Texte intégral
François Fillon, Premier ministre - Mesdames et messieurs, nous venons donc de tenir le premier séminaire gouvernemental de préparation de la présidence française de l'Union européenne, je dis le premier parce qu'il y en aura d'autres. Ce séminaire a été notamment consacré à la méthode de préparation de la présidence française. Nous avons débattu aussi des priorités de la présidence, puis nous avons entendu la présidence allemande et la présidence portugaise sur leur expérience. Cette présidence française est évidemment très, très importante, et on sent qu'elle est attendue. Elle est importante parce que la France, après avoir largement participé à mettre l'Europe dans une situation de crise, a participé à la sortie de cette crise grâce à la négociation du Traité simplifié. Chacun attend de voir aujourd'hui comment elle va mettre en oeuvre ou participer à la mise en oeuvre de ce Traité, comment elle va s'inscrire dans les priorités qui sont les priorités de l'agenda européen, comment elle va amener ses propres priorités dans cet agenda et comment elle va s'inscrire dans la continuité de 2 présidences très réussies que sont la présidence allemande et la présidence portugaise. Réussir la présidence, c'est d'abord la préparer maintenant, c'est d'ailleurs ce que nous ont dit à l'unisson Monsieur Steimeier et Monsieur Amado. Le commissaire Jacques Barrot et le député européen Alain Lamassoure nous ont donné sur ce sujet tous les conseils nécessaires. Le ministre des Affaires étrangères allemand a présenté l'expérience de la présidence allemande et Monsieur Amado a présenté le déroulement de l'actuelle présidence portugaise. Il est très important que des ministres européens participent à la préparation de notre présidence, et d'ailleurs nous accueillons pour le déjeuner qui va suivre cette conférence de presse, Monsieur Dimitri Rupel, le ministre des Affaires étrangères slovène, les Slovène ayant la présidence à partir du mois de janvier, Monsieur Alexandre Vondra, le vice-Premier ministre tchèque et Madame Malmström, le ministre suédois des Affaires européennes. On a évidemment parlé du fond et parlé des priorités de la présidence française, vous les connaissez : l'énergie, l'environnement, le climat, les migrations, la défense européenne, peut-être plus largement la politique de sécurité extérieure et intérieure, la préparation de la mise en oeuvre du nouveau Traité à partir du début 2009, ce sera donc un dossier commun aux présidences slovènes et françaises. Le souhait du président de la République, évoqué notamment dans le discours qu'il a prononcé à Rennes, de lancer sous la présidence française les premiers débats sur l'avenir des politiques après 2013, et en particulier sur l'avenir de la Politique Agricole Commune. Ces grandes priorités en même temps que d'autres sujets essentiels qui demeurent tout au long des présidences successives, la compétitivité et la croissance en Europe doivent aboutir à des résultats concrets sous la présidence française. C'est la raison pour laquelle nous avons le devoir de nous concerter dès aujourd'hui avec les autres Etats membres, avec le Parlement européen qui est désormais un partenaire essentiel de la présidence, d'où l'importance du discours que le président de la République y a prononcé mardi dernier, avec la Commission naturellement. Et c'est pour toutes ces raisons que nous avons voulu associer à ce séminaire un commissaire, un parlementaire européen et des ministres européens représentant les présidences précédentes et suivantes. Voilà, nous sommes donc au travail, nous allons poursuivre le travail de définition des objectifs précis de la présidence française, nous allons entamer un travail de sensibilisation des territoires pour associer les collectivités locales à la présidence française, et puis nous réunirons à nouveau régulièrement le gouvernement dans cette formation pour que chaque membre du gouvernement soit complètement associé à la mise en oeuvre de cette présidence française. Voilà, je vais laisser la parole à Monsieur KOUCHNER et à Monsieur Jouyet qui vont être les artisans, je l'espère, de la réussite de cette présidence.
Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes - Merci Monsieur le Premier ministre. Tout ça c'est très joli et c'est tout à fait nécessaire, nous avons ressenti comme un besoin d'écouter les autres, les deux présidents, les présidences réussies que furent la présidence allemande et la présidence portugaise en ce moment. Mais rien ne remplace l'expérience, et on sent bien qu'ayant tout à fait préparé au mieux avec les partenaires, avec la commission, avec le Conseil, avec tous les partenaires nationaux, surtout d'ailleurs avec la population, avec les élus, avec les régions, on se trouvera devant des crises successives dont le récit nous a été fait avec beaucoup d'humanité et de vivacité par nos amis. Le nombre de crises internationales qui témoignent d'un besoin d'Europe et d'un besoin d'Europe stable, d'Europe réponse est inimaginable, il y en a vraiment des dizaines et des dizaines par présidence. Et puis ce sera difficile bien sûr, c'est un travail acharné et je crois que ceux qui viennent d'y passer vont écrire chacun un nombre de livres intéressants. Il y a environ 200 réunions, plus les réunions surprises, plus ce qui se manifestera sans qu'on le sache : réunions internationales, conseils, rassemblements, etc. Donc, c'est un effort très important, nous souhaitons que la présidence française soit bien sûr réussie. Et dernière remarque, il nous faut inventer notre propre motivation, je dirai presque notre propre crise, parce que les Allemands et les Portugais ont eu à surmonter la panne européenne et puis le Traité simplifié qu'il a fallu proposer, expliquer et imposer pour les Allemands, et ensuite la conférence intergouvernementale qui a réussi à rédiger à partir de ce Traité qu'on avait discuté dans la nuit de Bruxelles, et ça ce fut une réussite extraordinaire des Portugais. Nous, avec nos amis slovènes parce que n'oublions pas qu'il y a une présidence slovène qui commence le 1er janvier, mais qui est très accompagnée par la présidence française du point de vue très important des relations et des contacts internationaux. Nous travaillons à partir du 1er janvier avec 110 ambassadeurs français qui représenteront les deux présidences, la première (6 mois) slovène et puis la présidence française. Et donc, nous sommes presque obligés de nous élancer à partir du 1er janvier. Et l'essentiel sera d'imposer un intérêt, pas d'imposer nos sujets.
