Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur la mission des policiers, leur recrutement, leur formation et leurs compétences, La Défense le 31 janvier 2001.

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Circonstance : Rencontre de M. Vaillant avec 1000 nouveaux gardiens de la paix à La Défense, le 31 janvier 2001

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les gardiens de la paix,
Vous êtes très exactement 1000 élèves ou nouveaux gardiens de la paix de la police nationale réunis aujourd'hui au pied de cette Arche monumentale érigée pour le bicentenaire de la Révolution française : cette grande Arche, symbole par excellence de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui avait fait, avec panache, de la sécurité - on disait alors de la sûreté - un principe fondateur de la République, en même temps qu'un droit imprescriptible de l'homme.
Vous venez des écoles nationales de police de Draveil, d'Oissel et de Paris, des services de la préfecture de police et des directions départementales de sécurité publique des Hauts-de-Seine, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d'Oise.
J'ai tenu à vous rencontrer et à vous parler, parce que vous avez fait le choix de vous engager au service de la sécurité de nos compatriotes, choix qui exige dévouement, générosité et altruisme. Comment ne pas évoquer dès lors, ce qui constitue l'essence et la raison d'être de votre future mission : la sécurité est un droit premier, fondamental, intangible, sans considération de lieu, de temps, de race et de confession. C'est un droit qui unit, partout sur le territoire, et qui fonde la cohésion sociale. Un droit égal pour tous.
Toute atteinte à ce droit constitue une injustice. Une injustice qui peut se doubler d'une injustice sociale, parce qu'elle touche - forcément et le plus fortement - les plus démunis. Vous devez la prévenir, comme vous devez en protéger nos concitoyens, c'est la mission que vous confie la République.
Le gouvernement de Lionel Jospin s'est donné les moyens pour mieux combattre l'insécurité, en décidant d'emblée d'un effort sans précédent de recrutement dans la police nationale.
Votre présence, ici, en est le témoignage : vous êtes 1000 qui, venant en renfort de vos collègues, avez rejoint ou rejoindrez prochainement les services actifs de la police nationale.
1000, c'est aussi le nombre de gardiens de la paix supplémentaires, dont j'ai obtenu hier du Premier Ministre, au cours du Conseil de Sécurité Intérieure, le recrutement au titre de l'année 2001. Ces nouveaux policiers entreront en école à la fin du premier trimestre et viendront s'ajouter aux effectifs opérationnels de la police nationale dès le début de l'année 2002.
Mais ces chiffres, aussi élevés soient-il, ne peuvent suffire à illustrer, à eux seuls, l'effort exceptionnel réalisé depuis trois ans. Vous entrez en effet en fonction dans une période marquée par un profond renouveau de la police nationale ; une période qui n'a pas eu, à vrai dire, de précédent.
Le gouvernement ne se satisfait pas, de remplacer nombre pour nombre, les 25 000 départs en retraite de policiers de la période 1998-2003. Il a veillé, depuis son arrivée et par des mesures exceptionnellement rapides, notamment le recrutement complémentaire de plus de 3 000 gardiens, à corriger ce qui n'avait pas été fait préalablement et à ramener l'effectif opérationnel de la police à son niveau le plus élevé.
Parallèlement et alors que la réforme du service national entraînait, avec la fin de la conscription, la disparition inéluctable des policiers auxiliaires de la police nationale - qui furent jusqu'à 12 500 au plus fort moment - le gouvernement a également décidé du recrutement de 5000 adjoints de sécurité supplémentaires, qui viendront s'ajouter aux 16.000 déjà en poste ou en formation, dans les services de police, en province ou à Paris.
Cet effort exceptionnel de recrutement doit naturellement permettre d'accroître plus encore la présence et l'efficacité des services pour que la population bénéficie d'un niveau de sécurité encore plus élevé.
C'est pourquoi le gouvernement a pris les dispositions pour que la police de proximité dispose des moyens nécessaires à sa mise en place et à sa généralisation, tout en confortant les autres missions de la police nationale qui sont aussi essentielles, comme la lutte contre la criminalité organisée ou contre le terrorisme.
Après la création de cent emplois au bénéfice de la police technique et scientifique l'an dernier, il a autorisé, cette année le recrutement de 800 emplois de personnels administratifs, techniques et scientifiques, pour permettre le redéploiement des policiers sur le terrain.
