Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur la nécessité de construire 500000 logments neufs par an, d'adaptater des logements aux personnes âgées ou handicapées, d'utiliser des produits de qualité pour lutter contre la pollution à l'intérieur des logements, d'innover en matière de construction, Paris le 7 novembre 2007.

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Circonstance : Salon BATIMAT, Porte de Versailles à Paris le 7 novembre 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Ce fut un grand plaisir que de parcourir le salon de Batimat. Je tiens à féliciter les organisateurs pour la qualité de l'organisation générale de votre salon.
Lors de la visite des stands, j'ai pu constater la très grande qualité des exposants et de l'innovation contenue dans tous les produits exposés. Le logement est bien un secteur d'avenir !
Je tiens à vous présenter rapidement les enjeux de la politique que je souhaite mettre en oeuvre, les avancées récentes de la réglementation et les pistes qui peuvent être dessinées pour renforcer le travail avec l'ensemble des professionnels.
Tout d'abord, quels sont les enjeux de construction que porte le Ministère du logement et de la ville ?
La France connaît une crise du logement sans précédent. Nous en voyons tous les jours les conséquences. Nous avons tous en tête quelques images médiatisées un peu dramatiques, un peu dramatisées aussi. Je crois que ce qui nous frappe le plus, ce sont cependant ces gens qui dorment dans la rue, résignés et qui n'attendent même plus qu'on leur propose un toit. Naturellement, ce n'est que la partie immergées de l'iceberg : derrière les façades de nos immeubles, il y a aussi quantité de familles vivent dans un habitat indigne et parfois dangereux, faute de pouvoir se payer un logement décent. Et combien de cadres ne parviennent-ils pas à trouver un logement qui réponde à ses attentes ?
La crise qui nous touche aujourd'hui est le résultat d'un profond déséquilibre entre l'offre et la demande de logements. Les plus grandes villes continuent a attirer les populations sans construire suffisamment. Et les besoins en logement ont été fortement sous-estimés par l'INSEE qui a longtemps considéré qu'il fallait construire 350 000 logements sans prendre en compte les décohabitations, le vieillissement de la population et les besoins d'adaptations du parc de logements. Or nous savons aujourd'hui qu'il faut produire chaque année 500 000 logements neufs pour répondre aux besoins et rattraper les retards accumulés depuis 15 ans.
Si la construction de logements n'atteint pas rapidement ce niveau (nous sommes parvenus à un rythme annuel de 435 000 nouveaux logements, DOM inclus), nous accentuerons les tensions sociales, voire en provoquerons de nouvelles.
La Président de la République a donné des orientations reprises par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Le cap est clair :
nous devons construire 500 000 nouveaux logements par an, dont 120 000 logements sociaux,
la France doit devenir un pays de propriétaires avec 70 % des foyers qui possèdent leur logement.
En outre, nous devons mettre en oeuvre le droit au logement opposable, le DALO, qui prend aussi en compte l'hébergement.
L'enjeu que nous avons est de dynamiser l'ensemble de la chaîne du logement. Cette chaîne de solidarité concerne à la fois le SDF et le cadre très bien logé parce que le logement est un tout : on ne peut se limiter à une catégorie précise, si digne d'intérêt soit-elle, car ce qui est fait pour l'une a des conséquences directes sur l'autre.
Chacun doit y participer. C'est la raison pour laquelle j'ai lancé un Chantier national pour le logement à l'occasion de la décentralisation de mon Ministère pendant 10 jours à Lyon du 17 au 28 septembre derniers.
Pour ce Chantier, je n'ai pas l'intention de mener une politique du logement social ou une politique de l'accession, une politique du collectif ou une politique de la maison individuelle. J'entends conduire une politique sur tous les fronts, une politique qui s'appuie autant sur le logement social que sur l'accession, autant sur le collectif que la maison individuelle.
Des freins sont souvent pointés du doigt pour expliquer les retards par rapport à la construction. Le prix et la disponibilité du foncier ainsi que le coût de la construction sont souvent mis en avant.