Notre ambition, très grande ambition, ce sera d'intéresser à nouveau et de faire participer les Français, les régions, les villes dans lesquelles nous aurons l'occasion de présenter soit des réunions thématiques ministère par ministère, soit - et c'est encore plus ambitieux - de leur proposer que leur vie quotidienne prenne en compte ce que l'Europe a apporté. Et ça, le Premier ministre a beaucoup insisté là-dessus, il faut que ce soit un élan populaire, un accueil populaire, un intérêt populaire.
Jean-Pierre JOUYET, secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes, chargé des Affaires européennes - Ce que je retiens c'est que c'était un séminaire de sensibilisation mais aussi de mobilisation, ce qui était important et nécessaire, et le Premier ministre l'a bien indiqué à l'ensemble du gouvernement. Le second point, c'est l'importance effectivement du dialogue et de l'écoute au niveau européen avec les institutions, là aussi ça constitue une sorte de rupture par rapport aux pratiques antérieures de la France. Ça a été souligné très fortement à l'égard de la Commission, du Parlement européen bien sûr, du Conseil mais aussi de nos partenaires. C'est pour cela que le président de la République et le Premier ministre vont visiter l'ensemble de nos partenaires avant la présidence française, et c'est un élément essentiel. Qu'avec Bernard Kouchner, nous partageons également les visites de ces partenaires, que nous accueillons d'ailleurs régulièrement, et que l'ensemble des collègues du gouvernement doivent faire cette même démarche d'explication et d'écoute auprès de ces partenaires. Enfin le dernier point, il est important que cette présidence soit une présidence citoyenne, c'est-à-dire comme l'a indiqué Bernard Kouchner, que nos concitoyens soient impliqués dans la présidence mais aussi dans sa préparation. C'est pour cela que nous organiserons un certain nombre de conventions au niveau régional, avant la présidence française et durant cette présidence française, pour qu'il y ait un dialogue entre citoyens, les élus locaux qui auront un rôle important dans ce cadre-là, les entreprises, les partenaires sociaux et également les responsables européens pour qu'il y ait ce dialogue et ce retour de l'Europe en France. Car c'est le premier grand rendez-vous depuis l'échec du référendum en 2005 entre la France et l'Europe.
François Fillon - Voilà. Mesdames et messieurs, nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions, allez-y.
Journaliste (Présentation Inaudible). Vendredi prochain, vous vous rendez à Stockholm pour rencontrer le Premier ministre Monsieur Reinfelt, qu'attendez-vous de cette journée ? Et je ne sais pas si vous vous êtes déjà rencontrés ?
François Fillon - Non, nous ne nous sommes pas encore rencontrés. J'irai donc dans le cadre de la tournée de l'ensemble des pays de l'Union européenne, qui vient d'être évoquée à l'instant par Bernard Kouchner en Suède vendredi prochain pour présenter le programme de la présidence française, pour recueillir les suggestions, les avis, les questions que le gouvernement suédois pose à propos de ce programme, et ce sera pour moi l'occasion de rencontrer pour la première fois mon homologue suédois. Le président de la République et moi, nous allons nous partager les 27 membres de l'Union. Et nous allons, tout au long des 3 ou 4 mois qui viennent, faire le tour des pays de l'Union européenne pour présenter le programme de la présidence.
Journaliste - Monsieur le Premier ministre, c'est une question de la télévision suédoise. Vous préparez aussi un programme commun pour les 3 présidences française, tchèque et suédoise, comment faites-vous avec les sujets, les questions où les 3 gouvernements ont des perspectives, des opinions différentes, comme la Turquie comme membre de l'Union, comme la coopération militaire de défense, une chose peut-être sensible et difficile pour la Suède ?
François Fillon - D'abord, le rôle de la présidence, ce n'est pas d'imposer le point de vue de son pays mais de présider le Conseil de l'Union et de trouver les consensus, les compromis qui permettent d'avancer d'un pas commun. Et donc la première chose que nous faisons dans la concertation avec la présidence slovène, avec la présidence suédoise et avec la présidence tchèque, nous cherchons les éléments de compromis, les éléments de consensus. Beaucoup des dossiers que j'ai évoqués tout à l'heure sont des dossiers qui naturellement n'ont pas commencé avec la présidence française et qui ne se règleront pas avec la présidence française, sur lesquels il faut que nous avancions, que nous franchissions une étape. Sur les questions d'énergie et les questions de climat, de lutte contre le réchauffement climatique, on voit bien que le rôle de la présidence française n'est pas de résoudre l'ensemble des questions qui se posent mais de trouver les bons compromis. Il y a des sujets sur lesquels il y a des désaccords, on va essayer de les réduire, on va essayer de les surmonter, et puis chacun prendra ses responsabilités.
Journaliste - Est-ce que vous avez déjà réfléchi à des initiatives pour susciter ce que Monsieur Kouchner a appelé "un élan populaire autour de la présidence française" ?
Bernard Kouchner - Oui heureusement, mais je ne vais pas vous en faire la liste maintenant. Nous pensons qu'autour des réunions qui seront organisées dans toutes sortes de lieux en province, pas à Paris, nous allons susciter le débat avant que cette réunion ait lieu. Vous comprenez, on voit trop...mais Jean-Pierre précisera parce qu'il a la haute main sur tout ça, nous ne voyons pas l'Europe comme des voitures qui foncent à travers la ville bloquant toutes les rues, et puis la portière s'ouvre et puis on va dans une salle, on se dit des trucs qu'on connaît déjà et on s'en va. Non, nous imaginons que, allant vers les villes, il y aura une manière peut-être beaucoup plus en train qu'en avion, etc..., de travailler avec nos homologues, avec les 26 autres pays dans le trajet qui va vers les villes. Et que là, nous allons susciter non seulement des débats préalables, des expositions, des rencontres, des réunions, des réflexions avec, Jean-Pierre l'a dit, les associations, les syndicats, les entreprises, et que ce sera l'occasion pour les uns et pour les autres, d'abord pour les habitants de ce lieu de rencontrer l'Europe de façon un tout petit peu vivante et de la part de nos invités de rencontrer une France un peu différente. Voilà l'idée.
