Texte intégral
Q- Etes-vous arrivée à Europe 1 en voiture, en vélo, ou à pied ?
R- Ce matin, je suis arrivée en voiture, parce que j'ai beaucoup, beaucoup de déplacements les uns derrière les autres.
Q- Donc, vous ne suivez pas les conseils que vous donnez aux Français, d'utiliser plus rarement leur voiture ?
R- Je n'utilise jamais ma voiture à titre privé quand je suis à Paris, je roule en bicyclette.
Q- Donc, vous voudriez qu'on vous imite. Mais on clame son angoisse devant le pétrole autour des 100 dollars, et de ses conséquences, et vous recommandez de modifier des comportements, en tout à cas à long terme. Ne croyez-vous pas que la réponse est courte ?
R- Il y a deux réponses : il y a la réponse de long terme, qui est celle que j'ai donnée, c'est-à-dire, que nous devons effectivement envisager de modifier nos comportements, et plus on le fera tôt, mieux on se portera, tout simplement parce que le pétrole est une denrée qui deviendra de plus en plus rare, avec des demandes de plus en plus fortes. Donc, on investit dans l'avenir, on fait de la recherche, notamment dans le domaine nucléaire, dans le domaine de l'hydrogène. J'ai labellisé il y a 15 jours un projet de recherche sur l'hydrogène et ses utilisations dans les transports. Evidemment, il y a la réponse de très court terme, qui est celle qui concerne directement les Français, et qui consiste à plusieurs choses. D'abord, on essaie...
Q- Mais pour le moment on dit, et vous avez entendu F. Hollande, on vous compare à Marie-Antoinette qui recommandait de prendre de la brioche quand il n'y avait pas de pain ! Cela, c'est la réponse à court terme, mais il faut le savoir !
R- Ecoutez, la brioche, on la perd quand on fait de la bicyclette, d'abord ! Et loin de moi l'idée de rouler en carrosse, pas du tout ! Aujourd'hui, ce que nous souhaitons, c'est véritablement aider les Français dans leur consommation, aujourd'hui, en l'état des contraintes. Et on a mis en place dans mon ministère un site en particulier, qui permet aux automobilistes de vérifier avec à peu près un recensement de 80 % des pompistes, de quelle manière ils peuvent réduire leurs frais de consommation, et ils peuvent, sur un itinéraire réduire de 15 à 20 %.
Q- Cela ne suffit pas, ils vous ont répondu que cela ne suffit pas ! Allez-vous assouplir la taxe sur les produits pétroliers, la TIPP ? La ferez-vous flotter ?
R- Ce que l'on va faire c'est que nous allons inciter- le président de la République l'avait annoncé- on va inciter les Français à choisir des véhicules plus propres. Et pour ce faire, on va inciter les Français à mettre au garage, ou plutôt casser leurs vieilles voitures, celles qui sont polluantes, celles qui sont anciennes et qui ne sont pas conformes aux normes. Grâce à une prime à la casse...
Q- Pour cet idée ?
R- Oui, absolument.
Q- Vous leur demandez d'aller très vite, de changer de voiture, de mettre à la casse les vieilles bagnoles ?
R- Vous savez, le rythme de changement des voitures en France est de huit ans. Huit ans c'est long. Dès lors qu'il y aurait une prime à la casse pour toutes celles des vieilles voitures qui sont en fin d'amortissement et qui ont six, sept, huit ans, il faut à ce moment-là, inciter les Français à changer de véhicules et adopter des véhicules propres. Cette prime à la casse, qui viendra donc en argent liquide auprès des Français, sera financé par "l'écopastille", qui a été aussi annoncée par le président de la République, et qui s'appliquera aux véhicules particulièrement polluants, par exemple les 4x4.
Q- Mais à partir de quand ?
R- Je pense que, dès cet hiver ce sera en vigueur.
Q- Oui, les grosses voitures, les voitures polluantes et les 4x4, dites-vous ?
R- Absolument.
Q- Et l'écopastille, on n'a pas encore recueilli ses fruits ?
R- Non, mais c'est un système qui va être mis en place très rapidement, et dont nous souhaitons qu'il soit en vigueur dès cet hiver. Voilà deux modes d'incitation à une consommation plus raisonnable, et avec véritablement un rôle de l'Etat dans ce domaine.
