Texte intégral
THOMAS HUGUES - C'est un surdoué, l'un de ces surdiplômés que la politique à la Française nous offre régulièrement et comme il n'a que 32 ans, c'est encore de son curriculum vitae que l'on parle souvent en premier, à Laurent WAUQUIEZ et peut-être que ça commence à agacer un peu le porte-parole du gouvernement. Mais quand on est normalien, major de l'ENA et de l'agrégation d'histoire, il faut s'attendre à ce que ça impressionne. Pourtant Laurent WAUQUIEZ est aussi un élu, un homme de terrain et c'est cette expérience qu'il aime mettre en avant. Il devient député de Haute-Loire en juillet 2004 dans le fauteuil de Jacques BARROT, son père spirituel, ralliant à l'époque Bruxelles en tant que commissaire européen. A 29 ans, Laurent WAUQUIEZ est alors le nouveau benjamin de l'hémicycle et en tire un livre « Un huron à l'Assemblée » qui lui ouvert les portes des plateaux télé et comme il s'en sort plus que bien, comme ce grand garçon - il mesure près de deux mètres - qui a appris aussi la politique dans les pas de Claude CHIRAC à l'Elysée, rallie Nicolas SARKOZY dès novembre 2005, le voilà secrétaire d'Etat chargé d'expliquer les réformes, d'atténuer les divergences et surtout d'éviter la boulette, le petit dérapage qui guette tous les porte-parole au détour de chaque conférence de presse. On ne lui souhaite pas ce soir mais on espère qu'il a laissé en coulisses la langue de bois, l'esperanto classique des titulaires du poste car Laurent WAUQUIEZ, c'est bien du « Franc parler » que vous êtes l'invité ce soir.
STEPHANE PAOLI - Bonsoir et bienvenue au « Franc parler ». Merci Laurent WAUQUIEZ d'avoir répondu à notre invitation.
LAURENT WAUQUIEZ - Bonsoir.
STEPHANE PAOLI - Comme chaque lundi, vous aurez en face de vous, Raphaëlle BACQUE du MONDE, bonsoir Raphaëlle...
RAPHAËLLE BACQUE - Bonsoir.
STEPHANE PAOLI - Et Thomas HUGUES de I TELE.
THOMAS HUGUES - Bonsoir à tous.
STEPHANE PAOLI - ... Qui rappelait à l'instant et il avait raison de le faire d'ailleurs, que nous vous plaçons dans un exercice probablement assez difficile car en effet, vous êtes le porte-parole. Alors nous allons essayer de nous adresser plus à l'homme qu'à la fonction parce que les questions sont nombreuses et elles sont parfois complexes. Tenez par exemple : ce matin, sur l'antenne de I TELE était présent Jean-Claude MAILLY de Force Ouvrière et sur celle de FRANCE INTER, François CHEREQUE de la CFDT. L'un et l'autre n'ont absolument pas été convaincus par les propos du Président de la République pour la relance du pouvoir d'achat et même François CHEREQUE a été assez loin disant qu'au fond il y avait eu un candidat SARKOZY à la présidentielle qui s'était présenté comme l'homme du pouvoir d'achat et qui dit maintenant aux Français : je ne suis pas le père Noël, il n'y a plus rien dans la caisse. Est-ce que là, le Président de la République ne se met pas dans une position difficile ? Il promet quelque chose et apparemment il est en situation difficile pour le tenir ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors beaucoup de questions en une. D'abord par rapport aux partenaires sociaux, le président les a reçus pendant le week-end parce que l'idée, c'est vraiment d'essayer de garder un fil constructif de dialogue avec les partenaires sociaux, de ne pas essayer de passer en force, ce qui a été souvent par le passé la tentation de beaucoup de gouvernements. Donc ça pour nous c'est la première chose, peut-être d'ailleurs qu'on y reviendra...
STEPHANE PAOLI - Ne serait-ce qu'il y a vingt jours dans ce pays...
LAURENT WAUQUIEZ - Tout à fait. Et puis la deuxième chose, c'est effectivement : est-ce que comme le président l'a dit, est-ce qu'on joue au père Noël ou non ? Là-dessus, je voudrais qu'on se remette un tout petit peu en perspective : quand vous distribuez de l'argent et de l'argent public, vous le distribuez mais en même temps le risque, c'est que vous le repreniez ensuite par le biais des impôts. Et quand je dis ça, ce n'est pas seulement une posture idéologique, on en a eu deux exemples très clairs au cours des trente dernières années, qui à mon avis ont beaucoup échaudé les Français : 1981, très forte relance du pouvoir d'achat qui va durer à peu près deux ans et ensuite, on bascule dans une rigueur avec ces images... d'ailleurs moi je me souviens... j'étais très gamin mais je me souviens d'images de PLANTU avec le Français qui se serrait la ceinture. 1995, Jacques CHIRAC avec un tournant complet où le candidat avait beaucoup promis et il change complètement de pied...