Au total sur les cinq années 1998-2003, ce seront 45.000 nouveaux policiers ou ADS qui auront été recrutés et formés. Jamais un effort d'une telle ampleur n'avait été entrepris et encore moins réalisé.
Vous avez, dans ce cadre, une place particulière, et, au fur et à mesure de votre carrière, un rôle essentiel à jouer. Je compte sur vous pour faire profiter la police nationale de votre jeunesse, de votre détermination et de votre dynamisme. Vous contribuerez à insuffler un esprit nouveau dans le travail quotidien des services. Vous contribuerez également, j'en suis certain, à rendre plus fort et plus vivant encore le lien qui unit la police à la Nation.
Ce lien entre la population et sa police, mais aussi la qualité de vos actions, ne peuvent qu'être confortés par une formation adaptée à vos missions.
Beaucoup a déjà été fait pour améliorer substantiellement la formation initiale et continue. Un plan exceptionnel accompagne sur plusieurs années les recrutements de grande ampleur que je viens de rappeler.
Nos quatorze écoles nationales de police et nos seize centres de formation se sont mobilisés, avec leurs formateurs, pour assurer votre formation initiale, en mettant l'accent sur la police de proximité. Je tiens à leur rendre hommage et à les en remercier vivement.
En formation continue aussi, un dispositif exceptionnel a été mis en place, notamment sous la forme de stages d'intégration à la police de proximité, suivis par plus de 13 000 policiers en l'an 2000.
J'ai également veillé à ce qu'un intérêt particulier soit porté aux questions de formation juridique et de déontologie.
Respecter la loi et la déontologie, cela signifie, pour le policier, être loyal envers les institutions républicaines, agir avec intégrité, se montrer impartial, digne en toutes circonstances, se soumettre à l'obligation de réserve, de discrétion et de secret professionnel. Cela signifie respecter les personnes, sans considération de leur nationalité, de leur origine, de leur condition sociale ou de leur conviction politique, religieuse ou philosophique. Cela signifie aussi - lorsqu'il est nécessaire - l'usage strictement proportionné de la force qui interdit toute violence illégitime. Cela signifie enfin porter, naturellement et d'initiative, assistance à toute personne en danger.
Ne perdez jamais de vue cette exigence fondamentale de votre métier. La République vous a confié le rôle de gardiens de la paix. Plongés au cur de la vie sociale, au contact de ses difficultés, vous êtes et vous serez sans cesse observés.
Pour votre part, vous êtes en droit d'attendre considération et estime, de la part de nos concitoyens. En contrepartie, ils attendent de vous un comportement irréprochable. Le pouvoir de contrainte dont vous disposez, la part d'autorité qui vous est conférée, exigent le plus haut degré de responsabilité personnelle et plus que tout autre, le respect scrupuleux des lois et règlements. Ici, tout particulièrement au pied de cette grande Arche des libertés et des droits de l'homme, je vous demande de toujours y penser et d'y veiller sans cesse !
S'agissant de vos qualifications juridiques, le gouvernement vient de décider, sur ma proposition, l'habilitation des gardiens de la paix aux fonctions d'agent de police judiciaire dès leur titularisation, ainsi que l'attribution de la qualité d'agent de police judiciaire adjoint aux adjoints de sécurité après réussite à un examen technique. Ces mesures seront soumises au Parlement dans le cadre d'un projet de loi relatif au renforcement de la sécurité quotidienne qui sera très prochainement déposé à cet effet.
Une possibilité nouvelle - et il s'agit là encore d'une innovation essentielle - est aussi donnée depuis 1999 aux gradés et gardiens d'accéder à la qualification et d'exercer les fonctions d'officier de police judiciaire. C'est une possibilité d'accomplir la plénitude de vos compétences. Je ne puis que vous encourager à suivre, le moment venu, la voie tracée depuis deux ans par ceux de vos aînés qui ont obtenu cette qualification. D'ici fin 2003, près de 4 000 gradés et gardiens seront titulaires de cette qualité d'OPJ, l'objectif étant fixé à 8 000. Les besoins sont en effet importants, qui sont imposés par la période de grande mutation de la police nationale que vous allez vivre et à laquelle vous participerez, période caractérisée par une conception nouvelle de l'action policière, qui se réalise aujourd'hui avec la police de proximité.
