Texte intégral
O. Nahum, D. Jeambar et E. Le Boucher.- O. Nahum : Il y a du Chirac dans le Sarkozy qui a préparé son budget : voilà pour cette appréciation d'E. Le Boucher. Bonjour B. Accoyer.
R.- Bonjour.
O. Nahum : Vous êtes évidemment président de l'Assemblée nationale. Merci d'être avec nous ce matin. Une première question - après on parlera évidemment de toutes ces actualités répertoriées par mes petits camarades - sur une polémique qui est rapportée par la presse écrite, peut-être qu'il n'y a pas polémique, vous allez nous dire, sur le fait que J.-F. Copé, le chef des députés UMP, a dit qu'à côté de ses activités de parlementaire, il allait travailler aussi dans un cabinet d'affaires. Certains députés de gauche trouvent que ce n'est pas très éthique, parce qu'il sort de Bercy, le voilà à présent jeune, si j'ose dire, reprenant une activité d'avocat d'affaires. Est-ce que vous, cela vous choque du point de vue éthique, vous qui dirigez l'Assemblée nationale ?
R.- Je ne dirige pas, je préside. Sur l'activité professionnelle d'un parlementaire en même temps que l'exercice de son mandat, cela est parfaitement légal. Sur le choix de cette activité, chacun est juge de ce qu'il fait. D'ailleurs, J.-F. Copé a précisé qu'il s'interdisait d'intervenir dans un certain nombre de domaines et cela a été dans sa bouche, extrêmement clair.
E. Le Boucher : Tout de même, il risque d'être en conflit d'intérêt permanent, parce qu'en tant que parlementaire, il a à traiter à peu près de tous les sujets de la vie publique, et donc il me semble que c'est assez difficilement conciliable, et par ailleurs, au moment où on veut - et vous vous y employez - réhabiliter l'image du Parlement, montrer que nous sommes aussi, pas simplement dans un régime présidentiel, mais dans un régime parlementaire, est-ce qu'il est crédible de faire une activité - par ailleurs, je sais que c'est tout à fait légal - quand on est également président d'un groupe parlementaire qui est le groupe parlementaire le plus important à l'Assemblée, en l'occurrence l'UMP ?
R.- Si vous voulez, je voudrais, parce que ce qui est important c'est le fond - que l'on prenne un petit peu de hauteur et que l'on ne s'arrête pas sur un cas particulier. Je crois qu'il y a en ce moment quelque chose qui est assez dangereux, qui voudrait professionnaliser l'activité d'un mandat de député. Or ce n'est pas un métier, c'est un mandat. C'est quelque chose qui ne doit pas couper, en aucune façon, parce que ça deviendrait une exclusivité d'activité de réflexion et de travail, celui qui est devenu parlementaire, de la vie. Alors, cela se décline d'abord au niveau de ce que l'on appelle le cumul d'un mandat local et d'un mandat national. Au risque de vous choquer, de vous surprendre, mais après en avoir parlé notamment avec des parlementaires canadiens où l'interdiction du cumul a été instaurée il y a un certain nombre d'années, je suis convaincu que le cadre dans lequel, aujourd'hui, nous évoluons en France, je parle pour les mandats, où il est possible d'avoir un mandat local - je dis un seul mandat local - simultanément à un mandat national, est une bonne solution. Vous ne pouvez pas imaginer, et je vous le dis, moi qui suis rentré tardivement dans la vie politique, combien on peut être facilement coupé des réalités que vivent les Français, que rencontrent les institutions, les entreprises, les associations, bref le pays. Et je le dis parce que c'est vraiment le fond de mes convictions. Alors, après, il y a le cumul activité professionnelle/mandat. Ca, vous me permettrez de dire que c'est le choix de chacun. Il y a certaines professions où il peut y avoir des questions d'incompatibilité qui se posent, cela est vrai, mais d'autres où cela ne pose pas de problème. En tout cas, soyons prudents sur les jugements qui sont des jugements où l'on voudrait enfermer dans une activité de mandat exclusive des hommes et des femmes qui ont nécessairement l'obligation de rester au contact.
E. Le Boucher : Ce que vous dites sur le cumul des mandats ne me choque pas, d'ailleurs, mais en l'occurrence, pardon de revenir à un cas particulier, il y a déjà cumul des mandats, vous le savez. Il est aussi président de la communauté urbaine de sa ville, et donc c'est beaucoup de cumuls en l'occurrence...
R.- C'est vrai que sur le point que vous avez évoqué, les établissements publics de coopération intercommunaux, en tout cas pour ce qui est de leur présidence, je l'ai dit d'ailleurs devant la commission présidée par E. Balladur, devraient rentrer dans le calcul du cumul. C'est-à-dire un seul mandat exécutif. Si on est maire, on ne peut pas être simultanément, à condition qu'on ne soit parlementaire, président de l'intercommunalité. Donc, sur ce point, je vous rejoins. C'est une proposition que j'ai faite, et d'ailleurs qui a été également faite par l'UMP à la commission Balladur.
O. Nahum : Mais, B. Accoyer, vous qui présidez donc l'Assemblée nationale, on continue à parler avec vous de cette réforme des institutions de toute l'actualité, juste après une pause...
[8h32 - 2ème Partie]
O. Nahum : Toujours en compagnie de B. Accoyer, président de l'Assemblée nationale, et de D. Jeambar et E. Le Boucher. B. Accoyer, bon, on a appris que la Commission des lois du Sénat a supprimé le fameux article qui comporte en son sein cette possibilité de test ADN. Vous, vous l'avez dit que vous étiez plutôt favorable, que vous n'y voyez pas d'inconvénient. Est-ce que cette décision vous surprend ? Est-ce que c'est un problème de mécompréhension sur la mesure présentée par le ministre Hortefeux ?