François Fillon - J'ajoute simplement que nous allons naturellement organiser des réunions de travail avec les régions, avec les collectivités locales concernées par les très nombreuses manifestations qui vont se dérouler sur tout le territoire français, avec les partenaires sociaux, et donc avec les représentants des syndicats et avec les représentants des entreprises.
Journaliste - J'ai une double question, comment est-ce que le débat sur la ratification du Traité va s'articuler avec cette présidence, vous avez déjà un calendrier en début d'année, est-ce que ce débat va interférer effectivement dans la préparation citoyenne de la campagne, est-ce que les deux choses vont être menées de front ? Et deuxième chose, est-ce que les désaccords qu'on a en matière budgétaire sur la BCE, notamment avec l'Allemagne et d'autres et avec Bruxelles parfois ne vont pas gêner finalement aussi la présidence française ?
François Fillon - Je réponds sur le calendrier et vous répondrez sur la deuxième question. Sur le calendrier c'est très simple, dès le 14 décembre, on enclenche le processus de ratification par voie parlementaire. Il va se dérouler tout au long du mois de janvier et du début du mois de février, pour aboutir à une ratification définitive début février. Le calendrier est fixé, la règle du jeu est connue, voilà, on n'attend plus que la décision formelle du 13 pour lancer le processus. Et donc, il va y avoir effectivement en parallèle les débats au Parlement et la préparation de la présidence française.
Jean-Pierre Jouyet - Sur le second point, comme le Premier ministre l'a rappelé ce matin, nous devons être exemplaires à la fois à l'égard de l'ensemble de nos engagements, ce qui vaut dans le domaine que vous avez indiqué, ce qui vaut aussi dans d'autres domaines : la transposition des directives, la réduction des contentieux, cela a également été dit ce matin. Quant au reste, eh bien ! Nous aurons sous présidence française à mettre en oeuvre de nouvelles dispositions du Traité. Le Premier ministre l'a indiqué notamment en ce qui concerne la plus grande formalisation de l'Eurogroupe et, dans ce cadre-là, d'avoir effectivement une attention plus soutenue à tout ce qui est coordination des politiques économiques, les dialogues avec la Banque Centrale Européenne. Sur ce dernier point, vous avez vu... la dernière déclaration de l'Eurogroupe le montre, que la Banque Centrale Européenne est également consciente des mouvements désordonnés et brutaux qui peuvent exister sur le marché des changes et qui restent une préoccupation.
Journaliste - Un petit mot sur les grèves, est-ce que la reprise du travail constitue toujours un préalable aux négociations, comme le laissait entendre hier Xavier Bertrand ? Raymond Soubie, conseiller à l'Elysée, disait un petit peu le contraire ce matin, en disant qu'il n'y avait aucun préalable ?
François Fillon - Non, il n'y a pas de contradiction. L'évolution de la situation sur le front des grèves, j'ai envie de dire qu'elle est à la fois satisfaisante, parce que deux entreprises - EDF et GAZ de France - sont sorties du conflit, et parce que le nombre des grévistes baisse. Et en même temps insatisfaisante, parce que le trafic du métro et des trains s'améliore de manière insuffisante. J'en appelle donc moi à la fin de la grève, parce que cette situation pour les usagers est insupportable. Et elle est d'autant plus insupportable que les négociations dans les entreprises, en présence des représentants de l'Etat comme l'ont souhaité plusieurs organisations syndicales, peuvent s'ouvrir immédiatement, dès lors que les organisations appellent à la reprise du travail et naturellement, qu'elles acceptent de participer à ces négociations. Ces négociations, nous avons toujours dit qu'elles pouvaient porter sur tous les éléments intéressant la situation des salariés, mais bien sûr sans enfreindre la ligne rouge qui a été tracée par le gouvernement en toute clarté, lors des élections du printemps dernier, c'est-à-dire le respect des principes d'harmonisation de tous les régimes de retraite. Je crois que les salariés des entreprises qui sont engagés dans le conflit doivent comprendre que c'est leur intérêt de consentir à cette réforme qui est juste, et que les Français ne comprendraient pas, alors même que le dialogue est ouvert, que le conflit se poursuive.
Journaliste suédoise - Monsieur le Premier ministre, vous avez mentionné quelques priorités, est-ce que vous pouvez commenter un peu plus sur l'énergie, l'immigration et la défense, parce que c'était juste les titres ?
