Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement, à LCI le 2 octobre 2007, sur le rôle du porte-parole, les relations avec le Parlement, le débat au Sénat sur les tests ADN et l'immigration et les questions d'actualité.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier.- Le Sénat vote cet après-midi le recours au test ADN pour contrôler l'immigration par regroupement familial. Vous attendez-vous à un rejet de ce test ADN par le Sénat comme ce fut le cas déjà en commission des lois ?
R.- On s'attend juste à un débat. Il faut bien rappeler que l'amendement sur le test ADN, c'est un amendement d'origine parlementaire, qui a été déposé par le député T. Mariani. Donc, on attend de voir. Ce qui va être intéressant maintenant au Sénat, on voit bien l'intérêt éventuel du test ADN. Le problème derrière, c'est toutes les modalités pratiques. Est-ce qu'on fait un jeu judiciaire ? Est-ce qu'on recourt à la Commission de l'éthique ? Quelle durée pour l'expérimentation ?
 
Q.- Le Sénat vous dira que ce n'est pas des modalités pratiques mais un problème de fond ; c'est un problème d'éthique, comme le dit J.-P. Raffarin.
R.- Bien sûr, il y a les deux à la fois. Sur le test ADN, il y a le problème éthique, et en même temps, est-ce qu'on est capable de répondre à ces interrogations sur l'éthique avec des aménagements législatifs ? C'est toute la question qui est aujourd'hui posée devant le Sénat. Mais j'ai envie de dire, il y a le projet de loi, qui lui est le projet de loi sur l'immigration, qui est le coeur du travail qu'a fait B. Hortefeux. Et après, il y a ce débat dans le débat, qui est le débat sur le test ADN, qui lui est un amendement d'origine parlementaire.
 
Q.- Que va proposer B. Hortefeux pour sortir de l'impasse : revenir au texte de base gouvernemental en abandonnant cet amendement ?
R.- Je pense qu'à ce stade, la démarche du Gouvernement c'est plus d'essayer de voir si on peut rassembler les différentes opinions qui se sont exprimées. Je voudrais juste quand même rappeler que - parce qu'on a tout d'un coup un point de cristallisation dans le débat - de très nombreux pays européens ont déjà le test ADN. On peut recourir en France, vous et moi, au test ADN, pour faire vérifier nos origines familiales. Donc, j'ai envie de dire que c'est quand même un sujet sur lequel on n'est pas non plus totalement sur du politiquement incorrect tel que peuvent le dénoncer les bons esprits.
 
Q.- Et néanmoins, quand on regarde le nombre d'immigrants possibles concernés, c'est si peu que cette polémique est quand même chère payée. Est-ce qu'il ne serait pas plus simple de retirer cet amendement ?
R.- Il y a juste un vrai sujet, qui d'ailleurs avait été ciblé par une commission sénatoriale : c'est que sur les questions des origines du rattachement à telle ou telle famille, on considère qu'il y a à peu près 30 % de fraudes. 30 % de fraudes sur l'immigration de regroupement familial, ce n'est pas tout à fait négligeable. Donc, il y a une vraie interrogation. Je rappellerai un dernier point, qui est trop peu souvent mentionné : tel que c'est prévu dans l'amendement de T. Mariani, c'est quand même volontaire, en tout cas tel qu'il a été ré amendé par le Gouvernement. Donc, on n'est pas non plus sur quelque chose qui est imposé. Voilà.
 
Q.- Le Sénat a rétabli hier soir la réversibilité de l'abonnement pour l'énergie, c'est-à-dire qu'on peut changer d'opérateur quand on arrive dans un appartement pour payer son gaz et son électricité. Le Gouvernement approuve-t-il cette marche arrière ?
R.- Juste, le point qui est important c'est quoi ? Plus généralement, en dehors de la question de savoir si quand vous arrivez dans un appartement, vous devez chausser les pantoufles de l'abonnement de votre prédécesseur, c'est de dire que - et c'est tout le travail fait par L. Chatel - mettons un peu plus de concurrence dans les différents domaines, évitons les ententes cachées, etc. Cela permettra sans doute d'avoir une action sur les prix. Je rappelle qu'il y a trois ans, lorsqu'on avait travaillé - notamment N. Sarkozy avait donné l'impulsion - sur les prix dans les grandes surfaces, cela avait permis d'avoir un impact à la baisse des prix de 2 à 3 %. C'est ce type de démarche économique qu'on essaye d'avoir.
 
Q.- Le Sénat est-il engagé dans une forme d'opposition au Gouvernement ?
R.- Non. Mais par contre ce qui est intéressant à observer, c'est justement l'utilité du bicaméralisme. Le bicaméralisme : avoir l'Assemblée nationale et le Sénat, cela permet précisément d'avoir un débat, et de prendre un peu de recul par rapport à tel ou tel amendement, tel ou tel projet de loi. C'est toujours positif.
 