R.- Non, c'est la vie parlementaire. Je vous rappelle que c'est un amendement parlementaire, qui émane d'un de mes collègues, T. Mariani, député du Vaucluse, qui était rapporteur du texte. Il a proposé cet amendement, il a été adopté par l'Assemblée nationale. Maintenant, la navette, c'est-à-dire le cheminement du texte en direction du Sénat montre que les sénateurs en commission ont l'air de vouloir le rejeter. C'est le débat, c'est la vie parlementaire. Quand il ne se passe rien et que les textes passent comme ça sans incident, on dit « les parlementaires sont des godillots ». Lorsqu'ils interviennent, qu'ils ajoutent quelque chose qui est fort - et c'est fort ce qu'il a fait Mariani - on dit : « qu'est-ce qui se passe ? C'est une crise ? ». Si l'autre Chambre, dont c'est le travail, réexamine avec recul et émet un avis différent, on dit : « c'est n'importe quoi ». Non, c'est la vie parlementaire.
O. Nahum : Parce qu'il y aura une commission mixte paritaire de toute façon.
R.- De toute façon, il y aura une commission mixte paritaire, il faudra se mettre d'accord.
E. Le Boucher : Et les députés auront de toute façon le dernier mot.
R.- Oui, c'est la Constitution. Vous nous amenez sur les institutions.
D. Jeambar : Et précisément, en parlant des institutions, est-ce que cet amendement vous paraît compatible avec la Constitution et toutes les dispositions européennes, puisque ça c'est aussi un des débats de fond soulevé par cet amendement Mariani ?
R.- Oui, je pense qu'il ne pose pas de problème, mais comme vous le savez, ce texte sera certainement, comme la plupart des textes importants, déferré devant le Conseil constitutionnel qui en décidera en toute souveraineté.
O. Nahum : Dans le cadre de cette réforme des institutions, vous vous êtes exprimé devant la commission Balladur et vous avez insisté notamment sur un point : vous êtes favorable au fait que le président de la République vienne s'exprimer devant le Congrès, donc devant les parlementaires mais sans qu'il y ait de vote. C'est bien ça ? Est-ce qu'il faut y voir un amoindrissement du privilège qui incombait jusque-là au Premier ministre ? Pour vous, c'est une nouvelle donne dans le régime politique qui fait que le Président doit venir s'exprimer devant les parlementaires ?
R.- Franchement, aujourd'hui, lorsque le président de la République veut adresser un message aux parlementaires, il l'écrit, et ce message est lu par le président de l'Assemblée debout, les parlementaires étant eux-mêmes debout. Et savez-vous pourquoi ça se passe comme ça ? Eh bien, ça se passe comme ça parce qu'au début de la IIIe République, au début des années 70, monsieur Thiers qui était un républicain convaincu et un tribun talentueux risquait, s'il s'adressait directement aux parlementaires, de les convaincre de la République. Voilà l'histoire. Convenez que quelque 140 ans plus tard, il convient, bien sûr, de regarder cette pratique. Et pourquoi suis-je opposé à un débat et surtout à un vote derrière, après ? Tout simplement parce que ce serait changer un point essentiel des institutions de la Vème, dont j'espère que nous pourrons dire un mot, qui sont des institutions solides et souples, qui ont montré toutes leurs qualités pendant un demi-siècle, et ça n'est pas rien, alors que la France a traversé de multiples crises et a connu une mutation sans précédent au plan économique et social. Dans nos institutions, dans celles de la Vème République, le président de la République est responsable devant le peuple qui l'élit et c'est le Premier ministre qui est responsable devant l'Assemblée nationale.
E. Le Boucher : Bref, vous n'êtes pas pour une évolution vers un régime présidentiel, encore que cette Constitution, comme vous venez de le souligner, on peut en faire absolument tout ce qu'on veut.
R.- Mais c'est ça qui est remarquable dans cette Constitution. D'ailleurs, ses pires adversaires en ont été eux-mêmes convaincus.
E. Le Boucher : Voire F. Mitterrand. O. Nahum : Oui, là, le fameux exemple.
R.- F. Mitterrand, qui parlait avec des mots particulièrement durs de cette Constitution : « le coup d'Etat permanent », disait-il...
O. Nahum : Voilà, l'expression.
R.-...Il l'avait même écrit - s'est rallié complètement à ces institutions, en particulier lorsqu'au début des années 80, alors que la France avait connu plusieurs dévaluations, que la situation économique, sociale, financière était extrêmement grave, eh bien il a utilisé le 49-3 - alors que c'était l'article qui était considéré comme le mal absolu - tout simplement parce que sa majorité était alors rétive pour changer radicalement de politique. C'est une Constitution qui est souple et solide, et on ne change pas quelque chose qui marche.
E. Le Boucher : Un des défauts soulignés, notamment par E. Balladur, c'est maintenant la possibilité quand même de cohabitation qui est immobilisante. Alors que doit-il se passer si le Gouvernement est renversé ou même si la majorité de l'Assemblée l'est pour une raison ou une autre, est-ce qu'il faut que le Président démissionne en même temps ?
R.- Mais, en quoi la cohabitation est-elle paralysante ? Le peuple a décidé, par exemple en 1986 ou bien en 1997, d'envoyer à l'Assemblée nationale une majorité qui était différente au plan politique de celle qui avait élu le chef de l'Etat. Eh bien, cette alternance politique a été possible, sans drame. La cohabitation ça marche, il y a des résultats. Bien sûr que c'est moins harmonieux qu'un Gouvernement où le président de la République et l'Assemblée nationale ont la même sensibilité politique. Mais ça marche, et c'est bien là une qualité formidable de nos institutions. Elle nous a permis, cette Constitution, de traverser des crises et de résoudre des problèmes considérables : la décolonisation, la fin de la guerre d'Algérie, les événements de 68, les alternances politiques et la cohabitation. Mais pensez-vous qu'on trouvera un meilleur système ? Attention !
