Déclaration de M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, sur l'identité polynésienne, le projet de statut d'autonomie, le développement régional et les conséquences des essais nucléaires sur la santé des Polynésiens, le 29 octobre 2007.

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Circonstance : Déplacement en Polynésie, à Tahiti et Mooréa, le 29 octobre 2007

Texte intégral

Maeva e iaorana tatou paatoa
Bienvenue et bonjour à vous tous
Laissez moi vous dire, combien je suis heureux de me retrouver à nouveau parmi vous.
En quelques mois, depuis ma prise de fonction en tant que Secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-mer, j'ai, vous le savez, fait plusieurs fois le tour du monde, sans que mes pensées ne quittent le FENUA.
Dans mon bureau, rue Oudinot, mes yeux se portent quotidiennement sur le TIFAIFAI du roi des oiseaux que vous m'avez offert en septembre dernier à l'occasion de ma visite à la foire agricole. A cette occasion, je veux remercier tout spécialement Mamie Irène de Papara pour cette magnifique réalisation.
Et je veux vous dire ceci : en faisant de moi votre messager Te Manu Arii, vous avez fait de moi un des vôtres.
J'aime votre terre, je m'y sens bien.
J'aime celles et ceux qui l'habitent, ces femmes et ces hommes dont j'ai ressenti, dès mes premières rencontres, l'immense humanité.
J'aime votre générosité naturelle.
J'aime votre force de caractère, forgée par votre histoire, par votre culture, par vos conditions de vie spécifiques liées à la géographie, au climat, à la nature de vos îles, si belles.
Je reviens vers vous pour la 3ème fois en 4 mois. A chacun des polynésiennes et des polynésiens, où qu'il soit, ici à Tahiti et Mooréa, mais aussi dans les Iles sous le Vent, les Australes, les Tuamotu Gambiers, les Marquises je veux porter le message d'amitié et de solidarité du Président de la République Nicolas SARKOZY, de son Gouvernement et de l'ensemble de nos compatriotes.
Nicolas SARKOZY a eu l'occasion de réaffirmer tout récemment, son attachement particulier à la Polynésie française. Il viendra prochainement, comme il s'y est engagé.
Sachez que lorsque j'ai présenté le projet de loi organique au conseil des ministres, le Président a réaffirmé son attachement à la stabilité politique de la Polynésie et à l'affirmation de sa démocratie.
Comme Nicolas SARKOZY, je le réaffirme avec force aujourd'hui, la Polynésie française n'a plus de temps à perdre. Avec un gouvernement issu des urnes, l'Etat établira un partenariat loyal, pour construire, sur des bases solides, un développement respectueux de l'identité polynésienne, équitable et équilibré :
* un développement qui crée de la richesse tout en réduisant les disparités sociales,
* un développement qui favorise le maintien dans les archipels éloignés, des activités, des services et des populations,
* un développement qui préserve l'environnement, votre cadre de vie, celui à venir de vos enfants,
* un développement qui permette enfin de tracer un avenir prometteur pour nos jeunes. Nous devons ensemble, nous attacher à leur donner toutes leurs chances : 50 % de la population a moins de 25 ans ! J'ai vu dans leurs regards, j'ai ressenti dans leurs attitudes et leurs propos combien leurs attentes et leurs inquiétudes sont fortes. Ils doivent pouvoir compter sur nous pour grandir en confiance, sans crainte.
Je vous le dis, j'ai de grandes ambitions pour la Polynésie française.
Je ne vois pas en quoi cela pourrait venir contrarier votre autonomie statutaire, à laquelle l'Etat a fait droit.
Comme toute mon action l'a démontrée depuis 20 ans, je suis profondément décentralisateur, que ce soit dans les fonctions que j'ai oeuvré au Gouvernement ou dans le département que je préside. Je sais qu'on n'administre bien que de près.
Les responsabilités doivent être exercées au plus près des réalités par les élus polynésiens. Je leur fais profondément confiance afin qu'ils fassent le meilleur usage de leur liberté, dans l'intérêt du FENUA.
La Polynésie française est dotée d'un statut très original, le plus fortement décentralisé de la République. Il attribue aux autorités locales une compétence générale pour son développement économique, social et culturel.
