Texte intégral
Régimes spéciaux, fonction publique, pénibilité : Bernard Thibault, le leader de la Cgt, revient sur les raisons de la grève du 18 octobre.
La CGT appelle ce samedi 13 octobre à une manifestation pour la reconnaissance des métiers pénibles. Un tour de chauffe avant le 18 ?
Nous avons décidé d'apporter notre concours à cette manifestation, à Paris, lancée par deux organisations de défense des travailleurs handicapés et des victimes de l'amiante, la FNATH et l'Andeva pour dénoncer les préjudices dont sont victimes beaucoup de salariés. Notre rôle de syndicat est de nous pencher sur les conséquences dramatiques de la dégradation des conditions de travail. Et nous sommes en désaccord avec la fixation d'une enveloppe préétablie pour limiter l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladie professionnelle. Ce sera aussi pour nous l'occasion de dénoncer l'instauration de franchises médicales pour financer l'assurance maladie. C'est une rupture avec les principes de solidarité et d'égalité d'accès aux soins.
La négociation sur la pénibilité au travail n'avance pas. Le Medef traîne-t-il les pieds ?
Le patronat joue clairement la montre. C'est un des autres sujets qui nous mobilisera dès le 13. La négociation a commencé en 2003, et elle devait déboucher sur la reconnaissance de la pénibilité comme critère justifiant les départs en retraite anticipés. La responsabilité est aussi celle des politiques, qui ont renvoyé cette question à la négociation en sachant qu'elle allait s'enliser. On parle beaucoup d'équité, notamment à propos des régimes spéciaux. On oublie que les salariés ne sont pas égaux face à leur espérance de vie : celle des ouvriers dans les métiers pénibles est de sept à huit ans inférieure à celle des autres salariés.
Avec une grève le 18 octobre, les salariés de la SNCF et de la RATP ne risquent-ils pas de se couper des usagers?
Cela fait partie de la démarche gouvernementale d'essayer d'opposer certaines catégories de salariés entre elles. Le gouvernement veut éviter que les salariés portent des revendications communes. La première escroquerie intellectuelle est venue du candidat devenu le président de la République qui a tenté de faire croire qu'une remise en cause des régimes spéciaux allait pouvoir revaloriser les basses retraites du régime général. C'est évidemment faux, et le gouvernement n'utilise plus cet argument. A la CGT, nous allons diffuser dans la semaine prochaine des tracts et affiches expliquant l'enjeu des retraites. On veut faire croire qu'il n'y a pas d'autre solution que l'allongement de la durée de cotisation à 41 puis 42 ans pour tous. Notre approche est de conforter le droit au départ à 60 ans. C'est possible. Cela veut dire que d'ici 2020, il faudra consacrer 3% du PIB en plus aux retraites, ce qui n'a rien de choquant alors que la population de plus de 60 ans va augmenter.
Certains syndicats appelant à des grèves reconductibles, la mobilisation du 18 pourrait-elle se poursuivre les jours suivants ?
A l'évidence, elle sera forte. Les salariés de la SNCF, de la RATP, d'EDF et d'autres sont exaspérés d'être ainsi montrés du doigt et traités de privilégiés. Certains feront grève pour la première fois de leur carrière. Pour nous, il s'agit bien d'une grève de 24 heures. Certains dirigeants syndicaux qui parlent de grève reconductible manquent d'expérience. On peut s'étonner que parmi ceux qui envisagent d'aller au delà de 24 heures, il y en ait qui se demandaient il y a quelques jours si la grève était utile.
La CGT ne risque-t-elle pas d'être débordée par sa base ?
C'est la cohésion et l'unité du mouvement qui fera sa force, et le gouvernement commence à s'en rendre compte. Il rencontre de nouveau les syndicats pour discuter d'un document d'orientation, alors que la réforme devait être bouclée en quinze jours Si la grève était reconduite maintenant, elle n'aurait pas la même puissance. Il faut garder ses forces pour chaque étape.
Les fonctionnaires CGT se joindront aux cheminots avant la journée d'action annoncée à la mi novembre. Est-ce un début de mobilisation générale?
L'important pour nous, c'est le nombre de salariés qui se mobilisent et les revendications qu'ils portent dans le public et le privé. Les fonctionnaires ont de plus en plus l'impression que le gouvernement joue la montre. Eric Woerth a beau tenter de temporiser, personne n'est dupe. Dans le privé, des entreprises seront dans l'action sur les salaires.