Q- Mais vous ne m'avez pas répondu sur la taxe sur les produits pétroliers, la TIPP. Vous ne la laissez pas flotter ?
R- Troisième chose, que je voulais également vous dire...
Q- Non, mais, là, là-dessus, là-dessus ?
R- Sur la TIPP, ce n'est pas envisagé à l'heure actuelle. Vous savez que la TIPP ce n'est pas une taxe qui varie en fonction du prix du pétrole, elle est assise sur les volumes. Et comme aujourd'hui les consommateurs français ont plutôt tendance à consommer moins d'essence en raison de son prix, la TIPP est tout simplement aujourd'hui en réduction. Mais je voulais vous dire une chose, ce que j'ai décidé de faire, compte tenu de l'évolution du marché, c'est de convoquer l'ensemble des sociétés pétrolières actives en France pour dialoguer avec elles, et évoquer, un, la manière dont elles répercutent les hausses, la façon dont elle envisage de les lisser, et les engagements de modération qu'elles sont prêtes à prendre, tout simplement pour favoriser les Français et pour éviter en particulier des dérapages de marges. Vous savez que cela s'était déjà produit il y a environ un an et demi ; les pétroliers avaient pris des engagements et d'investissements et de modération de marges, et de lissage des marges. Je veux évoquer avec eux la manière dont ils remplissent leurs engagements et la manière dont ils entendent les poursuivre et les dépasser.
Q- Vous pensez que l'on peut obtenir, comme l'avait obtenu T. Breton, votre prédécesseur, une certaine baisse à la consommation ? Et baisse des prix ?
R- Voilà, baisse de la consommation, elle existe déjà. Mais une baisse des prix à la consommation, je crois que ce qui est important, c'est surtout qu'on ait un phénomène de lissage et pas d'anticipation de hausse, et pas de gonflement des marges. Cela, ce serait intolérable, et je m'y opposerais formellement.
Q- Ah ! Formellement ?
R- Oui, formellement.
Q- A partir de quel niveau de prix du pétrole, en dollar, l'Etat interviendra ? Bougera-t-il ?
R- C'est impossible de vous donner un prix plancher, plafond, etc. On est déjà aujourd'hui dans une situation qui est douloureuse, je le sais très bien, pour de nombreux Français, en particulier dans les secteurs de la pêche ou de l'agriculture. Je signale au passage qu'on n'est pas encore aux taux les plus élevés qu'on avait observés pendant l'été 2006. Mais on arrive à des taux qui sont...
Q- Mais vous pensez qu'on y arrive ? Que cela va monter encore ?
R- Il n'y a aucune raison que le pétrole baisse aujourd'hui, c'est malheureux, mais, un, c'est une denrée qui va devenir de plus en plus rare, la demande est de plus en plus forte, et les tensions internationales pressenties par les spéculateurs en particulier - je dis "spéculateurs", ce sont des gens qui font des achats à terme et qui se disent "le pétrole va monter, achetons maintenant". Cela a pour effet tout simplement d'augmenter les prix.
Q- Et c'est pourquoi le mécontentement est en train de croître dans de nombreux métiers. Vous avez vu que les plus remontés sont les marins pêcheurs qui bloquent les dépôts de carburant à Brest, à Lorient, à Douarnenez. En attendant que M. Barnier les reçoive ou les rencontre, pas en Bretagne mais à Paris, quelles marges a-t-il, lui ? Que dites-vous, vous, ce matin à ceux qui manifestent dans ces ports ?
R- Mais, c'est un dossier qui est de la responsabilité de M. Barnier, qui a grande compétence en la matière. Mon sentiment c'est qu'il est beaucoup plus raisonnable de se concerter, d'évoquer les problèmes par le dialogue, de proposer des solutions, plutôt que de faire des opérations de blocages. Et je comprends tout à fait la situation économique et financière dans laquelle ils se trouvent, et il faut qu'on les aide à trouver des solutions, et je suis sûr que M. Barnier, mercredi, qui doit les recevoir, évoquera ces questions-là.
Q- D'accord, mais ils ont le sentiment d'être bloqués à la fois par Bercy et par Bruxelles, par Bruxelles et par Bercy, c'est-à-dire, vous ? Qu'apporteriez-vous ?