O. Nahum : B. Accoyer, vous parlez de cette flexibilité de la Constitution mais comment justement gérer dans ce régime cette réalité médiatique qu'on ne peut pas exclure : six conseillers spéciaux du Président de la République, dont H. Guaino depuis New York, qui s'expriment, qui vont avoir une intervention et qui vont peser puisque H. Guaino a requalifié les propos de F. Fillon. Donc, comment vous, l'homme qui préside l'Assemblée nationale, avec des députés qui sont évidemment élus par le peuple, vous voyez ces interventions de conseillers spéciaux qui eux n'ont pas de mandat électif ?
D. Jeambar : C'est vous qui donnez sa légitimité au Premier ministre aussi.
R.- C'est l'Assemblée nationale, cela. Ce sont des événements conjoncturels. Les institutions perdurent, évidemment les hommes changent. Ceux qui occupent les postes de l'exécutif, les deux principales responsabilités de l'exécutif, leur entourage, leur personnalité, leur énergie, mais même la même personne au début d'un premier mandat de président de la République et au cours d'un second - prenons le cas par exemple de F. Mitterrand - change complètement de comportement. Or, nos institutions permettent de faire face à ces situations innombrables, a priori imprévues, mais dont il s'est révélé que nos institutions permettaient de les prendre en compte et de ne pas paralyser le pays.
D. Jeambar : Au-delà de la réforme que vous suggérez, c'est-à-dire la possibilité pour le chef de l'Etat de venir s'exprimer devant les parlementaires sans qu'il y ait de vote, qu'est-ce que vous suggérez comme toilettage dans cette Constitution, dans le statut des parlementaires et éventuellement dans la situation des mandats du présidentiel ? J'ai cru comprendre que N. Sarkozy était favorable à deux mandats mais pas de possibilité de se représenter au-delà. Donc, sur ces points-là, quel est votre point de vue ?
R.- Un mot peut-être avant sur le coeur de ce qu'à l'Assemblée nationale, tous groupes confondus, nous avons trouvé comme améliorations, adaptations à apporter. D'abord, les grands principes de la Vème paraissent, et je viens de le dire, heureux pour le pays. Ensuite, il est vrai qu'avec l'élection du président de la République au suffrage universel en 62, avec le quinquennat en 2000, avec le calendrier qui fait que l'élection présidentielle précède l'élection législative, il y a eu un renforcement du pouvoir, de la place présidentielle. En conséquence, nous sommes partisans, tous groupes confondus, de renforcer les pouvoirs du Parlement. Et nous pensons qu'il faut notamment dans nos trois fonction - légiférer, contrôler l'action publique et débattre - opérer un certain nombre d'avancées. Je peux vous en citer quelques-unes : par exemple dans la fonction de légiférer, qui est la première de nos responsabilités, nous souhaitons qu'il y ait une étude d'impact avant chaque texte transmise au Parlement, un délai suffisant entre le dépôt d'un texte sur le bureau du Parlement et son examen en commission en séance publique. Nous souhaitons que ce soit le texte amendé par la Commission qui vienne en séance, et c'est un point essentiel. Nous souhaitons pouvoir partager la maîtrise de l'ordre du jour avec le Gouvernement.
D. Jeambar : Mais l'exécutif...
R.-... et c'est un point considérable. Donc, voilà un certain nombre des propositions qui sont partagées par tous les groupes parlementaires avec lesquels nous avons travaillé ensemble depuis le mois de juillet.
O. Nahum : Mais cette réforme des institutions, quel est le calendrier qui va suivre ? Les gens nous écoutent, on a bien compris qu'il y avait la commission Balladur qui allait y travailler, on se pose toujours la question, une fois qu'on en a parlé comment concrètement tout cela va se mettre en place ?
R.- D'abord, la commission présidée par E. Balladur va produire un rapport, ensuite le Gouvernement va préparer un projet de loi constitutionnel qui sera débattu dans les deux Assemblées, qui devra être adopté dans les mêmes termes par les deux Assemblées. J'ai oublié qu'il fallait également à nos yeux augmenter le nombre des commissions permanentes, nous en avons six.
O. Nahum : Par exemple pour l'écologie...
R.-... c'est un chiffre qui est inscrit dans la Constitution et il faudra le changer pour le porter à huit.
E. Le Boucher : Et présidées par l'opposition ?
R.- Nous pensons qu'il faut une commission, effectivement, pour le développement durable, les transports, l'énergie, et puis une commission également supplémentaire pour s'occuper spécifiquement des problèmes culturels et éducatifs, et de l'autre côté des problèmes sociaux. Nous ajouterions deux commissions.
E. Le Boucher : Et la présidence ?
R.- Je crois qu'il ne faut pas nier le fait majoritaire, nous avons déjà, sur le souhait de N. Sarkozy, dont il faut souligner que c'est sa volonté de rééquilibrer les pouvoirs du Parlement en faveur justement du Parlement, nous avons déjà placé à la présidence de la commission la plus puissante, de celle qui comporte d'ores et déjà d'importants pouvoirs de contrôle, un parlementaire de l'opposition. Et c'est très important. Pour le reste, le fait majoritaire doit continuer de prévaloir même si je suis personnellement favorable à ce que les missions de contrôle soient partagées pour leur responsabilité par des parlementaires de la majorité et de l'opposition.
D. Jeambar : Je reviens à ma question précédente, on a bien compris que vous étiez favorable à un cumul d'un mandat local et d'un mandat national. Mais sur le caractère renouvelable des mandats, est-ce qu'on peut à l'infini se représenter ? On voit bien que ça a un effet - et c'est une difficulté à renouveler à la vie politique française - donc est-ce que vous seriez favorable à une limitation du nombre de mandats successifs ?
R.- C'est une question très difficile. Je pense que de limiter à deux par exemple le nombre de mandats successifs pose le problème, notamment pour les mandats d'exécutif, d'un affaiblissement considérable du pouvoir au cours du deuxième mandat, et plus on s'approche de la fin, cet affaiblissement est préoccupant.