STEPHANE PAOLI - Pas un tournant, une bascule... une bascule absolue ! Il fait quand même l'inverse de ce qu'il a promis lui aussi en campagne CHIRAC à ce moment-là...
LAURENT WAUQUIEZ - Tout à fait...
STEPHANE PAOLI - Oui mais problème... gros problèmes derrière.
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr, entièrement d'accord. Et là, la grosse différence, c'est de dire quoi ? On a fondé notre programme et notre travail sur une idée, celle du travail et le pouvoir d'achat et les problèmes qu'on a aujourd'hui en matière de pouvoir d'achat en France découlent de là. Il suffit de prendre un exemple très simple qui résume tout : les Suédois travaillent à peu près 25% de plus que les Français. Ils ont une feuille de salaire qui est meilleure, de 20% de plus que celle des Français. Donc ce qu'a essayé de faire le Président de la République à travers l'ensemble des mesures qui ont été proposées, ce n'est pas de faire un catalogue à la PREVERT, ce n'est pas de faire des chèques en blanc, c'est de dire : l'axe fondamental si on veut réactiver le moteur du pouvoir d'achat, c'est d'enclencher le travail. Et donc toutes les mesures qu'on prend, sont centrées autour de cette idée.
STEPHANE PAOLI - L'idée en soi, elle est tout à fait recevable. Problème, dans la page de... je crois que c'est LES ECHOS tenez, aujourd'hui, une page complète d'un entretien avec un homme qui sait de quoi il parle s'agissant de l'économie et de la croissance, monsieur PEBEREAU, patron de BNP PARIBAS et que dit monsieur PEBEREAU ? Il dit : on n'est pas bien... on n'est pas bien et la croissance va s'en ressentir et l'impact de la crise américaine, nous ne l'avons pas encore complètement reçue dans ce pays et dans les entreprises comme les autres, vont se trouver confrontées à une faible croissance. Qu'est-ce qu'on fait dans ces cas-là quand on est patron ? On fait des heures supplémentaires, on paie les RTT, comment on fait ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors d'abord la première chose, c'est vrai, c'est que la crise de la croissance américaine d'une part... enfin la crise des subprimes américains pardon... d'une part, d'autre part tous les problèmes qu'on a sur les coûts de la matière première, le fioul, l'envolée aussi des tarifs de logements ne nous facilitent pas les choses. Mais qu'est-ce qu'on fait ? On ne va pas se mettre la tête dans la cendre ! Le but pour nous, c'est d'essayer de travailler concrètement ; or voyez, par exemple, j'étais la semaine dernière en déplacement dans une entreprise qui fabrique des petits fibres plastiques, plutôt entreprise de haute technologie, qui elle a des possibilités de croissance. Ils sont partants pour faire des heures supplémentaires. Et les salariés que j'ai rencontrés, nous disaient : moi ce dont j'ai besoin, c'est surtout que vous nous mettiez plus d'heures supplémentaires, c'était une petite entreprise qui faisait à peu près 60 personnes. Il se trouve que j'ai rencontré à peu près trente d'entre eux qui eux avaient des heures sup' et les autres me disaient : on veut tous des heures supplémentaires. Donc je ne dis pas que ça va marcher tout de suite dans tous les secteurs de l'économie mais je pense qu'on peut enclencher un moteur.
RAPHAËLLE BACQUE - Est-ce que vous avez évalué... parce que toutes les mesures proposées par Nicolas SARKOZY reposent effectivement sur la bonne volonté ou la santé plutôt des entreprises ; est-ce que vous avez évalué combien de salariés pourraient en bénéficier ? Parce que le paiement des 35 heures par exemple, ça suppose que l'entreprise ait de quoi les payer.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors d'abord partons du constat actuel aujourd'hui. Aujourd'hui, le bilan 2006 puisqu'on n'a pas encore totalement 2007, c'est 900 millions d'heures supplémentaires qui touchent six millions de personnes. Donc il y a déjà un état, c'est-à-dire que déjà en tant que tel, même si on ne fait aucune heure supplémentaire, l'impact aujourd'hui serait pour six millions de salariés.
THOMAS HUGUES - Ce qui vous permet de dire que le paquet fiscal n'était pas seulement destiné aux riches.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors ça je vais y revenir parce que j'aimerais vraiment tordre le cou... même en politique, il y a des limites à la mauvaise foi.... Evidemment ce n'est pas vous que je vise parce que c'est un des slogans principaux de l'opposition mais... vous voulez que j'y réponde tout de suite ? !
RAPHAËLLE BACQUE - Il y a beaucoup de Français qui le croient quand même...
LAURENT WAUQUIEZ - C'est pour ça que c'est très important de l'expliquer.