R- Je crois qu'il faut laisser à M. Barnier la plénitude de ses compétences dans la négociation. On fait un travail d'équipe. Dans la mesure où M. Barnier aurait des propositions intelligentes et raisonnables, évidemment on va les explorer dans le cadre de contraintes budgétaires qui sont, je le rappelle, extrêmement lourdes.
Q- Alors, le fuel domestique va lui aussi augmenter, et on voit que l'hiver va être froid. Allez-vous conseiller des couvertures et des pulls de laine ?!
R- Je vous le disais tout à l'heure, les modes de consommation à terme doivent changer. Ce qui veut dire qu'il faut effectivement que l'on s'habitue à des gestes domestiques qui permettent d'économiser du fuel.
Q- Exemple, alors ?
R- Ce qui veut dire, par exemple, avoir une maison chauffée à 18 degrés plutôt qu'à 19 ou 20. Ce qui veut dire en matière de circulation automobile, accepter de rouler un peu moins vite. On perd 8 % en temps et on gagne 15 % en consommation. Cela veut dire aussi, regarder les sites de recommandation des pompistes partenaires qui, grâce à la concurrence offrent des combustibles moins chers, et aller vers des solutions moins chères. Tous ces leviers-là, il faut les utiliser, faire jouer la concurrence, nous le ferons.
Q- Que fait-on : on casse aussi les vieilles chaudières, comme on casse les vieilles bagnoles ?
R- Vous savez qu'il y a des incitations, oui, bien sûr, comme en matière automobile, pour les changements de chaudières. Il y a en particulier des crédits d'impôts qui sont attribués dans l'hypothèse de changement de chaudières.
Q- Parmi les chantiers que vous a confiés N. Sarkozy, c'est d'augmenter d'1 point la croissance. On saura tout à la minovembre. Mais déjà, y a-t-il une tendance et est-elle aussi pire, si je puis dire, qu'on le chuchote ?
R- La réponse est non, J.-P. Elkabbach. Vous savez que pour l'année 2007, on avait un prévisionnel de croissance dans une fourchette entre 2 et 2,5. J'ai entendu tout l'été et tout le début de l'automne les prévisionnistes et un certain nombre d'opposants socialistes en particulier, me dire : mais Madame Lagarde, vous n'y comprenez rien, on sera à 1,6, on sera à 1,7 dans le meilleur des cas ! J'ai de bonnes raisons de penser, compte tenu, à la fois, des prévisions de commandes, compte tenu de la consommation, compte tenu des créations d'emplois qui sont en augmentation très importantes cette année, que nous aurons un troisième trimestre d'excellente qualité, bien supérieur au deuxième trimestre, et j'ai même...
Q- C'est-à-dire, qui tournera autour de ?
R- Cela, je ne peux pas vous donner le chiffre exact parce qu'on est encore à une dizaine de jours du chiffre qui sera fourni par l'Insee, qui est le seul tangible et certain, mais je pense qu'on sera à un très bon chiffre, qui me laisser penser qu'on atteindra probablement notre fourchette pour l'année 2007.
Q- Donc, on peut s'attendre à des surprises agréables ou positives en tout cas dans ce domaine ?
R- La dernière surprise fort agréable c'était la diminution sensible du taux de chômage en septembre ; on a eu 28.000 créations d'emplois en septembre ; le chômage qui baisse de 1,4 % par rapport au mois d'août, cela pour moi c'est un très bon chiffre. 28.000 emplois créés dans le mois, c'est formidable.
Q- Et en 2008, la croissance, avez-vous déjà des indications ?
R- On a fait un prévisionnel qui est entre 2 et 2,5, on a pris une fourchette...
Q- Vous le maintenez ?
R- ... et nous maintenons cette fourchette, et nous pensons, compte tenu et de l'emploi et de la consommation, et des exportations qui devraient se redresser sensiblement, que l'on tiendra dans cette fourchette.
Q- Aux Etats-Unis, où vous serez demain et mercredi au côté du président de la République - les Etats-Unis que vous connaissez bien - la crise de l'immobilier continue ses ravages. Les plus grandes banques du pays et du monde sont frappées par des pertes colossales et changent de dirigeants. A. de Tarlé en parlait tout à l'heure. Cela aura-t-il des répercussions sur l'économie européenne et puis sur la nôtre, évidemment ?