D. Jeambar : Ca peut même rendre irresponsable et prendre des mesures dès lors qu'on n'est plus sanctionné.
R.- Oui, vous avez parfaitement raison. Moi, il me semble que le seul juge en matière d'élection c'est l'électeur. On prétend que certains élus ne feraient rien. Ne vous inquiétez pas, s'ils ne font rien, leurs électeurs leur feront payer en ne les réélisant pas. Et je voudrais prendre un exemple sur cette question qui est au coeur de l'actualité, du cumul de mandats électifs. Il y a aujourd'hui, on le sent bien, une volonté qu'il n'y ait qu'un seul mandat, je n'y suis pas favorable parce que je pense, je le disais tout à l'heure, qu'il faut rester les pieds et le coeur près des réalités. Mais en ce domaine, ce cumul n'enlève en rien la productivité et le travail législatif. 83 % des parlementaires les plus actifs au cours de la dernière législature, la 12ème, étaient des parlementaires qui étaient en même temps présidents d'exécutif. En réalité, c'est vrai, plus on en fait, plus on travaille, plus on avance, l'inverse est également souvent vrai.
E. Le Boucher : Vous avez mis en place un système d'évaluation du travail des parlementaires ? Vous nous donnez des chiffres, non ?
R.- C'est une comparaison qui a été faite, oui c'est un chiffre que nous avons repéré.
O. Nahum : B. Accoyer le disait à l'instant, D. Jeambar parlait de cette légitimité que vous donnez au Premier ministre, d'ailleurs vous l'avez dit : F. Fillon est très apprécié par les parlementaires. Donc, nous qui sommes de l'extérieur, enfin je parle pour moi, qui voyons ce que l'on peut pressentir comme étant des tensions entre l'Elysée et Matignon, vous vous ne vous inscrivez pas, évidemment, dans ce diagnostic ?
R.- Non, je vous l'ai dit tout à l'heure, les hommes sont ce qu'ils sont, ils ont leur caractère, ils ont la forme qu'ils donnent à leur activité. Et, pour revenir peut-être au fond de la question de la présence, de la responsabilité du Premier ministre, je considère que dans nos institutions, le rôle du premier ministre est essentiel mais que bien sûr l'étendue, comment dirais-je, de ce qu'il peut produire comme communication dépend des hommes, dépend de l'instant. Mais aujourd'hui, il n'en demeure pas moins que celui qui est responsable devant l'Assemblée nationale, celui qui peut être remercié, c'est le Premier ministre.
O. Nahum : Et pas le Président !
R.- Il n'en demeure pas moins qu'il est le chef du Gouvernement, que c'est lui qui met en oeuvre...
D. Jeambar : ... et de la majorité.
R.- Et de la majorité, parfaitement. C'est lui qui met en oeuvre la politique du Gouvernement, même si celle-ci est, on le sait bien, et c'est conforme parfaitement à nos institutions, impulsée, décidée par le chef de l'Etat.
D. Jeambar : Mais est-ce que vous diriez comme F. Fillon que la situation de nos comptes publics est critique - je n'utilise pas le mot « faillite » qu'il a utilisé mais il a dit critique - ou est-ce que vous diriez comme H. Guaino, « c'est un bon mot inadapté » ?
R.- Non, je dirais que c'est un signal utile pour nos compatriotes.
E. Le Boucher : Très adapté. D. Jeambar : Très adapté.
R.- C'est vrai que les Français ne sont pas assez - et nous tous, nous ne sommes pas assez - conscients qu'au fil du temps, nous avons pris l'habitude d'avoir trop de dépenses publiques et que c'est toujours douloureux de devoir maîtriser la dépense publique, ce qui est la première urgence pour notre pays. C'est valable, d'abord pour les dépenses de l'Etat mais c'est également valable pour l'évolution tendancielle des dépenses de solidarité qui conduiront d'ailleurs à des débats particulièrement difficiles, car le pays vieillit et les besoins en ce domaine vont en augmentant très vite.
D. Jeambar : Le choc de confiance pour doper le budget, est-ce que ce budget est inadapté ? On dit qu'il faudrait un choc de confiance pour qu'il soit plus, comment dirais-je, en adéquation avec la situation ?
R.- Je vais vous faire la même réponse que tout à l'heure. Les observateurs que vous êtes, dont je suis friand des commentaires, parce que je ne serais pas là autrement, vous regardez les événements sur un court laps de temps. Or, N. Sarkozy a l'intention de faire une rupture, un changement profond. Il a décidé de libérer les énergies en allégeant les prélèvements, les contraintes, la capacité de travailler plus, de produire plus de richesse pour le plai...
O. Nahum : ... pour le plaisir et pour le pays, oui.
R.- Pour le pays - ça le plaisir c'est pas tout le monde qui partage cet avis car tout le monde n'aime pas travailler - mais enfin, le seul moyen de produire des richesses c'est de travailler. Et par conséquent, ce changement ne s'opère pas du jour au lendemain parce qu'on le voit bien, il y a des décrets d'application, il y a des situations qu'il faut gérer dans le temps, notamment la libération des heures supplémentaires, leur détaxation. Le fait qu'elles ne soient pas chargées sur le plan social nécessite, notamment sur le plan des accords de branche, de pouvoir intervenir également, probablement de modifier encore notre législation, et tout cela va prendre un temps. Mais ce budget est un budget qui prend en compte ce changement, ce changement de cap, c'est un budget qui à ce titre peut être considéré comme un budget de mouvement, et qui se prépare et qui nous prépare, et qui prépare la France à cette relance.
D. Jeambar : Qui nous prépare à la rupture mais ce n'est pas encore vraiment la rupture. C'est ça ?
R.- La rupture ne s'opère pas entre le matin et le soir. Elle nécessite un certain temps, il y a une inertie, tout cela est tellement complexe et lourd.
