Texte intégral
Depuis le premier juillet, le marché de l'énergie est complètement ouvert à la concurrence. Après les entreprises, les particuliers peuvent désormais choisir un autre fournisseur d'électricité qu'EDF et un autre fournisseur de gaz que GDF. Les ministres et nombre d'économistes et de journalistes nous expliquent que la concurrence, c'est l'avenir et qu'elle fera baisser les prix. C'est un mensonge grossier.
Il n'y a pas si longtemps, EDF-GDF était une entreprise nationalisée qui avait le monopole de la fourniture de l'énergie. Elle avait été créée au lendemain de la guerre en tant que monopole d'État pour fournir à l'ensemble des entreprises l'énergie nécessaire, qu'aucun fournisseur privé n'était capable de fournir en assurant les investissements nécessaires. Elle fonctionnait dans l'intérêt général de la bourgeoisie, mais avec des retombées favorables pour la population. C'est avec l'argent de l'État qu'EDF-GDF put investir largement, construire des barrages, des centrales thermiques et, de plus en plus, nucléaires, et poser des câbles pour le transport.
Et voilà que, maintenant que les gros investissements ont été faits, les gouvernements successifs de droite comme de gauche, après avoir coupé en deux l'entreprise entre EDF et GDF, ont mis fin à leur monopole en laissant les capitaux privés venir faire du profit en parasitant les installations de production, les réseaux de distribution, de feu l'entreprise nationalisée.
Toute la société pâtira d'avoir livré au privé la fourniture d'énergie.
Prétendre que la concurrence fera baisser les prix, c'est prendre la population pour des imbéciles. Dans tous les pays d'Europe occidentale où on a privatisé le marché de l'énergie, cela s'est traduit par une envolée des prix pour les consommateurs, allant jusqu'à une hausse de 81 % au Royaume-Uni et de 92 % au Danemark ! Et ici même, en France, les entreprises qui ont choisi d'autres fournisseurs qu'EDF avec ses prix réglementés ont vu leurs factures augmenter jusqu'à 76 %.
Certains des groupes qui vont concurrencer EDF, comme le groupe Suez, vendront de l'électricité qu'ils produisent eux-mêmes à partir de centrales qu'ils détiennent à l'étranger. Mais la plupart des opérateurs sont de simples courtiers qui ne produisent rien, n'ont même pas à assurer le maintien de l'infrastructure des réseaux et achètent simplement à EDF son électricité pour la revendre avec profit à la clientèle. Et pour que les profits soient conséquents, le Conseil de la concurrence exige d'EDF qu'elle vende son électricité moins cher à ces courtiers qui, eux, n'ont aucune obligation de tenir leurs prix.
Et les consommateurs dans tout cela ? Pour le moment, ils ont le choix de rester abonnés à EDF, ce qu'ils ont intérêt à faire. Ceux, cependant, qui auraient fait le mauvais choix d'écouter les sirènes des courtiers privés n'auront plus le droit de revenir à EDF. La concurrence ne joue que dans un sens ! Et à partir de 2010, les consommateurs n'auront même plus le choix, tout sera facturé au prix du marché.
C'est un racket organisé, légal, avec la complicité de tous les gouvernements. Mais il y a pire. Les courtiers privés ont choisi la fourniture d'électricité précisément parce qu'il n'y avait pas d'investissements à faire. Ils investiront a minima dans l'avenir. L'ensemble du réseau électrique se dégradera inévitablement. De plus, là où la maîtrise était assurée par un seul opérateur, EDF, une demi-douzaine d'opérateurs interviendront désormais, chacun avec ses intérêts particuliers. Comme l'électricité ne se stocke pas, la concurrence est de chaque instant, avec les risques de dysfonctionnement qui en découlent. Il y a quelques années, le plus grand État de la plus grande puissance industrielle du monde, la Californie, a été victime d'une panne d'électricité géante.
L'évolution de ce qui était EDF-GDF est à l'image de l'ensemble de l'économie. À force de parasiter l'économie, les groupes capitalistes la poussent vers la régression et la décomposition.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 6 juillet 2007
Pour qui Sarkozy court-il ?
