Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, sur les statistiques de la criminalité et de la délinquance en 2000 et sur les propositions du RPR en matière de sécurité, Paris le 31 janvier 2001.

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Circonstance : Ateliers parlementaires de l'alternance sur la sécurité, au Sénat le 31 janvier 2001

Texte intégral

La sécurité est un droit naturel et imprescriptible de l'homme ; elle est le premier devoir de l'Etat ; elle constitue enfin un impérieux besoin de justice sociale.
Que voyons-nous aujourd'hui ? Dans une société heureusement plus prospère que naguère, la violence écarte un nombre toujours plus important de nos concitoyens, et du pacte républicain, et de la possibilité même de réussir.
Lorsque l'on est un responsable politique, parler de sécurité, c'est tenir un discours non seulement légitime, mais un discours social.
L'insécurité monte ? Ceux qu'elle touche, ce sont les plus démunis, et, même, les plus faibles d'entre les démunis - je veux parler des personnes âgées, ou au contraire des très jeunes, confrontés au racket, à la violence engendrée par la drogue.
Pour peu que vous soyez né au mauvais endroit, au mauvais moment, vous êtes condamné à rester sur le bord de la route.
Dans trop de quartiers, il n'y a plus de Démocratie, mais le jeu, potentiellement mortel pour un pays, des communautés.
La sécurité n'est ni de droite, ni de gauche, même si la gauche a trop tendance à ignorer la question : elle est ce à quoi tous nos concitoyens ont droit ! Elle consiste dans la possibilité de vivre sans risque, que nous croyons aussi naturelle que de respirer, de vaquer librement à toutes les occupations de la vie, sans risque et sans crainte. La possibilité de garer notre voiture où nous l'entendons, de prendre le bus ou le métro à n'importe quelle heure, d'envoyer nos enfants à l'école ou au collège, l'esprit libre.
Cela, les Français l'ont bien compris. Partout où je me rends, sur le territoire national, la sécurité est aujourd'hui devenue la préoccupation et l'inquiétude premières de nos concitoyens.
Car la litanie des chiffres est impitoyable pour ceux ont la charge de faire respecter le contrat social : sur l'année 2000, on dénombre 30 000 faits de violence urbaine,
15 000 voitures brûlées, une augmentation de 10 % des vols avec violence, de 13 % des vols à main armée ; sans compter aussi 19 policiers et gendarmes tués - 4 convoyeurs de fonds tués et quinze blessés.
Quant à ces petits délits qui rendent littéralement impossible la vie de tous les jours, on n'ose même plus les recenser : ce sont pourtant eux qui donnent naissance à ce fameux " sentiment d'insécurité ". Je souhaiterais d'ailleurs que certains médias, et certains politiques, en finissent une bonne fois pour toutes avec l'effet anesthésiant des vocables à la mode, où changer le mot semble résoudre le problème, comme cette fausse bonne idée de l'" incivilité " n'en déplaise à Jean-Pierre Chevenement : brûler des dizaines de voitures en une nuit, est-ce une incivilité ? Non, 'il s'agit d'un délit, aux conséquences particulièrement graves pour ceux qui en sont les victimes et pour ceux qui leur viennent en aide. Je voudrais à cette occasion, saluer le courage des sapeurs-pompiers qui sont envoyés en première ligne dans ces quartiers difficiles.
Car, si l'on n'y prend pas garde, si l'on minimise les faits, c'est toute la vie qui finit par s'organiser autour des chroniques d'une insécurité devenue ordinaire.
Bref : que veut-on faire du visage futur de notre pays ? Veut-on une société apeurée, c'est-à-dire, une société agressive, qui ne trouvera plus de salut, que dans l'invention d'îlots de sécurité protégés par des milices privées.
De l'insécurité, on connaît les causes : une société bloquée, des années de crise, le chômage, l'exclusion, la difficulté à intégrer dans notre société les nouvelles générations de l'immigration, la drogue, et la perte du sens de la responsabilité à tous les niveaux : famille, école, médias, élites.
Cela implique aussi une profonde réforme de la façon dont les élites, ou supposées telles, se comportent. Je crois, moi, à l'exemple : médias, sportifs, femmes et hommes politiques, doivent se montrer irréprochables : pense-t-on une minute à l'effet auprès des jeunes de l'enrichissement indu, des petits arrangements avec la morale, des connivences d'intérêt ?
Le dire, ce n'est pas être moraliste: c'est poser une exigence minimale. L'autorité n'est efficace que lorsqu'elle est elle-même exemplaire.
Lutter contre l'insécurité, c'est aussi reconnaître que les vieilles idéologies ont trop longtemps dominé le débat. Nous ne devons pas choisir entre tel ou tel dogme, entre la prévention et la sanction, entre le social et le sécuritaire, entre la police et le travail social. Il nous faut être humbles, pragmatiques.
Ces deux conditions posées nous pourrons renouveler le contrat entre tous les Français, sur la base d'un consensus aussi large que possible.
Il pourrait reposer sur le principe que tout délit doit valoir à celui qui l'a commis une réponse proportionnée et immédiate de la société.
Non pour quelque raison morale, mais parce que le laxisme qui excuse est le laxisme qui exclut.
Nous pourrons dans ces conditions inventer cette réponse globale que le chef de l'Etat appelle de ses voeux, une réponse qui puisse inclure toutes les strates de la société: l'environnement familial, l'école, les acteurs locaux et l'Etat.