O. Nahum : Voilà, alors on aura retenu cette formule : "un budget de mouvement". Vous la partagez. Merci B. Accoyer, président de l'Assemblée nationale, et merci à mes camarades Le Boucher et Jeambar d'être restés jusqu'à présent.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 2007
R.- Bonjour.
O. Nahum : Vous êtes évidemment président de l'Assemblée nationale. Merci d'être avec nous ce matin. Une première question - après on parlera évidemment de toutes ces actualités répertoriées par mes petits camarades - sur une polémique qui est rapportée par la presse écrite, peut-être qu'il n'y a pas polémique, vous allez nous dire, sur le fait que J.-F. Copé, le chef des députés UMP, a dit qu'à côté de ses activités de parlementaire, il allait travailler aussi dans un cabinet d'affaires. Certains députés de gauche trouvent que ce n'est pas très éthique, parce qu'il sort de Bercy, le voilà à présent jeune, si j'ose dire, reprenant une activité d'avocat d'affaires. Est-ce que vous, cela vous choque du point de vue éthique, vous qui dirigez l'Assemblée nationale ?
R.- Je ne dirige pas, je préside. Sur l'activité professionnelle d'un parlementaire en même temps que l'exercice de son mandat, cela est parfaitement légal. Sur le choix de cette activité, chacun est juge de ce qu'il fait. D'ailleurs, J.-F. Copé a précisé qu'il s'interdisait d'intervenir dans un certain nombre de domaines et cela a été dans sa bouche, extrêmement clair.
E. Le Boucher : Tout de même, il risque d'être en conflit d'intérêt permanent, parce qu'en tant que parlementaire, il a à traiter à peu près de tous les sujets de la vie publique, et donc il me semble que c'est assez difficilement conciliable, et par ailleurs, au moment où on veut - et vous vous y employez - réhabiliter l'image du Parlement, montrer que nous sommes aussi, pas simplement dans un régime présidentiel, mais dans un régime parlementaire, est-ce qu'il est crédible de faire une activité - par ailleurs, je sais que c'est tout à fait légal - quand on est également président d'un groupe parlementaire qui est le groupe parlementaire le plus important à l'Assemblée, en l'occurrence l'UMP ?
R.- Si vous voulez, je voudrais, parce que ce qui est important c'est le fond - que l'on prenne un petit peu de hauteur et que l'on ne s'arrête pas sur un cas particulier. Je crois qu'il y a en ce moment quelque chose qui est assez dangereux, qui voudrait professionnaliser l'activité d'un mandat de député. Or ce n'est pas un métier, c'est un mandat. C'est quelque chose qui ne doit pas couper, en aucune façon, parce que ça deviendrait une exclusivité d'activité de réflexion et de travail, celui qui est devenu parlementaire, de la vie. Alors, cela se décline d'abord au niveau de ce que l'on appelle le cumul d'un mandat local et d'un mandat national. Au risque de vous choquer, de vous surprendre, mais après en avoir parlé notamment avec des parlementaires canadiens où l'interdiction du cumul a été instaurée il y a un certain nombre d'années, je suis convaincu que le cadre dans lequel, aujourd'hui, nous évoluons en France, je parle pour les mandats, où il est possible d'avoir un mandat local - je dis un seul mandat local - simultanément à un mandat national, est une bonne solution. Vous ne pouvez pas imaginer, et je vous le dis, moi qui suis rentré tardivement dans la vie politique, combien on peut être facilement coupé des réalités que vivent les Français, que rencontrent les institutions, les entreprises, les associations, bref le pays. Et je le dis parce que c'est vraiment le fond de mes convictions. Alors, après, il y a le cumul activité professionnelle/mandat. Ca, vous me permettrez de dire que c'est le choix de chacun. Il y a certaines professions où il peut y avoir des questions d'incompatibilité qui se posent, cela est vrai, mais d'autres où cela ne pose pas de problème. En tout cas, soyons prudents sur les jugements qui sont des jugements où l'on voudrait enfermer dans une activité de mandat exclusive des hommes et des femmes qui ont nécessairement l'obligation de rester au contact.
E. Le Boucher : Ce que vous dites sur le cumul des mandats ne me choque pas, d'ailleurs, mais en l'occurrence, pardon de revenir à un cas particulier, il y a déjà cumul des mandats, vous le savez. Il est aussi président de la communauté urbaine de sa ville, et donc c'est beaucoup de cumuls en l'occurrence...
R.- C'est vrai que sur le point que vous avez évoqué, les établissements publics de coopération intercommunaux, en tout cas pour ce qui est de leur présidence, je l'ai dit d'ailleurs devant la commission présidée par E. Balladur, devraient rentrer dans le calcul du cumul. C'est-à-dire un seul mandat exécutif. Si on est maire, on ne peut pas être simultanément, à condition qu'on ne soit parlementaire, président de l'intercommunalité. Donc, sur ce point, je vous rejoins. C'est une proposition que j'ai faite, et d'ailleurs qui a été également faite par l'UMP à la commission Balladur.
O. Nahum : Mais, B. Accoyer, vous qui présidez donc l'Assemblée nationale, on continue à parler avec vous de cette réforme des institutions de toute l'actualité, juste après une pause...
[8h32 - 2ème Partie]
O. Nahum : Toujours en compagnie de B. Accoyer, président de l'Assemblée nationale, et de D. Jeambar et E. Le Boucher. B. Accoyer, bon, on a appris que la Commission des lois du Sénat a supprimé le fameux article qui comporte en son sein cette possibilité de test ADN. Vous, vous l'avez dit que vous étiez plutôt favorable, que vous n'y voyez pas d'inconvénient. Est-ce que cette décision vous surprend ? Est-ce que c'est un problème de mécompréhension sur la mesure présentée par le ministre Hortefeux ?