François Fillon - Sur l'énergie il y a deux sujets, il y a le sujet de l'organisation du marché de l'énergie à l'intérieur de l'Union européenne, vous savez qu'il y a des débats sur la question de savoir s'il faut séparer les réseaux et la production. C'est un débat qui devra avancer sous la présidence slovène et peut-être sous la présidence française. Mais pour nous, il y a un deuxième débat s'agissant de l'énergie, qui est celui de la sécurité des approvisionnements énergétiques de l'Europe. Et la position que la France défend aujourd'hui, c'est que la priorité c'est plutôt la sécurité des approvisionnements que la séparation des réseaux et de la production. Ça ne veut pas dire pour autant que cette séparation des réseaux et de la production ne puisse pas être examinée dans le futur, mais nous disons aujourd'hui que l'essentiel pour l'Europe, c'est d'avoir une vision claire de ses approvisionnements énergétiques et d'assurer la sécurité de ses approvisionnements énergétiques. Sur la question de l'immigration, le sujet est simple, l'Europe est soumise à des vagues d'immigration de plus en plus importantes. Beaucoup de pays qui, hier, ne connaissaient pas l'immigration et n'avaient donc pas de préoccupation dans ce domaine en ont aujourd'hui, et on voit les opinions publiques qui sont extrêmement préoccupées par ce sujet. Nous avons décidé de règles de libre circulation, au moins sur une partie du territoire de l'Union européenne, sur l'espace de Schengen. A partir du moment où il y a une libre circulation sur l'espace de Schengen, il doit y avoir des règles communes, par exemple des règles communes pour l'attribution des visas, des règles communes pour la mise en place du droit d'asile, des règles communes sur la question de la régularisation ou au moins une information commune sur la question de la régularisation des sans papiers. Quand on régularise des sans papiers en Espagne, ils peuvent ensuite dans l'espace de Schengen se déplacer librement et venir dans les autres pays de l'Union. Donc, la moindre des choses c'est qu'au moins, il y ait une information mutuelle et une coordination des politiques dans ce domaine. Nous savons bien qu'il y a des pays européens qui sont plus ou moins concernés par ces sujets, et qui n'ont donc pas la même sensibilité sur ces sujets. Ce qu'on veut essayer de faire pendant la présidence française de l'Union européenne, c'est au moins d'arriver à ce qu'il y ait une sorte de charte commune, qui permettrait progressivement d'avancer vers une harmonisation des législations dans les différents Etats. Sur la défense, la problématique est simple, on voit tous les jours que l'Europe est appelée à participer au règlement de crises dans le monde, personne ne peut aujourd'hui considérer que l'Europe n'a pas sa place dans le règlement des crises internationales. Il faut que l'Europe ait une politique de sécurité commune et qu'elle ait des instruments pour assurer cette sécurité. Ce débat est un débat difficile, je ne dis pas du tout que nous serons en mesure de le trancher pendant la présidence française, ce qu'on voudrait c'est le faire avancer. Le président de la République en particulier à l'occasion de son voyage aux Etats-Unis a montré que la France pouvait s'ouvrir sur la politique transatlantique, à condition qu'il y ait en même temps des progrès sur la politique de défense européenne. Il s'agit au fond, par rapport à la situation passée, de ne plus opposer la relation transatlantique et l'autonomie dont l'Europe devrait se doter en matière de défense européenne, mais au contraire de conduire les deux politiques de façon commune. Et je dis clairement d'ailleurs qu'on ne peut avancer que si on conduit les deux politiques de façon commune. Il n'y aura pas de progrès sur la relation transatlantique s'il n'y a pas en même temps des progrès sur une plus grande autonomie de l'Europe en matière de sécurité. Voilà, ce sont les principes qu'on va essayer de défendre pour la présidence française, en sachant que c'est un sujet très difficile mais sur lequel peut-être on peut progresser, parce que la situation à la fois géopolitique et la situation à l'intérieur de nos propres pays nous paraît propice à des avancées dans ce domaine.
Journaliste - Je voudrais revenir sur la question des grèves pour savoir si on a bien compris. Ce que vous nous avez dit... lorsque vous avez répondu tout à l'heure à la question de ma consoeur, c'est : il y a donc un préalable, c'est l'arrêt des grèves ?
François Fillon - Ça ne se pose pas dans ces termes-là, il n'y a pas de diktat mais chacun comprend bien qu'on ne peut pas négocier et faire grève en même temps, et qu'on ne peut pas à la fois refuser le principe de la réforme et exiger de négocier sur le retrait de la réforme. Et donc, chacun doit prendre ses responsabilités, nous avons pris les nôtres, nous avons accepté les demandes - qui étaient celles des organisations syndicales - que des représentants de l'Etat participent aux négociations dans les entreprises. Nous avons accepté qu'on parle de tous les sujets du moment qu'on ne franchissait pas la ligne rouge que j'ai fixée tout à l'heure. Mais nous demandons, pour que ces négociations s'ouvrent, qu'il y ait un appel à la reprise au travail de la part des organisations.
Journaliste - Si la grève devait se poursuivre au-delà de mardi, est-ce que vous avez déjà préparé un plan pour permettre aux gens de se rendre sur leur lieu de travail la semaine prochaine ? Puisque vous savez très bien que la semaine dernière, il y a des gens qui ont pris des journées de RTT, et là on va rentrer dans la phase où la grève s'allongera et ça sera de plus en plus difficile.
François Fillon - Il est incontestable que cette grève devient de plus en plus difficile à supporter pour les usagers. C'est donc la raison pour laquelle j'appelle à la reprise du travail et à l'ouverture des négociations. Et c'est ce que le gouvernement fera pendant tout le week-end. Le gouvernement ne négligera aucun effort pour renouer les fils du dialogues pendant le week-end, pour que les organisations syndicales viennent s'asseoir à la table des négociations.
Journaliste - Traditionnellement, la France est attendue sur les sujets sociaux justement lors de sa présidence. Est-ce que lors de la présidence qui s'annonce, il y aura quand même quelques priorités mises en avant sur ces sujets, puisque pour l'instant on ne voit rien ?
François Fillon - Monsieur Jouyet
Jean-Pierre Jouyet - Vous ne regardez pas bien. Ce qui sera mis en avant concerne justement les nouvelles réalités sociales, c'est-à-dire tout ce qui a trait à "flexsécurité" sera également vu sous présidence française. Deuxièmement, il y a un agenda social qui est dans le cadre du programme législatif de la Commission, et nous travaillerons sur cet agenda social. Et nous ferons en sorte que le dialogue social entre les différents partenaires puisse s'intensifier au niveau européen. Et troisième élément, nous favoriserons tout ce qui a trait au traitement de la mobilité, mobilité des salariés au sein de l'Union européenne qui est de plus en plus intégrée, mobilité aussi pour les plus jeunes et faire en sorte que notamment, les initiatives ERASMUS soient le plus élargies possibles, quel que soit le niveau de qualification, de diplôme universitaire ou scolaire des jeunes, et que cela devienne véritablement un droit. Donc, ce seront les trois principales orientations à ce stade qui pourront être développées sous présidence française.
Journaliste - Monsieur le Premier ministre, comment voyez-vous les choses si le référendum irlandais disait non au futur Traité ?
