Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, sur le déficit du régime général de la sécurité sociale et le plan d'économies proposé pour 2007, Paris le 4 juillet 2007.

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Circonstance : Réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale à Paris le 4 juillet 2007

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Madame la Secrétaire d'Etat,
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs.
L'assurance maladie est à la croisée des chemins.
Alors que la prévision de déficit du régime général était de 3,9Mdseuros dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, le déficit pourrait se rapprocher de 6,4Mdseuros.
Cela signifie qu'après deux ans d'amélioration, la situation se dégrade de nouveau.
Il est vrai que l'exercice 2007 s'annonçait particulièrement difficile, avec un dépassement de la base 2006 de près de 700Meuros.
Il est vrai, aussi, que les objectifs de redressement étaient ambitieux, avec un ONDAM fixé particulièrement bas.
Il ne faut cependant pas se tromper : cette dégradation n'était en effet pas inévitable et n'est pas acceptable.
Il n'est pas légitime que nous fassions années après années financer notre santé par nos enfants.
Il est inquiétant que nous ne parvenions pas à revenir à l'équilibre alors que le vieillissement démographique promet de nouvelles difficultés à notre système de financement.
L'objectif de dépense pour 2007 supposait des mesures de mise en oeuvre pour l'atteindre. Elles n'ont pas pu être prises.
Revenir à l'objectif supposait des ajustements trop forts dans le temps qu'il nous reste en 2007.
Le gouvernement présente donc un plan d'économie qui permettra de se rapprocher du niveau de l'ONDAM en tendance, et d'économiser plus de 400Meuros sur l'exercice 2007.
Ce plan d'urgence est construit dans un souci de justice : peser avant tout sur les postes de plus fort dépassement et en fonction des capacités de chaque acteur.
Il faut se garder des solutions de facilité consistant à reporter trop fortement la charge sur les assurés, car la responsabilité doit être partagée avec les acteurs du système de soins et l'alerte doit être l'occasion de nous mobiliser sur les enjeux de maîtrise de la dépense et de modernisation de l'offre de soins.
Je veux indiquer notre accord général sur les propositions des caisses.
Nous n'avons fait que reprendre leurs propositions qui nous semblaient les plus pertinentes et qui avaient un sens, à court terme, mais aussi en nous inscrivant dans la perspective de plus long terme du gouvernement.
Le plan est donc articulé en trois parties d'ampleur comparable : le renforcement du parcours de soin et la responsabilisation des assurés, de nouvelles actions sur les offreurs de soins, la maîtrise médicalisée et la lutte contre les fraudes.
1) Le renforcement du parcours de soins : il repose principalement sur deux mesures :
Il s'agit d'une part d'inciter plus fortement les assurés à passer par leur « médecin traitant », pilier de la réforme de l'assurance maladie de 2004.
C'est un outil essentiel pour la qualité et la coordination des soins, et pourtant 17% des français n'en ont pas encore choisi. Nous prévoyons donc de baisser de 10 points le taux de remboursement des consultations « hors parcours de soins » pour les inciter à le faire.
La responsabilité des assurés sera également renforcée par un recours élargi à la mesure du « tiers payant contre générique ».
Les assurés ne pourront donc plus bénéficier de la dispense d'avance de frais lorsqu'ils refusent un médicament générique.
Dans le contexte actuel de difficultés financières de l'assurance maladie, il n'est pas acceptable qu'une économie aussi simple et sans conséquence pour l'assuré que le recours au générique soit ignorée.
Nous prévoyons enfin de mieux percevoir la participation forfaitaire de 1euros instituée par la loi de 2004, destinée à responsabiliser les assurés.
Cette participation était plafonnée à un seul acte par jour ; le plafond sera relevé à 4 actes par jour.
Cette mesure, qui permet de limiter les actes inutiles par la responsabilisation, ne remet pas en cause la protection des plus malades.
En effet, le plafond annuel reste fixé à 50euros.
2) En ce qui concerne les offreurs de soins, le gouvernement s'est attaché à reprendre les propositions des caisses.
Celles-ci devront s'exercer dans la mesure du possible dans le cadre des mécanismes conventionnels actuels même si le gouvernement prendra, le cas échéant, ses responsabilités.
Elles pèsent avant tout sur les professionnels dont la croissance des actes paraît élevée au regard des besoins de santé de la population.
La convergence des tarifs de radiologie vers les tarifs cibles de la CCAM sera donc accélérée.
Une nouvelle baisse de tarifs sera mise en oeuvre dans le domaine de la biologie.
Le Comité Economique des Produits de Santé devra également réaliser de nouvelles économies sur les dispositifs médicaux, et sur les médicaments - notamment les plus coûteux d'entre eux - dont la croissance est forte.
Les groupes génériques insuffisamment substitués seront également mis à contribution.
3) En ce qui concerne la maîtrise médicalisée, nous souhaitons un renforcement de la dynamique entreprise.
Elle est en tout état de cause pré-requise avant toute nouvelle tranche de revalorisation, et notamment celle de 2008.