R- Ce qui est fort intéressants aux Etats-Unis actuellement, c'est que la crise de l'immobilier et la crise financière qui est liée, je le rappelle, aux prêts hypothécaires, sur de mauvaise qualité, cette crise-là ne semble pas avoir d'effet sur l'économie réelle américaine. L'économie réelle américaine a créé 160.000 emplois au mois de septembre, ce qui est considérable, beaucoup plus qu'anticipé. La consommation ne faiblit pas, et le chômage est à 4,7 %. Donc, économie réelle américaine plutôt protégée aujourd'hui. Si l'économie réelle américaine est protégée, il n'y a pas de raison de penser qu'on aura un effet sur l'économie réelle française. Ceci dit, il faut rester très attentif et très prudent.
Q- Est-ce que les banques françaises sont aussi fragiles que les banques espagnoles, allemandes ?
R- Mais vous l'avez vu cet été, deux banques allemandes ont rencontré des difficultés, une banque anglaise a quasiment fait faillite. Ce n'est pas arrivé en France. On a un système de contrôle par la Commission bancaire en particulier, qui atteste de la qualité des bilans bancaires, on a eu véritablement une très très bonne tenue et une très bonne coopération entre les grandes banques françaises, la Banque de France, et la Banque centrale européenne. Tout cela a bien tenu, et je pense qu'on est sur des fondamentaux solides.
Q- Quand on vous écoute, on a l'impression qu'on peut être optimiste, alors que la couleur annoncée pour le mois de novembre ressemble à celle qui est la couleur préférée du "Pain" de Soulages, noire. Qu'attendre de vous, C. Lagarde, pour que "noir" ne soit pas "noir" en novembre ?
R- Je ne veux pas me fier aux rumeurs, aux sentiments, aux impressions. Je m'accroche aux faits et aux réalités. Quand je vois des créations d'emplois en quantité importante au mois de septembre, quand je vois une consommation qui est solide, quand je vois des exportations qui se redressent, je suis désolée, mais je suis plutôt optimiste, et je pense aussi qu'à force de se répéter que tout va mal on finit par le croire. Et j'ai plutôt tendance à me dire que tout peut aller mieux si on fait collectivement des efforts, c'est ce qu'on est en train de faire avec l'ensemble des membres du Gouvernement et de F. Fillon.
Q- Oui, d'accord, cela va être la chanson, c'est très bien, on est à six mois de l'élection de N. Sarkozy à la présidence de la République. Mais par exemple, il y avait une promesse, et puis je me tais après, les heures supplémentaires. Appliquées depuis le début octobre, cela fait cinq semaines, commencent-elles à donner des résultats et correspondent-elles à ce qu'on nous avait raconté ?
R- Alors, elles correspondent à ce qu'on avait raconté, bien sûr, elles donnent des résultats. J'étais aux Mureaux, la semaine dernière, je suis allée voir des petites entreprises qui ont mis en place le dispositif, qui ont ajouté donc trois lignes sur les bulletins de salaires, parce que c'est la contrainte nécessaire pour réaliser en pratique l'augmentation des heures supplémentaires, qui, je le rappelle sont à + 25 % sans charges sociales et sans impôts pour les bénéficiaires, c'est-à-dire, les salariés, je peux vous dire que voir les visages des salariés qui avaient 105, 150,180 euros de plus par rapport à des salaires relativement moyens, eh bien c'était rassurant sur le mécanisme. Alors, il faut faire un petit effort, c'est vrai, il faut accepter un certain nombre de changements sur les bulletins de salaire. Je rappelle, c'est trois lignes supplémentaires, et j'ajoute que les URSSAF ont mis en place un numéro qui reçoit des appels en quantité considérable actuellement pour que les entreprises et leurs comptables comprennent bien comment cela marche. Mais je peux vous assurer que cela marche.
Q- Merci d'être venue. On va s'habituer à vivre à 18 degrés, avec des pulls, et on va faire du vélo, on va marcher, c'est cela ?
R- Et puis, l'Etat fournit un certain nombre d'éléments dès aujourd'hui, notamment d'informations, de soutien à l'achat de véhicules propres...
Q- Cela ne suffit pas l'information. C'est important et capital mais cela ne suffit pas !
R- Et je reçois les pétroliers bientôt pour leur demander un peu comment cela se passe dans la pratique et dans leurs marges.
