Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur l'ensemble des mesures mises en oeuvre pour lutter contre la crise du logement en France, Paris le 26 octobre 2007.

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Circonstance : 97ème congrès de l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière) à Paris le 26 octobre 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les propriétaires immobiliers,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour clôturer le 97ème congrès de l'UNPI sur le thème « Propriétaire : le devenir, le rester ». Cette journée d'échange, de réflexion et de travail a été riche et je m'en félicite.
Votre 97ème colloque s'inscrit dans une longue tradition. Cette tradition vous permet de porter des valeurs qui sont une force dans notre société. Aujourd'hui, ces valeurs doivent être mises au service d'une nouvelle modernité que notre pays attend. Nous devons engager la France dans le XXIème siècle. Entrer dans cette modernité nécessite une rupture qui est portée par le Président de la République. Toute la société doit y participer, une société forte, une société qui repose sur deux piliers.
Le premier est le travail. Le Président de la République redonne à la valeur travail son sens. Les Français ont compris cette volonté.
Le deuxième est le logement. En effet, sans logement, comment pouvons-nous nous insérer dans la société, construire un foyer ?
Le logement est une véritable chaîne de solidarité
La France connaît une crise du logement sans précédent. Vous qui êtes des acteurs engagés de l'immobilier, vous le savez tous.
Cette crise touche tout d'abord les personnes les plus fragiles de notre société. Elles sont contraintes de vivre dans des conditions précaires, souvent dangereuses, parfois dans la rue. Ce sont des drames humains, des drames personnels et familiaux, qui existent dans toutes nos villes, souvent à deux pas de chez nous et sans que cela soit visible, loin des phénomènes médiatiques.
Et cette crise traverse l'ensemble de notre société, du sans domicile bien sûr jusqu'aux cadres qui ont des difficultés pour se loger, qui doivent payer des loyers très importants ou accepter de loger très loin de leur lieu de travail. Songez que une place sur deux en CHRS, une place sur cinq en CHU, est occupée par un « travailleur pauvre » ! C'est inacceptable.
Le logement est une chaîne qui nécessite un solidarité entre tous les acteurs.
Pour répondre à cette crise, le Président de la République a fixé des objectifs clairs :
- construire 500 000 nouveaux logements par an, dont 120 000 logements sociaux,
- faire de la France un pays de propriétaires avec un objectif de 70 % de familles possédant leur logement. En outre, nous devons mettre en oeuvre le droit au logement opposable.
La mise en oeuvre du droit au logement opposable, le DALO, fait de la France un pays pionnier. Elle nous oblige à avoir une approche qui mette les personnes au coeur de notre politique du logement. L'enjeu premier pour la cohésion sociale de notre pays, pour l'inclusion sociale en reprenant un terme européen, est de garantir que les plus fragiles aient un toit.
Je sais que c'est une attente profonde des Français. Ma détermination politique pour mettre en oeuvre ce programme est complète.
Pour répondre à ce défi, toute la chaîne du logement doit être mobilisée.
Je n'oppose pas, et je n'opposerai jamais, l'habitat public et l'habitat privé. De la même manière, je n'oppose pas l'habitat collectif et l'habitat individuel, les propriétaires et les locataires. Chacun a un rôle à jouer pour créer une dynamique dans cette formidable chaîne du logement.
Je suis le Ministre du logement et de la ville. Pour la partie logement, je suis bien le Ministre de tous les logements, du parc public comme du parc privé. Je veux être une nouvelle fois très claire avec vous, Monsieur le Président : nous avons besoin des forces de tous pour répondre à la crise actuelle. Il ne faut pas opposer le parc public et le parc privé. Ce n'est pas seulement inutile, c'est même contre-productif. Le parc social public contribue aux équilibres du logement de notre pays. Il est donc indispensable de maintenir un parc social public qui soit de qualité, c'est-à-dire un parc entretenu et qui se développe.
Une France de propriétaires n'est pas une France avec uniquement des propriétaires ! Je suis allée en Espagne et je peux vous dire que, dans ce pays où 82 % des personnes sont propriétaires, il y a de graves dysfonctionnements qui ont des conséquences pour l'ensemble de la société.
Au lieu d'une opposition entre les parcs, je souhaite développer un partenariat entre vous, renforcer les liens entre le secteur public et le secteur privé. Nous avons là un vrai gisement de croissance. Je sais que vous y êtes prêts. Pour que cela réussisse, il faut de la confiance entre les partenaires. Pour que la confiance soit là, il faut travailler sans provocation, reprendre les pistes de travail constructives que vous savez tracer.
