Déclaration de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur l'installation des jeunes agriculteurs ainsi que sur l'évaluation et le suivi des politiques agricoles, Masseube (Gers) le 16 septembre 2007.

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Circonstance : Finale nationale du championnat de France de labour à Masseube dans le Gers le 16 septembre 2007

Texte intégral

Merci pour votre accueil chaleureux, félicitations à Christophe DUGROS, Président des JA32 et à Patrice CASSOU, Président du comité d'organisation et bravo aux organisateurs.
Six cents finales cantonales, 90 finales départementales et 11 finales régionales ont, depuis le printemps, animé nos territoires et rassemblé des milliers de visiteurs ruraux et citadins. C'est dire l'énergie des JA et la qualité de nos finalistes. Je veux aussi remercier vos partenaires qui vous font confiance et sans qui, une telle manifestation serait impossible à organiser.
Félicitations aussi pour votre présence à la techno-parade d'hier à Paris. Vous avez raison ne laissez pas porter par d'autres vos propres messages
Le cadre choisi pour cette finale est symbolique : l'Institut Saint-Christophe, c'est un établissement au coeur du terroir gersois, mais aussi un acteur du monde rural qui forme plus de 500 jeunes issus de 13 nationalités. Je veux à travers cet établissement adresser un coup de chapeau à nos 847 établissements, publics et privés qui dispensent une formation de grande qualité centrés sur le vivant et ancrés dans nos territoires.

Réponses aux attentes des JA
Le Président Meurs m'a interpellé sur sept points auxquels je veux répondre sans démagogie.
* Assolement en commun
Les dispositions législatives incluses dans la loi LDTR du 23 février 2005 ont réglé un problème de fermage. Elles ne règlent pas les difficultés rencontrées par les agriculteurs regroupés pour déposer, au nom de l'assolement en commun, une demande d'aide par rapport à la réglementation.

Un groupe de travail s'est réuni le 30 mai dernier. Quelques propositions ont été transmises dont celles des JA. Elles sont en cours d'examen. Le groupe de travail se réunira à nouveau dans quelques jours avec l'objectif d'aboutir afin d'établir les modalités de déclarations PAC dans le respect de la réglementation communautaire.
* Plafond des aides jeunes agriculteurs (JA)
Le nouveau Règlement de Développement Rural a fixé le cumul des aides dont peut bénéficier un JA à 55 000euros
Le relèvement des taux d'intérêt constaté depuis le début de l'année pose des difficultés spécialement en zone de montagne.
Je saisirai la Commissaire européenne de cette difficulté dès demain à Porto et la France portera également cette demande lors de la prochaine révision du PDRH en février
* Engagement de l'investissement avant l'octroi du prêt
La mise en oeuvre de la nouvelle programmation de développement rural s'accompagne d'une nouvelle gestion des conditions d'octroi de prêts. Elles posent de réelles difficultés à certains jeunes notamment pour financer des reprises d'exploitation à un tiers. Cette procédure est pourtant conforme aux lignes directrices agricoles qui s'appliquent pleinement et ces dernières prévoient notamment que des aides ne peuvent être accordées pour des investissements déjà initiés.
Une nouvelle modalité de gestion pourra être mise en oeuvre à compter du 1er janvier prochain, elle permettra dans le cadre d'enveloppes départementales préalablement établies de lever l'obstacle. Ces modalités pratiques vous seront présentées mardi lors de la réunion que vous aurez avec mon directeur de cabinet.
* Résorption des listes d'attente
Dans plusieurs régions, des files d'attente se sont reconstituées pour l'obtention des prêts Jeunes Agriculteurs - Moyens Termes Spéciaux.
Au 31 août, la consommation en prêts JA est estimée à 42,8 millions d'euros.
A la même date en 2006, le montant des consommations s'élevait à 32,2 millions d'euros. Soit une hausse de la consommation de 32,9% au 31 août. Cette hausse est essentiellement mécanique du fait de taux d'intérêts croissants.