Avec la FFB par exemple, nous avons décidé d'engager des chantiers pilotes pour donner de la transparence par rapport aux coûts de la construction. L'engagement a été pris avec Monsieur BAFFY à Lyon. J'attends des professionnels qu'ils fassent remonter les difficultés auxquelles ils sont confrontées ainsi que toutes les pistes qu'ils proposent pour les lever. Je serai là pour vous aider.
J'attends aussi des professionnels qu'ils puissent s'exprimer dans les différentes instances qui existent pour proposer des solutions qui accélèrent la construction ou facilitent la gestion des immeubles, comme le Conseil national de l'habitat ou la Commission nationale de concertation.
J'ai proposé qu'on puisse rajouter un étage supplémentaire aux immeubles. Je suis intéressée par toute proposition technique qui pourra m'être faite pour répondre à ce défi.
Ne vous limitez pas à ce que nous connaissons. Cher monsieur Maugard, je le dis d'autant plus facilement sur le stand du CSTB qui est à la pointe de nombreuses innovations. Construire, c'est se projeter dans le long terme. Dans le domaine du logement, nous devons prendre en compte les enjeux du XXIème siècle qui sera marqué par exemple par le développement des services dans nos sociétés ainsi que par le développement du numérique.
Dans le domaine de la construction, quelles sont les réponses déjà prévues ?
La réglementation a, au cours des dernières années, permis d'engager de nouveaux chantiers.
Il y a tout d'abord les dispositions sur l'accessibilité et le maintien à domicile des personnes âgées.
Contrairement à la réglementation sur accessibilité de 1975, qui concernait essentiellement la circulation des personnes en fauteuil roulant, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des chances et des droits des personnes handicapées a élargi la problématique à tous les types de handicaps (sensoriel, physique, mental ou psychique) et à tous les stades du handicap.
Aujourd'hui, près de 15 % des Français de plus de 20 ans déclarent éprouver une gêne dans leurs déplacements à l'intérieur ou à l'extérieur de leur domicile , ce qui représente en France 6 à 8 millions de personnes qui se trouvent dans une certaine fragilité.
Demain, ces chiffres vont augmenter du fait du vieillissement de la population. Les personnes âgées de plus de 85 ans seront 5 fois plus nombreuses en 2050 (6 millions) qu'aujourd'hui (1,2 million). C'est un sujet qui va devenir de plus en plus important, avec des enjeux sociaux et financiers majeurs. Le maintien à domicile est une solution d'avenir : il nécessite l'adaptation des logements.
En outre, ces adaptations, elles nous concernent tous : qui parce qu'il a une jambe cassée, qui parce qu'il a des enfants en bas âge qui se meuvent difficilement. Et enfin car nous sommes tous voués à devenir plus âgés, plus lents et moins alertes un jour...
La qualité de vie concerne aussi très directement la santé. L'air que nous respirons à l'intérieur des bâtiments contient des polluants "extérieurs" (particules des fumées et gaz d'échappement, ozone, etc.) : ceux-ci sont en nette diminution. L'air se charge aussi de polluants spécifiques à l'intérieur, en particulier les particules (l'amiante hier, les particules de fibre de verre aujourd'hui), les composants organiques volatiles et le formaldéhyde provenant des colles et autres solvants. On le sait : les polluants intérieurs sont en général prédominants par rapport à ceux de l'extérieur.
Alors que nous passons la très grande majorité de notre vie dans des espaces confinés, nous baignons dans une pollution qui est sans doute très importante. L'observatoire de la qualité de l'air intérieur, dont le maître d'oeuvre est le CSTB, et créé en 2001 à l'instigation des ministères en charge du logement, de la santé et de l'écologie, et financé par les 2 premiers, ainsi que par le CSTB, l'ADEME et l'ANAH, a publié en 2007 les premiers résultats d'une campagne de mesures sur un panel représentatif de près de 600 logements. Ces résultats font notamment apparaître l'omniprésence du formaldéhyde, dont il va falloir trouver les moyens de limiter l'utilisation, en particulier dans les produits de construction et de décoration.
Il y a des risques très directs pour la santé de nos concitoyens qui attendent des produits de qualité. Nous devons leur apporter les meilleures garanties. Je souhaite pouvoir définir ces ambitions avec les industriels.