La famille, d'abord, creuset de l'éducation à la vie en société. Lorsque certains parents ne peuvent trouver d'emploi, souvent depuis un grand nombre d'années, l'effet produit sur leurs enfants est incontestablement particulièrement négatif. Il nous faut donc agir de toutes nos forces pour ne pas laisser se développer une frange de laissés-pour-compte de la croissance.
Lorsque, malheureusement, la délinquance des mineurs représente 50 % des violences urbaines et 25 % de l'ensemble des crimes et délits, on ne peut pas considérer les parents comme coupables a priori, mais il nous faut néanmoins proposer des systèmes gradués d'avertissement aux familles. Un tel système est d'ailleurs aussi un moyen de restaurer l'autorité des parents, et de remettre la famille au coeur de notre politique de sécurité.
Pour protéger les enfants avant tout, il faudrait supprimer les zones et les heures de non-droit, fût-ce au prix, pour une durée et pour certains lieux, de l'interdiction pour les enfants de se trouver dehors sans surveillance aux heures les plus critiques de la nuit.
Les cris d'orfraie qui ne vont pas manquer de s'élever contre une pseudo atteinte aux libertés ne m'inquiètent pas : est-ce une liberté, pour un enfant de douze ans, d'être fauché par une décharge de 22 long rifle, ou de se laisser entraîner, par une seule mauvaise rencontre, dans la chute interminable de la drogue ?
L'école, maintenant : c'est aujourd'hui la question même de son sens qui est posée.
L'école républicaine n'est pas le lieu des miracles : il faut cesser de lui demander ce qu'elle ne peut offrir, c'est-à-dire une réponse à toutes nos carences sociales ;
Il faut au contraire lui permettre de se concentrer sur ses missions primordiales - et en particulier, la transmission des savoirs - passeports d'une intégration sociale. Mais l'intégration sociale passe aussi par la connaissance et la compréhension de ce qui est permis et ce qui est interdit. Elle passe aussi par le respect des règles au sein des établissements. Il est indispensable de recruter des ATOS et des surveillants en nombre suffisant, et ne pas hésiter à proposer, lorsque le besoin s'en fait sentir, des mesures fortes d'éloignement du délinquant : en externat pour les primo-délinquants, internat pour les récidivistes combinant l'enseignement scolaire et un encadrement renforcé.
Le rapport entre les acteurs locaux et l'Etat :
Plus largement, nous devons laisser une place beaucoup plus importante à l'expérimentation : donner beaucoup plus largement aux élus, sous le contrôle de l'Etat, des attributions qui sont encore aujourd'hui exercées par des fonctionnaires nationaux.
Qui est, au niveau local, le responsable le plus légitime ? Le maire, certainement, puisque, élu au suffrage universel, il exprime la volonté générale : pour reprendre l'expression du Président de la République, est le médecin généraliste de la vie publique.
Il nous faut donc combiner deux exigences en apparence contradictoires : la première, c'est la forte pression que subit le maire, tenu pour responsable de l'insécurité alors qu'il n'a aujourd'hui un très faible pouvoir ; la seconde, c'est la nécessité de maintenir aussi cette compétence parmi les mission régaliennes de l'Etat ;
La question n'est pas tant celle du développement des polices municipales, que du rééquilibrage des pouvoirs du maire vis-à-vis de la police nationale ou de la gendarmerie.
C'est le maire qui peut assurer, sous le contrôle du Préfet, au plus près de ses administrés, la coordination des divers services, ils doivent travailler dans le même but, le même esprit.
Dans le cadre de l'expérimentation prônée en matière de décentralisation, autoriser la municipalisation des forces de sécurité dans certaines villes, peut constituer une approche intéressante. Assurer la sécurité publique de proximité, c'est une exigence.
Elle peut résulter d'une police territoriale de proximité, placée sous l'autorité des maires avec un contrôle de l'Etat et du Procureur de la République, fruit d'un partenariat strictement défini entre les polices municipales existantes et les unités territoriales de la police nationale.
La contrepartie de cet effort consistant en une politique sociale en faveur des policiers et de leur famille, notamment par une aide au logement. Il faut plus généralement reprendre la politique de recrutement volontariste que nous avons menée entre 1993 et 1997.
Enfin, il faut cesser mettre au contact des réalités les plus dures le personnel le plus jeune et le moins aguerri. Plus de bizutage dans les forces de police !
Les Français en ont assez des grandes réformes inapplicables faute de moyen et de volonté. Il ne suffit plus, surtout lorsque l'on a l'honneur d'être Ministre de l'Intérieur, de nommer cinq, dix ou même cinquante-huit policiers dans l'arrondissement que l'on brigue ! Il faut enfin, réellement et non plus en forme de slogan, dire ce que l'on fera et faire ce que l'on a dit : toutes les mesures que nous avons déclinées devant vous sont réalistes, applicables, bonnes à court et long terme pour le pays ; il y faut simplement de la bonne volonté et une conviction politique ferme. Nous n'en manquons pas.
(Source http://www.rpr.asso.fr, le 02 février 2001).