Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les grandes orientations de la politique des transports et sur le rééquilibrage des modes de transport au profit du rail en région Rhône-Alpes et entre la France et l'Italie, à Chambéry le 19 janvier 2001.

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Circonstance : Rencontre de Lionel Jospin, Premier ministre, avec les acteurs socio-professionnels et les élus sur les enjeux de la politique des transports dans le massif alpin, Chambéry le 19 janvier 2001

Texte intégral

Messieurs les ministres,
Messieurs les parlementaires,
Madame la Présidente du Conseil régional,
Messieurs les Présidents des Conseils généraux,
Mesdames et Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je retrouve aujourd'hui la région Rhône-Alpes et notamment la ville de Chambéry pour évoquer, avec le ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement, Jean-Claude GAYSSOT, et en compagnie de Jean-Jack QUEYRANNE et de Louis BESSON, la politique des transports du Gouvernement. Celle-ci trouve dans cette région et, tout particulièrement, dans cet espace sensible qu'est la traversée des Alpes, sa pleine illustration.
Depuis trois ans et demi, le Gouvernement a engagé une politique des transports radicalement nouvelle.
Nouvelle, cette politique l'est d'abord par sa méthode. A travers les schémas de services collectifs de transports, le Gouvernement a conçu un instrument qui permet d'anticiper les besoins de transports à un horizon d'une vingtaine d'années. Nous avons ainsi adopté une démarche qui met désormais au premier rang la qualité du service rendu. Nous avons aussi déterminé un cadre pour la préparation des décisions futures et décidé l'évaluation des politiques mises en uvre. Les schémas sont désormais soumis à la consultation afin que les élus et les décideurs locaux soient partie prenante aux projets d'équipements publics.
Nouvelle, cette politique l'est aussi par sa volonté de rééquilibrer les modes de transports. Le respect de l'environnement et la volonté de construire un développement durable nous incitent à favoriser certains modes de transports plutôt que d'autres.
En milieu urbain, face à la voiture, le Gouvernement s'attache activement au développement des transports collectifs. Il a engagé une politique ambitieuse qui s'est déjà traduite par de nombreuses réalisations. J'ai eu le plaisir d'inaugurer, ces derniers mois, de nouvelles lignes de tramway à Strasbourg et à Orléans, ainsi qu'une nouvelle ligne de métro à Lille. Ici, en Rhône-Alpes, Jean-Claude GAYSSOT a pour sa part inauguré, le 18 décembre dernier, le nouveau tramway de Lyon. Ces équipements collectifs ont bénéficié du soutien financier de l'Etat. Le Gouvernement a décidé de doubler, dès 2001, les crédits consacrés aux projets de développement des transports collectifs.
En matière de fret, le Gouvernement travaille à rééquilibrer les modes de transports au profit du rail. Les décisions relatives au développement des infrastructures que le Gouvernement a prises ont reflété cette orientation. Ainsi, l'enveloppe consacrée au volet ferroviaire des contrats de plan Etat-région a été multipliée par dix par rapport aux précédents. Nous avons également augmenté de façon substantielle les aides au développement du transport combiné et, dans le cadre du plan de maîtrise de l'énergie, de nouveaux crédits seront consacrés à l'étude des projets de ferroutage. Ces décisions contribuent à la mise en uvre de l'objectif ambitieux que nous nous sommes fixé : le doublement du fret ferroviaire en dix ans.
Nouvelle, enfin, cette politique l'est dans sa détermination totale à améliorer la sécurité. Le drame survenu au printemps 1999 dans le tunnel du Mont-Blanc, qui avait frappé de nombreuses familles, a suscité une vive émotion chez nos concitoyens. Le Gouvernement a tiré toutes les conséquences de cet accident, afin que les exigences en matière de sécurité soient renforcées.
Un travail systématique d'inventaire et d'audit de tous les tunnels significatifs a été entrepris en quelques mois. Des recommandations ont été faites pour chacun des ouvrages. Des mesures spécifiques concernant la circulation ont été prises sans délai, chaque fois qu'il le fallait. Des programmes de rénovation se sont avérés nécessaires pour certains tunnels. Ils se concrétisent, pour l'essentiel, dans le cadre des contrats de plan actuels.
Cet audit a également conduit à une nouvelle approche de la sécurité pour toutes les infrastructures de transport. La philosophie même des problèmes de sécurité repose désormais sur des fondements nouveaux : à chaque étape importante du projet et tout au long de la vie de l'ouvrage, le maître d'ouvrage devra présenter un dossier attestant du respect des objectifs en matière de sécurité. Cette nouvelle approche fera l'objet d'un projet de loi relatif à la sécurité des infrastructures de transport qui sera présenté en conseil des ministres au début du mois de février. S'agissant des tunnels, cette approche s'applique d'ores et déjà, selon les dispositions prévues par une circulaire interministérielle du 25 août 2000. En accord avec les autorités italiennes, le Gouvernement a décidé d'appliquer immédiatement les dispositions techniques de ce texte pour les travaux de rénovation du tunnel du Mont-Blanc.
Mais la sécurité repose également sur des mesures d'exploitation qui concourent, dans le même temps, au respect de l'environnement. Je sais ce qu'a représenté pour la vallée de la Maurienne et la cluse de Chambéry le doublement du trafic de poids lourds consécutif à la fermeture du tunnel du Mont-Blanc. Les mesures d'exploitation, qui se sont progressivement imposées pour le tunnel du Fréjus comme une nécessité, doivent désormais s'inscrire dans la durée. Elles devront également être mises en uvre lors de la réouverture du tunnel du Mont-Blanc.
