Texte intégral
Discours de Madame Christine BOUTIN,
Ministre du logement et de la ville
Monsieur le Président,
Madame la Directrice,
Mesdames, Messieurs,
Peu de temps après mon arrivée au Ministère, la nouvelle identité de l'Anah était dévoilée. Je tiens à vous dire, Monsieur le Président, que j'apprécie beaucoup votre nouveau sigle qui symbolise à la fois la construction et l'humain, c'est à dire l'habitat.
Votre agence a été, par ailleurs, rebaptisée l'Agence nationale de l'habitat ; une dénomination plus simple que la précédente qui présente l'insigne avantage d'élargir vos champs potentiels d'intervention.
Il y a quelques jours l'Anah a connu un troisième changement : Serge CONTAT, son directeur général, a été appelé à d'autres fonctions. J'en profite pour lui rendre hommage et le remercier pour le travail accompli 5 années durant, notamment vis-à-vis des publics les plus fragiles. Madame Sabine Baïetto-Beysson le remplace désormais au poste de directrice. Je la remercie d'être là.
Beaucoup de changements donc, mais aussi une grande stabilité !
Tout d'abord, l'intitulé « Anah » demeure. C'est somme toute, une belle marque de reconnaissance pour le travail accompli. Ensuite, il y a bien sûr la pérennité du personnel qui n'est pas pour rien à l'excellence du service de proximité que vous proposez.
Une institution stable donc mais qui a su évoluer ! l'Anah a donc tous les atouts pour s'engager pleinement dans une dynamique nouvelle. Or, c'est bien de cela dont il va être question à présent avec le Chantier national pour le logement.
Je tiens à vous dire que j'ai beaucoup de joie à travailler avec Monsieur PELLETIER.
Je vous en rappelle les objectifs :
- la construction de 500 000 nouveaux logements par an, dont 120 000 logements sociaux.
- faire de la France un pays de propriétaires.
L'un des buts ultimes de ce cahier des charges ambitieux est bien sûr de réussir la mise en oeuvre du Droit au logement opposable (DALO) et donc, à terme, de donner un toit à chacun dans notre pays. Je tiens à vous dire que ma détermination à appliquer le DALO est absolue.
Nous ne parviendrons à atteindre ces objectifs qu'en travaillant sur l'ensemble de la chaîne du logement : du logement du cadre supérieur au logement de celui qui n'en a pas encore. Le parc privé ancien, en location ou en propriété, est donc, à mes yeux, un maillon très important.
Les objectifs de l'Anah , vous les connaissez d'ores et déjà : 40 000 logements à loyers maîtrisés dont 15 000 logements à loyer social ou très social et autant de logements pour les propriétaires occupants aux revenus très modestes.
Quels seront les moyens d'action financiers dont nous disposerons ?
Le projet de loi de finances n'a pas encore été présenté en Conseil des ministres. Je ne peux absolument pas, des ces conditions, vous dévoiler d'informations précises pour l'année 2008.
Je souhaite néanmoins vous annoncer que la dynamique sera maintenue.
Il va sans dire que les moyens de l'Etat devront être complétés pour répondre au défi qui est devant nous. Je me réjouis donc de l'implication de plusieurs de nos partenaires :
les collectivités, au travers des délégations de compétence.
- les partenaires sociaux de l'UESL ensuite. Une convention a été signée la semaine dernière.
L'UESL s'engage en effet à mobiliser 90 millions d'Euros pour le financement de logements sociaux et très sociaux. Les logements les plus sociaux contribueront directement à la mise en oeuvre du droit au logement opposable : les populations concernées seront des populations salariées figurant parmi les 6 catégories ultra-prioritaires de la loi DALO. C'est ainsi que les travailleurs pauvres accueillis en CHRS pourront enfin accéder au logement privé conformément à l'objectif du PARSA d'offrir 4000 logements du parc privé conventionné pour les personnes sortant de CHRS.
Je sens une montée importante des réclamations sur le territoire, une impatience de ceux qui sont mal logés. Nous aurons besoin de la solidarité de tous pour répondre à ces attentes.
Mesdames, Messieurs,
Les moyens financiers mobilisables pour l'amélioration du parc privé n'auront jamais été aussi importants.
Reste la question des moyens humains...
Dans des projets d'amélioration de l'habitat ancien, et plus encore dans le cas du traitement de l'habitat indigne, les moyens humains sont aussi essentiels que les moyens financiers, qu'il s'agisse de l'ingénierie technique de la construction ou du traitement des enjeux humains et sociaux.
L'Agence peut s'appuyer sur son personnel au niveau national mais également et je l'y encourage sur l'ensemble de ses délégations au sein de chaque DDE. J'ajoute qu'avec la mise en place des délégations de compétence, vous pouvez compter sur le soutien technique et politique des collectivités locales qui viennent, quasi systématiquement en renfort de l'action de l'ANAH. Le retour d'expérience que nous commençons à avoir sur les délégations est assez parlant sur ce point.