C'est pourquoi j'ai engagé le Chantier national pour le logement.
Ce chantier a débuté par la délocalisation du Ministère du logement et de la ville pendant 15 jours à Lyon. Pendant 15 jours, du 17 au 28 septembre dernier, plus de 30 partenaires se sont réunis pour le Chantier national pour le logement, de nombreuses conventions ont été signées. En particulier, l'UNPI a répondu présent, avec la quasi-totalité de ses délégués régionaux, et une convention importante a été signée sur laquelle je reviendrai. Toutes les conventions constituent le socle de la politique que j'engage.
Le chantier se poursuit maintenant par des réunions dans les régions où je vais rencontrer les acteurs locaux.
Je veux insister sur la mobilisation du parc privé pour le Chantier national pour le logement.
La mobilisation du parc privé : les résultats actuels
Le parc privé est aujourd'hui mobilisé pour la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale et la mise en oeuvre du droit au logement opposable.
Pour cette année 2007, ce sont 42 000 logements à loyers maîtrisés qui seront financés contre 38 600 en 2006. Les objectifs de logements conventionnés, à loyer sociaux et très sociaux, étaient de 16 000 : ils devraient être atteints. De plus, 12 500 logements vacants devraient être mis sur le marché de la location.
Je tiens à souligner la dynamique des délégations de compétences. Désormais, plus de 50 % des aides sont délégués à des collectivités. Elles assurent - à part quelques rares exceptions où on peut considérer qu'on est encore en rodage - un travail de grande qualité.
Cet effort pour la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale doit être poursuivi. En particulier, il faut mettre l'accent sur la lutte contre l'habitat indigne, tant pour les propriétaires occupants que pour les propriétaires bailleurs. Les outils techniques et juridiques existent : il faut maintenant les mettre en oeuvre, c'est une question de volonté et d'ingénierie. Je vais mobiliser les préfets pour cela. Les objectifs de traitement de l'habitat indigne sont de 5 000 logements de propriétaires occupants et de 10 000 logements pour les propriétaires bailleurs grâce aux aides de l'Anah.
Cette politique nécessite un financement. Je tiens donc à aborder cette question devant vous.
Les dotations de l'Etat pour l'Anah en 2008 sont en hausse à 500 millions d'euros, par rapport à 482 millions d'euros en 2007. Au début de cette année 2007, l'Anah a pu bénéficier d'un programme exceptionnel de 50 millions d'euros pour le maintien à domicile des personnes âgées par redéploiement de crédits non utilisés. Je vais rechercher comment reconduire cette action en 2008 et maintenir au même niveau au minimum le budget d'intervention de l'Anah. Je ne vous garantis pas que j'y parviendrai.
En outre, à côté des aides, l'équilibre d'une opération locative tient aussi à la solvabilisation du locataire par l'aide personnalisée au logement (APL) ainsi qu'aux exonérations fiscales.
Grâce à la loi DALO, l'APL et l'allocation logement sont indexés automatiquement sur l'indice de révision des loyers, l'IRL.
Côté fiscalité, les logements à loyers maîtrisés disposent d'une déduction de 30 ou 45 % sur les revenus fonciers depuis la loi engagement national pour le logement, ENL, selon que le loyer est de niveau intermédiaire ou de niveau social.
Sachez que je demande à ce que les logements privés puissent bénéficier d'une fiscalité améliorée afin de participer à la mise en oeuvre du DALO, notamment quand une association intervient en intermédiation entre le propriétaire et l'occupant. J'ai bon espoir d'annoncer prochainement des mesures positives en ce sens.
La participation des propriétaires au DALO est le signe d'un fort engagement citoyen et républicain.
Une convention signée à Lyon par l'Etat avec les partenaires du 1 % logement réunis au sein de l'UESL et l'Anah permet aussi de mobiliser 90 Meuros par an pour la mise sur le marché de 70 000 logements d'ici 2013. Des prêts à très bas taux sont accordés au propriétaire bailleur pour compléter l'aide de l'Anah afin de favoriser la mise sur le marché de logements à loyer conventionné. C'est un soutien très direct pour la mise en oeuvre du DALO.