R.- Non, c'est la vie parlementaire. Je vous rappelle que c'est un amendement parlementaire, qui émane d'un de mes collègues, T. Mariani, député du Vaucluse, qui était rapporteur du texte. Il a proposé cet amendement, il a été adopté par l'Assemblée nationale. Maintenant, la navette, c'est-à-dire le cheminement du texte en direction du Sénat montre que les sénateurs en commission ont l'air de vouloir le rejeter. C'est le débat, c'est la vie parlementaire. Quand il ne se passe rien et que les textes passent comme ça sans incident, on dit « les parlementaires sont des godillots ». Lorsqu'ils interviennent, qu'ils ajoutent quelque chose qui est fort - et c'est fort ce qu'il a fait Mariani - on dit : « qu'est-ce qui se passe ? C'est une crise ? ». Si l'autre Chambre, dont c'est le travail, réexamine avec recul et émet un avis différent, on dit : « c'est n'importe quoi ». Non, c'est la vie parlementaire.
O. Nahum : Parce qu'il y aura une commission mixte paritaire de toute façon.
R.- De toute façon, il y aura une commission mixte paritaire, il faudra se mettre d'accord.
E. Le Boucher : Et les députés auront de toute façon le dernier mot.
R.- Oui, c'est la Constitution. Vous nous amenez sur les institutions.
D. Jeambar : Et précisément, en parlant des institutions, est-ce que cet amendement vous paraît compatible avec la Constitution et toutes les dispositions européennes, puisque ça c'est aussi un des débats de fond soulevé par cet amendement Mariani ?
R.- Oui, je pense qu'il ne pose pas de problème, mais comme vous le savez, ce texte sera certainement, comme la plupart des textes importants, déferré devant le Conseil constitutionnel qui en décidera en toute souveraineté.
O. Nahum : Dans le cadre de cette réforme des institutions, vous vous êtes exprimé devant la commission Balladur et vous avez insisté notamment sur un point : vous êtes favorable au fait que le président de la République vienne s'exprimer devant le Congrès, donc devant les parlementaires mais sans qu'il y ait de vote. C'est bien ça ? Est-ce qu'il faut y voir un amoindrissement du privilège qui incombait jusque-là au Premier ministre ? Pour vous, c'est une nouvelle donne dans le régime politique qui fait que le Président doit venir s'exprimer devant les parlementaires ?
R.- Franchement, aujourd'hui, lorsque le président de la République veut adresser un message aux parlementaires, il l'écrit, et ce message est lu par le président de l'Assemblée debout, les parlementaires étant eux-mêmes debout. Et savez-vous pourquoi ça se passe comme ça ? Eh bien, ça se passe comme ça parce qu'au début de la IIIe République, au début des années 70, monsieur Thiers qui était un républicain convaincu et un tribun talentueux risquait, s'il s'adressait directement aux parlementaires, de les convaincre de la République. Voilà l'histoire. Convenez que quelque 140 ans plus tard, il convient, bien sûr, de regarder cette pratique. Et pourquoi suis-je opposé à un débat et surtout à un vote derrière, après ? Tout simplement parce que ce serait changer un point essentiel des institutions de la Vème, dont j'espère que nous pourrons dire un mot, qui sont des institutions solides et souples, qui ont montré toutes leurs qualités pendant un demi-siècle, et ça n'est pas rien, alors que la France a traversé de multiples crises et a connu une mutation sans précédent au plan économique et social. Dans nos institutions, dans celles de la Vème République, le président de la République est responsable devant le peuple qui l'élit et c'est le Premier ministre qui est responsable devant l'Assemblée nationale.
E. Le Boucher : Bref, vous n'êtes pas pour une évolution vers un régime présidentiel, encore que cette Constitution, comme vous venez de le souligner, on peut en faire absolument tout ce qu'on veut.
R.- Mais c'est ça qui est remarquable dans cette Constitution. D'ailleurs, ses pires adversaires en ont été eux-mêmes convaincus.
E. Le Boucher : Voire F. Mitterrand. O. Nahum : Oui, là, le fameux exemple.
R.- F. Mitterrand, qui parlait avec des mots particulièrement durs de cette Constitution : « le coup d'Etat permanent », disait-il...
O. Nahum : Voilà, l'expression.
R.-...Il l'avait même écrit - s'est rallié complètement à ces institutions, en particulier lorsqu'au début des années 80, alors que la France avait connu plusieurs dévaluations, que la situation économique, sociale, financière était extrêmement grave, eh bien il a utilisé le 49-3 - alors que c'était l'article qui était considéré comme le mal absolu - tout simplement parce que sa majorité était alors rétive pour changer radicalement de politique. C'est une Constitution qui est souple et solide, et on ne change pas quelque chose qui marche.
E. Le Boucher : Un des défauts soulignés, notamment par E. Balladur, c'est maintenant la possibilité quand même de cohabitation qui est immobilisante. Alors que doit-il se passer si le Gouvernement est renversé ou même si la majorité de l'Assemblée l'est pour une raison ou une autre, est-ce qu'il faut que le Président démissionne en même temps ?
R.- Mais, en quoi la cohabitation est-elle paralysante ? Le peuple a décidé, par exemple en 1986 ou bien en 1997, d'envoyer à l'Assemblée nationale une majorité qui était différente au plan politique de celle qui avait élu le chef de l'Etat. Eh bien, cette alternance politique a été possible, sans drame. La cohabitation ça marche, il y a des résultats. Bien sûr que c'est moins harmonieux qu'un Gouvernement où le président de la République et l'Assemblée nationale ont la même sensibilité politique. Mais ça marche, et c'est bien là une qualité formidable de nos institutions. Elle nous a permis, cette Constitution, de traverser des crises et de résoudre des problèmes considérables : la décolonisation, la fin de la guerre d'Algérie, les événements de 68, les alternances politiques et la cohabitation. Mais pensez-vous qu'on trouvera un meilleur système ? Attention !