Bernard Kouchner - Ce serait dommage. Ecoutez, ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Il y a un Traité qui semble avoir été accepté par tous, au moins au niveau théorique n'est-ce pas, à Lisbonne, on l'appellera d'ailleurs « Traité de Lisbonne », il y a des gens qui veulent ratifier... comme vous le savez, il en ont tout à fait le choix, sous forme de référendum ou après un débat parlementaire et un vote. Nous nous donnerons... bien sûr nous les Européens, bien sûr nous les Français, bien sûr la présidence slovène, il ne faut pas tout mélanger n'est-ce pas, nous sommes là pour être la présidence pendant 6 mois (et peut-être la dernière d'ailleurs) de l'Europe. Mais l'investissement politique n'est pas interdit, et nous ferons tout pour que chacun des pays puisse compter sur les autres pour faire accepter ce qui a été quand même une espèce de bouée lancée à l'Europe. Et je ne suis pas pessimiste de ce point de vue, je pense que personne... vous savez, c'est déjà arrivé, un référendum puis un autre référendum, tout ça arrive, et là je pense qu'il y a beaucoup de chances, beaucoup pour que l'ensemble des 27 pays puisse accepter ce Traité de Lisbonne.
François Fillon - Je vais peut-être prendre une dernière question parce que nos invités étrangers nous attendent pour déjeuner. Allez-y.
Journaliste - Monsieur le Premier ministre pour en revenir aux grèves, vous dites vouloir renouer les fils du dialogue. Alors première question : est-ce que ce dialogue est ininterrompu, est-ce que c'est une façon de le dire ? Et si ce dialogue devait reprendre, sur quel point précis le gouvernement est-il prêt à négocier, de façon à ce que les grévistes qui semblent les plus irréductibles puissent être satisfaits et arrêter leur grève ?
François Fillon - J'ai déjà répondu à cette question. Le dialogue, il est maintenu depuis le début, depuis 2 mois nous parlons avec les organisations syndicales, nous n'avons pas arrêté. Les conditions de la négociation sont claires, c'est dans l'entreprise avec un représentant de l'Etat, sur tous les sujets à condition de ne pas franchir la ligne rouge, c'est-à-dire les principes de l'harmonisation des régimes de retraite. Voilà, je crois que les choses ne peuvent pas être plus claires et je vous remercie parce que nos invités nous attendent et qu'il est l'heure d'aller déjeuner.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 novembre 2007
Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes - Merci Monsieur le Premier ministre. Tout ça c'est très joli et c'est tout à fait nécessaire, nous avons ressenti comme un besoin d'écouter les autres, les deux présidents, les présidences réussies que furent la présidence allemande et la présidence portugaise en ce moment. Mais rien ne remplace l'expérience, et on sent bien qu'ayant tout à fait préparé au mieux avec les partenaires, avec la commission, avec le Conseil, avec tous les partenaires nationaux, surtout d'ailleurs avec la population, avec les élus, avec les régions, on se trouvera devant des crises successives dont le récit nous a été fait avec beaucoup d'humanité et de vivacité par nos amis. Le nombre de crises internationales qui témoignent d'un besoin d'Europe et d'un besoin d'Europe stable, d'Europe réponse est inimaginable, il y en a vraiment des dizaines et des dizaines par présidence. Et puis ce sera difficile bien sûr, c'est un travail acharné et je crois que ceux qui viennent d'y passer vont écrire chacun un nombre de livres intéressants. Il y a environ 200 réunions, plus les réunions surprises, plus ce qui se manifestera sans qu'on le sache : réunions internationales, conseils, rassemblements, etc. Donc, c'est un effort très important, nous souhaitons que la présidence française soit bien sûr réussie. Et dernière remarque, il nous faut inventer notre propre motivation, je dirai presque notre propre crise, parce que les Allemands et les Portugais ont eu à surmonter la panne européenne et puis le Traité simplifié qu'il a fallu proposer, expliquer et imposer pour les Allemands, et ensuite la conférence intergouvernementale qui a réussi à rédiger à partir de ce Traité qu'on avait discuté dans la nuit de Bruxelles, et ça ce fut une réussite extraordinaire des Portugais. Nous, avec nos amis slovènes parce que n'oublions pas qu'il y a une présidence slovène qui commence le 1er janvier, mais qui est très accompagnée par la présidence française du point de vue très important des relations et des contacts internationaux. Nous travaillons à partir du 1er janvier avec 110 ambassadeurs français qui représenteront les deux présidences, la première (6 mois) slovène et puis la présidence française. Et donc, nous sommes presque obligés de nous élancer à partir du 1er janvier. Et l'essentiel sera d'imposer un intérêt, pas d'imposer nos sujets.
Notre ambition, très grande ambition, ce sera d'intéresser à nouveau et de faire participer les Français, les régions, les villes dans lesquelles nous aurons l'occasion de présenter soit des réunions thématiques ministère par ministère, soit - et c'est encore plus ambitieux - de leur proposer que leur vie quotidienne prenne en compte ce que l'Europe a apporté. Et ça, le Premier ministre a beaucoup insisté là-dessus, il faut que ce soit un élan populaire, un accueil populaire, un intérêt populaire.
Jean-Pierre JOUYET, secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes, chargé des Affaires européennes - Ce que je retiens c'est que c'était un séminaire de sensibilisation mais aussi de mobilisation, ce qui était important et nécessaire, et le Premier ministre l'a bien indiqué à l'ensemble du gouvernement. Le second point, c'est l'importance effectivement du dialogue et de l'écoute au niveau européen avec les institutions, là aussi ça constitue une sorte de rupture par rapport aux pratiques antérieures de la France. Ça a été souligné très fortement à l'égard de la Commission, du Parlement européen bien sûr, du Conseil mais aussi de nos partenaires. C'est pour cela que le président de la République et le Premier ministre vont visiter l'ensemble de nos partenaires avant la présidence française, et c'est un élément essentiel. Qu'avec Bernard Kouchner, nous partageons également les visites de ces partenaires, que nous accueillons d'ailleurs régulièrement, et que l'ensemble des collègues du gouvernement doivent faire cette même démarche d'explication et d'écoute auprès de ces partenaires. Enfin le dernier point, il est important que cette présidence soit une présidence citoyenne, c'est-à-dire comme l'a indiqué Bernard Kouchner, que nos concitoyens soient impliqués dans la présidence mais aussi dans sa préparation. C'est pour cela que nous organiserons un certain nombre de conventions au niveau régional, avant la présidence française et durant cette présidence française, pour qu'il y ait un dialogue entre citoyens, les élus locaux qui auront un rôle important dans ce cadre-là, les entreprises, les partenaires sociaux et également les responsables européens pour qu'il y ait ce dialogue et ce retour de l'Europe en France. Car c'est le premier grand rendez-vous depuis l'échec du référendum en 2005 entre la France et l'Europe.