Pour les années suivantes, les objectifs liés au Grenelle de l'environnement seront à prendre en compte. Il va falloir travailler ces objectifs. Pour l'ancien, des diagnostics, plus précis que ceux faits actuellement, seront demandés à chaque vente. Un travail, qui sera conduit par le président de l'Anah, Monsieur Philippe PELLETIER, étudiera l'obligation de rénovation à chaque cession de bien. En tout état de cause, un effort particulier serait fait avant 2012 anciens sur les bâtiments les plus consommateurs d'énergie, c'est à dire ceux de classe G. L'objectif est donc une rénovation lourde de 400 000 logements privés par an.
Vous aurez compris que le logement constitue un champ, peut-être même le champ prioritaire du Grenelle de l'environnement. C'est un formidable défi qui s'ouvre pour nous tous.
Il va désormais falloir traduire ces objectifs dans les réglementations, mettre en place les financements, préparer l'accompagnement des personnes.
Nous devons engager notre pays dans la voie du développement durable, compromis entre les enjeux environnementaux, économiques et sociaux. Comme je l'ai dit à l'occasion de la préparation du Grenelle et pendant la table ronde, les mesures doivent intégrer la dimension sociale. Nous ne devons pas oublier que dans le domaine du logement, notre priorité est de donner un toit à chaque foyer de notre pays, nous assurer qu'aucun homme, qu'aucune femme et qu'aucun enfant n'ait à dormir dans la rue. Je vais donc travailler pour traduire les objectifs environnementaux du Grenelle dans le domaine du logement en veillant à ce que l'on ne crée pas une précarité énergétique, en veillant aussi à ce que des programmes spécifiques soient mis en place pour les centres-villes, en veillant finalement à la cohérence entre les règles techniques et les règles de gestion des copropriétés comme à la cohérence des rapports entres les locataires et les bailleurs.
Mesdames, Messieurs,
Cette cohérence est essentielle pour préserver le pouvoir d'achat des propriétaires, c'est à dire votre pouvoir d'achat. Et, vous le savez, sans cette cohérence, les efforts de toute une vie pour acquérir un bien pourraient être anéantis.
La convention entre l'UNPI et l'Etat : un élément nouveau
Comme je l'ai dit, à Lyon, nous avons signé une convention importante pour l'usufruit locatif social. C'est vous, Monsieur le Président, qui êtes venu me présenter cette idée. Vous m'avez dit que 100 000 logements pourraient être mis sur le marché.
Désormais, la convention existe. Elle ouvre la possibilité des cessions d'usufruit temporaire pour un logement ou un ensemble de logements.
Les propriétaires vont pouvoir, en conservant la nue propriété, céder l'usufruit de leur bien à un organisme HLM pour une durée de 15 à 30 ans.
Le dispositif est désormais en place. Tous les propriétaires vont pouvoir s'y engager en confiance, préparer les montages avec les organismes HLM de vos territoires.
Je travaille actuellement à rendre encore plus attractif au plan fiscal ce dispositif. Je sais que vous souhaitez que l'usufruit puisse faire l'objet d'un versement fractionné sur les 15 années de la convention, à l'image d'un loyer, avec indexation annuelle, en totale défiscalisation.
Il nous faut désormais convaincre - nous, c'est à dire vous, Monsieur le Président, et moi - les organismes HLM de s'engager pleinement dans cette formule innovante que constitue l'usufruit locatif social.
Nous n'y arriverons que si le mouvement HLM perçoit, à travers cette formule, une véritable solution pour augmenter le parc de logement social et apporter une diversification dans son offre, que ce soit en taille ou en localisation.
Si cette conventions est essentielle, d'autres mesures existent.
Différentes mesures contribuent à améliorer le fonctionnement du parc privé.
En améliorant le fonctionnement du parc privé, on permet bien évidemment aux propriétaires de le rester.
Tout d'abord, je tiens à souligner la mise en place de la Garantie des risques locatifs.
La GRL sécurise les rapports entre le locataire et le bailleur. Elle permet de garantir le risque locatif pour les propriétaires avec un système d'assurance dont la garantie est apportée par le 1 % logement et par l'Etat en fonction des publics. Les propriétés sont assurés de percevoir le loyer, sans limite dans les délais. C'est une garantie qui est universelle, à la fois pour les travailleurs, les personnes à revenus irréguliers, etc... sous réserve de ne pas dépasser un taux d'effort de 50 %.
Surtout, la GRL rend inutile toute caution. Je travaille activement avec les partenaires sociaux pour que cette GRL prenne tout son essor dès le début de l'année 2008. Je vous encourage donc tous à prendre cette assurance qui offre les garanties les plus étendues au moindre coût.