J'ai toujours été attaché à la décentralisation. Ministre du logement et de la ville, je veux qu'elle soit mise en oeuvre sur le terrain. Naturellement cette décentralisation ne doit pas s'opérer à n'importe quel prix. La délégation de compétence nous oblige par exemple à nous interroger sur l'organisation locale de l'Anah. Faut-il, en cas de délégation, continuer à assurer l'instruction des dossiers ? Devons-nous demander aux collectivités de prévoir leurs propres services ? En d'autres termes, la responsabilité politique emporte-t-elle la responsabilité technique ? La question est ouverte. Je souhaite qu'elle puisse être tranchée à l'occasion de la révision générale des politiques publiques. Je demande en conséquence à l'Anah d'étudier cette question avec attention, en lien avec la DGUHC, pour proposer des pistes d'organisation. Le propos est clair, il s'agit d'assurer le meilleur service à nos concitoyens.
Je demande au représentant de l'Association des maires de France (AMF) à mes côtés de faire passer le message à son président. Les enjeux sont très importants et il nous faut des résultats. Je le répète : je suis favorable à la décentralisation, mais à la condition d'avoir des résultats.
Je vois pour l'Anah trois niveaux d'intervention...
- une amélioration de la qualité des logements, en particulier en ce qui concerne la lutte contre l'habitat indigne,
- un accompagnement des personnes les plus fragiles,
- une politique d'accompagnement du traitement des centres villes dégradés.
1) En ce qui concerne l'amélioration de la qualité des logements d'abord
L'Anah doit contribuer à l'amélioration de la qualité des logements. C'est sa raison d'être.
Pour être efficaces, il est important que les interventions permettent d'améliorer durablement les logements. Songer au long terme, c'est par exemple se préoccuper des économies d'énergie. Comme vous le savez, des réflexions sont en cours à ce sujet dans le cadre du Grenelle de l'Environnement. Monsieur Pelletier, vous avez vous-même rédigé un rapport sur le parc ancien. C'est bien sûr dans ce secteur qu'existent les plus grands gisements d'économies, mais c'est aussi là que les travaux sont les plus complexes.
Cette complexité n'est d'ailleurs qu'en partie technique. Elle porte surtout sur les rapports entre les locataires et les bailleurs et la question du financement. Je me suis déjà exprimée sur cette question pendant le discours de clôture de l'USH en indiquant que je souhaitais que « dans le cadre du Grenelle de l'Environnement, [nous trouvions] une solution ''gagnant-gagnant'car, faire des économies d'énergie demande des investissements préalables mais peut rapporter en fonctionnement ». Bien sûr, les locataires devront avoir la certitude que les baisses de charges dont ils bénéficieront sur la durée feront plus que compenser les surcoûts liés aux dépenses initiales. »
Je vous rencontrerai, Monsieur le Président de l'Anah, afin de préciser le rôle que l'Anah peut jouer dans ces réflexions.
L'adaptation des logements pour les personnes âgées et handicapées doit se poursuivre. L'Anah a bénéficié d'un programme exceptionnel cette année qui atteste de l'intérêt que les gens portent à ces questions. Nous devons désormais intégrer ces enjeux dans tous les programmes. En particulier, je crois que nous pourrions prévoir, par exemple, que les logements en rez-de-chaussée financés par l'Anah soient systématiquement adaptés pour les personnes handicapées dès lors qu'il n'y a pas de difficulté technique particulière pour ce faire.
Améliorer les logements, c'est aussi les adapter au futur. Le XXIème siècle sera celui de la société numérique. Nos logements doivent intégrer cette dimension et penser, en particulier, au très haut-débit, c'est à dire à l'arrivée de la fibre optique dans les immeubles. Ne manquons pas ce rendez-vous avec la modernité, surtout, à l'heure où plusieurs quartiers des grandes villes commencent à être équipés. Il serait regrettable qu'une fois de plus, nous laissions les plus modestes sur le bord du chemin.
2) Votre deuxième niveau d'intervention, c'est l' accompagnement des personnes les plus fragiles
Le développement de la Garantie des risques locatif (GRL) est un dispositif qui apporte une sécurité accrue pour tous les acteurs. La GRL sécurise les rapports entre bailleurs et locataires, et contribuera à rétablir une confiance parfois affaiblie. Désormais, il faut que le dispositif se mette en place le plus largement possible. La récente convention entre l'Etat, l'Anah et les partenaires sociaux réunis au sein de l'UESL va y contribuer. Je signerai aussi une convention avec la FNAIM pour que la GRL soit promue et diffusée plus largement.
L'UNPI dit s'engager pour promouvoir la GRL. Les propriétaires doivent être moins frileux : il faut mettre sur le marché des logements aujourd'hui vacants. Il nous faut des résultats.
L'Anah doit se rapprocher de l'ANIL pour trouver des pistes de travail en commun pour améliorer le conseil aux particuliers. Je souhaite qu'un accord puisse être signé sur ce sujet avant la fin de l'année. J'ai bien noté, Monsieur le président, la proposition faite la semaine dernière.