STEPHANE PAOLI - Alors allons-y... l'opposition dit, pour rappeler à ceux qui ne l'auraient pas entendu parce que c'est vrai qu'on ne l'entend pas beaucoup, l'opposition, certains le regretteront d'ailleurs...
LAURENT WAUQUIEZ - Moi le premier d'ailleurs...
STEPHANE PAOLI - L'opposition dit : cadeau aux riches.
THOMAS HUGUES - Quinze milliards de cadeaux aux riches.
LAURENT WAUQUIEZ - Pour une fois on ne va pas faire de slogan, on va juste prendre les chiffres : le travail emploi pouvoir d'achat, ce qu'on appelle le paquet fiscal, c'est quinze milliards d'euros. Sur ces quinze milliards d'euros, il y a six milliards d'euros qui sont affectés aux heures supplémentaires. Elles sont plafonnées, elles bénéficient en priorité aux ouvriers, à ceux qui sont autour du SMIC, première mesure. La deuxième mesure qui fait à peu près selon l'impact qu'elle aura, entre 4 et 5 milliards d'euros, c'est l'accession à la propriété, c'est-à-dire faire en sorte que des familles modestes au moment où soit elles font construire leurs maisons, soit elles achètent pour devenir propriétaires, elles aient une aide pour que la charge de dette ne soit pas trop forte. Troisième mesure : 2,2 milliards d'euros pour permettre aux parents et grands-parents de transmettre dans le cadre de successions modestes leur argent notamment à leurs enfants, petits-enfants et autres descendants. Et le dernier, ce qu'on appelle dans une caricature idéologique sur laquelle je n'ai même pas envie de revenir, les cadeaux aux riches, c'est 800 millions d'euros. Alors 800 millions d'euros sur 15 milliards d'euros, je laisse à chacun le soin d'être juge sur les raccourcis qui peuvent être faits. Ce que je pense, c'est qu'on peut critiquer nos choix et nos options mais il faut le faire... pas avec de la mauvaise foi. Vraiment, quand on réduit une mesure qui fait 15 milliards d'euros à un de ses aspects, les 800 millions d'euros, c'est de la caricature.
THOMAS HUGUES - Mais Laurent WAUQUIEZ, sur la partie heures supplémentaires, vous disiez tout à l'heure « je suis allé dans une entreprise »... je ne sais pas ce que vous avait dit le patron, mais moi depuis des semaines, à la fois que je rencontre un patron de PME, il dit : c'est une usine à gaz, c'est inapplicable. Alors est-ce que vous allez modifier le système qui a été mis en place et si oui quand est-ce qu'il entrera en vigueur ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors effectivement, c'est vrai, plusieurs patrons nous disent : on a du mal à appliquer le dispositif, il faut que vous arriviez à le simplifier. C'est précisément pour ça que dans les champs d'annonces qui ont été faites par le président, il y a l'idée d'aller plus loin et d'aller plus loin sur du très concret ; ce qui va intervenir dès le 1er janvier, c'est permettre de transformer en argent le compte épargne temps ; tout ce qui est les RTT qui aujourd'hui dorment dans un coin, qui ne sont pas valorisées pour les salariés, permettre de transformer ça en argent sonnant et trébuchant. Première mesure. Puis la deuxième mesure, c'est de poser vraiment sur la table cette question des 35 heures et de dire : est-ce qu'on ne peut pas faire quelque part, si vous me permettez la formule échange 35 heures contre pouvoir d'achat ?
THOMAS HUGUES - .. Vous n'avez pas tout à fait répondu sur les heures sup'. C'est rentré en service le 1er octobre si je ne me trompe... le décret d'application... les chefs d'entreprise l'attendaient jusqu'à la veille du 1er octobre, il a même plutôt été publié deux ou trois jours après ; ça veut dire quoi ? Ca veut dire qu'il a été bâclé, ce décret d'application, c'est pour ça que c'est inapplicable ou que c'est trop compliqué à appliquer ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors prenons un tout petit peu de champ sur le sujet ; qu'est-ce qui se passe ? On intervient dans un domaine, toutes les lois sur les horaires et la réglementation du travail qui est devenu en France un véritable maquis et une vraie usine à gaz... Donc le moindre élément qu'on bouge là-dedans, rentre dans un Meccano hyper complexe. C'est pour ça que ce qu'a souhaité faire - et on y reviendra sans doute, sur les questions d'agenda social - le président, c'est de dire : donnons plus de souplesse sur le terrain, donnons plus de souplesse dans les entreprises, donnons plus de souplesse aux salariés pour pouvoir décider eux-mêmes de leur temps de travail et c'est en remettant dans le cadre de cette négociation avec les partenaires sociaux sur la table complètement le temps de travail qu'on arrivera à donner un peu plus d'oxygène.