François Fillon - Voilà. Mesdames et messieurs, nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions, allez-y.
Journaliste (Présentation Inaudible). Vendredi prochain, vous vous rendez à Stockholm pour rencontrer le Premier ministre Monsieur Reinfelt, qu'attendez-vous de cette journée ? Et je ne sais pas si vous vous êtes déjà rencontrés ?
François Fillon - Non, nous ne nous sommes pas encore rencontrés. J'irai donc dans le cadre de la tournée de l'ensemble des pays de l'Union européenne, qui vient d'être évoquée à l'instant par Bernard Kouchner en Suède vendredi prochain pour présenter le programme de la présidence française, pour recueillir les suggestions, les avis, les questions que le gouvernement suédois pose à propos de ce programme, et ce sera pour moi l'occasion de rencontrer pour la première fois mon homologue suédois. Le président de la République et moi, nous allons nous partager les 27 membres de l'Union. Et nous allons, tout au long des 3 ou 4 mois qui viennent, faire le tour des pays de l'Union européenne pour présenter le programme de la présidence.
Journaliste - Monsieur le Premier ministre, c'est une question de la télévision suédoise. Vous préparez aussi un programme commun pour les 3 présidences française, tchèque et suédoise, comment faites-vous avec les sujets, les questions où les 3 gouvernements ont des perspectives, des opinions différentes, comme la Turquie comme membre de l'Union, comme la coopération militaire de défense, une chose peut-être sensible et difficile pour la Suède ?
François Fillon - D'abord, le rôle de la présidence, ce n'est pas d'imposer le point de vue de son pays mais de présider le Conseil de l'Union et de trouver les consensus, les compromis qui permettent d'avancer d'un pas commun. Et donc la première chose que nous faisons dans la concertation avec la présidence slovène, avec la présidence suédoise et avec la présidence tchèque, nous cherchons les éléments de compromis, les éléments de consensus. Beaucoup des dossiers que j'ai évoqués tout à l'heure sont des dossiers qui naturellement n'ont pas commencé avec la présidence française et qui ne se règleront pas avec la présidence française, sur lesquels il faut que nous avancions, que nous franchissions une étape. Sur les questions d'énergie et les questions de climat, de lutte contre le réchauffement climatique, on voit bien que le rôle de la présidence française n'est pas de résoudre l'ensemble des questions qui se posent mais de trouver les bons compromis. Il y a des sujets sur lesquels il y a des désaccords, on va essayer de les réduire, on va essayer de les surmonter, et puis chacun prendra ses responsabilités.
Journaliste - Est-ce que vous avez déjà réfléchi à des initiatives pour susciter ce que Monsieur Kouchner a appelé "un élan populaire autour de la présidence française" ?
Bernard Kouchner - Oui heureusement, mais je ne vais pas vous en faire la liste maintenant. Nous pensons qu'autour des réunions qui seront organisées dans toutes sortes de lieux en province, pas à Paris, nous allons susciter le débat avant que cette réunion ait lieu. Vous comprenez, on voit trop...mais Jean-Pierre précisera parce qu'il a la haute main sur tout ça, nous ne voyons pas l'Europe comme des voitures qui foncent à travers la ville bloquant toutes les rues, et puis la portière s'ouvre et puis on va dans une salle, on se dit des trucs qu'on connaît déjà et on s'en va. Non, nous imaginons que, allant vers les villes, il y aura une manière peut-être beaucoup plus en train qu'en avion, etc..., de travailler avec nos homologues, avec les 26 autres pays dans le trajet qui va vers les villes. Et que là, nous allons susciter non seulement des débats préalables, des expositions, des rencontres, des réunions, des réflexions avec, Jean-Pierre l'a dit, les associations, les syndicats, les entreprises, et que ce sera l'occasion pour les uns et pour les autres, d'abord pour les habitants de ce lieu de rencontrer l'Europe de façon un tout petit peu vivante et de la part de nos invités de rencontrer une France un peu différente. Voilà l'idée.
François Fillon - J'ajoute simplement que nous allons naturellement organiser des réunions de travail avec les régions, avec les collectivités locales concernées par les très nombreuses manifestations qui vont se dérouler sur tout le territoire français, avec les partenaires sociaux, et donc avec les représentants des syndicats et avec les représentants des entreprises.
Journaliste - J'ai une double question, comment est-ce que le débat sur la ratification du Traité va s'articuler avec cette présidence, vous avez déjà un calendrier en début d'année, est-ce que ce débat va interférer effectivement dans la préparation citoyenne de la campagne, est-ce que les deux choses vont être menées de front ? Et deuxième chose, est-ce que les désaccords qu'on a en matière budgétaire sur la BCE, notamment avec l'Allemagne et d'autres et avec Bruxelles parfois ne vont pas gêner finalement aussi la présidence française ?
François Fillon - Je réponds sur le calendrier et vous répondrez sur la deuxième question. Sur le calendrier c'est très simple, dès le 14 décembre, on enclenche le processus de ratification par voie parlementaire. Il va se dérouler tout au long du mois de janvier et du début du mois de février, pour aboutir à une ratification définitive début février. Le calendrier est fixé, la règle du jeu est connue, voilà, on n'attend plus que la décision formelle du 13 pour lancer le processus. Et donc, il va y avoir effectivement en parallèle les débats au Parlement et la préparation de la présidence française.