Cette réforme, annoncée par le Premier ministre Lionel Jospin dès son discours d'investiture de juin 1997- et dont les principes ont été définis, dès octobre de la même année, lors du colloque de Villepinte, implique un profond renouvellement des pratiques professionnelles des policiers de terrain.
Pourquoi ce changement ? Parce qu'aujourd'hui dans nos villes, les formes de l'insécurité ont évolué. La police doit de plus en plus prendre en compte le lien entre crise urbaine et sociale, violences et incivilités, dont les effets exaspèrent ou sont insupportables à nos concitoyens.
Vous connaissez l'esprit, les objectifs, ainsi que les caractéristiques de cette réforme de fond de cette révolution culturelle dans laquelle s'est engagée la police nationale : c'est une police qui anticipe et s'identifie à un territoire, avec des policiers responsables et polyvalents et qui agit en partenariat, notamment dans le cadre des contrats locaux de sécurité. C'est une police qui explique son action, la rend visible et rassure la population par une présence renforcée sur la voie publique mais qui sait aussi identifier, interpeller et remettre à la justice les auteurs d'infractions. Une police qui prodigue une attention particulière aux victimes et aux plaignants.
J'insisterai sur un point essentiel, qui doit faire votre fierté : la mise en place de la police de proximité peut et doit être considérée comme l'un des exemples les plus significatifs de la réforme de l'Etat : parce qu'elle constitue une démarche de rapprochement du service public vers le citoyen ; parce que cette réforme s'appuie sur le choix de responsabiliser les agents ; parce qu'elle s'attache enfin à l'exigence d'une gestion rigoureuse dans l'emploi des personnels et des crédits alloués.
Je compte sur chacune et chacun d'entre vous pour en assurer le succès. La police de proximité ne saurait être imposée par voie de circulaire. Elle doit être concertée et comprise : en un mot, s'imposer avec la force d'une conviction, cette conviction qui doit être la vôtre.
A tous, je souhaite faire partager ma certitude que cette réforme est indispensable pour la cohésion et l'avenir de notre pays.
Sachez que les Français sont convaincus de la justesse de cette nouvelle politique et de la pertinence de ses objectifs. Ils comptent sur vous pour conforter, quotidiennement, sur le terrain, l'impulsion qui a été donnée par le gouvernement pour mieux répondre à leurs attentes.
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Je n'ignore rien des difficultés de votre métier. Vous êtes parfois confrontés à des situations conflictuelles, à la misère morale et matérielle, voire même à la violence aveugle. Les faits tragiques de ces dernières semaines au cours desquelles cinq de vos collègues ont perdu la vie dans l'exercice de leur fonction viennent nous le rappeler, s'il en était besoin.
Quand un policier ou un gendarme est mortellement blessé, c'est - au-delà du malheur de sa famille et de ses proches, au-delà de la peine de ses collègues - la Nation que l'on blesse, la démocratie que l'on atteint et un peu de la liberté qui disparaît.
Nul ne peut détourner son regard ou son attention de tels évènements. La Nation entière demande que tout soit entrepris pour faire cesser cette violence meurtrière.
Tout a été fait, tout sera fait pour que les auteurs de ces actes odieux puissent en répondre devant la justice.
Ministre de l'Intérieur, je mesure au plus haut point les efforts qui vous sont demandés, et vous pouvez compter sur mon entier soutien.
Il nous faut puiser dans les épreuves l'énergie et la volonté nécessaires à la poursuite et au renforcement du combat contre la criminalité sous toutes ses formes.
La police ne peut vaincre, seule, l'insécurité. Son combat doit être porté, amplifié et relayé par l'ensemble des institutions et de la société.
C'est à cette véritable prise de conscience citoyenne et à cette mobilisation collective que j'en appelle en concluant mon propos.
Je sais jusqu'à quel point la police nationale donne d'elle-même pour assurer la sécurité de nos compatriotes.
Il est du devoir de chacune et de chacun de la conforter dans sa mission, parce qu'elle est garante de la liberté, de la cohésion sociale et de la démocratie.

(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 1er février 2001)