A ce jour, 51 Meuros de droits à engager ont été délégués aux DRAF. Une enveloppe de 11 millions d'euros vient d'être répartie entre les régions cette semaine
* Révision de l'assiette de cotisations sociales
Les JA bénéficient d'exonérations fiscales et sociales pour leur permettre de démarrer leur projet dans de bonnes conditions. Les dernières améliorations concernent le crédit d'impôt transmission décidé dans le cadre de la LOA, la défiscalisation de la DJA, et enfin les évolutions sur l'assiette forfaitaire la première année. Sur ce dernier point, j'ai proposé dans le cadre du projet de loi pour le financement de la sécurité sociale (PLFSS) que l'assiette forfaitaire régularisable soit abaissée pour la CSG et la CRDS, comme elle l'a déjà été pour les cotisations sociales. Ces sujets fiscaux et sociaux sont importants. Il faudra les aborder dans le cadre des Assises. La réflexion sur les cotisations des exploitants, leur taux et leur assiette doit être globale et cohérente avec le régime non agricole. Elle pourra bien entendu intégrer l'analyse des conséquences de la suppression de l'assiette minimum du régime social, qui est une de vos demandes.
* Le foncier
Sur le foncier, nous disposons depuis les dernières lois d'outils, comme les zones agricoles protégées (ZAP) ou les périmètres d'intervention destinés à limiter la spéculation foncière. C'est un sujet que je compte particulièrement approfondir lors des Assises. D'ici la fin du mois, deux rapports seront rendus qui nous permettront de lancer très vite une réflexion constructive : un rapport sur l'utilisation des deux nouveaux outils que je viens de citer, et un autre sur l'étalement urbain.
Mais il faut rappeler que, depuis 1982, les questions foncières relèvent de la compétence des collectivités locales. Je veux engager un dialogue avec l'AMF, avec l'ADT et avec l'ARF sur le sujet, car il nous faut mettre de la cohérence dans nos propos et nos actes sur la question foncière. Elle est essentielle.
* Le plan de professionnalisation
Enfin, concernant la formation, l'expérimentation dans cinq départements en cours sur le plan de professionnalisation fera l'objet d'une évaluation dans les meilleurs délais. Dès la fin de ce mois, vous recevrez la visite de mes collaborateurs dans un département pour apprécier cette évolution grandeur nature du parcours de professionnalisation. L'évaluation devrait nous permettre de généraliser le nouveau dispositif en début d'année 2008. Parallèlement, une réflexion sur les diplômes requis est en cours.
L'ensemble de ces éléments s'inscrit dans une vraie politique de l'installation, une politique cohérente. Mais l'évolution de l'entreprise agricole, l'évolution de la politique européenne appellent des ajustements. Cette politique, il faudra la revisiter, comme l'a demandé le Président de la République à Rennes. Nous devrons notamment mieux prendre en compte le caractère d'entreprises de l'exploitation agricole et intégrer les évolutions réglementaires nationales et communautaires.
Les bonnes questions sur la transmission et l'installation, il faut nous les poser ensemble, sans tabou, et en toute franchise. Je compte sur vous tous pour les différents groupes de travail à venir.
D'Epinal à Masseube
Moins de 48h après ma prise de fonctions à Epinal, il y a trois mois, je vous ai présenté ma ligne de conduite, mes idéaux. Ils tiennent en trois mots : responsabilité, efficacité, équilibre.
Je suis plus attaché à l'évaluation et à l'effet de suivi d'une politique qu'aux annonces.
* Nitrates en Bretagne
Je n'ai pas ménagé mes efforts pour aller comprendre les situations sur le terrain. Aujourd'hui, le contentieux est officiellement suspendu, et ça prouve que nous avons su tisser des relations de confiance réciproque avec la Commission européenne. C'est fondamental. Il faudra appliquer le plan, et je demanderai à un responsable de la DG Env de se rendre avec moi en Bretagne pour appréhender la situation localement. Les exploitants bretons ont fait beaucoup d'efforts ces derniers mois, il faut continuer, et nous allons les y aider.
Une cellule d'appui locale a été installée début juillet sous l'égide du Préfet de Région. Son but, c'est notamment d'accompagner individuellement les agriculteurs, sur la base d'un « diagnostic-action » de leur exploitation, coordonné par la Chambre régionale d'agriculture et financé par le Ministère de l'agriculture et de la pêche.