Jean-Pierre Jouyet - Sur le second point, comme le Premier ministre l'a rappelé ce matin, nous devons être exemplaires à la fois à l'égard de l'ensemble de nos engagements, ce qui vaut dans le domaine que vous avez indiqué, ce qui vaut aussi dans d'autres domaines : la transposition des directives, la réduction des contentieux, cela a également été dit ce matin. Quant au reste, eh bien ! Nous aurons sous présidence française à mettre en oeuvre de nouvelles dispositions du Traité. Le Premier ministre l'a indiqué notamment en ce qui concerne la plus grande formalisation de l'Eurogroupe et, dans ce cadre-là, d'avoir effectivement une attention plus soutenue à tout ce qui est coordination des politiques économiques, les dialogues avec la Banque Centrale Européenne. Sur ce dernier point, vous avez vu... la dernière déclaration de l'Eurogroupe le montre, que la Banque Centrale Européenne est également consciente des mouvements désordonnés et brutaux qui peuvent exister sur le marché des changes et qui restent une préoccupation.
Journaliste - Un petit mot sur les grèves, est-ce que la reprise du travail constitue toujours un préalable aux négociations, comme le laissait entendre hier Xavier Bertrand ? Raymond Soubie, conseiller à l'Elysée, disait un petit peu le contraire ce matin, en disant qu'il n'y avait aucun préalable ?
François Fillon - Non, il n'y a pas de contradiction. L'évolution de la situation sur le front des grèves, j'ai envie de dire qu'elle est à la fois satisfaisante, parce que deux entreprises - EDF et GAZ de France - sont sorties du conflit, et parce que le nombre des grévistes baisse. Et en même temps insatisfaisante, parce que le trafic du métro et des trains s'améliore de manière insuffisante. J'en appelle donc moi à la fin de la grève, parce que cette situation pour les usagers est insupportable. Et elle est d'autant plus insupportable que les négociations dans les entreprises, en présence des représentants de l'Etat comme l'ont souhaité plusieurs organisations syndicales, peuvent s'ouvrir immédiatement, dès lors que les organisations appellent à la reprise du travail et naturellement, qu'elles acceptent de participer à ces négociations. Ces négociations, nous avons toujours dit qu'elles pouvaient porter sur tous les éléments intéressant la situation des salariés, mais bien sûr sans enfreindre la ligne rouge qui a été tracée par le gouvernement en toute clarté, lors des élections du printemps dernier, c'est-à-dire le respect des principes d'harmonisation de tous les régimes de retraite. Je crois que les salariés des entreprises qui sont engagés dans le conflit doivent comprendre que c'est leur intérêt de consentir à cette réforme qui est juste, et que les Français ne comprendraient pas, alors même que le dialogue est ouvert, que le conflit se poursuive.
Journaliste suédoise - Monsieur le Premier ministre, vous avez mentionné quelques priorités, est-ce que vous pouvez commenter un peu plus sur l'énergie, l'immigration et la défense, parce que c'était juste les titres ?
François Fillon - Sur l'énergie il y a deux sujets, il y a le sujet de l'organisation du marché de l'énergie à l'intérieur de l'Union européenne, vous savez qu'il y a des débats sur la question de savoir s'il faut séparer les réseaux et la production. C'est un débat qui devra avancer sous la présidence slovène et peut-être sous la présidence française. Mais pour nous, il y a un deuxième débat s'agissant de l'énergie, qui est celui de la sécurité des approvisionnements énergétiques de l'Europe. Et la position que la France défend aujourd'hui, c'est que la priorité c'est plutôt la sécurité des approvisionnements que la séparation des réseaux et de la production. Ça ne veut pas dire pour autant que cette séparation des réseaux et de la production ne puisse pas être examinée dans le futur, mais nous disons aujourd'hui que l'essentiel pour l'Europe, c'est d'avoir une vision claire de ses approvisionnements énergétiques et d'assurer la sécurité de ses approvisionnements énergétiques. Sur la question de l'immigration, le sujet est simple, l'Europe est soumise à des vagues d'immigration de plus en plus importantes. Beaucoup de pays qui, hier, ne connaissaient pas l'immigration et n'avaient donc pas de préoccupation dans ce domaine en ont aujourd'hui, et on voit les opinions publiques qui sont extrêmement préoccupées par ce sujet. Nous avons décidé de règles de libre circulation, au moins sur une partie du territoire de l'Union européenne, sur l'espace de Schengen. A partir du moment où il y a une libre circulation sur l'espace de Schengen, il doit y avoir des règles communes, par exemple des règles communes pour l'attribution des visas, des règles communes pour la mise en place du droit d'asile, des règles communes sur la question de la régularisation ou au moins une information commune sur la question de la régularisation des sans papiers. Quand on régularise des sans papiers en Espagne, ils peuvent ensuite dans l'espace de Schengen se déplacer librement et venir dans les autres pays de l'Union. Donc, la moindre des choses c'est qu'au moins, il y ait une information mutuelle et une coordination des politiques dans ce domaine. Nous savons bien qu'il y a des pays européens qui sont plus ou moins concernés par ces sujets, et qui n'ont donc pas la même sensibilité sur ces sujets. Ce qu'on veut essayer de faire pendant la présidence française de l'Union européenne, c'est au moins d'arriver à ce qu'il y ait une sorte de charte commune, qui permettrait progressivement d'avancer vers une harmonisation des législations dans les différents Etats. Sur la défense, la problématique est simple, on voit tous les jours que l'Europe est appelée à participer au règlement de crises dans le monde, personne ne peut aujourd'hui considérer que l'Europe n'a pas sa place dans le règlement des crises internationales. Il faut que l'Europe ait une politique de sécurité commune et qu'elle ait des instruments pour assurer cette sécurité. Ce débat est un débat difficile, je ne dis pas du tout que nous serons en mesure de le trancher pendant la présidence française, ce qu'on voudrait c'est le faire avancer. Le président de la République en particulier à l'occasion de son voyage aux Etats-Unis a montré que la France pouvait s'ouvrir sur la politique transatlantique, à condition qu'il y ait en même temps des progrès sur la politique de défense européenne. Il s'agit au fond, par rapport à la situation passée, de ne plus opposer la relation transatlantique et l'autonomie dont l'Europe devrait se doter en matière de défense européenne, mais au contraire de conduire les deux politiques de façon commune. Et je dis clairement d'ailleurs qu'on ne peut avancer que si on conduit les deux politiques de façon commune. Il n'y aura pas de progrès sur la relation transatlantique s'il n'y a pas en même temps des progrès sur une plus grande autonomie de l'Europe en matière de sécurité. Voilà, ce sont les principes qu'on va essayer de défendre pour la présidence française, en sachant que c'est un sujet très difficile mais sur lequel peut-être on peut progresser, parce que la situation à la fois géopolitique et la situation à l'intérieur de nos propres pays nous paraît propice à des avancées dans ce domaine.