O. Nahum : B. Accoyer, vous parlez de cette flexibilité de la Constitution mais comment justement gérer dans ce régime cette réalité médiatique qu'on ne peut pas exclure : six conseillers spéciaux du Président de la République, dont H. Guaino depuis New York, qui s'expriment, qui vont avoir une intervention et qui vont peser puisque H. Guaino a requalifié les propos de F. Fillon. Donc, comment vous, l'homme qui préside l'Assemblée nationale, avec des députés qui sont évidemment élus par le peuple, vous voyez ces interventions de conseillers spéciaux qui eux n'ont pas de mandat électif ?
D. Jeambar : C'est vous qui donnez sa légitimité au Premier ministre aussi.
R.- C'est l'Assemblée nationale, cela. Ce sont des événements conjoncturels. Les institutions perdurent, évidemment les hommes changent. Ceux qui occupent les postes de l'exécutif, les deux principales responsabilités de l'exécutif, leur entourage, leur personnalité, leur énergie, mais même la même personne au début d'un premier mandat de président de la République et au cours d'un second - prenons le cas par exemple de F. Mitterrand - change complètement de comportement. Or, nos institutions permettent de faire face à ces situations innombrables, a priori imprévues, mais dont il s'est révélé que nos institutions permettaient de les prendre en compte et de ne pas paralyser le pays.
D. Jeambar : Au-delà de la réforme que vous suggérez, c'est-à-dire la possibilité pour le chef de l'Etat de venir s'exprimer devant les parlementaires sans qu'il y ait de vote, qu'est-ce que vous suggérez comme toilettage dans cette Constitution, dans le statut des parlementaires et éventuellement dans la situation des mandats du présidentiel ? J'ai cru comprendre que N. Sarkozy était favorable à deux mandats mais pas de possibilité de se représenter au-delà. Donc, sur ces points-là, quel est votre point de vue ?
R.- Un mot peut-être avant sur le coeur de ce qu'à l'Assemblée nationale, tous groupes confondus, nous avons trouvé comme améliorations, adaptations à apporter. D'abord, les grands principes de la Vème paraissent, et je viens de le dire, heureux pour le pays. Ensuite, il est vrai qu'avec l'élection du président de la République au suffrage universel en 62, avec le quinquennat en 2000, avec le calendrier qui fait que l'élection présidentielle précède l'élection législative, il y a eu un renforcement du pouvoir, de la place présidentielle. En conséquence, nous sommes partisans, tous groupes confondus, de renforcer les pouvoirs du Parlement. Et nous pensons qu'il faut notamment dans nos trois fonction - légiférer, contrôler l'action publique et débattre - opérer un certain nombre d'avancées. Je peux vous en citer quelques-unes : par exemple dans la fonction de légiférer, qui est la première de nos responsabilités, nous souhaitons qu'il y ait une étude d'impact avant chaque texte transmise au Parlement, un délai suffisant entre le dépôt d'un texte sur le bureau du Parlement et son examen en commission en séance publique. Nous souhaitons que ce soit le texte amendé par la Commission qui vienne en séance, et c'est un point essentiel. Nous souhaitons pouvoir partager la maîtrise de l'ordre du jour avec le Gouvernement.
D. Jeambar : Mais l'exécutif...
R.-... et c'est un point considérable. Donc, voilà un certain nombre des propositions qui sont partagées par tous les groupes parlementaires avec lesquels nous avons travaillé ensemble depuis le mois de juillet.
O. Nahum : Mais cette réforme des institutions, quel est le calendrier qui va suivre ? Les gens nous écoutent, on a bien compris qu'il y avait la commission Balladur qui allait y travailler, on se pose toujours la question, une fois qu'on en a parlé comment concrètement tout cela va se mettre en place ?
R.- D'abord, la commission présidée par E. Balladur va produire un rapport, ensuite le Gouvernement va préparer un projet de loi constitutionnel qui sera débattu dans les deux Assemblées, qui devra être adopté dans les mêmes termes par les deux Assemblées. J'ai oublié qu'il fallait également à nos yeux augmenter le nombre des commissions permanentes, nous en avons six.
O. Nahum : Par exemple pour l'écologie...
R.-... c'est un chiffre qui est inscrit dans la Constitution et il faudra le changer pour le porter à huit.
E. Le Boucher : Et présidées par l'opposition ?
R.- Nous pensons qu'il faut une commission, effectivement, pour le développement durable, les transports, l'énergie, et puis une commission également supplémentaire pour s'occuper spécifiquement des problèmes culturels et éducatifs, et de l'autre côté des problèmes sociaux. Nous ajouterions deux commissions.
E. Le Boucher : Et la présidence ?
R.- Je crois qu'il ne faut pas nier le fait majoritaire, nous avons déjà, sur le souhait de N. Sarkozy, dont il faut souligner que c'est sa volonté de rééquilibrer les pouvoirs du Parlement en faveur justement du Parlement, nous avons déjà placé à la présidence de la commission la plus puissante, de celle qui comporte d'ores et déjà d'importants pouvoirs de contrôle, un parlementaire de l'opposition. Et c'est très important. Pour le reste, le fait majoritaire doit continuer de prévaloir même si je suis personnellement favorable à ce que les missions de contrôle soient partagées pour leur responsabilité par des parlementaires de la majorité et de l'opposition.
D. Jeambar : Je reviens à ma question précédente, on a bien compris que vous étiez favorable à un cumul d'un mandat local et d'un mandat national. Mais sur le caractère renouvelable des mandats, est-ce qu'on peut à l'infini se représenter ? On voit bien que ça a un effet - et c'est une difficulté à renouveler à la vie politique française - donc est-ce que vous seriez favorable à une limitation du nombre de mandats successifs ?
R.- C'est une question très difficile. Je pense que de limiter à deux par exemple le nombre de mandats successifs pose le problème, notamment pour les mandats d'exécutif, d'un affaiblissement considérable du pouvoir au cours du deuxième mandat, et plus on s'approche de la fin, cet affaiblissement est préoccupant.
