Déclaration de M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, sur les professions libérales, leur rôle dans la vie économique et sociale, le statut des baux conclus pour des activités libérales, la réforme de la taxe professionnelle, Paris le 2 février 2001.

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Circonstance : Congrès de l'Union nationale des associations de professions libérales (UNAPL), à Paris le 2 février 2001

Texte intégral

Discours de François Patriat au Congrès de l'UNAPL
2 février 2001
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Chers collègues,
C'est avec un réel plaisir que j'ai accepté l'invitation du Président SALUSTRO à venir prendre part à vos travaux en ouverture de cette seconde partie de votre XVII° congrès.
Sachez, tout d'abord que c'est l'un des vôtres qui est aujourd'hui devant vous, je dirais presque parmi vous, d'où l'amical " cher collègue ".
Si le " virus " du combat politique ne m'avait saisi en 1981, peut-être serais-je parmi vous aujourd'hui dans les gradins de cette splendide salle du Palais d'IENA. Vous le savez sans doute, c'est comme praticien libéral que j'ai commencé mon parcours professionnel. Au contact direct du monde rural, j'ai en effet exercé le noble art de Docteur vétérinaire avant de rejoindre l'hémicycle du palais BOURBON.
De ces années, certes déjà lointaines, je garde avant tout le souvenir de services rendus dans des conditions parfois difficiles. Tout ceci me reste à l'esprit et m'amène parfois à penser que l'exercice de certaines professions libérales représente un véritable " sacerdoce ". Nous pouvons aussi parler de vocation, de dévouement, de qualité d'écoute et d'altruisme.
Contrairement aux affirmations récentes d'un grand quotidien, les entreprises libérales ne sont pas des entreprises comme les autres. Je crois en l'identité et la spécificité des professions libérales.
Pour adopter le langage de la politique de concurrence, vous vous situez sur un marché de services.
La démarche du professionnel instaure une relation personnalisée avec le client qui induit un rapport de confiance essentiel. Je suis intimement convaincu de votre rôle, tout à fait irremplaçable, dans notre société. Vous contribuez utilement à renforcer la cohésion sociale, plus encore que d'autres services de proximité.
Si la relation de confiance est une donnée essentielle dans l'exercice libéral de vos professions, je m'attacherai à maintenir cette relation. Sans être votre porte parole, je souhaite être plus que votre interlocuteur.
Je suis animé d'un idéal de justice sociale, mais ma conception de la société m'amène à vouloir préserver notre modèle français. !
Mon Secrétariat d'Etat est essentiellement un " ministère d'influence " et je saurai l'utiliser avec détermination pour faire avancer vos idées et vos dossiers.
Mes services et la Délégation interministérielle aux professions libérales (la DIPL) et son Délégué, Maître Edouard DELAMAZE, que je salue ici et qui bénéficie de toute ma confiance, sauront aussi être vos interprètes. Ils seront vos avocats et vos conseils dans cette tâche parfois ardue.
Etant en charge des PME, des petites et très petites entreprises au sein du Gouvernement, j'apprécie que vous vous comportiez sur le marché en véritables chefs d'entreprises.
Mesdames, messieurs, libéral de formation, je crois aux vertus et à la réalité du marché.
Mais la pression de certaines des idées ultra-libérales venues d'Outre-Atlantique demeure forte. Au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce, des discussions sur "les services professionnels " vont prochainement reprendre. L'inquiétude a cédé la place au doute. Mais vous devez rester mobilisés. Sachez, Monsieur le Président, que notre gouvernement ne "baissera pas la garde " dans la défense de notre modèle libéral tant à Bruxelles qu'à Genève. Il s'attachera à en préserver l'originalité. Mais ne considérez pas l'ouverture à la concurrence des marchés comme un danger, mais plutôt comme une opportunité réelle et un véritable enjeu pour vos entreprises, sachant quand c'est nécessaire la réguler.
Revenons en France. On ne le sait pas suffisamment, le secteur libéral emploie 1 300 000 salariés et son chiffre d'affaires représente 6% de notre produit intérieur brut (soit 700 milliards de FF).
Nous sommes parfaitement conscients que les professionnels libéraux sont des entrepreneurs, des investisseurs, des créateurs de richesse et d'emplois à part entière.
Vous apportez utilement votre contribution au cycle de croissance économique exceptionnel que connaît notre pays depuis trois ans. Les professions non réglementées ont certainement joué un rôle clé à cet égard (ex : services aux entreprises). Vous avez contribué à l'amélioration du marché de l'emploi par une augmentation de 10% de l'effectif salarié de 1998 à 1999. Les créations d'entreprises libérales, elles-mêmes, ont été plus nombreuses que dans les autres secteurs de notre économie.