La réglementation thermique a aussi fait l'objet d'une nette évolution au cours des dernières années. La réglementation thermique actuelle, avec la RT 2005, avait déjà marqué une certaine rupture. Avec le Grenelle de l'environnement, des mesures très ambitieuses viennent d'être prises pour le bâtiment qui constitue 70 % des coûts Grenelle. Vous en connaissez tous la teneur.
Les ménages à faibles ressources sont particulièrement vulnérables aux hausses des prix de l'énergie : plusieurs centaines de milliers de personnes se refreinent pour chauffer leur logement. Je serai particulièrement exigeante sur la façon dont ces personnes seront prises en considération. Il ne faut pas qu'une nouvelle précarité, une précarité énergétique, puisse se développer. Le Président de la République d'ailleurs a bien indiqué dans son discours que les travaux sur les logements HLM dégradés constituent une priorité. Compte tenu des coûts et des exigences réglementaires, il conviendra de s'assurer que ces mesures ne provoqueront pas de blocages, blocage du pouvoir d'achat de certains ménages, blocage du fonctionnement du marche de l'immobilier, notamment dans les centres anciens. Dans le cadre des relations locataires-bailleurs, il faut que les investissements réalisés soient de véritables accords gagnant-gagnant, avec de vraies garanties de résultat pour chacun.
A côté de ces réglementations, la mise en place des différents diagnostics techniques a permis une prise de conscience par les particuliers des enjeux du bâtiment, de leur qualité. Les diagnostics amiante et plomb, les diagnostic gaz et électricités, le diagnostic thermique (encore trop imparfait) ainsi que le diagnostic termite se complètent pour apporter une bonne information aux occupants des logements.
Je vous le dis très franchement, si cette réglementation est utile, je trouve qu'elle devient parfois trop complexe. Les particuliers, pour qui elle est faite, ne la comprennent parfois plus.
Le diagnostic sur la présence de plomb dans les appartements, par exemple, doit permettre d'informer les personnes pour prendre toutes les précautions pour éviter une plombémie, en couvrant les zones ayant de la peinture au plomb. Certaines personnes voyant le diagnostic veulent résoudre le problème et ponce les secteurs atteints, ce qui est la pire des choses puisque des poussière de plomb se dissipent.
Sans remettre en cause les diagnostics obligatoires qui existent aujourd'hui, je crois que nous devons maintenant mettre en cohérence toute cette réglementation et devenir pragmatiques pour être véritablement efficaces. Nous devons veiller à l'équilibre de la réglementation portant sur le neuf et celle sur l'ancien. En effet, nous devons veiller à garantir la qualité des constructions existantes, tant dans les centres-villes que dans les espaces péri-urbains et ruraux. Il en va de la cohérence de l'aménagement de nos villes ainsi que de la cohésion sociale de notre pays.
Je souhaite donc travailler étroitement avec l'ensemble des professionnels pour définir les éléments importants qui relèvent de la réglementation, la préparer avec vous et définir les conditions de sa mise en oeuvre.
C'est ce que mon collègue Jean-Louis BORLOO a dit hier en appelant à une mise à plat des documents techniques unifiés, les DTU. Il nous faut aussi innover pour préparer le logement de demain, accompagner les ruptures.
Pour innover, quelles pistes de travail en commun peuvent être dessinées ?
Je veux pousser une approche par le design
Aujourd'hui, comme je viens de le rappeler, la réglementation est largement développée. Les techniques les plus innovantes existent. Le salon Batimat est là pour en faire la preuve.
Cependant, leur appropriation est encore difficile, la compatibilité entre les systèmes est parfois problématique. Il faut une plus grande cohérence.
Nous devons créer des environnements de vie qui répondent aux nouvelles attentes de nos concitoyens. C'est une approche de « design » qu'il faut promouvoir, c'est-à-dire une démarche qui mette l'Homme au coeur de la conception.
La réglementation constitue un niveau minimal. Mais nous devons parfois être plus ambitieux en cherchant à répondre aux attentes de personnes en prenant en compte leur singularité et leurs exigences personnelles.
