Interview de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur, à "RTL" le 8 août 2007, sur les causes du déficit du commerce extérieur français et sur le plan "Force 5" en faveur du développement PME, notamment en matière d'exportation.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Arzt.- Bonjour, H. Novelli. Quelle est la tendance, qui va être annoncée aujourd'hui à partir des statistiques des douanes, du commerce extérieur pour les six premiers mois de l'année ?
 
R.- La tendance n'est pas excellente et nous aurons un déficit, comme du reste les six derniers mois de 2006. Nos exportations continuent de progresser, et c'est très important. Nous sommes aujourd'hui le cinquième pays exportateur au monde, mais à l'évidence, cela ne suffit pas ; il faut aller beaucoup plus loin et se comparer au premier compétiteur mondial, au numéro 1, l'Allemagne. C'est l'Allemagne qui réussit ; il faut regarder ce qui se passe en Allemagne pour le faire chez nous.
 
Q.- La France perd des parts de marchés ?
 
R.- Oui, la France perd des parts de marchés, comme pratiquement tous les pays. Et c'est cela qui est très important. Aujourd'hui, qui gagne des parts de marchés ? Ce sont les pays émergents, et principalement la Chine. C'est la Chine qui bouleverse la donne, car la Chine gagne des parts de marchés, tous les autres en perdent, sauf l'Allemagne. Et c'est donc bien notre compétiteur, celui qui doit être la comparaison adéquate.
 
Q.- Comment peut-on évaluer l'impact des prix du pétrole sur le commerce extérieur français ?
 
R.- A l'évidence, cela pèse énormément. Le prix du pétrole a été multiplié par cinq depuis 2000. C'est dire combien cela pèse. Mais cela n'explique pas tout. L'Allemagne aussi subit l'augmentation du prix du pétrole. Et ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui, par rapport à l'Allemagne, rien n'est perdu. Nous avons simplement constaté qu'il y a moitié moins d'entreprises moyennes qu'en France. En France, il y a moitié moins d'entreprises moyennes. Eh bien, notre défi est celui-ci : il faut que les entreprises françaises grossissent. On a beaucoup de très petites entreprises- beaucoup plus qu'en Allemagne -, des très grandes entreprises qui marchent bien, mais au milieu, c'est un peu le trou noir, ou plus exactement, il y en a deux fois moins qu'en Allemagne. C'est cela, notre défi : faire grossir nos entreprises et c'est cela que m'a confié, sous l'autorité de C. Lagarde, le Président de la République.
 
Q.- Qu'allez-vous faire, par exemple ? Donnez-nous un exemple de mesure que vous voudriez lancer pour développer les entreprises françaises moyennes ?
 
R.- J'ai fixé un cap, le cap Force 5, cinq lignes directrices : la simplification, l'innovation, la fiscalité, le financement et le soutien à l'exportation. En matière de simplification, aujourd'hui, il faut quand même savoir qu'aujourd'hui, lorsque vous exportez un produit, vous avez beaucoup plus de chance de voir arriver le produit que le document administratif qui l'accompagne. A l'époque d'Internet, c'est impossible. Je souhaite et j'annonce que, à terme, l'ensemble des procédures à l'exportation seront dématérialisées, c'est-à-dire qu'elles seront et elles pourront être faites via Internet. C'est cela, l'adaptation aussi de notre commerce extérieur à la réalité.
 
Q.- On ne va pas tout détailler, mais prenons par exemple le financement des PME : les crédits bancaires accordés sont plus chers pour les PME à la suite de la hausse des taux d'intérêt et les PME en sont les premières victimes.
 
R.- C'est vrai. C'est vrai que, en matière de financement, et c'est pour cela que j'en ferai un axe de ce cap Force 5, les PME sont un peu discriminées. Et c'est cela aussi qui explique leur faiblesse en nombre. Et donc cet effet de taille, je veux m'appliquer à le rendre moins handicapant pour l'économie française. C'est le défi du jour. Si nous n'avons pas, dans les années qui viennent, nos entreprises qui grossissent, et qui donc exportent et sont en capacité d'exporter, nous ne relèverons pas le défi. Je ne veux pas être le ministre du Commerce extérieur qui constate les chiffres ; je veux être le ministre de l'action et agir sur ces chiffres, c'est agir sur l'environnement des entreprises.
 