Admettons aussi que, dans leur ensemble, vos professions ont profité des fruits de la croissance. Certains d'entre vous ont maintenu leur pouvoir d'achat, d'autres ont pleinement bénéficié de l'effet de la reprise économique. Il n'y a pas, parmi vos professions, à proprement parler d'oubliés de la croissance.
Si l'UNAPL est un partenaire de cette importance pour les pouvoirs publics, c'est parce qu'elle a su acquérir ses lettres de noblesse.
Le nouveau visage donné par l'UNAPL à votre syndicalisme est le fruit d'une volonté des organisations de l'époque qui ont su trouver les voies de la cohésion, du dynamisme, pour devenir une force de proposition et pas seulement de revendication.
Aujourd'hui, votre organisation pèse d'un réel poids dans la vie économique et sociale de notre pays.
L'UNAPL est désormais présente, directement ou indirectement, à tous les niveaux : international, national, régional et départemental. Elle sait peser sur l'opinion et rappeler l'étendue de son influence.
Parlons maintenant du travail accompli et des voies du futur.
Avant-hier, avec ma collègue en charge des Droits des femmes et de la Formation professionnelle, je parrainais la cérémonie officialisant la naissance d'un organisme paritaire collecteur agréé des professions libérales (OPCA).
Comme vous le savez, il s'agit d'un important outil de solidarité interprofessionnelle dans le domaine de la formation professionnelle. Il réunit maintenant la presque totalité de vos secteurs d'activité dans la collecte des fonds dévolus à la formation professionnelle continue ou en alternance. C'est là toute son importance.
Cette structure devrait sensiblement améliorer l'usage des fonds pour la formation professionnelle dans vos entreprises. Vous y êtes directement intéressés. Vous bénéficierez d'une compétence et d'une qualification accrues pour vos employés. C'est un gage de compétitivité.
Je vois, dans ce nouvel instrument, l'aboutissement heureux d'une négociation pourtant semée d'obstacles. Je me plais de souligner que le Gouvernement et votre organisation ont uvré, main dans la main, depuis trois ans. Ceci doit être mis à notre actif commun.
C'est une étape importante pour votre organisation sur le voie du paritarisme syndical. J'y vois un élément essentiel de la concertation sociale.
La délicate question des baux professionnels doit être abordée ici.
Le statut actuel de certains des baux conclu par les professions libérales m'est en effet apparu comme un véritable archaïsme juridique. Bien souvent, les locataires libéraux se trouvaient en situation précaire. Le bail, à son échéance, pouvant en effet être résilié sans motivation par le propriétaire.
Quelle insécurité au regard notamment des investissements professionnels importants parfois consentis dans les locaux (professions médicales). Dans d'autres cas, c'est la fidélisation de la clientèle, constituée par la proximité du lieu d'exercice (avocats, notaires, professions de santé) qui est en cause.
C'est pourquoi j'ai proposé, qu'à chaque terme du bail, comme en matière d'habitation, il soit tacitement reconductible et que cette disposition soit d'ordre public. En outre, en cas de non-renouvellement, le congé devra désormais être motivé.
Cette disposition fera partie intégrante du prochain projet de loi portant sur diverses mesures d'ordre économique et financier (le " DDOEF ").
C'est là, je crois, une disposition attendue qui devrait apporter pour beaucoup d'entre vous la stabilité nécessaire à l'exercice libéral.
Cette avancée sera complétée. Nous sommes ainsi convenu, avec le Secrétaire d'Etat au logement d'étudier, de façon approfondie, les autres améliorations à apporter à ces baux. Nous verrons à quelle condition la transmission du bail au successeur d'un libéral pourrait être rendue possible.
Mesdames, Messieurs, certaines de vos attentes ne m'ont pas échappé et je ferai en sorte que l'année 2001 soit, à cet égard active et féconde.
Plusieurs réformes, à caractère social, seront mises en uvre cette année.
Les femmes enceintes assujetties au régime général de la Sécurité sociale sont d'ores et déjà exonérées de la cotisation vieillesse correspondant au trimestre d'accouchement. Il me paraîtrait équitable d'élargir cette disposition aux femmes exerçant une profession libérale. Je souhaite que cette réforme puisse être mise en uvre rapidement.
L'amélioration de la situation du conjoint collaborateur d'un professionnel libéral, me paraît aussi s'imposer. Je connais le combat courageux mené depuis longtemps par l'UNACOPL pour mettre fin à cette situation délicate. Faut-il travailler sur un statut du conjoint de profession libérale ou s'engager dans la voie d'un simple salariat.