D. Jeambar : Ca peut même rendre irresponsable et prendre des mesures dès lors qu'on n'est plus sanctionné.
R.- Oui, vous avez parfaitement raison. Moi, il me semble que le seul juge en matière d'élection c'est l'électeur. On prétend que certains élus ne feraient rien. Ne vous inquiétez pas, s'ils ne font rien, leurs électeurs leur feront payer en ne les réélisant pas. Et je voudrais prendre un exemple sur cette question qui est au coeur de l'actualité, du cumul de mandats électifs. Il y a aujourd'hui, on le sent bien, une volonté qu'il n'y ait qu'un seul mandat, je n'y suis pas favorable parce que je pense, je le disais tout à l'heure, qu'il faut rester les pieds et le coeur près des réalités. Mais en ce domaine, ce cumul n'enlève en rien la productivité et le travail législatif. 83 % des parlementaires les plus actifs au cours de la dernière législature, la 12ème, étaient des parlementaires qui étaient en même temps présidents d'exécutif. En réalité, c'est vrai, plus on en fait, plus on travaille, plus on avance, l'inverse est également souvent vrai.
E. Le Boucher : Vous avez mis en place un système d'évaluation du travail des parlementaires ? Vous nous donnez des chiffres, non ?
R.- C'est une comparaison qui a été faite, oui c'est un chiffre que nous avons repéré.
O. Nahum : B. Accoyer le disait à l'instant, D. Jeambar parlait de cette légitimité que vous donnez au Premier ministre, d'ailleurs vous l'avez dit : F. Fillon est très apprécié par les parlementaires. Donc, nous qui sommes de l'extérieur, enfin je parle pour moi, qui voyons ce que l'on peut pressentir comme étant des tensions entre l'Elysée et Matignon, vous vous ne vous inscrivez pas, évidemment, dans ce diagnostic ?
R.- Non, je vous l'ai dit tout à l'heure, les hommes sont ce qu'ils sont, ils ont leur caractère, ils ont la forme qu'ils donnent à leur activité. Et, pour revenir peut-être au fond de la question de la présence, de la responsabilité du Premier ministre, je considère que dans nos institutions, le rôle du premier ministre est essentiel mais que bien sûr l'étendue, comment dirais-je, de ce qu'il peut produire comme communication dépend des hommes, dépend de l'instant. Mais aujourd'hui, il n'en demeure pas moins que celui qui est responsable devant l'Assemblée nationale, celui qui peut être remercié, c'est le Premier ministre.
O. Nahum : Et pas le Président !
R.- Il n'en demeure pas moins qu'il est le chef du Gouvernement, que c'est lui qui met en oeuvre...
D. Jeambar : ... et de la majorité.
R.- Et de la majorité, parfaitement. C'est lui qui met en oeuvre la politique du Gouvernement, même si celle-ci est, on le sait bien, et c'est conforme parfaitement à nos institutions, impulsée, décidée par le chef de l'Etat.
D. Jeambar : Mais est-ce que vous diriez comme F. Fillon que la situation de nos comptes publics est critique - je n'utilise pas le mot « faillite » qu'il a utilisé mais il a dit critique - ou est-ce que vous diriez comme H. Guaino, « c'est un bon mot inadapté » ?
R.- Non, je dirais que c'est un signal utile pour nos compatriotes.
E. Le Boucher : Très adapté. D. Jeambar : Très adapté.
R.- C'est vrai que les Français ne sont pas assez - et nous tous, nous ne sommes pas assez - conscients qu'au fil du temps, nous avons pris l'habitude d'avoir trop de dépenses publiques et que c'est toujours douloureux de devoir maîtriser la dépense publique, ce qui est la première urgence pour notre pays. C'est valable, d'abord pour les dépenses de l'Etat mais c'est également valable pour l'évolution tendancielle des dépenses de solidarité qui conduiront d'ailleurs à des débats particulièrement difficiles, car le pays vieillit et les besoins en ce domaine vont en augmentant très vite.
D. Jeambar : Le choc de confiance pour doper le budget, est-ce que ce budget est inadapté ? On dit qu'il faudrait un choc de confiance pour qu'il soit plus, comment dirais-je, en adéquation avec la situation ?
R.- Je vais vous faire la même réponse que tout à l'heure. Les observateurs que vous êtes, dont je suis friand des commentaires, parce que je ne serais pas là autrement, vous regardez les événements sur un court laps de temps. Or, N. Sarkozy a l'intention de faire une rupture, un changement profond. Il a décidé de libérer les énergies en allégeant les prélèvements, les contraintes, la capacité de travailler plus, de produire plus de richesse pour le plai...
O. Nahum : ... pour le plaisir et pour le pays, oui.
R.- Pour le pays - ça le plaisir c'est pas tout le monde qui partage cet avis car tout le monde n'aime pas travailler - mais enfin, le seul moyen de produire des richesses c'est de travailler. Et par conséquent, ce changement ne s'opère pas du jour au lendemain parce qu'on le voit bien, il y a des décrets d'application, il y a des situations qu'il faut gérer dans le temps, notamment la libération des heures supplémentaires, leur détaxation. Le fait qu'elles ne soient pas chargées sur le plan social nécessite, notamment sur le plan des accords de branche, de pouvoir intervenir également, probablement de modifier encore notre législation, et tout cela va prendre un temps. Mais ce budget est un budget qui prend en compte ce changement, ce changement de cap, c'est un budget qui à ce titre peut être considéré comme un budget de mouvement, et qui se prépare et qui nous prépare, et qui prépare la France à cette relance.
D. Jeambar : Qui nous prépare à la rupture mais ce n'est pas encore vraiment la rupture. C'est ça ?
R.- La rupture ne s'opère pas entre le matin et le soir. Elle nécessite un certain temps, il y a une inertie, tout cela est tellement complexe et lourd.
O. Nahum : Voilà, alors on aura retenu cette formule : "un budget de mouvement". Vous la partagez. Merci B. Accoyer, président de l'Assemblée nationale, et merci à mes camarades Le Boucher et Jeambar d'être restés jusqu'à présent.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 2007