Le chef de l'Etat demande que toute la lumière soit faite sur l'affaire EADS. Est-ce normal qu'il s'implique ainsi personnellement?
Sur EADS, c'est d'autant plus normal que c'est devenu une affaire d'Etat. L'Airbus A 380 a été présenté comme un symbole politique européen. Son retard a d'abord été imputé à un problème industriel, puis un problème de gouvernance. Et on découvre qu'au moment où l'on annonçait le plan Power 8 et 10 000 suppressions d'emploi, les dirigeants n'avaient d'autre idée en tête que d'en tirer un profit personnel, au détriment de la Caisse des dépôts. C'est bien une affaire d'Etat, qui devrait faire réfléchir sur ce qui peut arriver quand l'Etat fait appel à un partenaire privé dans une entreprise dont il est actionnaire.
Le patron d'EADS, Louis Gallois, propose de supprimer les stock-options. Qu'en pensez-vous ?
Je suis tout à fait d'accord pour les supprimer. On nous dit que cela provoquerait le départ à l'étranger de quelques centaines de dirigeants d'entreprise qui s'estimeraient mal rémunérés. Je pense qu'en France, on a suffisamment de talents pour trouver quelques centaines de dirigeants tout à fait capables de les remplacer que l'on ait besoin de leur verser des stock-options.
ENCADRE
L'affaire DGS : « Un subterfuge »
Bernard Thibault réagit à l'affaire des retraites de fonds suspects par Denis Gautier-Sauvagnac (DGS), dirigeant du Medef :
« Il y a une campagne concertée pour décrédibiliser les syndicats de salariés. On oublie que le point de départ de cette affaire est une enquête sur le maniement d'argent liquide par un dirigeant d'une organisation patronale affiliée au Medef. Et par on ne sait quel subterfuge, sans le plus petit début de preuve, ce sont les syndicats de salariés qui doivent se justifier devant ces turpitudes. Qui a intérêt à mettre en cause la légitimité des acteurs syndicaux ? J'ai pris contacte avec mes homologues pour que l'on ouvre la négociation sur la représentativité syndicale, ce que la CGT réclame depuis 1999. Il faudra alors tout mettre sur la table : la démocratie sociale, la reconnaissance du droit syndical et des moyens correspondant ».Source http://www.cgt.fr, le 11 octobre 2007
La CGT appelle ce samedi 13 octobre à une manifestation pour la reconnaissance des métiers pénibles. Un tour de chauffe avant le 18 ?
Nous avons décidé d'apporter notre concours à cette manifestation, à Paris, lancée par deux organisations de défense des travailleurs handicapés et des victimes de l'amiante, la FNATH et l'Andeva pour dénoncer les préjudices dont sont victimes beaucoup de salariés. Notre rôle de syndicat est de nous pencher sur les conséquences dramatiques de la dégradation des conditions de travail. Et nous sommes en désaccord avec la fixation d'une enveloppe préétablie pour limiter l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladie professionnelle. Ce sera aussi pour nous l'occasion de dénoncer l'instauration de franchises médicales pour financer l'assurance maladie. C'est une rupture avec les principes de solidarité et d'égalité d'accès aux soins.
La négociation sur la pénibilité au travail n'avance pas. Le Medef traîne-t-il les pieds ?
Le patronat joue clairement la montre. C'est un des autres sujets qui nous mobilisera dès le 13. La négociation a commencé en 2003, et elle devait déboucher sur la reconnaissance de la pénibilité comme critère justifiant les départs en retraite anticipés. La responsabilité est aussi celle des politiques, qui ont renvoyé cette question à la négociation en sachant qu'elle allait s'enliser. On parle beaucoup d'équité, notamment à propos des régimes spéciaux. On oublie que les salariés ne sont pas égaux face à leur espérance de vie : celle des ouvriers dans les métiers pénibles est de sept à huit ans inférieure à celle des autres salariés.
Avec une grève le 18 octobre, les salariés de la SNCF et de la RATP ne risquent-ils pas de se couper des usagers?