Je connais la demande des professionnels libéraux, soutenue par votre organisation, de voir aligné leur taux de pension de réversion, actuellement de 50% sur celui du régime général et des régimes des autres travailleurs indépendants, artisans et commerçants (54%). Cette demande est légitime car l'écart est loin d'être négligeable. Je m'attacherai à la faire aboutir.
Enfin, une étude sur la place de la femme professionnelle libérale devrait nous aider à comprendre pourquoi les femmes libérales n'exercent pas durablement leur métier. Nous nous efforcerons d'en dégager quelques pistes et des propositions opérationnelles.
S'agissant de l'interprofessionnalité,
Certaines professions du chiffre et du droit craignent la montée en puissance des réseaux de consultants multinationaux pluridisciplinaires associant notamment conseil juridique, comptables et fiscal. Une évolution réglementaire sur ces aspects est envisageable. Certaines des conclusions du rapport d'Henri NALLET sont à reprendre. Un projet de texte sur l'interprofessionnalité a été préparé. Il devait permettre à tous les libéraux de mieux s'associer.
La Garde des Sceaux vient de s'engager à réouvrir le dossier et je m'en félicite.
Je veillerai à ce que l'examen de cette importante question ne se limite pas aux seules professions du droit et du chiffre, mais qu'elle concerne toutes les professions libérales. Ainsi l'adaptation à l'environnement international sera assurée et nous saurons trouver le mode organisationnel adéquat éloignant le danger des " grandes surfaces " anglo saxonnes
Le régime de la taxe professionnelle est un sujet sensible.
La suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle ne concernait pas les titulaires de bénéfices non commerciaux de moins de cinq salariés. Cette question intéresse quelques 350 000 entreprises, dans leur très grande majorité des professionnels libéraux. Cette mesure a été, j'en suis conscient, mal ressentie par vos professions. Vous la considérez comme injuste.
La réforme de la taxe professionnelle s'est inscrite dans un contexte de lutte renforcée pour l'emploi. Elle avait pour objectif de supprimer à terme le poids que cette taxe fait peser sur le coût du travail en raison de son assiette salariale. Elle ne pouvait donc, en toute logique, concerner les contribuables qui ne sont pas assujettis à la taxe professionnelle sur une telle assiette.
Néanmoins, plusieurs pistes peuvent être examinées. Elles présentent toutes des avantages et des inconvénients. Le retour à une taxe professionnelle de droit commun ne ferait pas, loin s'en faut, que des gagnants parmi vous; un système de décote proportionnelle au nombre de salariés affecterait les ressources financières des collectivités locales. Dès lors, toute solution doit être examinée dans le contexte des réflexions en cours sur leurs ressources financières.
Les professionnels libéraux bénéficient de l'entrée en vigueur du plan triennal de baisse de l'impôt sur le revenu qui concerne toutes les tranches d'imposition soumises au barème progressif. Vos professions ont aussi bénéficié des récentes dispositions fiscales concernant une meilleure transmission ou transformation des entreprises par l'allongement de la durée de non-imposition des plus values ou encore de la non-imposition des droits d'apports.
Je ne doute pas que l'aménagement de la réduction du temps de travail constitue une préoccupation.
Certes, des accords concernant les salariés employés dans les cabinets d'avocats et d'experts-comptables et dans les études notariales ont d'ores et déjà été conclu et je m'en félicite.
Cependant, le secteur libéral est majoritairement constitué d'entreprises de moins de dix salariés. Pour celles ci, la modulation du temps de travail et la mise en uvre de dispositifs de d'amélioration ne sont pas simples à concevoir. Je suis ouvert à toutes solutions, en particulier celles permettant d'exploiter les marges de souplesses offertes par la loi.
Mesdames, Messieurs, le Gouvernement, grâce notamment à la Commission permanente de concertation, entend poursuivre et renforcer une relation durable avec les professions libérales.
Je veux conforter l'autorité de la CPC. Dès ce début d'année, nous aurons à établir un plan de travail intégrant les sujets d'actualités que les professionnels demandent. Nous serons amenés à en vérifier concrètement la progression, en particulier par la tenue de deux réunions annuelles auxquelles je participerai personnellement. Votre organisation continuera à tenir une place majeure dans ce dispositif.
Mon objectif s'inscrit dans le temps et la durée du dialogue social que j'entends formaliser avec vous et l'ensemble des partenaires sociaux.
Je souhaite, en conclusion, saluer, à travers vous le Président SALUSTRO, qui a récemment été honoré par le Président de République, et le remercier des liens d'amitiés qu'il a su créer.
Je forme des vux pour que l'UNAPL poursuive son action dans l'esprit de responsabilité et de sérénité qui la caractérise.
Je vous remercie pour votre attention.

(Source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 16 février 2001)