De plus, des aides ont été mises en place pour compenser les pertes de revenus des agriculteurs et permettre l'adaptation structurelle des exploitations. En tout, ça représente près de 86 Meuros d'aides versées par l'Etat pour les neuf bassins versants.
* Bâtiments d'élevage
Le Plan des bâtiments d'élevage (PMBE) a connu un grand succès ces dernières années et a répondu à un réel besoin de modernisation des exploitations.
Pour 2005 et 2006, 11 000 subventions ont été accordées pour un montant de 200 Meuros apporté par l'Etat et l'Europe. Ce financement a été complété par une participation des collectivités portant le financement total à 300 Meuros.
Dans le cadre du nouveau programme de développement rural négocié avec la Commission européenne, et en concertation avec les organisations professionnelles, j'ai souhaité revoir les modalités d'attribution des aides afin de résoudre le problème de la file d'attente et relancer le processus.
Les mesures de régulation qui conduisent à diminuer l'intensité de l'aide dans des proportions raisonnables et sans nuire à l'effet levier de l'aide à la modernisation s'inspirent des expériences développées dans quelques régions.
Les priorités liées à l'installation et à la zone de montagne ont été maintenues dans ce cadre comme me le demandait votre Président.
Les nouveaux taux et plafonds seront appliqués aux dossiers en attente d'engagement au 1er septembre 2007.
Pour accompagner cet effort, j'ai décidé d'allouer une enveloppe supplémentaire de 23 Meuros pour permettre de satisfaire tous les dossiers admissibles en liste d'attente à la date du 1er septembre 2007. Les régions seront prochainement informées du montant de leurs dotations supplémentaires.
Pour les nouveaux dossiers, un processus d'appel à candidature sera mis en place de manière à gérer le plan en fonction des enveloppes annuelles. Un premier appel à candidature sera lancé en 2007.
* Crises sanitaires
Les derniers mois ont été riches en crises sanitaires : Influenza aviaire, fièvre aphteuse, fièvre catarrhale ovine, chrysomèle du Mais.
Mon objectif est maintenir un haut niveau de protection sanitaire en maîtrisant l'impact sur les filières.
Les dossiers sanitaires doivent en effet être gérés avec rigueur, précaution, transparence et dans la concertation.
Il faut expliquer les mesures le plus souvent contraignantes qui sont prises afin qu'elles soient comprises et acceptées.
Et, puis, il faut aussi faire jouer la solidarité interprofessionnelle et de l'Etat : il y a des progrès à faire dans ce domaine. C'est un des thèmes des Assises. Le Président de la République m'a demandé à Rennes de faciliter la recherche de mécanisme d'indemnisation sanitaire en relation avec les professionnels et des réunions sont en cours avec certains producteurs et avec la Fédération nationale des GPS.
* OGM
Il est impératif de pacifier le débat, d'éviter des drames comme nous en avons connu un cet été dans le Lot, de sortir de positions radicales souvent trop réductrices, et de créer un cadre accepté par tous pour les décisions futures sur ce sujet, notamment en matière de commercialisation. C'est toute l'ambition du Grenelle. Chaque variété et chaque OGM sont différents : ces décisions ne pourront donc être prises qu'au cas par cas. Une chose est sûre : nous ne pouvons rester à quai en termes de recherche sur les OGM de façon encadrée et contrôlée.
Les enjeux nutritionnels, environnementaux, et en termes d'application pour la santé, sont importants. Le principe de précaution, c'est aussi ne pas fermer la porte aux bénéfices éventuels de ces recherches. Car les autres pays ne la fermeront pas : il est primordial de maintenir un leadership en matière de recherche pour lutter contre la concentration, au niveau économique, du secteur entre 2 ou 3 grand pays.
Ce dossier appelle transparence et rigueur.
Mais je veux rappeler ici que les agriculteurs qui cultivent quelques 20 000 hectares de maïs OGM Mon810 le font dans le cadre de la loi, une loi de la république qui doit être respectée par tous.