Merci.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 novembre 2007
R- Ce matin, je suis arrivée en voiture, parce que j'ai beaucoup, beaucoup de déplacements les uns derrière les autres.
Q- Donc, vous ne suivez pas les conseils que vous donnez aux Français, d'utiliser plus rarement leur voiture ?
R- Je n'utilise jamais ma voiture à titre privé quand je suis à Paris, je roule en bicyclette.
Q- Donc, vous voudriez qu'on vous imite. Mais on clame son angoisse devant le pétrole autour des 100 dollars, et de ses conséquences, et vous recommandez de modifier des comportements, en tout à cas à long terme. Ne croyez-vous pas que la réponse est courte ?
R- Il y a deux réponses : il y a la réponse de long terme, qui est celle que j'ai donnée, c'est-à-dire, que nous devons effectivement envisager de modifier nos comportements, et plus on le fera tôt, mieux on se portera, tout simplement parce que le pétrole est une denrée qui deviendra de plus en plus rare, avec des demandes de plus en plus fortes. Donc, on investit dans l'avenir, on fait de la recherche, notamment dans le domaine nucléaire, dans le domaine de l'hydrogène. J'ai labellisé il y a 15 jours un projet de recherche sur l'hydrogène et ses utilisations dans les transports. Evidemment, il y a la réponse de très court terme, qui est celle qui concerne directement les Français, et qui consiste à plusieurs choses. D'abord, on essaie...
Q- Mais pour le moment on dit, et vous avez entendu F. Hollande, on vous compare à Marie-Antoinette qui recommandait de prendre de la brioche quand il n'y avait pas de pain ! Cela, c'est la réponse à court terme, mais il faut le savoir !
R- Ecoutez, la brioche, on la perd quand on fait de la bicyclette, d'abord ! Et loin de moi l'idée de rouler en carrosse, pas du tout ! Aujourd'hui, ce que nous souhaitons, c'est véritablement aider les Français dans leur consommation, aujourd'hui, en l'état des contraintes. Et on a mis en place dans mon ministère un site en particulier, qui permet aux automobilistes de vérifier avec à peu près un recensement de 80 % des pompistes, de quelle manière ils peuvent réduire leurs frais de consommation, et ils peuvent, sur un itinéraire réduire de 15 à 20 %.
Q- Cela ne suffit pas, ils vous ont répondu que cela ne suffit pas ! Allez-vous assouplir la taxe sur les produits pétroliers, la TIPP ? La ferez-vous flotter ?
R- Ce que l'on va faire c'est que nous allons inciter- le président de la République l'avait annoncé- on va inciter les Français à choisir des véhicules plus propres. Et pour ce faire, on va inciter les Français à mettre au garage, ou plutôt casser leurs vieilles voitures, celles qui sont polluantes, celles qui sont anciennes et qui ne sont pas conformes aux normes. Grâce à une prime à la casse...
Q- Pour cet idée ?
R- Oui, absolument.
Q- Vous leur demandez d'aller très vite, de changer de voiture, de mettre à la casse les vieilles bagnoles ?
R- Vous savez, le rythme de changement des voitures en France est de huit ans. Huit ans c'est long. Dès lors qu'il y aurait une prime à la casse pour toutes celles des vieilles voitures qui sont en fin d'amortissement et qui ont six, sept, huit ans, il faut à ce moment-là, inciter les Français à changer de véhicules et adopter des véhicules propres. Cette prime à la casse, qui viendra donc en argent liquide auprès des Français, sera financé par "l'écopastille", qui a été aussi annoncée par le président de la République, et qui s'appliquera aux véhicules particulièrement polluants, par exemple les 4x4.
Q- Mais à partir de quand ?
R- Je pense que, dès cet hiver ce sera en vigueur.
Q- Oui, les grosses voitures, les voitures polluantes et les 4x4, dites-vous ?
R- Absolument.
Q- Et l'écopastille, on n'a pas encore recueilli ses fruits ?
R- Non, mais c'est un système qui va être mis en place très rapidement, et dont nous souhaitons qu'il soit en vigueur dès cet hiver. Voilà deux modes d'incitation à une consommation plus raisonnable, et avec véritablement un rôle de l'Etat dans ce domaine.