Sarkozy n'en fait-il pas trop ? Voilà la question qui agite les milieux politiques, les commentateurs et les sondeurs d'opinion. Il est en effet partout et les caméras de télévision l'accompagnent. Il s'occupe des affaires en cours, en repoussant du coude les ministres concernés. Entre deux télégrammes de félicitations, l'un à Marion Bartoli parce que finaliste à Wimbledon, l'autre à Tony Parker pour son mariage, et un coup de fil à Poutine, il patronne la candidature du socialiste Strauss-Kahn à la présidence du FMI, avant de rendre visite au Tour de France.
Et voilà qu'il se rend en personne à la réunion des ministres des Finances de la « zone euro ». Ce qui serait une chose jamais vue, paraît-il !
Mais pourquoi, justement ?
Sarkozy va à Bruxelles, sa toute nouvelle écharpe présidentielle déployée, pour tenter de convaincre les représentants des autres pays qui ne sont que de vulgaires ministres des Finances que le déficit supplémentaire du budget, que les mesures fiscales promises pendant sa campagne allaient creuser, est légitime.
Une obscure affaire entre ministres des Finances, pourrait-on se dire. Malheureusement, elle concerne pleinement les classes pauvres. Le déficit du budget de l'État n'a pas été creusé pour avoir consacré trop d'argent aux services publics utiles à la population. Il ne vient pas d'une augmentation des dépenses en faveur de l'Éducation nationale, par exemple, puisque celle-ci s'apprête à supprimer 17 000 postes, avec toutes les conséquences que cela entraînera pour les écoles et les collèges des quartiers populaires. Il n'y a pas eu de dépenses excessives en faveur du système de santé puisque, au contraire, on va faire payer davantage les malades. Le déficit ne vient pas, non plus, d'avoir trop dépensé pour les transports publics car, pour une ligne TGV récemment inaugurée, combien de dessertes dites secondaires laissées à l'abandon ?
Non, le déficit de l'État est creusé en permanence par les « aides publiques » aux entreprises privées et par les réductions d'impôts pour les plus riches. Le fameux « paquet fiscal » de Sarkozy va encore augmenter les dépenses de l'État et diminuer ses recettes, les deux creusant le déficit. Certains des cadeaux, comme le « bouclier fiscal » qui réduit l'impôt maximum à payer, ne profiteront qu'aux 100 000 contribuables les plus riches. D'autres, comme la baisse des impôts sur les successions, concernent une part plus importante de la population mais, en valeur, certainement pas les plus pauvres.
Cela fait grogner à Bruxelles comme dans les autres États européens.
C'est une subvention déguisée aux seuls patrons français et cela fausse la concurrence. Oh, les États allemand, belge ou italien en font autant et aident leurs possédants tout comme l'État français ! Mais chacun veut favoriser sa propre bourgeoisie, et pas celle du voisin, même si ce sont bien souvent les mêmes. Or, si un déficit trop important de l'État français entraîne l'inflation de l'euro, cela revient à faire payer par l'ensemble des pays de la zone euro les aides à la bourgeoisie française.
Mais le déficit de l'État français ne préoccupe les autres États que pour autant qu'il nuit à leur propre bourgeoisie. Les dirigeants réunis à Bruxelles ne verront aucun inconvénient à ce que le gouvernement français réduise le déficit creusé au profit des plus riches en faisant payer encore plus les classes populaires.
Alors, que Sarkozy revienne en triomphateur d'avoir convaincu les ministres des Finances des autres pays des charmes de son « paquet fiscal » ou qu'il revienne sommé de réduire le déficit, pour nous, c'est pareil. De toute façon, c'est aux classes populaires qu'ils tenteront de faire payer le déficit creusé pour les riches. Dans le premier cas, un peu plus tard. Dans le second, un peu plus tôt. Du point de vue des possédants, c'est : « Pile, je gagne, face, tu perds ». Mais cela résume toute la politique du patronat telle qu'elle est mise en application par le gouvernement !
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 17 juillet 2007