Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, à RMC Info le 22 juin 2007, sur la recherche de ressources pour le financement de la Sécurité sociale, notamment l'instauration éventuelle de franchises.

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Notre invitée ce matin, R. Bachelot, ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports. R. Bachelot, bonjour.

R.- Bonjour J.-J. Bourdin.

Q.- R. Bachelot, je vais être direct, on va attaquer tout de suite sur la Sécu, il va falloir trouver d'urgence 1,5 milliards d'euros. La Sécurité Sociale a proposé plusieurs pistes et le Gouvernement va trancher début juillet, c'est ça ?

R.- C'est ça.

Q.- Alors, je regarde ce que propose la Sécurité Sociale, faut-il déplafonner le forfait d'un euro à la charge du patient pour chaque acte médical ? Vous savez qu'aujourd'hui on paie un euro lorsqu'on va chez le médecin, la Sécu dit : "ben, dans la même journée, si vous allez chez le médecin vous paierez un euro ; si vous allez dans un laboratoire d'analyse, vous paierez un euro ; si vous allez passer une radio, vous paierez un euro. C'est une bonne piste ça, c'est une bonne idée ?

R.- Alors, il faut voir comment se passe le processus.

Q.- Oui, oui.

R.- Le Comité des Sages, le Comité d'alerte a donné l'alerte parce qu'effectivement il y a eu un dérapage de deux milliards en début d'année, enfin dans les quatre premiers mois de l'année, sur le secteur de la médecine de ville. Il rend un panier de conclusions, un paquet de pistes très diverses - vous en avez évoquées quelques-unes mais il y en a bien d'autres...

Q.- Il y en a d'autres, on va en parler, oui.

R.-...Il y a d'autres responsables de l'Assurance maladie, la Mutualité Sociale Agricole, et les caisses des indépendants, qui elles aussi ont d'autres propositions. Tout ça, ça fait un paquet possible d'économies de 2,5 milliards. Je suis actuellement dans des consultations - consultations auprès des professionnels de santé, auprès évidemment des représentants des assurés sociaux, des syndicats de salariés, d'un certain nombre d'experts - pour juger d de l'opportunité de ce paquet d'économies parce que je ne vais pas, évidemment, prendre toutes les choses qui sont dites, et d'abord il faut fixer le niveau d'économies et bien sûr la nature de cela. Donc, je n'ai...

Q.-... le niveau d'économies ?

R.- Il n'atteindra pas 2,5 milliards.

Q.- Bon.

R.- Entre les 900 millions demandés par le fait de sortir de l'alerte et les 1,5 milliards proposés par les gestionnaires de l'Assurance maladie, il y a un certain nombre d'opportunités à voir en quantité et en qualité, et à ce point de mon débat, je ne tranche pas. Donc, du débat je ne tranche pas encore.

Q.- Donc, vous ne tranchez pas, c'est-à-dire que vous n'avez pas décidé.

R.- Je ne me suis rien interdit...

Q.- Rien interdit !

R.-...Et je n'ai rien choisi.

Q.- Par exemple, déremboursement de certains antalgiques, c'est ce que proposent certaines mutuelles.

R.- Je ne vous répondrai pas ce matin.

Q.- Doliprane, Efferalgan, Dafalgan, vous ne me répondez pas, peut-être vous ne savez pas là.

R.- Non. Je choisirai en conscience après avoir entendu tout le monde.

Q.- Et vous choisirez quand ?

R.- Alors, courant du mois de juillet.

Q.- Courant du mois de juillet !

R.- Ca va venir très vite.

Q.- Parce qu'il y a urgence, oui.

R.- Bien sûr, sous quinze jours, trois semaines j'aurai choisi.

Q.- Donc, pas d'information à ce propos. Est-ce qu'il faut baisser les tarifs des radiologues et des biologistes, par exemple ?

R.- C'est une autre piste et je vais vous faire... si vous m'interrogez sur tous les sujets donnés...

Q.-... vous allez me dire non, bon d'accord.

R.-... toutes les pistes lancées par l'Assurance maladie, je vous dirai que je ne m'interdis rien et que choisirai, c'est aussi effectivement, là, en qualité et en quantité, une pièce qui est au débat.

Q.- Bien, les généralistes, la consultation passe de 21 à 22 euros, on le sait, le 1er juillet.

R.- Ca, c'est un engagement, il sera tenu.

Q.- C'est un engagement et il sera tenu. Est-ce que la consultation augmentera en 2008 ?

R.- La consultation 2008, cette augmentation est conditionnée au respect de la maîtrise médicalisée, je l'ai dit d'ailleurs aux représentants des médecins que j'ai rencontrés. Si les objectifs fixés par la maîtrise médicalisée sont tenus, c'est-à-dire les engagements sont tenus, mes engagements seront tenus aussi.

Q.- Moi, je me souviens de 2004, une réforme avait été vendue aux Français, le Gouvernement nous promettait un retour à l'équilibre des comptes de la Sécu pour 2007. C'était de la poudre aux yeux, R. Bachelot ?

R.- Non, c'était un objectif ambitieux, c'était un objectif aussi qui pouvait être tenu avec une main très ferme sur la maîtrise médicalisée. Il y a eu un certain nombre de dérapages sur un certain nombre de mesures techniques...