* Antilles
Votre Président à fort justement souligné le grand désarroi en Martinique et en Guadeloupe suite au passage du cyclone DEAN. Comme lui, je me suis rendu sur place pour constater l'ampleur du sinistre. Tout est à reconstruire. Vous avez mobilisé la solidarité professionnelle pour envoyer du petit matériel et vous avez souligné combien les petites exploitations sont touchées. J'ai annoncé un plan d'aides de 4 millions d'euros en leur faveur. Il s'agit d'un premier geste de solidarité nationale. Comme l'a annoncé le Président de la république, celle-ci remplira tout son rôle.
* Grenelle
L'agriculture a réussi à être force de propositions car elle est au coeur du développement durable et car les agriculteurs sont les premières victimes du réchauffement climatique, avec notamment les pénuries d'eau.
Saluer la participation constructive des OPA au Grenelle et notamment la contribution des JA.
Mettre en avant le dialogue que le Grenelle a su instaurer et les nouveaux échanges qui ont pu en naître :
C'est déjà un premier succès.
J'entends aussi contribuer au débat et faire part de mes propositions, je ne citerai que 5 d'entre elles :
- parvenir à l'autonomie énergétique des exploitations agricoles ;
- définir un plan global Biomasse ;
- développer l'agriculture biologique ;
- généraliser la certification des exploitations agricoles ;
- préserver la biodiversité dans les territoires ruraux et en mer.
* OMC
Notre position est claire :
- importance de la préférence communautaire dans notre projet agricole, soulignée par le Président de la République à Rennes ;
- Fermeté claire de la France, et appel à la fermeté de l'UE : pas de naïveté face aux Etats-Unis et aux pays émergents, mais une exigence de réciprocité. L'Europe n'est pas un supermarché.
L'agriculture n'est pas un secteur économique comme les autres : elle est ancrée dans des territoires et des identités.
* Situation budgétaire
Le Ministère de l'agriculture et de la pêche est dans une situation budgétaire tendue.
Le Premier ministre a tenu à m'apporter son soutien financier dès le mois de juillet, par un décret d'avance d'environ 100 Meuros. Il m'a également assuré de son soutien lors du vote de la loi de finances rectificative.
J'ai demandé, très récemment un soutien spécifique dans le cadre du traitement de la fièvre catarrhale ovine.
En ce qui concerne le budget 2008, les derniers arbitrages sont en cours et j'aurai l'occasion de le présenter après le Conseil des Ministres du 26 septembre, lequel examinera le projet de loi de finances initiale pour 2008.
Relever la ligne d'horizon
le Président de la République a exprimé à Rennes, mardi, une ambition forte pour notre agriculture et notre agroalimentaire. Elle est exprimée par :
Un grand journal du soir daté d'aujourd'hui titre en page 2 : « le grand retour de l'agriculture ». Je ne doute pas que cela vous fasse sourire, vous qui n'êtes jamais partis.
Mais dans le reste de la société, aux yeux des autres, l'agriculture retrouve aujourd'hui sa vraie raison, sa considération et du respect. Il faut produire pour nourrir la planète.
Il faut éviter pour autant l'euphorie car la hausse des matières premières pose aussi de vrais problèmes à certaines productions. Je pense naturellement aux productions animales.
Oui, Mesdames et Messieurs, nous sommes à l'heure d'un nouveau rendez-vous entre les agriculteurs et la société.
Je suis fier et honoré d'être le Ministre en charge de la politique la plus humaine et la plus européenne qu'il soit.
Il nous faut mettre en oeuvre des mécanismes de stabilisation des cours et de gestion de crises. Mais l'agriculture devra être :
- productive sans être productiviste,
- utiliser le territoire tout en le ménageant,
- produire plus en produisant mieux,
- continuer à mettre sur le marché français des produits sûrs, tracés, ayant des goûts et des couleurs.
Je souhaite que nous tirions tous ensemble dans le même sens.
Les Présidents Christophe DUGROS et Philippe MEURS ont évoqué les relations avec la grande distribution. J'invite à la transparence sur les marges et sur l'origine des produits.
Notre pays doit défendre son modèle alimentaire, son modèle rural et son modèle agricole, je le dis ici au milieu des jeunes de cet établissement. Ce combat doit trouver une vraie perspective de travail dans le cadre des Assises de l'agriculture.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 20 septembre 2007