Cette politique de rééquilibrage entre la route et le rail trouve dans votre région, pour les franchissements alpins, une illustration particulièrement forte.
Cette politique s'applique dans l'esprit du protocole transports de la Convention alpine de 1991, lequel a enfin été signé le 31 octobre 2000 par les Etats de l'arc alpin.
Ce rééquilibrage nécessite d'abord la régulation du trafic routier. Dans le cadre des réglementations nationale et communautaire en vigueur, le Gouvernement proposera aux autorités italiennes d'examiner ensemble les mesures permettant de maîtriser le trafic de poids lourds pour répondre aux objectifs de sécurité et de protection de l'environnement. Il leur proposera également d'adopter une démarche commune aux deux gouvernements, au niveau de l'Union européenne, en vue de faire évoluer le cadre communautaire. Cela se fera dans l'esprit du mémorandum que nous avions présenté au lendemain de l'accident du tunnel du Mont-Blanc et qui devrait être repris dans le " livre blanc " préparé par la Commission sur la nouvelle politique des transports dans l'Europe des Quinze.
Le rééquilibrage entre la route et le rail passe également par une amélioration significative de l'offre ferroviaire. Nous devons en effet prendre en compte les perspectives de saturation des axes routiers et de la ligne ferroviaire existante ainsi que les besoins croissants de mobilité dans la région alpine. Le prochain sommet franco-italien, qui se tiendra à Turin le 29 janvier prochain, doit être l'occasion de donner des réponses à ces problèmes.
Ici même, lors du sommet franco-italien d'octobre 1997, nous avons décidé d'engager un programme d'études de 350 millions de francs sur trois ans que nous avons mené à bien. Lors du prochain sommet, les autorités françaises proposeront au Gouvernement italien de décider la réalisation de la nouvelle liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin, comprenant le creusement d'un tunnel international de cinquante kilomètres sous les Alpes. Les modalités de construction et de gestion de l'ouvrage seront définies dans le cadre d'un accord franco-italien.
Dès cette année, une première étape sera engagée avec la mise en uvre, sur les cinq ans à venir, d'un important programme d'études et de travaux. Les premiers d'entre eux seront réalisés avec le creusement des galeries de reconnaissance ; l'équivalent de 2,4 milliards de francs y seront consacrés, sous le pilotage de la Commission intergouvernementale franco-italienne.
Sans attendre la mise en service de ce tunnel international, des accès ferroviaires performants devront progressivement être aménagés. Ainsi, en amont de la Maurienne, sont prévus la réalisation d'un tunnel sous le massif de la Chartreuse et son prolongement par un second tunnel, également nécessaire, sous le massif de Belledonne.
Le Gouvernement français proposera également aux autorités italiennes d'expérimenter, dès 2002, un service d'autoroute ferroviaire sur les infrastructures existantes.
L'objectif est la mise en place, d'ici 2005-2006, d'un service complet d'autoroute ferroviaire de vingt à trente trains par jour et par sens. Cela permettra le transfert sur le rail de 20 à 30 % du trafic de poids lourds, soit plus de 200.000 camions par an. Chambéry et la vallée de la Maurienne seront ainsi délestés d'une partie importante du trafic. A cette fin, nous proposerons au Gouvernement italien de réaliser le programme de modernisation de la ligne existante présenté par les entreprises ferroviaires -la SNCF, Réseau Ferré de France et les Ferrovie dello Stato.
Afin de permettre la mise en uvre, au plus tôt, de ce service d'autoroute ferroviaire " longue " -c'est-à-dire permettant le chargement des poids lourds en amont de Chambéry-, les études d'avant-projet sommaire du franchissement du massif de la Chartreuse en tunnel seront lancées sans délai.
Pour mener à bien ce projet, une structure de coordination sera mise en place. Elle associera l'Etat, les opérateurs ferroviaires -la SNCF et Réseau Ferré de France-, les transporteurs routiers et les collectivités locales concernées, en particulier la région Rhône-Alpes.
Les besoins en concours publics sont importants. Des moyens de financement nouveaux devront être dégagés dans un cadre multimodal au profit de ces investissements ferroviaires. Pour poursuivre le rééquilibrage entre la route et le rail, l'objectif est de réinvestir les excédents dégagés par les tunnels routiers transalpins dans la réalisation de liaisons ferroviaires transalpines. C'est dans ce but que le Gouvernement a retenu le principe d'un " pôle multimodal alpin ". Les modalités juridiques, financières et techniques de mise en uvre de ce pôle devront être précisées d'ici l'été prochain. Les démarches qui pourront s'avérer nécessaires au niveau communautaire seront entreprises.
Mesdames et Messieurs,
Les échanges que nous avons eus cet après-midi illustrent une fois encore votre détermination à mettre en uvre, dans votre région, une politique des transports qui s'inscrit dans la perspective d'un développement durable. Le Gouvernement a voulu cette politique. Il la soutient à travers ses décisions sur les grands projets et les choix stratégiques. C'est pourquoi nous voulons que dans quelques jours, lors du sommet franco-italien, une étape décisive soit franchie avec le lancement de la nouvelle liaison ferroviaire et la mise en uvre de la première " route roulante " en France. Je sais pouvoir compter sur la mobilisation de tous les acteurs concernés pour que ces très grands projets, qui contribueront à améliorer la vie de nos concitoyens, soient des succès. C'est ensemble que nous les mènerons à bien.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 janvier 2001)