Je connais ces termes si forts du statut du FENUA : « La Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement par ses représentants élus ». Le peuple français de Polynésie est ainsi un peuple libre.
Etre un homme ou une femme libre qu'est-ce que c'est aujourd'hui en Polynésie ?
Etre libre, c'est pouvoir se soigner et loger sa famille.
Etre libre, c'est pouvoir travailler, étudier, se former.
Etre libre, c'est pouvoir circuler et communiquer avec le monde entier.
Ma part de vérité aujourd'hui est de vous dire, qu'il ne peut y avoir de progrès économique et social, sans une autonomie efficace.
Ma part de vérité aujourd'hui est de vous dire, qu'il ne peut y avoir une autonomie efficace, sans stabilité et transparence politique.
Je suis allé à l'assemblée de Polynésie française, ce matin à la rencontre des élus et des forces vives de la Polynésie française, pour dire : soyons forts, soyons fiers, soyons unis. Pensons aux polynésiens plutôt que de nous enfermer dans un débat sur l'autonomie et sur le partage des compétences entre l'Etat et le territoire.
Je le dis une fois pour toutes : le gouvernement français ne touchera pas à l'autonomie.
Ce matin, le projet de loi organique a fait l'objet d'une discussion directe et franche abordant tous les sujets sans tabous, tout en restant ferme sur la présence d'un Etat impartial, constant et respectueux de l'autonomie.
Après 3 ans d'instabilité politique, comment peut-on laisser croire, aujourd'hui, comme certains se laissent à le dire, que l'Etat est en train d'organiser l'instabilité et essaie de reprendre la main au plan statutaire ?
Me faut-il prendre à témoin la population, les forces vives de ce pays qui, je le sais, ont du bon sens et ne se laisseront pas abuser par des discours radicaux.
L'instabilité politique est une affaire locale. Elle tient davantage à un état d'esprit qu'à des procédures techniques. Toutefois, le statut de 2004 a démontré dans la pratique qu'il pouvait être amélioré.
C'est ce que le Gouvernement français vous propose aujourd'hui.
La nécessité d'une moralisation de la vie politique et d'une plus grande transparence financière se sont imposées.
Mais comment pourrait-il en être autrement ? C'est une exigence de la démocratie, de la République que d'être irréprochables aux yeux de nos concitoyens. Nous le devons aux Polynésiens, nous le devons aux contribuables métropolitains.
C'est pourquoi, je vous le dis en toute amitié et avec une parfaite conviction.
Ce que je vous propose aujourd'hui est une étape de plus à franchir dans l'approfondissement de votre autonomie, dans l'amélioration du fonctionnement de vos institutions.
Comment considérer comme un retour en arrière toutes propositions visant à accroître la transparence politique et financière ?
Quelque soit la démocratie, la liberté ne peut exister sans contrôle. L'autonomie appelle donc l'équilibre des pouvoirs. Le gouvernement et l'assemblée de la Polynésie française seront d'autant plus confortés dans l'exercice de leurs compétences que l'Etat sera en mesure d'exercer de ses missions régaliennes.
La Polynésie n'est-elle pas dans la République ? Ainsi l'autonomie doit s'accomplir dans le respect de ses règles et de ses valeurs.
Je vous le dis, l'Etat, en prenant l'initiative d'un projet de réforme statutaire est parfaitement dans son rôle de garant et de régulateur des institutions.
C'est parce que tous les responsables politiques, économiques et sociaux et la population l'ont demandé, que l'Etat intervient.
C'est parce que tous les responsables politiques, économiques et sociaux et la population l'ont demandé que l'Etat accepte le principe d'un retour anticipé aux urnes.
C'est parce que l'Etat est attentif à l'intérêt général que ce projet de loi vous est proposé.
Sachez que ce projet de texte est amendable, et que j'y serai particulièrement attentif dans le cadre de la discussion parlementaire.
Certains me reprochent une concertation à marche forcée. Je rappelle qu'aux demandes réitérées de dissolution dans la précipitation qui m'étaient adressées en juin et juillet derniers, j'ai répondu « on va prendre le temps nécessaire d'en débattre ». Certains voulaient des élections le plus tôt possible. C'est 6 mois de concertation que je vous ai proposés.
Ainsi la discussion, que j'ai ouverte à Paris fin juillet et à Papeete lors de mon dernier déplacement, n'est pas terminée.