Q.- Quand vous voyez les journées parlementaires de l'UMP où les députés et sénateurs protestent contre l'ouverture, critiquent la politique économique, critiquent la communication du Gouvernement, est-ce qu'il n'y a pas trop de liberté, trop de mou dans les brides ?
R.- D'abord, ce qui est assez amusant à noter, c'est que finalement le Parti socialiste fait peu ou très peu de propositions et est relativement atone, et que quelque part, le débat politique est dans notre famille politique. Cela c'est un point qui est positif. Après, le point sur lequel il faut quand même bien être clair, c'est qu'on a un Gouvernement qui fait des réformes comme très peu ont été enclenchées, alors qu'on est à peine à quatre mois de bilan. Un Gouvernement qui est très décidé à tenir ses engagements, et qui notamment dans les domaines sociaux et économiques est très déterminé dans son action. Il faut juste que ça on ne perde pas de vu l'essentiel.
 
Q.- Les parlementaires font une fixation sur l'ouverture, cela ne passe pas. Que pouvez-vous dire pour rassurer les parlementaires UMP ?
R.- J'ai juste envie de dire que ce qui compte, c'est la feuille de route. Et le président de la République là-dessus est totalement déterminé - il aura l'occasion de s'exprimer mercredi lui-même devant les députés et les sénateurs - est totalement déterminé à ne pas céder sur les engagements qu'il a pris devant les Français. Il y a une seule ligne. Il y a une seule ligne de conduite politique : c'est celle qui a été signée à travers le contrat social au moment de l'élection du suffrage universel du président de la République. C'est la seule qui compte.
 
Q.- Et entre le Président et le peuple, à travers ce contrat, les parlementaires n'ont pas leur place pour jouer leur partition ?
R.- Si, bien sûr. Mais c'est au contraire pour les parlementaires quelque chose qui est très rassurant, parce que leur élection, elle, elle repose quelque part sur le même contrat, c'est cette idée précisément que les Français nous ont élus sur une feuille de route, et le président de la République n'a pas l'intention de dévier de cette feuille de route.
 
Q.- Dans cette feuille de route, il y avait la réforme des régimes spéciaux de retraite. Il va y avoir un débat sans vote à l'Assemblée et au Sénat. Cela veut dire que le Gouvernement va signer un décret et que les parlementaires auront discuté sans voter ?
R.- Cela veut juste dire que le Gouvernement n'est pas au obligé normalement à ce stade d'avoir un débat devant le Parlement. Mais que par contre, on considère que c'est un sujet fondamental, notamment, sur l'équité de nos régimes de retraite. Donc, on se donne quelque part, j'ai envie de dire, la chance supplémentaire d'avoir un débat devant le Sénat et l'Assemblée pour pouvoir en discuter, alors que ce ne serait pas indispensable juridiquement.
 
Q.- C'est une loi ce régime spéciaux. Cela permettra d'approfondir cette discussion ?
R.- Non, parce que pour le coup la loi n'est pas...enfin, à ce stade, il faut qu'on attende, puisque la réforme est quand même en cours de discussion. Juste le point c'est quoi ? C'est qu'on est dans une démarche aujourd'hui de discussion avec les partenaires sociaux. C'est un sujet qui est important. Il est légitime que les sénateurs et les députés, qui sont les représentants du peuple, puissent s'exprimer. C'est juste le seul cadre de réflexion.
 
Q.- A propos de l'expression, D. de Villepin critique le fonctionnement des porte-parole de l'Elysée D. Martinon et du Gouvernement, vous-même, trop présents dans les télévisions, dit-il. Que lui répondez-vous ?
R.- Non. Sa critique exacte, c'est que notre conférence de presse après le Conseil des ministres, notamment la mienne, est retransmise sur une très bonne chaîne de télévision.
 
Q.- LCI, en l'occurrence.
R.- La vôtre. Ma conférence de presse est ouverte à tout le monde. C'est-à-dire que si France 2, France 3, TF1 veulent la retransmettre, ils peuvent le faire. Pourquoi ? Parce que mon raisonnement, cela a été de dire - et c'était l'instruction du président de la République et du Premier ministre - le Conseil des ministres ne doit plus être une boîte noire. "Soulève le couvercle et explique ce qui se passe à l'intérieur pour que chacun puisse comprendre la façon dont on décide". C'est juste, pour me permettre deux remarques qui m'ont fait sourire : la première, si j'ai bonne mémoire, D de Villepin lui-même avait proposé la retransmission intégrale à la télévision du Conseil des ministres. J'ai trouvé cela assez amusant que maintenant il change de pied en critiquant. Et puis la deuxième, même si pour nous c'est très flatteur d'avoir un commentaire du Premier ministre, je ne suis pas sûr que ce soit sur ces sujets de forme qu'on attend l'expression d'un ancien Premier ministre comme D. de Villepin, mais plutôt sur des débats de fond.
 
Q.- D. Martinon est porte-parole de l'Elysée. L'Elysée domine un peu tout dans le système. Est-ce qu'il est votre supérieur hiérarchique vous qui êtes membre du Gouvernement ?
R.- Non, évidemment que non. On est très complémentaires. D. Martinon exprime la communication du président de la République. Il est le conseiller du Président. Moi, j'ai été élu. Je suis un ministre et ma responsabilité c'est d'exprimer l'action d'ensemble du Gouvernement, impulsée par le président de la République, et mise ensuite en musique par le Premier ministre. Chacun son rôle.
 