Q.- On peut constater aussi que l'euro est en haut. C'est aussi un handicap et là, que pouvez-vous faire ?
 
R.- L'euro fort peut être un handicap, notamment à la grande exportation, là où nous devons nous comparer à d'autres monnaies, mais à l'évidence, dans la zone euro, ce n'est pas la seule variable explicative. Sur les cinq premiers mois de l'année, nous avons vendu plus d'avions que nous n'en avons jamais vendus. Et donc le facteur de l'euro fort n'est pas l'unique explication. Non, il y a des considérations structurelles qui sont au coeur de notre économie et qui nous empêchent de donner toute notre mesure. C'est dans cette identification de ces handicaps que nous devons receler les ressorts de notre [tâche ?].
 
Q.- Combien de temps vous donnez-vous pour faire avancer les choses ?
 
R.- Vous connaissez le président de la République comme moi. Le Premier ministre, toute l'équipe gouvernementale, nous sommes aujourd'hui dans l'action. Et donc, peu de temps. J'ai mis en place un certain nombre de groupes de travail sur la simplification administrative, fiscale, sociale ; ces groupes de travail vont me rendre des conclusions dès le 30 septembre. Et dès la rentrée, j'annoncerai, avec C. Lagarde, ce Pacte Force 5 qui se veut un pacte en faveur des entreprises moyennes, car c'est là que réside notre handicap.
 
Q.- Ce Pacte Force 5, c'est l'équivalent ou la version française de ce que l'on appelle le Small business Act ?
 
R.- C'est cela. Il en était question dans la campagne électorale. Le président de la République s'est engagé sur ce point. Ce Small business Act, c'est un accord qui favorise et qui permet à nos entreprises, petites et moyennes, de se développer. Eh bien, c'est cela que je veux faire. Je veux faire en sorte qu'une part de la commande publique puisse être réservée aux PME et je veux aussi faire ce Pacte Force 5 dans les directions que je viens d'indiquer.
 
Q.- Vous êtes connu comme étant un libéral sur le plan économique, vous présidez d'ailleurs l'association des réformateurs, qui rassemble entre autre près d'une centaine de députés de l'UMP, est-ce que vous pouvez me dire que vous êtes le principal soutien du Président Sarkozy pour sa politique de réforme, en tout cas dans l'esprit. ?
 
R.- Il y en a beaucoup d'autres, et la victoire de N. Sarkozy a été acquise de manière très nette. Par contre, en mettant à l'ordre du jour la réforme, c'est-à-dire la volonté d'adapter notre pays à la nouvelle donne, le président de la République est le premier des réformateurs, et donc en étant le tenant, avec beaucoup d'amis parlementaires et beaucoup de gens dans ce pays, en étant le tenant de la volonté de réforme, qui doit présider à l'adaptation de notre pays, je me sens pleinement en accord avec l'action du président de la République.
 
Q.- Et l'ouverture, on vous avait dit il y a quelques années qu'un jour vous seriez dans un gouvernement où certains ministres viendraient de la gauche, l'auriez-vous cru ?
 
R.- C'est en tout cas un gage de succès ; il vaut mieux cela que l'inverse, vous en conviendrez avec moi. Moi je crois que la politique des réformes est une politique fondamentale pour l'avenir de notre de pays. Elle doit donc reposer sur un socle de consensus aussi large que possible. Il y a à gauche des gens qui sont persuadés qu'il faut adapter notre pays, et que l'immobilisme n'est pas une réponse. Ces gens là viennent soutenir la politique de réforme du président de la République et du Premier ministre, et c'est tout naturellement que je suis en accord...
 
Q.- Pour les municipales par exemple, pensez-vous que ce sera facile pour l'UMP de faire cette ouverture, comme a l'air de le réclamer le Président ?
 
R.- Le Président fait bouger les lignes, c'est très bien ainsi, il élargit le socle de ceux qui souhaitent les réformes et l'adaptation de notre pays, je ne peux que m'en réjouir.
 Merci, H. Novelli.