Q- Mais vous ne m'avez pas répondu sur la taxe sur les produits pétroliers, la TIPP. Vous ne la laissez pas flotter ?
R- Troisième chose, que je voulais également vous dire...
Q- Non, mais, là, là-dessus, là-dessus ?
R- Sur la TIPP, ce n'est pas envisagé à l'heure actuelle. Vous savez que la TIPP ce n'est pas une taxe qui varie en fonction du prix du pétrole, elle est assise sur les volumes. Et comme aujourd'hui les consommateurs français ont plutôt tendance à consommer moins d'essence en raison de son prix, la TIPP est tout simplement aujourd'hui en réduction. Mais je voulais vous dire une chose, ce que j'ai décidé de faire, compte tenu de l'évolution du marché, c'est de convoquer l'ensemble des sociétés pétrolières actives en France pour dialoguer avec elles, et évoquer, un, la manière dont elles répercutent les hausses, la façon dont elle envisage de les lisser, et les engagements de modération qu'elles sont prêtes à prendre, tout simplement pour favoriser les Français et pour éviter en particulier des dérapages de marges. Vous savez que cela s'était déjà produit il y a environ un an et demi ; les pétroliers avaient pris des engagements et d'investissements et de modération de marges, et de lissage des marges. Je veux évoquer avec eux la manière dont ils remplissent leurs engagements et la manière dont ils entendent les poursuivre et les dépasser.
Q- Vous pensez que l'on peut obtenir, comme l'avait obtenu T. Breton, votre prédécesseur, une certaine baisse à la consommation ? Et baisse des prix ?
R- Voilà, baisse de la consommation, elle existe déjà. Mais une baisse des prix à la consommation, je crois que ce qui est important, c'est surtout qu'on ait un phénomène de lissage et pas d'anticipation de hausse, et pas de gonflement des marges. Cela, ce serait intolérable, et je m'y opposerais formellement.
Q- Ah ! Formellement ?
R- Oui, formellement.
Q- A partir de quel niveau de prix du pétrole, en dollar, l'Etat interviendra ? Bougera-t-il ?
R- C'est impossible de vous donner un prix plancher, plafond, etc. On est déjà aujourd'hui dans une situation qui est douloureuse, je le sais très bien, pour de nombreux Français, en particulier dans les secteurs de la pêche ou de l'agriculture. Je signale au passage qu'on n'est pas encore aux taux les plus élevés qu'on avait observés pendant l'été 2006. Mais on arrive à des taux qui sont...
Q- Mais vous pensez qu'on y arrive ? Que cela va monter encore ?
R- Il n'y a aucune raison que le pétrole baisse aujourd'hui, c'est malheureux, mais, un, c'est une denrée qui va devenir de plus en plus rare, la demande est de plus en plus forte, et les tensions internationales pressenties par les spéculateurs en particulier - je dis "spéculateurs", ce sont des gens qui font des achats à terme et qui se disent "le pétrole va monter, achetons maintenant". Cela a pour effet tout simplement d'augmenter les prix.
Q- Et c'est pourquoi le mécontentement est en train de croître dans de nombreux métiers. Vous avez vu que les plus remontés sont les marins pêcheurs qui bloquent les dépôts de carburant à Brest, à Lorient, à Douarnenez. En attendant que M. Barnier les reçoive ou les rencontre, pas en Bretagne mais à Paris, quelles marges a-t-il, lui ? Que dites-vous, vous, ce matin à ceux qui manifestent dans ces ports ?
R- Mais, c'est un dossier qui est de la responsabilité de M. Barnier, qui a grande compétence en la matière. Mon sentiment c'est qu'il est beaucoup plus raisonnable de se concerter, d'évoquer les problèmes par le dialogue, de proposer des solutions, plutôt que de faire des opérations de blocages. Et je comprends tout à fait la situation économique et financière dans laquelle ils se trouvent, et il faut qu'on les aide à trouver des solutions, et je suis sûr que M. Barnier, mercredi, qui doit les recevoir, évoquera ces questions-là.
Q- D'accord, mais ils ont le sentiment d'être bloqués à la fois par Bercy et par Bruxelles, par Bruxelles et par Bercy, c'est-à-dire, vous ? Qu'apporteriez-vous ?