Une convention sera signée avec l'UNPI pour faciliter les montages d'opérations en usufruit locatif social. Cette mesure facilitera la mise sur le marché de logements aujourd'hui vacants.
Je vous ai parlé des moyens financiers pour l'année 2008. Je souhaite que vous puissiez accroître encore la priorité vers les publics les plus sociaux. Ces priorités doivent être prises en compte dans les opérations programmées d'amélioration de l'habitat, les OPAH, à la fois les OPAH nouvelles mais peut-être aussi les OPAH existantes pour lesquelles je vous invite à réfléchir au cas par cas à l'intérêt de passer des avenants prenant en compte les priorités DALO et l'existence de la GRL.
Cette politique relève du sur-mesure, du travail « en dentelle ». C'est pourquoi, j'encourage les délégations locales de l'Anah à se rapprocher de tous les partenaires locaux :
- les mairies, pour les questions de gestion de proximité et la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police, par le biais notamment des services communaux d'hygiène et de santé, avec un nécessaire engagement politique des élus,
- les agglomérations pour la politique de l'habitat,
- les conseils généraux pour les aspects sociaux, reposant sur le réseau des travailleurs sociaux,
- ainsi que tout le milieu associatif, les CAF, les bailleurs sociaux.
Ces contacts existent mais ils doivent être approfondis, notamment pour porter une réflexion large sur la question sociale ou les modes d'habitation. L'Anah peut jouer un rôle moteur dans ce travail partenarial.
Vous voyez l'intérêt que je porte à l'Anah et la responsabilité que je vous donne.
3) troisième et dernier niveau d'intervention : la politique de traitement du traitement des centres-villes dégradés
Je suis ministre du logement et de la ville. La question de la ville est évidemment cruciale pour notre société.
Certains centres villes sont déjà dégradés. D'autres sont en voie de paupérisation. Or je ne crois guère au seul traitement au cas par cas des logements. Dans bien des cas, nous devons conduire des actions d'envergure.
Pour se faire, là encore, nous avons besoin de synergies et de rapprochements. Le pôle national de lutte contre l'habitat indigne a montré l'intérêt, la nécessité même, d'un travail en réseau entre tous les acteurs. Je suis heureuse d'ailleurs de venir à la prochaine journée du pôle, le 27 novembre prochain à Saint-Etienne.
Je souhaite que le travail engagé entre l'Anah et l'agence nationale pour la rénovation urbaine sur l'intervention dans les centres villes dégradés se poursuive pour proposer des modalités d'intervention efficaces, adaptables aux spécificités locales aux différentes échelles d'intervention. L'Anah conservera tout son rôle dans l'accompagnement des propriétaires bailleurs ou occupants. Mais pourquoi ne pas prévoir, par exemple, qu'elle puisse financer des opérations d'aménagement limité, afin de structurer, elle même, des quartiers qui sont « hors » périmètre « ANRU ». L'Anah pourraient reprendre sous sa houlette, au niveau de l'îlot, des démolitions ou encore le financement d'espaces publics limités. Il y a de toute évidence des complémentarités à développer entre les deux agences. Reste à travailler, bien sûr, tous les aspects juridiques et financiers d'une telle collaboration.
Je veux aussi que vous poursuiviez l'accompagnement des copropriétés dégradées. Je sais que c'est souvent là que nous avons les plus grandes fragilités sociales, comme à Clichy-sous-Bois d'où sont parties les émeutes de la fin de l'année 2005. Nous devons mobiliser les maires pour que des OPAH sur les copropriétés dégradées soient engagées et ce dès les premiers signaux de dérapage en terme de gestion. L'accompagnement social est fondamental.
Pour conduire ces missions, les équipes devront se mobiliser dans l'ensemble du territoire, en France Métropolitaine mais aussi en Outre-Mer où les besoins sont importants. Bien sûr, si l'Anah peut apporter une expertise technique et juridique, les moyens financier dépendent du ministère de mon collègue Monsieur Christian ESTROSI, secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer. Comme je l'ai aussi annoncé à l'assemblée générale d'Habitat et Développement, je me suis déjà rapprochée de lui et les contacts vont se poursuivre.
Pour conclure, Mesdames Messieurs, je dirai que je suis de celles qui considèrent que la richesse de nos villes se trouve dans tous nos quartiers. Nous ne devons jamais les opposer les uns aux autres mais au contraire créer des passerelles, tisser des liens entre eux. Je me suis déclarée - vous le savez - en faveur désenclavement des quartiers fragiles. Aujourd'hui, devant vous, je me prononce aussi en faveur du beau. Nous avons un vrai défi esthétique à relever dans les quartiers endommagés. C'est le dernier point auquel, je souhaitais vous sensibiliser avant de terminer.
La feuille de route est importante. L'Anah est un lieu particulier de solidarité. Vous avez avec moi un partenaire qui assumera ses choix politiques. Nous pourrons travailler ensemble en confiance pour la cohésion de notre pays.
Je vous remercie.
Source http://www.reunions-de-chantier.org, le 28 septembre 2007