordée au retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, pour que ceux qui reprennent un emploi, avec un temps de travail suffisant, aient un intérêt financier réel à sortir des minima sociaux.
M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté va justement nous faire part dans quelques instants d'un projet d'expérimentation du revenu de solidarité active.
- Le lien entre exclusion et éducation :
J'entends relever le défi éducatif.
L'exclusion commence son oeuvre très tôt, dès l'enfance. Elle frappe tout particulièrement les jeunes qui habitent les quartiers de la politique de la ville et ceux appartenant aux minorités visibles :
. Le nombre d'élèves en retard scolaire de 2 ans à l'entrée en 6ème est deux fois plus élevé que dans le reste de la France ;
. Le taux de chômage des 15-24 ans dans les quartiers en difficultés est de 42 %, contre une moyenne nationale de 23 %.
Ce n'est pas admissible. C'est pourquoi, l'enjeu de l'éducation et de la formation, est crucial.
C'est pourquoi, nous allons nous engager des moyens considérables en faveur de ces jeunes pour qu'ils puissent envisager sereinement l'avenir.
Pour permettre à chaque jeune de 14 à 24 ans de s'inscrire dans un parcours personnalisé, qui lui permette de s'en sortir, je vais bâtir le « plan Marshall pour l'accès à la formation et à l'emploi des jeunes ».
Ce plan sera centré sur des personnes plutôt que des quartiers, parce que ce qui est important, c'est de trouver une réponse qui soit adaptée à chaque situation personnelle. La politique des quartiers - en dépit d'investissements financiers et humains importants - a trop contribué à fragmenter la ville, à renforcer les frontières des quartiers et à "fixer" les personnes sur des portions de territoire.
Ce plan visera aussi à réintégrer les habitants dans la dynamique économique et sociale de la ville et du pays.
Cela passera notamment par une plus grande ouverture des jeunes vers le monde extérieur et toutes les opportunités qu'il offre. La mobilité est, à mon sens, la question centrale pour les quartiers difficiles.
Parce qu'il y va de la dignité humaine, ce plan Marshall s'appuiera sur le principe d'un engagement personnel des jeunes dans leur démarche d'insertion.
J'ai l'intention de réfléchir, par ailleurs, à tout ce qui pourra aider certains d'entre eux à intégrer les règles élémentaires de la vie en entreprise. Les employeurs attendent, en effet, des jeunes un respect des horaires, des consignes et de la hiérarchie, ce qui n'est pas toujours évident pour eux. Cet aspect des choses n'est pas négligeable dans un pays où des centaines de milliers d'emplois disponibles ne trouvent pas preneurs dans des secteurs comme l'hôtellerie, la restauration, la construction et les services à la personne.
En ce qui concerne les enfants, je souhaite organiser des jumelages entre les écoles primaires des ZEP et celles des autres quartiers de la ville. Je crois aux vertus de la rencontre et de la mixité sociale. Les enfants issus des milieux les plus modestes doivent rencontrer, dès le plus jeune âge, leurs congénères plus favorisés.
Dernier point, primordial, dès lors qu'on s'intéresse aux quartiers défavorisés : la question des femmes, au premier rang desquelles il y a les « mères ». Je veux trouver les voies et moyens de les associer. D'abord parce qu'elles sont les « éducatrices ». Ensuite parce que la question de la femme est devenu un point nodal des quartiers où le vernis de la mixité se craquelle et où la différence des sexes n'est plus forcément envisagée de la même manière que dans le reste du pays.
Conclusion :
Il nous reste encore beaucoup à faire.
Je sais pouvoir compter sur vous ; je peux vous assurer de ma totale confiance. Vous serez plus que jamais associés, le plus en amont possible, à toute initiative que je conduirai et je compte sur vous pour continuer à apporter votre expertise.
Je tiens enfin à vous dire solennellement que, durant mon mandat, je chercherais à être prosaïque, concrète, efficace. Cela a une conséquence : je ne multiplierai pas les plans, les effets d'annonce gratuits, et d'improbables « lois Boutin ». Il est des mauvaises habitudes dont les ministres, de tous bords, doivent savoir se désintoxiquer, surtout sur un sujet aussi grave. Je suis là pour faire avancer les choses. N'oublions pas que, dans cette affaire, il s'agit toujours, d'hommes, de femmes et d'enfants...
Le gouvernement auquel j'appartiens a souligné le caractère impératif d'une mobilisation collective pour lutter contre la pauvreté et toutes les formes d'exclusion.
Au sein de ce conseil et sans doute plus qu'ailleurs, chacun sait que seul l'engagement d'une dynamique collective permettra de relever le défi qui nous est posé. C'est un appel à la responsabilité de chacun : au-delà des postures institutionnelles, nous devons ensemble poursuivre notre engagement pour mettre fin à la détresse des plus exclus.
C'est une affaire d'éthique.
Non pas une éthique, comme le disait Paul Ricoeur, qui se réduirait à « la moralité du devoir » mais bien « une éthique de la reconnaissance mutuelle de l'égale dignité de toutes les personnes qui habitent ce pays »