Déclaration de M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, sur le développement des services publics en ligne, de l'accès internet par la fibre optique mais aussi du haut débit mobile, Issy-les-Moulineaux le 3 octobre 2007.

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Circonstance : Forum Mondial de l'e-Démocratie : « Quelle société à l'ère du citoyen 2.0 ? à Issy-les-Moulineaux le 3 octobre 2007

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Chers Amis,
Je suis heureux de vous accueillir officiellement à Issy-les-Moulineaux pour cette nouvelle édition, la 8ème, du Forum Mondial de l'e-Démocratie et de l'administration électronique.
Depuis ce matin, et pendant ces deux jours, vous allez tenter de dessiner ce que sera la société de demain. Vous allez le faire à la lumière de vos expériences et de vos compétences, dans l'esprit d'échanges des meilleures pratiques qui caractérise nos rencontres. Il y a 44 nationalités différentes représentées aujourd'hui. C'est la plus belle récompense des efforts qui, depuis sept ans, sont déployés pour éclairer nos débats des expériences internationales.
Nous avons souhaité un format plus resserré que l'an passé, avec pour priorité de rendre leur place aux débats de fond pour mieux comprendre ce que nous vivons et pour faire concrètement avancer les choses.
Car la question posée cette année interpelle : Quelle société voulons-nous à l'ère du Citoyen 2.0 ? J'aurai envie d'en poser une autre : le Citoyen 2.0 existe-t-il ?
Notre planète comptait, à la fin de l'année dernière, selon l'Union Internationale des télécommunications, 1 milliard et 130 millions d'individus qui avaient accès à l'Internet, et 2,6 milliards d'usagers du téléphone mobile. Les technologies révolutionnent les relations entre le citoyen et les pouvoirs publics au sens large. Ignorer cette situation serait absurde et, surtout, inutile. Nous sommes là pour prendre la mesure d'une révolution de société.
Personne ne doute, ici, qu'Internet a profondément changé nos façons de travailler, de vivre, de s'amuser et même de faire de la politique. Mais l'Internet lui-même est en train de vivre un profond bouleversement avec ce qu'on appelle le web 2.0, une nouvelle vague, plus participative encore, plus facile d'utilisation, plus communautaire, et plus multimédia avec l'explosion du très haut débit et de la vidéo en ligne. Après l'Internet statique, voici venu l'ère de l'Internet participatif, voire individualiste où chacun peut facilement écrire, publier des vidéos, partager ses opinions. C'est peut être le début d'une évolution, qui verra la baisse d'influence des mass médias au profit de médias personnels. Est-ce d'ailleurs un hasard si le Time Magazine a décerné le titre de l'homme de l'année 2006 à « Vous », c'est-à-dire à chacun d'entre nous, récompensés pour l'effort collectif de millions d'individus qui transforment notre mode de vie.
La blogosphère va continuer à croître, mais blogguer va devenir de plus en plus commun et naturel. Il suffit de constater la petite dépression que traverse la blogosphère politique française après les élections du printemps dernier, pour comprendre que ses interrogations signifient qu'elle est entrée dans l'âge de la maturité.
MySpace, YouTube, Second Life, Facebook, Dailymotion sont les nouveaux supports de cette évolution. Parmi eux se cache peut être, cher Eric Boustouller, un Microsoft en puissance.
Nous devons, dans ce débat, redonner du sens à la notion de services au public.
Nous avons pu le constater, il y a quelques jours, avec la publication du 7ème rapport annuel de la Commission Européenne concernant les services publics en ligne en Europe : la part des services entièrement accessibles par Internet a augmenté de manière sensible sur les douze derniers mois, passant de 50 à 58 % des services publics européens désormais en ligne. Cela paraîtra peu à nos amis Coréens, dont je veux saluer la présence ici, mais c'est un vrai progrès pour un continent qui reste divisé entre les excellents élèves, comme l'Autriche et ses 100 % de services en ligne, les suédois, britanniques ou slovènes et les mauvais élèves, comme la Bulgarie qui n'en compte que 15 %. La France se classe à la 10ème place, sur 31, ex-aequo avec l'Italie, l'Espagne et l'Estonie, avec 70 % de nos services publics intégralement disponibles sur la toile. Elément important, les trois quarts des Internautes, soit près d'un Français sur deux, ont déjà utilisé les services publics en ligne cette année. Cela peut être pour déclarer ou payer ses impôts (7,4 millions de Français ont fait leur déclaration en ligne cette année), demander un acte de naissance, déclarer son changement d'adresse (un service utilisé par un tiers des foyers qui déménagent) ou accéder aux informations du site Administration 24h/24, un site qui a été largement inspiré par l'exemple britannique, avec le classement par thème et classe d'âge et le renvoi vers les administrations compétentes.