Q.- D. Martinon est imposé par N. Sarkozy à la mairie de Neuilly contre ceux qui se battaient sur le terrain depuis des années. C'est le fait du prince, quand même ?
R.- Ce que je pense surtout, c'est que le principal risque, quand on est porte-parole, c'est de déconnecter par rapport au terrain. Moi c'est une de mes hantises : c'est de ne pas devenir un porte-parole cranté sous les plafonds dorés à Paris.
 
Q.- Alors on se fait parachuter quelque part pour avoir un terrain tout cuit ?
R.- Non, ce n'est pas ça. Je pense que c'est toujours intéressant d'avoir ce contact direct avec le terrain et avec un engagement politique. Ensuite, la France est diverse, il y a des territoires ruraux, il y a des territoires autour de Paris, il y a les territoires de banlieue. C'est important qu'on ait cette diversité.
 
Q.- Vous serez candidat, vous qui êtes d'un territoire plus rural ?
R.- Moi je suis déjà passé par le suffrage universel puisque j'ai été ancien député de Haute-Loire...
 
Q.- Pas de municipales ?
R.- A ce stade, je n'ai pas pris de décision, mais en tout cas l'idée pour moi fondamentale, c'est de ne pas être seulement le porte-parole du Gouvernement mais d'être aussi le porte-parole du terrain. Et quelque part, d'être dans une relation interactive. C'est ce que je fais chaque semaine où, chaque semaine, je fais un déplacement sur le terrain pour discuter des résultats concrets de la politique du Gouvernement. La semaine dernière, par exemple, j'ai été à Sens pour discuter avec des chefs d'entreprise sur les freins à l'emploi.
 
Q.- Sentez-vous dans ces déplacements sur le terrain, le glissement de l'opinion ? On voit que ça baisse, les sondages pour F. Fillon et N. Sarkozy ?
R.- Non, pas du tout. Ce que je sens par contre, c'est l'importance des attentes. Mais quelque part, si jamais les Français nous ont fait confiance, c'est aussi parce qu'ils attendent des résultats, et ce qui est intéressant à voir - mais c'est presque un challenge qui pour nous est motivant - c'est que même, alors qu'on est seulement à quatre mois, ils attendent déjà des résultats.
 
Q.- Les résultats : les heures supplémentaires, la nouvelle loi va créer combien d'emplois ?
R.- C'est difficile... Je n'aime pas d'ailleurs ces espèces de chiffrages d'économistes où, à l'avance, on dit : ça va créer un million, sept cent mille, cinq cent mille emplois. Il y aura un impact sur l'emploi, on va l'observer avec les économistes. Mais le deuxième impact fondamental, c'est dans notre approche de l'économie en France. C'est de dire si on veut redresser ce pays, lui permettre de repartir vers l'avant, il ne faut pas se raconter d'histoire, il faut aussi que l'on revalorise le travail et que l'on puisse travailler plus.
 
Q.- Alors, C. Lagarde dit, elle, que la fusion ANPE-Assedic va permettre d'aller à 5 % du chômage. Par quel miracle ?
R.- Juste, il faut revoir, il faut reposer très clairement les trucs : c'est une réforme que personne n'a eu le courage de faire depuis plus de quinze ans. Pourquoi ? Parce qu'il y a deux statuts et deux statuts très différents. Mais on n'est pas là pour permettre à des statuts de se sauvegarder et de perdurer longtemps. Le but c'est de faire en sorte que des chômeurs puissent retrouver un travail de la façon la plus efficace possible. Donc, rapprocher les réseaux, rapprocher les boutiques pour faire en sorte qu'il n'y ait plus qu'un seul organisme qui traite. Et un seul guichet pour les chômeurs, c'est plus d'efficacité dans la recherche pour l'emploi.
 
Q.- Le magazine Auto-Plus a suivi les membres de l'exécutif dans la rue. Ce n'est pas brillant, les voitures officielles respectent peu le Code de la route, notamment Sarkozy, Fillon, Alliot-Marie. Alors, qu'allez-vous faire pour les convaincre de mieux se comporter ?
R.- En tout cas, je demande à voir, parce que les enquêtes d'Auto-Plus, dans ce genre de cas... Juste un point quand même pour les personnes que vous avez cités. Moi, cela m'a impressionné, parce que je ne l'avais jamais mesuré avant. Quelqu'un comme B. Hortefeux, par exemple, a des menaces sur sa vie. Quelqu'un comme F. Fillon n'a pas le droit de s'arrêter à un feu rouge, parce que sinon, précisément, il peut être exposé à un attentat. Attention à ne pas faire trop de démagogie non plus en la matière. Les politiques, quand ils sont sur des postes très exposés, risquent leur vie. Moi, ce n'est pas mon cas. Je roule en 307 et en vélo, et je n'ai pas de menace de mort à ce stade.
 
Q.- L. Wauquiez, merci et bonne journée.
R.- Merci.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 2 octobre 2007