Les dispositifs Robien et Borloo dans le neuf contribuent à l'offre de logement. Ces dispositifs fonctionnent. Je n'ai pour l'instant pas l'intention de les modifier même si différentes critiques sont parfois émises. Un rapport sur l'évaluation des dispositifs d'investissement locatif va d'ailleurs être déposé comme prévu dans les jours qui viennent devant le Parlement.
Bien sûr, les modalités des dispositifs ont des conséquences à la fois sur la localisation géographique des biens construits et sur les personnes éligibles. Ce sont deux éléments essentiels pour une politique du logement. La révision générale des politiques publiques (RGPP) entreprise par le Gouvernement contribuera aussi à mieux évaluer dans les mois à venir ces dispositifs fiscaux.
Les rapports entre les locataires et les bailleurs sont essentiels. C'est pourquoi j'ai demandé, au cours de l'une des réunions de chantier tenue à Lyon, à la Commission nationale de concertation de faire des propositions sur une nouvelle approche du couple loyer et charge, ainsi que sur la question spécifique des charges récupérables pour les gardiens.
Depuis Lyon, 3 réunions de la Commission se sont tenues sur le sujet des charges de gardiennage, j'attends très prochainement les conclusions.
J'en profite pour aborder un sujet d'actualité avec les mises aux normes des ascenseurs. Le délai, imposé par la loi de 2003, de mise au norme au 3 juillet 2008 pose des difficultés importantes avec des surcoûts pour les copropriétés. Je vais proposer au Premier ministre de décaler cette échéance au 31 décembre 2010.
Dernier sujet, les rapports bailleurs - locataires issus de l'équilibre de la loi de 1989. La première trame du rapport de la commission président par Monsieur Jacques ATTALI pour la libération de la croissance française propose des solutions radicales pour modifier cet équilibre. J'examine avec soin ces propositions, qui ne sont d'ailleurs peut-être pas définitives, mais je vous confirme que j'ai le souci à la fois de préserver l'équilibre entre bailleurs et locataires et d'encourager les propriétaires privés à investir dans le logement locatif. Rien ne sera décidé sans une étroite concertation préalable avec les représentants des propriétaires et des locataires.
L'accession à la propriété est encouragée
J'en reviens au premier terme de votre colloque : devenir propriétaire.
Le gouvernement met en place les outils pour encourage l'accession à la propriété.
La mesure de la loi TEPA permettant un crédit d'impôt sur la déduction des intérêts d'emprunt va encourager les acheteurs.
Cette mesure s'ajoute au dispositif du Prêt à taux zéro que je veillerai à préserver.
La maîtrise des coûts est un élément crucial pour permettre l'accession à la propriété.
Il s'agit d'abord des coûts de construction. Un travail va être engager avec la Fédération française du bâtiment pour assurer la meilleure transparence des coûts et des prix par rapport à quelques opérations pilotes. Les décisions prises à l'issue du Grenelle de l'environnement concernant les normes à atteindre dans le bâtiment neuf vont avoir des conséquences sur les prix. Il va falloir se mobiliser fortement pour permettre à la fois de construire les 500 000 logements et assurer leur qualité thermique, ainsi que tous les autres aspects de niveau de confort, comme l'accessibilité et l'adaptation pour les personnes âgées ou l'équipement en haut-débit des logements.
Le foncier est le deuxième paramètre, qui prend souvent une part majeure. L'Etat va se montrer exemplaire pour mettre à disposition du foncier.
Le dispositif du PASS-Foncier permet une acquisition en deux temps du bâti puis du foncier. Une convention a été signée à Lyon, encore une fois, pour améliorer encore ce dispositif. Il bénéficie d'une TVA à 5,5 % et d'une exonération à 15 ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Le dispositif sera pleinement opérationnel au début de l'année 2008.
Ces dispositifs nécessitent une participation des collectivités. Les délégations locales de l'UNPI peuvent engager un travail local avec les élus pour promouvoir ces montages.
Cette confiance entre nous, c'est aussi une confiance dans l'avenir, une obligation quand on est propriétaire et qu'on décide de louer son bien.
Je souhaite mettre en place tous les outils pour accompagner chacun des propriétaires dans ses projets immobiliers. Je compte sur vous pour relever le formidable défi qui est devant nous, pour participer au Chantier national pour le logement.
Je vous remercie.
Source http://www.logement.gouv.fr, le 29 octobre 2007