Je suis revenu pour vous écouter et vous entendre. Avoir des positions politiques différentes n'interdit pas de veiller à ce que la Polynésie française puisse continuer d'avancer en privilégiant l'intérêt général.
Je n'ai pas fini ma période de consultation et d'échange avec vous tous.
Je mesure l'importance des défis que votre pays doit relever pour s'administrer. Et pour moi, c'est l'essentiel. Il s'agit de relever avec vous tous vos défis, accompagner les efforts de développement économique et social et contribuer à améliorer le quotidien des polynésiennes et des polynésiens.
Vous avez tant de besoins légitimes, et, j'en ai conscience.
Telle est la logique du contrat de projet préparé par l'Etat et le gouvernement polynésien au début de l'année 2007.
La concrétisation de ce contrat ambitieux reste mon défi ! Il doit devenir le vôtre.
Je crois sincèrement que la Polynésie française doit s'emparer de ce projet et unir ses énergies. Ensemble nous devons créer les bases d'un développement durable susceptible de d'amener la Polynésie à répondre aux grands défis d'aménagement qui sont les siens.
En effet, comment peut on différer encore l'accès légitime de tous les polynésiens à un service public de distribution pérenne d'eau potable !
Comment ne pas se préoccuper aujourd'hui de la préservation de nos lagons, et plus largement de votre santé ? Nous devons mettre tout en oeuvre pour créer des réseaux d'assainissement modernes pour le bien être des Polynésiens et à la préservation de votre environnement dont la renommée est mondiale.
Le respect de votre biodiversité est nécessaire à votre économie que ce soit le tourisme ou à la production de perles, un des grands joyaux français.
Comment ne pas prendre en considération les attentes des milliers de polynésiens en matière de logement social ? a travers le contrat de projet, l'Etat apportera des réponses concrètes à ces attentes.
Comment ne pas se préoccuper de l'ouverture du territoire aux nouvelles technologies dont les Polynésiens ont tant besoin pour que le monde vienne à eux ? Oui, je suis très favorable à ce que l'Etat français contribue à la mise en place du câble numérique entre l'Australie et la Polynésie. En revanche, aucun monopole ne sera toléré. La concurrence dans ce domaine aussi doit être privilégié.
Comment ne pas se préoccuper enfin des risques naturels auxquels est exposée la Polynésie française ! A l'heure où nous pansons les plaies du cyclone Dean à la Martinique, je refuse d'imaginer, qu'il faille repousser davantage la création d'abris de survie dans les Tuamotu.
C'est tout cela la réalité du contrat de projets !
Je ne veux pas croire que les élus polynésiens dans leur diversité, ne puissent se saisir de cette opportunité destinée avant tout à l'amélioration de votre quotidien.
L'Etat est prêt à soutenir vos projets.
Aujourd'hui, nous allons écrire un nouveau chapitre de notre histoire commune. Nous allons travailler ensemble pour valoriser vos ressources et vos savoirs-faire. La Polynésie française doit devenir un acteur à part entière de son développement local.
De nombreux chantiers sont engagés ou vont être engagés. Un partenariat loyal et durable est nécessaire à leur aboutissement.
Je tiens à évoquer ici le suivi des conséquences des essais nucléaires.
Je sais que ce dossier est sensible pour certains d'entre vous. Par choix personnel, certains se sont opposés au nucléaire ou ont considéré que les essais ont été la cause d'un bouleversement de la société polynésienne.
Je comprends et je respecte profondément cette opinion.
Je sais aussi que parmi les anciens travailleurs du centre d'expérimentation du Pacifique et parmi les populations civiles certains s'inquiètent pour leur santé.
Les essais nucléaires doivent être actés comme un fait historique qui a profondément marqué la relation entre la France et la Polynésie française.
Je suis de ceux qui pensent que cette période de notre histoire commune doit plutôt contribuer à resserrer nos liens.
Pour répondre aux aspirations légitimes de la population, l'Etat s'est engagé dans une démarche de transparence et de vérité visant à apporter une information complète et objective sur les faits et les conséquences des essais.
Cette mission délicate a été confiée à Marcel Jurien de la Gravière, Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la Défense. Je veux le remercier pour la qualité et la grande rigueur de son travail qui s'appuie sur des analyses scientifiques reconnues internationalement.