Il est nécessaire que les engagements en ce domaine soient tenus par le monde médical, car ces engagements justifient les revalorisations accordées.
De nouveaux champs peuvent contribuer à la réalisation des objectifs et entretenir la dynamique.
Je voudrais maintenant développer un peu plus longuement la question de la lutte contre la fraude qui constitue ma préoccupation, ainsi que celle d'Eric Woerth.
La sanction des abus et le renforcement de notre politique de lutte contre la fraude répondent à une demande très forte de nos concitoyens. Les actions de lutte contre la fraude ont permis près de 90 millions d'euros d'économies en 2006.
Mais la situation des comptes de l'Assurance maladie m'amène, en tant que ministre de la santé, à demander un renforcement des efforts engagés.
Je souhaite une nouvelle impulsion sur les postes où les dérives s'avèrent les plus coûteuses pour notre système de santé.
Les moyens des gestionnaires des caisses, qui sont parfois démunis face à certains comportements abusifs, seront réorientés, en particulier pour contrôler les conditions d'ouverture des droits des assurés et le respect des conditions de résidence.
Un meilleur croisement des informations par les administrations sera très utile en ce domaine.
Il en va de même de certains arrêts de travail de très courte durée parfois injustifiés, face auxquels les employeurs et les caisses se sentent trop souvent désarmés : le dispositif actuel sera adapté afin de rendre plus rapides les possibilités de contrôle.
Enfin, dans une perspective de plus long terme, il me semble crucial que le dispositif de lutte contre la fraude lui-même soit amélioré.
Le bon sens commande notamment de laisser aux gestionnaires des caisses une plus grand marge de manoeuvre pour mieux adapter la politique de contrôle aux réalités locales.
Je veux aussi moderniser nos prises en charge.
Même si des progrès ont été réalisés, la France accuse encore un important retard dans le développement de la chirurgie ambulatoire au regard de ses voisins européens.
De plus, des disparités entre les régions existent.
Or cette technique offre des avantages indéniables pour les patients dont le taux de satisfaction est très élevé (supérieur à 90%).
Il est aussi démontré que la chirurgie ambulatoire mobilise moins de ressources et permet ainsi de diminuer le coût pour l'assurance maladie.
Nous souhaitons donc que, après concertation et dans le cadre de la campagne tarifaire 2008, les tarifs soient adaptés pour inciter au recours à cette technique.
Enfin, pour acter le fait que les crédits prévus pour le déploiement du Dossier Médical Personnel cette année ne seront pas tous consommés, nous allons mettre en oeuvre la proposition des caisses d'en geler une partie. Je ne voudrais pas cependant qu'il y ait la moindre confusion à ce sujet : j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer mon attachement fort à ce projet, et je renouvelle mon soutien aujourd'hui. Le DMP est un élément central de l'amélioration de la qualité de notre système de soins, et nous avons un devoir de réussite en la matière.
Le fait que tous les grands pays industrialisés développent des projets similaires au nôtre est d'ailleurs un signe qui ne trompe pas. L'essentiel est de ne plus se fixer de délais inatteignables et de relancer très vite le dossier en procédant à un état des lieux. Mais nous tenons fermement la barre !
L'ensemble des mesures reprises par le gouvernement représente plus d'1,2Mdseuros d'économies en tendance et plus de 400Meuros pour la seule année 2007.
Comme vous pouvez le constater, le gouvernement n'a fait que reprendre les propositions des caisses, même si ses orientations peuvent être légèrement différentes sur certains points.
Ces mesures d'urgence ne sont cependant qu'une première étape.
Elles permettent un début de rétablissement mais ne constituent pas, en soit, des orientations pour le long terme.
Je souhaite profiter de ce moment pour vous en tracer quelques perspectives.
Je ne serai pas celle qui refusera de mettre en oeuvre les investissements nécessaires pour soigner nos concitoyens au nom d'une maîtrise comptable.
Je ne serai pas non plus celle qui dira de dépenser sans cesse plus sans une évaluation précise des besoins et des résultats.
Oublier l'efficience de la dépense revient à condamner à terme notre système solidaire.
Il ne faut pas se mentir : les discours sur la nécessité de dépenser plus pour notre santé n'ont que trop souvent caché les résistances à l'évaluation de la dépense et à l'efficience.
Je voudrais illustrer mon propos par la situation contrastée de deux grands pays, le Japon et les Etats-Unis.
Le Japon est parmi les pays de l'OCDE avec les meilleurs indicateurs de santé, pour une dépense égale à 8% du PIB.
Les Etats-Unis en dépensent près du double en proportion, 15%.
Pourtant, 40 millions d'américains sont privés d'assurance santé et les indicateurs de santé sont loin d'être parmi les meilleurs.
Nous devrons dépenser plus sur certains points.
Je pense aux orientations tracées par le Président de la République pour une amélioration de l'offre de soins palliatifs ou la prise en charge de l'Alzheimer, qui touche une famille française sur 4.
Le Président de la République et le Premier Ministre ont évoqué la question de la franchise, qui doit servir à apporter des ressources nouvelles à ces nouvelles dépenses.
