Lettre de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la justice, adressée à l'ensemble des magistrats, sur le recrutement de nouveaux magistrats, la création de postes de fonctionnaires des services judiciaires et la rénovation de l'institution judiciaire, Paris le 5 mars 2001.

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Texte intégral

Madame, Monsieur,
Le 8 février dernier, les chefs de Cour et les chefs de juridiction ont été destinataires d'une circulaire de localisation d'une première tranche de 209 des 307 nouveaux postes de magistrats créés en 2001. En quatre budgets (1998-2001), ce sont donc 729 postes de magistrats qui auront été créés, soit un accroissement de plus de 10 % des effectifs.
Un même effort budgétaire a été fait pour les fonctionnaires des services judiciaires, les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse et les personnels de l'administration pénitentiaire : leur nombre n'a jamais été aussi élevé. Il est vrai que la Justice, dans toutes ses composantes, connaissait un vrai déficit structurel.
Par ailleurs, je vous rappelle que le texte relatif au statut de la magistrature qui doit être prochainement adopté par le Parlement apportera des améliorations substantielles dans le déroulement de vos carrières. L'effort budgétaire est important puisque, en année pleine, il représentera un coût de 170 MF. Une première tranche du " repyramidage " projeté sera réalisée dès cette année et concernera plus de 400 postes.
Malgré ces moyens accrus, je sais que beaucoup d'entre vous ressentent un sentiment de morosité, voire de découragement.
Les réformes législatives ont aussi accentué ce sentiment. Alors que de nouveaux moyens étaient progressivement fournis aux juridictions, que vous pouviez enfin, avec des fonctionnaires plus nombreux, renverser la tendance à l'allongement des délais et à l'augmentation des stocks, l'ensemble de l'institution a dû s'adapter à des bouleversements importants de notre procédure pénale.
J'ai conscience de l'effort qui vous est ainsi demandé en ce début d'année et je sais que les procédures s'organisent et se mettent en place au seul profit du justiciable.
Au-delà des efforts budgétaires qui seront maintenus dans les années à venir, de la prise en compte des sujétions de service liées à la loi du 15 juin 2000, actuellement discutée avec les syndicats de magistrats, et des discussions sur l'ARTT, une réflexion profonde doit être engagée sans attendre sur l'organisation et le fonctionnement de l'institution judiciaire.
Nous devons conduire notre réflexion, en l'inscrivant désormais dans une démarche de qualité et non pas seulement dans une logique de productivité.
De nombreux sujets devront être ouverts. Les missions du juge doivent être redéfinies de sorte que son activité soit recentrée sur le cur de sa fonction : juger. Nous devons passer d'un débat sur la carte judiciaire à la définition d'une justice de proximité à la fois accessible et de qualité. La déconcentration doit être poursuivie et la responsabilité des chefs de juridiction accentuée. Une plus grande participation des citoyens à la marche de la justice doit être assurée.
Cette réflexion doit être, suivant des modalités qui seront prochainement précisées, l'uvre collective des femmes et des hommes de terrain que vous êtes et qui font fonctionner la justice au quotidien. Y seront bien évidemment associés les greffiers et fonctionnaires des services judiciaires, ainsi que les auxiliaires de justice. Les citoyens devront être également entendus afin qu'ils puissent exprimer leurs attentes.
Une telle démarche rejoint les préoccupations exprimées par des syndicats de magistrats qui souhaitent " une remise à plat " de notre système judiciaire. Le débat qui s'ouvre sera aussi l'occasion de nouer avec l'ensemble des organisations syndicales des services judiciaires un dialogue que je souhaite franc et direct.
Cette étape importante pour la rénovation de notre système judiciaire doit être abordée dans un esprit d'ouverture, afin de construire ensemble un grand service public de la justice, régulateur de notre société, au service de nos concitoyens. Le temps me semble venu de répondre aux questions fondamentales que pose l'adaptation de notre appareil judiciaire aux nécessités actuelles et futures de la société.
C'est à ce prix que l'institution judiciaire pourra se réconcilier avec elle-même et dans un cadre rénové et une sérénité retrouvée, exercer en pleine indépendance et en toute responsabilité ses missions garantes de la démocratie.
Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 14 mars 2001)