Cette démarche a permis à l'Etat non seulement de rétablir un dialogue, mais également d'initier des actions concrètes et indispensables, qu'il s'agisse du suivi médical des populations et des travailleurs, ou des opérations de réhabilitation environnementale des anciens sites dont les vestiges abîment les paysages des atolls et peuvent dans certains cas présenter un danger pour les populations.
J'ai tenu à me rendre, avec vos parlementaires, sur des sites en cours de réhabilitation, à REAO et à HAO, ainsi qu'à RIKITEA. J'ai également tenu à me rendre, cet après-midi, au cabinet médical mis en place dans le cadre de la convention de suivi sanitaire pour témoigner du respect de l'Etat de la parole donnée à la population ayant côtoyé les zones des essais.
Je tiens également à évoquer avec vous les efforts du Gouvernement français pour moderniser l'institution communale. Celle-ci mérite un partenariat actif entre l'Etat et les autorités locales.
C'est pourquoi, j'ai souhaité étendre le Code général des Collectivités territoriales à la Polynésie française et permettre aux communes polynésiennes de devenir, des communes de droit commun de la République.
Le renforcement des responsabilités des TAVANA démontre la volonté de l'Etat de donner un sens toujours plus large à l'autonomie.
Sur la question de l'environnement, le Président de la République, Nicolas SARKOZY, a souhaité initier une démarche novatrice, pour enfin traduire les priorités environnementales dans le droit et dans les faits.
Votre biodiversité ultramarine participe à la richesse de la Nation et il suffit pour s'en convaincre de parcourir vos îles et territoires. C'est pourquoi, j'ai demandé à haut-commissaire d'initier un large débat public afin d' enrichir les réflexions nationales suscitées par le « Grenelle de l'environnement ».
Parmi les propositions que vous avez souhaité mettre en exergue, je retiens tout particulièrement la volonté d'initier un schéma territorial de développement et de préservation durable des biodiversités.
J'ai la conviction que les énergies renouvelables et la biodiversité de vos lagons offrent des potentiels exceptionnels qui permettront à la Polynésie française et à la France de rayonner dans tout le Pacifique sud et bien au-delà.
Chers amis, je suis revenu en Polynésie afin de me rendre dans tous vos archipels et rencontrer le plus grand nombre de Polynésiens.
Malheureusement, je ne pourrais pas aller partout. Je le regrette, sincèrement. Votre territoire est si vaste. Mais je reviendrai encore et encore. Vous pouvez compter sur moi.
Par cette relation directe avec vous, je souhaite faire mienne votre culture et votre identité.
Je veux saluer la Polynésie dynamique, celle qui progresse quels que soient les obstacles.
Je veux aussi m'adresser aux sportifs Polynésiens, dont le sens de l'effort et le courage sont un exemple pour tous les Français.
Je veux saluer les performances accomplies par les nombreux médaillés polynésiens aux Jeux du Pacifique d'APIA ainsi que la victoire des deux équipes polynésiennes de va'a à MOLOKAI (Hawaii). C'est aussi avec un immense plaisir que j'ai pu assister à la course exceptionnelle de la HAWAIKI NUI VAA.
Je veux devant vous et avec vous, féliciter les vainqueurs de l'Hawaiki et dire toute mon admiration à tous les participants.
Ma pensée va aussi à la Polynésie qui souffre : les personnes isolées, les plus démunies, les malades et tous ceux qui on perdu un être cher.
Celles et ceux qui ont été si tragiquement éprouvés par l'accident aérien du 9 août dernier sont dans mon coeur. Je salue le travail d'accompagnement effectué par la cellule d'aide aux victimes, co-animée par les services du territoire et de l'Etat ainsi que par la compagnie d'Air Tahiti.
Soyez tous convaincus que je suis ici auprès de vous dans un esprit de solidarité, d'ouverture et d'unité. Il est dans l'essence même de ma démarche, de privilégier le dialogue, l'écoute, la cohésion, et le respect.
Oa oa rahi to'u - je suis heureux, très heureux.
Que la vie vive en nous tous - Ia orana - Que la Polynésie reste prospère et heureuse.
Maururu - merci de votre présence et de votre écoute.
Vive la Polynésie française !
Vive la République !
Vive la France !Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 31 octobre 2007