Elle doit être responsabilisante et opérationnelle mais, ainsi que l'a rappelé le Premier ministre hier, l'option d'un bouclier sanitaire sera étudiée. J'avais moi-même évoqué, lors de ma première intervention en tant que Ministre de la Santé sur Europe 1 dix jours après mon arrivée, la piste d'un système - sur le modèle allemand - tenant davantage compte des revenus. Il y a des questions techniques à étudier et une décision politique à prendre.
L'excellence de notre système de santé doit se maintenir et je veux être la ministre de la qualité des soins.
Il faut d'ores et déjà se poser certaines questions :
- pourquoi certains départements français ont jusqu'à 7 fois plus de professionnels de santé dans certains domaines par habitant que d'autres ?
- pourquoi de telles disparités d'espérance de vie entre les régions françaises, entre les catégories socio-professionnelles ?
- pourquoi 70 françaises meurent en couches tous les ans, 2 fois plus que certains de nos partenaires européens ?
- pourquoi les français n'ont que trop souvent l'impression que seules les urgences sont susceptibles de les accueillir pour leur offrir des soins essentiels la nuit ou le week-end ?
- pourquoi le nombre de patients chroniques en affection de longue durée varie tellement d'un département à l'autre ?
- pourquoi certains français peinent à s'acheter des lunettes, ou à se faire soigner les dents ?
Nous pourrions poursuivre les questions sur tant d'autres plans...
Notre système de santé a besoin de poursuivre sur la voie des réformes.
Nous ne pouvons demander des efforts de financement aux français année après année sans leur apporter des résultats, des améliorations concrètes.
Vous l'avez compris, ces questions nous donnent l'obligation d'agir, par la mise en oeuvre de profondes réformes.
Je veux tout d'abord travailler sur la restructuration et sur l'amélioration de l'organisation des soins.
La création des Agences Régionales de Santé sera l'occasion de mieux coordonner la ville et l'hôpital, de mieux organiser prévention et soins, de mieux recentrer l'hôpital sur ses fonctions premières, ainsi que l'a demandé le Président de la République à Dunkerque.
Elles devront également nous permettre de mieux organiser la répartition de l'offre sur le territoire.
Notre système a la particularité d'abriter un important partenariat avec les assureurs complémentaires.
Nous avons voulu que chaque français puisse bénéficier de leurs services avec la CMU-Complémentaire ou l'aide à l'acquisition de complémentaire.
Il faut aller plus loin, notamment dans les secteurs où elles sont très présentes, comme l'optique ou le dentaire.
Je souhaite qu'en ce domaine les discussions reprennent rapidement entre l'UNCAM et l'UNOCAM pour progresser sur la prise en charge.
Elles doivent aussi progresser pour permettre au maximum de français de bénéficier d'une offre de soins à tarifs opposables.
Si ces discussions n'aboutissent pas rapidement - car l'urgence le commande - le gouvernement prendra ses responsabilités.
J'attends aussi des propositions concrètes pour faire évoluer les modes de rémunération des professionnels de santé. Il n'y a pas de tabou en ce domaine sur des modes de rémunération forfaitaires, dès l'instant que la concertation est correctement menée.
Je veux aussi améliorer le suivi des patients chroniques.
Nous nous sommes retranchés derrière le statut de l'affection de longue durée pour considérer que, comme il y avait remboursement, il y avait qualité du suivi.
Comment y croire alors que les complications sont encore trop fréquentes et le suivi insuffisant ?
J'attends avec beaucoup d'impatience les résultats des expérimentations des caisses dans le domaine de la gestion des patients chroniques, qui devraient débuter en janvier prochain.
Nous devons en parallèle, avec les experts de la Haute Autorité de Santé, travailler à définir un véritable « parcours de soins efficients » pour tous les patients chroniques.
Le développement des médicaments génériques nous offre de plus en plus de produits de première intention d'excellente qualité à des coûts limités.
Ils doivent être utilisés en premier lieu, pour permettre de dégager des économies pour financer les produits nouveaux et essentiels pour les pathologies où toute alternative est attendue avec espoir, comme le cancer ou le sida.
Nous devons aussi à nos concitoyens des objectifs de maîtrise médicalisée lisibles et simples.
Je souhaite en particulier qu'ils soient systématiquement exprimés en volume pour ce qui concerne les prescriptions, dans un souci de clarté et de transparence. La mobilisation doit être totale. Il n'y a aucune justification à ce que 90% des consultations se finissent par une ordonnance en France contre 50% aux Pays-Bas.
L'exemple des antibiotiques nous a bien démontré que la sur-prescription n'est pas seulement un coût pour la collectivité, elle peut même être un risque pour la santé publique.
Je souhaite une nouvelle mobilisation des partenaires conventionnels, UNCAM et professionnels, sur ce sujet, dans le sens de la responsabilité des praticiens et de la lisibilité de leurs engagements.
Notre système de santé, legs précieux de nos aînés, a besoin de profondes réformes.
Elles sont attendues, elles sont espérées. Je vous invite à les mener ensemble.Source http://www.sante.gouv.fr, le 6 juillet 2007