Par ailleurs, l'offre de logement ne se réduit désormais plus au seul toit. C'est une offre de services que les personnes attendent. La réponse doit donc être complète en intégrant, dès la conception, le fonctionnement des habitations.
C'est ainsi, par cette démarche de design, que nous pourrons avoir une véritable approche de développement durable dans le logement qui prenne en compte à la fois les enjeux environnementaux, économiques et sociaux.
Le logement doit participer à la croissance de notre pays en développant des secteurs à haute valeur ajoutée. Le secteur de l'environnement en est un. Je crois aussi très fortement au développement du logement intelligent, au logement communiquant.
En particulier, le développement de la fibre optique dans les logements, nécessaire pour apporter le très haut-débit, constitue presque un préalable. Ainsi, je tiens à vous dire que je vais me rapprocher de ma collègue, Christine LAGARDE, pour proposer des pistes pour permettre le développement du très haut-débit dans les logements, c'est-à-dire leur équipement en fibres optiques. Cet équipement doit constituer une priorité nationale pour que notre pays participent pleinement à l'économie mondialisée.
Dans les bâtiments neufs, il n'y a pas de contraintes techniques particulières : il faut désormais équiper toutes les pièces en très haut-débit. Pour l'ancien, il faut permettre un développement de la fibre optique sans reconstitution de quelconques monopoles.
Mesdames, Messieurs,
Il faut aussi profiter des dynamiques d'innovation qui se mettent en place pour freiner le développement de ces logements « prêt à habiter » qui banalisent nos villes et nous font rentrer dans un moule unique ! Notre ambition doit être de respecter les différences territoriales, de les valoriser. En se sentant bien dans leur logement, les personnes auront d'autant plus de facilité à s'intégrer dans la société. C'est ainsi que nous faciliterons la vie collective.
Cette démarche rejoint très directement l'ambition définie par le Président de la République lors de son discours sur l'architecture du 17 septembre dernier.
Un large partenariat doit être engagé
La politique du logement est portée par l'Etat en lien étroit avec les collectivités ainsi que par l'ensemble des partenaires privés. Ces sont des politiques locales du logement qui se mettent en place. Elles doivent être portées par les territoires afin de répondre aux mieux aux besoins locaux et créer de fortes dynamiques.
Il va falloir que l'ensemble des acteurs réponde à la demande de construction à la fois quantitativement et qualitativement. Si nous n'y parvenons pas, les prix monteront ou la qualité baissera : tout le monde se retrouverait perdant.
Il faut donc mettre en place les structures pour former toutes les personnes qui devront participer à la construction. Il y a un formidable défi pour l'ensemble des entreprises de rendre l'ensemble de vos filières attractives : elles le méritent. L'Etat vous y aidera. En particulier, les GEIQ (groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification) sont des structures importantes dont nous devons assurer le développement sur l'ensemble du territoire.
Vous en conviendrez : rien ne vaut l'expérimentation pour faire progresser les pratiques.
Je vais donc demander à ce qu'un appel à projet soit lancé avec la DGUHC et le PUCA pour proposer des développements innovants de logements qui répondent à cette approche du design.
Tous les professionnels seront bien sûr associés à la démarche. Je vous inviterai à faire part des propositions qui permettront d'alimenter ces réflexions.
Cette expérimentation devra prendre en compte à la fois l'aspect de la construction mais aussi celui du fonctionnement des logements. Je proposerai que des labels puissent être délivrés pour apporter une meilleure visibilité à certaines innovations. Là encore, les professionnels seront les premiers mobilisés.
Un formidable défi est devant nous : nous devons construire beaucoup et nous devons offrir des logements qui répondent aux exigences de tous nos concitoyens qui vivent avec les dernières technologies à un prix raisonnable, maîtrisé.
Une approche par le « design » appliquée au logement constitue la clef de l'innovation.
Les professionnels du bâtiment, réunis aujourd'hui à BATIMAT, sont aux premières loges.
Vous allez permettre ces évolutions, vous les accompagnerez. Vous êtes des partenaires majeurs du Chantier national pour le logement.
Je compte sur vous. Vous pouvez aussi comptez sur moi.
Source http://www.logement.gouv.fr, le 8 novembre 2007