R- Je crois qu'il faut laisser à M. Barnier la plénitude de ses compétences dans la négociation. On fait un travail d'équipe. Dans la mesure où M. Barnier aurait des propositions intelligentes et raisonnables, évidemment on va les explorer dans le cadre de contraintes budgétaires qui sont, je le rappelle, extrêmement lourdes.
Q- Alors, le fuel domestique va lui aussi augmenter, et on voit que l'hiver va être froid. Allez-vous conseiller des couvertures et des pulls de laine ?!
R- Je vous le disais tout à l'heure, les modes de consommation à terme doivent changer. Ce qui veut dire qu'il faut effectivement que l'on s'habitue à des gestes domestiques qui permettent d'économiser du fuel.
Q- Exemple, alors ?
R- Ce qui veut dire, par exemple, avoir une maison chauffée à 18 degrés plutôt qu'à 19 ou 20. Ce qui veut dire en matière de circulation automobile, accepter de rouler un peu moins vite. On perd 8 % en temps et on gagne 15 % en consommation. Cela veut dire aussi, regarder les sites de recommandation des pompistes partenaires qui, grâce à la concurrence offrent des combustibles moins chers, et aller vers des solutions moins chères. Tous ces leviers-là, il faut les utiliser, faire jouer la concurrence, nous le ferons.
Q- Que fait-on : on casse aussi les vieilles chaudières, comme on casse les vieilles bagnoles ?
R- Vous savez qu'il y a des incitations, oui, bien sûr, comme en matière automobile, pour les changements de chaudières. Il y a en particulier des crédits d'impôts qui sont attribués dans l'hypothèse de changement de chaudières.
Q- Parmi les chantiers que vous a confiés N. Sarkozy, c'est d'augmenter d'1 point la croissance. On saura tout à la minovembre. Mais déjà, y a-t-il une tendance et est-elle aussi pire, si je puis dire, qu'on le chuchote ?
R- La réponse est non, J.-P. Elkabbach. Vous savez que pour l'année 2007, on avait un prévisionnel de croissance dans une fourchette entre 2 et 2,5. J'ai entendu tout l'été et tout le début de l'automne les prévisionnistes et un certain nombre d'opposants socialistes en particulier, me dire : mais Madame Lagarde, vous n'y comprenez rien, on sera à 1,6, on sera à 1,7 dans le meilleur des cas ! J'ai de bonnes raisons de penser, compte tenu, à la fois, des prévisions de commandes, compte tenu de la consommation, compte tenu des créations d'emplois qui sont en augmentation très importantes cette année, que nous aurons un troisième trimestre d'excellente qualité, bien supérieur au deuxième trimestre, et j'ai même...
Q- C'est-à-dire, qui tournera autour de ?
R- Cela, je ne peux pas vous donner le chiffre exact parce qu'on est encore à une dizaine de jours du chiffre qui sera fourni par l'Insee, qui est le seul tangible et certain, mais je pense qu'on sera à un très bon chiffre, qui me laisser penser qu'on atteindra probablement notre fourchette pour l'année 2007.
Q- Donc, on peut s'attendre à des surprises agréables ou positives en tout cas dans ce domaine ?
R- La dernière surprise fort agréable c'était la diminution sensible du taux de chômage en septembre ; on a eu 28.000 créations d'emplois en septembre ; le chômage qui baisse de 1,4 % par rapport au mois d'août, cela pour moi c'est un très bon chiffre. 28.000 emplois créés dans le mois, c'est formidable.
Q- Et en 2008, la croissance, avez-vous déjà des indications ?
R- On a fait un prévisionnel qui est entre 2 et 2,5, on a pris une fourchette...
Q- Vous le maintenez ?
R- ... et nous maintenons cette fourchette, et nous pensons, compte tenu et de l'emploi et de la consommation, et des exportations qui devraient se redresser sensiblement, que l'on tiendra dans cette fourchette.
Q- Aux Etats-Unis, où vous serez demain et mercredi au côté du président de la République - les Etats-Unis que vous connaissez bien - la crise de l'immobilier continue ses ravages. Les plus grandes banques du pays et du monde sont frappées par des pertes colossales et changent de dirigeants. A. de Tarlé en parlait tout à l'heure. Cela aura-t-il des répercussions sur l'économie européenne et puis sur la nôtre, évidemment ?