En dépit des progrès réalisés, il nous reste du pain sur la planche. Une autre récente étude, commandée par l'Observatoire National de l'innovation publique et par le magazine « Acteurs Publics », que dirige Pierre-Marie Vidal, montre que pour 61 % des Français, les notions de secteur public et d'innovation ne sont guère compatibles. Il est vrai, à cet égard, que l'exemple du nouveau service de consultation en ligne de nos points de permis de conduire, qui oblige à aller en préfecture chercher un mot de passe, illustre la nécessité de mettre un peu de cohérence dans nos services en ligne. « Là comme ailleurs, Courteline reste le maître à penser de l'administration » avait alors réagi Jacques Attali sur son blog.
Pourtant, les choses bougent. Ce qui s'est passé aux Etats-Unis, depuis plusieurs années, et ce qui s'est passé ici, au printemps dernier avec la première net-campagne à la française, montrent que nous sommes entrés dans une nouvelle ère. Celle d'une expression citoyenne plus forte et plus visible. Cela peut inquiéter, notamment parce qu'elle est parfois synonyme de campagnes négatives que nous ne connaissions pas dans notre pays. Ou parce que l'anonymat des commentaires autorise tous les abus.
Mais cela doit rester une formidable évolution, car plus nous mobiliserons de citoyens autour des grands projets de société et mieux la démocratie se portera. Les technologies peuvent nous y aider, en facilitant l'accès à l'information, les débats et les décisions.
Le fait que la Commission sur la libération de la croissance, que préside Jacques Attali, ne travaille pas uniquement dans les salons dorés de la République mais partage ses réflexions avec tout le monde, via son site Internet et sa trentaine de blogs de discussions, illustre parfaitement cette révolution. Cela, il faut bien l'avouer, aurait été inimaginable il y a quinze ans.
Le Web 2.0 symbolise, bien sûr, une nouvelle étape dans la jeune histoire de l'Internet. Il représente la promesse d'une plus grande interactivité encore, d'une expression citoyenne plus audible mais aussi de l'arrivée de nouvelles applications et de nouvelles technologies. C'est parce que le Web 2.0 exige un usage plus contraignant que la voie remontante que tous les pays développés se lancent dans le déploiement de réseaux de fibre optique.
Le développement inéluctable de l'accès à l'Internet par la fibre optique, mais aussi du haut débit mobile, aura pour conséquence la nécessité de répondre instantanément aux demandes exprimées par les citoyens, que ce soit dans le domaine des services publics ou dans celui de la relation citoyenne.
Dans cette deuxième phase de l'Internet, nous devons prendre conscience que nous dépendrons de plus en plus des technologies de l'information, pour doper la croissance économique et améliorer l'accès de tous à la connaissance, mais nous devons aussi être conscients des menaces qui vont se développer dans cette société. Les questions de sécurité, y compris de sécurité nationale, et de protection de la vie privée seront de plus en plus cruciales au cours des prochaines années. Notre enthousiasme à accompagner cette évolution historique ne doit pas masquer notre lucidité : le web peut être aussi un terrible outil aux mains de forces antidémocratiques.
Et n'oublions pas que deux milliards d'habitants de la planète n'ont même pas le téléphone. Nos débats autour de la nécessité de réduire la fracture numérique ne doivent pas être académiques. Il s'agit d'un vrai défi à relever ensemble.
Source http://www.forum-edemocratie.com, le 23 novembre 2007