Q.-... qui a dérapé ?

R.- On constate que la maîtrise médicalisée n'est pas aussi forte qu'elle pourrait l'être. On pense par exemple...

Q.-... alors, qui a dérapé ?

R.- Il faut plus d'explications, il faut plus de volontarisme, les médecins, le gouvernement, les malades, par exemple le médecin traitant. Il y a encore des marges pour que chaque malade ait son médecin traitant. Alors, voilà, il y a aussi des mesures techniques qui ont tardé à être mises en oeuvre, je pense au dossier médical personnel.

Q.- Oui, oui.

R.- Ca, c'est une source extraordinaire de maîtrise médicalisée. Je trouve un dossier qui a pris du retard, il a pris du retard aussi pour des raisons techniques, et ça c'est un des objectifs que je me fixe qu'en 2008 le dossier médical personnel soit vraiment en oeuvre et je pense que c'est possible et que nous y arriverons. Là, il y a un gisement d'économies tout à fait extraordinaire.

Q.- Alors, il y a aussi l'Etat qui donne l'argent à la Sécurité Sociale.

R.- Oui.

Q.- Vous savez combien ? Plus de 5 milliards d'euros.

R.- Oui.

Q.- Eh oui, eh oui, oui, oui ! Allègements de charges sociales non compensées par l'Etat. Il va bien falloir que l'Etat aussi remplisse son rôle et joue son rôle.

R.- Oui.

Q.- Hein, R. Bachelot ?

R.- Non, mais de toute façon dans cette affaire c'est toujours, j'allais dire de l'argent qui vient du contribuable, cotisant ; ça vient toujours de notre poche ça.

Q.- C'est toujours qui nous payons.

R.- C'est toujours nous qui payons.

Q.- Et ça continuera comme ça.

R.- Mais, J.-J. Bourdin....

Q.-...oui.

R.-... vous avez envie d'être bien soigné ?

Q.- Oui, évidemment, et nous sommes bien soignés en France.

R.- Et nous sommes bien soignés en France.

Q.- On est d'accord.

R.- Les indicateurs de santé sont bons. Oui. Il y a néanmoins de nouveaux challenges, de nouveaux défis qui s'ouvrent à nous. Je ne crois pas, je ne suis pas de ceux et de celles qui pensent que les dépenses de santé n'augmenteront pas. Le président de la République a d'ailleurs défini un certain nombre de dossiers : le plan Alzheimer, c'est une maladie Alzheimer ; la continuation du plan cancer, les soins palliatifs... Les dépenses de santé vont augmenter et il s'agit de savoir comment nous allons financer ces augmentations imparables des dépenses de santé. Et c'est ça le débat qu'il faut...

Q.-... est-ce qu'il remettre à plat le financement de la Sécurité Sociale, totalement à plat ? Pourquoi ne pas réunir tous les acteurs et mettre à plat le financement de la Sécurité Sociale ?

R.- C'est une solution. Pour l'instant, nous allons trouver des ressources supplémentaires.

Q.- Oui, c'est une idée qui pourrait germer ?

R.- Pour l'instant, nous réfléchissons sur la question des franchises.

Q.- Oui, alors on va en parler des franchises, oui.

R.- C'est le Président de la République qui a souhaité que ce débat soit fait sans tabou. A partir du moment où il est fait sans tabou, eh bien la proposition que vous faites sera examinée.

Q.- Ah ! C'est intéressant, ça, tiens ! Revoir le financement de la Sécurité Sociale c'est intéressant.

R.- Je n'ai pris aucun engagement.

Q.- Non, non, non, R. Bachelot. Sur les franchises, 10 euros par franchise, soit 40 euros par foyer et par an, c'est ce que vous aviez dit. Vous confirmez ?

R.- Ce n'est pas ce que j'avais dit, c'est ce que j'avais rappelé.

Q.- Qui avait été dit, voilà.

R.- Qui avait été dit, c'était une maquette de réflexion. Vous avez vu que le président de la République aussi bien dans le discours qu'il a prononcé, mercredi, à l'Elysée, que dans son intervention télévisée, souhaite que sur la question des franchises, le débat reste très, très largement ouvert et bien entendu je suis un des acteurs principaux de cette réflexion que nous menons actuellement avec E. Woerth et avec le Premier ministre et l'ensemble des acteurs.

Q.- Mais oui ou non est-ce que cette mesure sera inscrite au projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2008 et débattu à l'automne au Parlement ? Oui ou non ?

R.- Ce sera débattu dans le courant de 2007.

Q.- Dans le courant de 2007, avant la fin 2007 ?

R.- Voilà.

Q.- Ca sera donc inscrit au projet de loi financement de la Sécurité Sociale ?

R.- Peut-être !

Q.- Oui ou non ?

R.- Ce sera débattu avant la fin de 2007, entre aujourd'hui et 2007, il y a plusieurs possibilités.

Q.- Bien, il est 08 h 41, ce matin R. Bachelot est notre invitée. Dans deux minutes... vous, évidemment, vous pouvez l'interroger, je sais que vous êtes très, très nombreux à vouloir lui poser des questions, donc je vais vous laisser la parole. J'ai encore 3-4 questions à lui poser, ensuite je vous laisserai la parole et elle vous répondra.

Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 22 juin 2007