R- Ce qui est fort intéressants aux Etats-Unis actuellement, c'est que la crise de l'immobilier et la crise financière qui est liée, je le rappelle, aux prêts hypothécaires, sur de mauvaise qualité, cette crise-là ne semble pas avoir d'effet sur l'économie réelle américaine. L'économie réelle américaine a créé 160.000 emplois au mois de septembre, ce qui est considérable, beaucoup plus qu'anticipé. La consommation ne faiblit pas, et le chômage est à 4,7 %. Donc, économie réelle américaine plutôt protégée aujourd'hui. Si l'économie réelle américaine est protégée, il n'y a pas de raison de penser qu'on aura un effet sur l'économie réelle française. Ceci dit, il faut rester très attentif et très prudent.
Q- Est-ce que les banques françaises sont aussi fragiles que les banques espagnoles, allemandes ?
R- Mais vous l'avez vu cet été, deux banques allemandes ont rencontré des difficultés, une banque anglaise a quasiment fait faillite. Ce n'est pas arrivé en France. On a un système de contrôle par la Commission bancaire en particulier, qui atteste de la qualité des bilans bancaires, on a eu véritablement une très très bonne tenue et une très bonne coopération entre les grandes banques françaises, la Banque de France, et la Banque centrale européenne. Tout cela a bien tenu, et je pense qu'on est sur des fondamentaux solides.
Q- Quand on vous écoute, on a l'impression qu'on peut être optimiste, alors que la couleur annoncée pour le mois de novembre ressemble à celle qui est la couleur préférée du "Pain" de Soulages, noire. Qu'attendre de vous, C. Lagarde, pour que "noir" ne soit pas "noir" en novembre ?
R- Je ne veux pas me fier aux rumeurs, aux sentiments, aux impressions. Je m'accroche aux faits et aux réalités. Quand je vois des créations d'emplois en quantité importante au mois de septembre, quand je vois une consommation qui est solide, quand je vois des exportations qui se redressent, je suis désolée, mais je suis plutôt optimiste, et je pense aussi qu'à force de se répéter que tout va mal on finit par le croire. Et j'ai plutôt tendance à me dire que tout peut aller mieux si on fait collectivement des efforts, c'est ce qu'on est en train de faire avec l'ensemble des membres du Gouvernement et de F. Fillon.
Q- Oui, d'accord, cela va être la chanson, c'est très bien, on est à six mois de l'élection de N. Sarkozy à la présidence de la République. Mais par exemple, il y avait une promesse, et puis je me tais après, les heures supplémentaires. Appliquées depuis le début octobre, cela fait cinq semaines, commencent-elles à donner des résultats et correspondent-elles à ce qu'on nous avait raconté ?
R- Alors, elles correspondent à ce qu'on avait raconté, bien sûr, elles donnent des résultats. J'étais aux Mureaux, la semaine dernière, je suis allée voir des petites entreprises qui ont mis en place le dispositif, qui ont ajouté donc trois lignes sur les bulletins de salaires, parce que c'est la contrainte nécessaire pour réaliser en pratique l'augmentation des heures supplémentaires, qui, je le rappelle sont à + 25 % sans charges sociales et sans impôts pour les bénéficiaires, c'est-à-dire, les salariés, je peux vous dire que voir les visages des salariés qui avaient 105, 150,180 euros de plus par rapport à des salaires relativement moyens, eh bien c'était rassurant sur le mécanisme. Alors, il faut faire un petit effort, c'est vrai, il faut accepter un certain nombre de changements sur les bulletins de salaire. Je rappelle, c'est trois lignes supplémentaires, et j'ajoute que les URSSAF ont mis en place un numéro qui reçoit des appels en quantité considérable actuellement pour que les entreprises et leurs comptables comprennent bien comment cela marche. Mais je peux vous assurer que cela marche.
Q- Merci d'être venue. On va s'habituer à vivre à 18 degrés, avec des pulls, et on va faire du vélo, on va marcher, c'est cela ?
R- Et puis, l'Etat fournit un certain nombre d'éléments dès aujourd'hui, notamment d'informations, de soutien à l'achat de véhicules propres...
Q- Cela ne suffit pas l'information. C'est important et capital mais cela ne suffit pas !
R- Et je reçois les pétroliers bientôt pour leur demander un peu comment cela se passe dans la pratique et dans leurs marges.
Merci.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 novembre 2007