Journaliste - Je voudrais revenir sur la question des grèves pour savoir si on a bien compris. Ce que vous nous avez dit... lorsque vous avez répondu tout à l'heure à la question de ma consoeur, c'est : il y a donc un préalable, c'est l'arrêt des grèves ?
François Fillon - Ça ne se pose pas dans ces termes-là, il n'y a pas de diktat mais chacun comprend bien qu'on ne peut pas négocier et faire grève en même temps, et qu'on ne peut pas à la fois refuser le principe de la réforme et exiger de négocier sur le retrait de la réforme. Et donc, chacun doit prendre ses responsabilités, nous avons pris les nôtres, nous avons accepté les demandes - qui étaient celles des organisations syndicales - que des représentants de l'Etat participent aux négociations dans les entreprises. Nous avons accepté qu'on parle de tous les sujets du moment qu'on ne franchissait pas la ligne rouge que j'ai fixée tout à l'heure. Mais nous demandons, pour que ces négociations s'ouvrent, qu'il y ait un appel à la reprise au travail de la part des organisations.
Journaliste - Si la grève devait se poursuivre au-delà de mardi, est-ce que vous avez déjà préparé un plan pour permettre aux gens de se rendre sur leur lieu de travail la semaine prochaine ? Puisque vous savez très bien que la semaine dernière, il y a des gens qui ont pris des journées de RTT, et là on va rentrer dans la phase où la grève s'allongera et ça sera de plus en plus difficile.
François Fillon - Il est incontestable que cette grève devient de plus en plus difficile à supporter pour les usagers. C'est donc la raison pour laquelle j'appelle à la reprise du travail et à l'ouverture des négociations. Et c'est ce que le gouvernement fera pendant tout le week-end. Le gouvernement ne négligera aucun effort pour renouer les fils du dialogues pendant le week-end, pour que les organisations syndicales viennent s'asseoir à la table des négociations.
Journaliste - Traditionnellement, la France est attendue sur les sujets sociaux justement lors de sa présidence. Est-ce que lors de la présidence qui s'annonce, il y aura quand même quelques priorités mises en avant sur ces sujets, puisque pour l'instant on ne voit rien ?
François Fillon - Monsieur Jouyet
Jean-Pierre Jouyet - Vous ne regardez pas bien. Ce qui sera mis en avant concerne justement les nouvelles réalités sociales, c'est-à-dire tout ce qui a trait à "flexsécurité" sera également vu sous présidence française. Deuxièmement, il y a un agenda social qui est dans le cadre du programme législatif de la Commission, et nous travaillerons sur cet agenda social. Et nous ferons en sorte que le dialogue social entre les différents partenaires puisse s'intensifier au niveau européen. Et troisième élément, nous favoriserons tout ce qui a trait au traitement de la mobilité, mobilité des salariés au sein de l'Union européenne qui est de plus en plus intégrée, mobilité aussi pour les plus jeunes et faire en sorte que notamment, les initiatives ERASMUS soient le plus élargies possibles, quel que soit le niveau de qualification, de diplôme universitaire ou scolaire des jeunes, et que cela devienne véritablement un droit. Donc, ce seront les trois principales orientations à ce stade qui pourront être développées sous présidence française.
Journaliste - Monsieur le Premier ministre, comment voyez-vous les choses si le référendum irlandais disait non au futur Traité ?
Bernard Kouchner - Ce serait dommage. Ecoutez, ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Il y a un Traité qui semble avoir été accepté par tous, au moins au niveau théorique n'est-ce pas, à Lisbonne, on l'appellera d'ailleurs « Traité de Lisbonne », il y a des gens qui veulent ratifier... comme vous le savez, il en ont tout à fait le choix, sous forme de référendum ou après un débat parlementaire et un vote. Nous nous donnerons... bien sûr nous les Européens, bien sûr nous les Français, bien sûr la présidence slovène, il ne faut pas tout mélanger n'est-ce pas, nous sommes là pour être la présidence pendant 6 mois (et peut-être la dernière d'ailleurs) de l'Europe. Mais l'investissement politique n'est pas interdit, et nous ferons tout pour que chacun des pays puisse compter sur les autres pour faire accepter ce qui a été quand même une espèce de bouée lancée à l'Europe. Et je ne suis pas pessimiste de ce point de vue, je pense que personne... vous savez, c'est déjà arrivé, un référendum puis un autre référendum, tout ça arrive, et là je pense qu'il y a beaucoup de chances, beaucoup pour que l'ensemble des 27 pays puisse accepter ce Traité de Lisbonne.
François Fillon - Je vais peut-être prendre une dernière question parce que nos invités étrangers nous attendent pour déjeuner. Allez-y.
Journaliste - Monsieur le Premier ministre pour en revenir aux grèves, vous dites vouloir renouer les fils du dialogue. Alors première question : est-ce que ce dialogue est ininterrompu, est-ce que c'est une façon de le dire ? Et si ce dialogue devait reprendre, sur quel point précis le gouvernement est-il prêt à négocier, de façon à ce que les grévistes qui semblent les plus irréductibles puissent être satisfaits et arrêter leur grève ?
François Fillon - J'ai déjà répondu à cette question. Le dialogue, il est maintenu depuis le début, depuis 2 mois nous parlons avec les organisations syndicales, nous n'avons pas arrêté. Les conditions de la négociation sont claires, c'est dans l'entreprise avec un représentant de l'Etat, sur tous les sujets à condition de ne pas franchir la ligne rouge, c'est-à-dire les principes de l'harmonisation des régimes de retraite. Voilà, je crois que les choses ne peuvent pas être plus claires et je vous remercie parce que nos invités nous attendent et qu'il est l'heure d'aller déjeuner.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 novembre 2007