Cela fait partie de la démarche gouvernementale d'essayer d'opposer certaines catégories de salariés entre elles. Le gouvernement veut éviter que les salariés portent des revendications communes. La première escroquerie intellectuelle est venue du candidat devenu le président de la République qui a tenté de faire croire qu'une remise en cause des régimes spéciaux allait pouvoir revaloriser les basses retraites du régime général. C'est évidemment faux, et le gouvernement n'utilise plus cet argument. A la CGT, nous allons diffuser dans la semaine prochaine des tracts et affiches expliquant l'enjeu des retraites. On veut faire croire qu'il n'y a pas d'autre solution que l'allongement de la durée de cotisation à 41 puis 42 ans pour tous. Notre approche est de conforter le droit au départ à 60 ans. C'est possible. Cela veut dire que d'ici 2020, il faudra consacrer 3% du PIB en plus aux retraites, ce qui n'a rien de choquant alors que la population de plus de 60 ans va augmenter.
Certains syndicats appelant à des grèves reconductibles, la mobilisation du 18 pourrait-elle se poursuivre les jours suivants ?
A l'évidence, elle sera forte. Les salariés de la SNCF, de la RATP, d'EDF et d'autres sont exaspérés d'être ainsi montrés du doigt et traités de privilégiés. Certains feront grève pour la première fois de leur carrière. Pour nous, il s'agit bien d'une grève de 24 heures. Certains dirigeants syndicaux qui parlent de grève reconductible manquent d'expérience. On peut s'étonner que parmi ceux qui envisagent d'aller au delà de 24 heures, il y en ait qui se demandaient il y a quelques jours si la grève était utile.
La CGT ne risque-t-elle pas d'être débordée par sa base ?
C'est la cohésion et l'unité du mouvement qui fera sa force, et le gouvernement commence à s'en rendre compte. Il rencontre de nouveau les syndicats pour discuter d'un document d'orientation, alors que la réforme devait être bouclée en quinze jours Si la grève était reconduite maintenant, elle n'aurait pas la même puissance. Il faut garder ses forces pour chaque étape.
Les fonctionnaires CGT se joindront aux cheminots avant la journée d'action annoncée à la mi novembre. Est-ce un début de mobilisation générale?
L'important pour nous, c'est le nombre de salariés qui se mobilisent et les revendications qu'ils portent dans le public et le privé. Les fonctionnaires ont de plus en plus l'impression que le gouvernement joue la montre. Eric Woerth a beau tenter de temporiser, personne n'est dupe. Dans le privé, des entreprises seront dans l'action sur les salaires.
Le chef de l'Etat demande que toute la lumière soit faite sur l'affaire EADS. Est-ce normal qu'il s'implique ainsi personnellement?
Sur EADS, c'est d'autant plus normal que c'est devenu une affaire d'Etat. L'Airbus A 380 a été présenté comme un symbole politique européen. Son retard a d'abord été imputé à un problème industriel, puis un problème de gouvernance. Et on découvre qu'au moment où l'on annonçait le plan Power 8 et 10 000 suppressions d'emploi, les dirigeants n'avaient d'autre idée en tête que d'en tirer un profit personnel, au détriment de la Caisse des dépôts. C'est bien une affaire d'Etat, qui devrait faire réfléchir sur ce qui peut arriver quand l'Etat fait appel à un partenaire privé dans une entreprise dont il est actionnaire.
Le patron d'EADS, Louis Gallois, propose de supprimer les stock-options. Qu'en pensez-vous ?
Je suis tout à fait d'accord pour les supprimer. On nous dit que cela provoquerait le départ à l'étranger de quelques centaines de dirigeants d'entreprise qui s'estimeraient mal rémunérés. Je pense qu'en France, on a suffisamment de talents pour trouver quelques centaines de dirigeants tout à fait capables de les remplacer que l'on ait besoin de leur verser des stock-options.
ENCADRE
L'affaire DGS : « Un subterfuge »
Bernard Thibault réagit à l'affaire des retraites de fonds suspects par Denis Gautier-Sauvagnac (DGS), dirigeant du Medef :
« Il y a une campagne concertée pour décrédibiliser les syndicats de salariés. On oublie que le point de départ de cette affaire est une enquête sur le maniement d'argent liquide par un dirigeant d'une organisation patronale affiliée au Medef. Et par on ne sait quel subterfuge, sans le plus petit début de preuve, ce sont les syndicats de salariés qui doivent se justifier devant ces turpitudes. Qui a intérêt à mettre en cause la légitimité des acteurs syndicaux ? J'ai pris contacte avec mes homologues pour que l'on ouvre la négociation sur la représentativité syndicale, ce que la CGT réclame depuis 1999. Il faudra alors tout mettre sur la table : la démocratie sociale, la reconnaissance du droit syndical et des moyens correspondant ».Source http://www.cgt.fr, le 11 octobre 2007