STEPHANE PAOLI - On va revenir sur les aspects techniques parce qu'ils sont parfois complexes et ils sont assez nombreux mais néanmoins, Laurent WAUQUIEZ, le porte-parole du gouvernement que vous êtes, pourra peut-être nous donner une indication là-dessus : les Français qui sont en train de nous écouter, ils disent : pouvoir d'achat ; quand, combien de temps ? Quand vous disiez tout à l'heure « j'ai visité une entreprise de haute technologie et c'est à partir de cela qu'on pourra peut-être relancer la croissance »... possiblement et tant mieux si c'est le cas mais ça va prendre du temps. Les Français, ils attendent maintenant. Donc comment allez-vous faire ? Si on prend le cas des RTT, qu'est-ce que vous faites par exemple pour ceux qui sont des chômeurs, qu'est-ce que vous faites pour les retraités ? Qu'est-ce que vous faites pour les salariés des toutes petites entreprises ?
RAPHAËLLE BACQUE - Donc je reprends ma question : vous avez évalué à combien de personnes qui pourraient bénéficier de ces mesures ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors on va essayer de reprendre si vous permettez la première question... quand est-ce que ça arrive ? La deuxième, pour combien de personnes ? Quand est-ce que ça arrive ? Deux étapes avec un calendrier très précis. La première étape, faire adopter dès cette semaine, en tout cas discuter à l'Assemblée nationale un texte de loi qui permettra de faire avancer trois points. Le premier, ce que je vous disais : transformer les RTT en monnaie sonnante et trébuchante. Ca peut représenter à peu près par salarié touché une somme de l'ordre de mille à deux mille euros selon le nombre de RTT que chacun a en stock.
STEPHANE PAOLI - Sur l'année.
LAURENT WAUQUIEZ - Sur l'année. Deuxième mesure : réveiller l'argent de la participation. Cet argent de la participation qui dort aujourd'hui notamment au niveau d'un certain nombre de grands groupes, ça représente en France douze milliards d'euros, à peu près sept millions de personnes qui sont concernées, pour répondre à votre question. Troisième mesure, c'est que moi j'ai un territoire dans lequel il n'y a pas beaucoup de grands groupes ; par contre il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises. On met en place une prime pour les entreprises de moins de cinquante personnes, qui bénéficieront d'incitations notamment en exo de charges sociales et qui là pourraient représenter d'après nos chiffrages au maximum, c'est le plafond qu'on a mis, mille euros par salarié. Ces trois mesures-là, c'est le 1er janvier que ça doit entrer en vigueur. Deuxième champ de travail, le logement. On l'a déjà évoqué un peu. Le logement est une des principales sources de perte de pouvoir d'achat pour les Français. On a travaillé pour l'accession à la priorité, il nous reste à travailler sur les tarifs du logement et de la location. Il y a un truc qui est quand même en France une gigantesque arnaque, c'est que quand vous commencez à prendre votre logement, on vous demande d'abord de payer d'avance votre premier mois de loyer, ensuite on vous demande le dépôt de garantie de deux mois et enfin cerise sur le gâteau, on vous demande la caution. Christine BOUTIN dès cette semaine, enclenche les négociations et là on espère arriver dans la première partie de l'année 2008 sur des négociations où on puisse supprimer la caution, réduire les deux mois de garantie à un mois et donc soulager considérablement... Donc ce qui est important à expliquer et vous le traduisez bien, vous avez raison, les Français veulent du résultat ; ils sentent que sur leur feuille de salaire, il y a des tensions, ils veulent savoir quand est-ce que ça rentre en vigueur. Il y a des choses qu'on a faites, vous l'avez évoqué, c'est le paquet fiscal ; il y a des choses qui sont en cours, c'est notamment le travail de Luc CHATEL sur les prix dans les grandes surfaces et il y a enfin ce qui doit rentrer en vigueur, d'abord 1er janvier et ensuite première moitié de 2008.
THOMAS HUGUES - Et pas un mot là encore dans ce que vous nous expliquez, sur les retraités. Nicolas SARKOZY n'en avait pas non plus parlé jeudi dernier ; est-ce que vous les avez oubliés ?
STEPHANE PAOLI - Et sur les ouvriers en annualisation du temps de travail, sur la plupart des fonctionnaires, sur les chômeurs... voilà... ça fait du monde tout ça quand même !
THOMAS HUGUES - Vous n'avez tout de même pas oublié les retraités, Laurent WAUQUIEZ ?
LAURENT WAUQUIEZ - Juste un petit point. On va rentrer - et je vais répondre à toutes les questions là-dessus, sur les différentes questions de catégories - mais ce que je voudrais bien expliquer, c'est qu'il y a une ligne de fond et que ce qu'on essaie, ce n'est pas de traiter en dispersant de l'argent sur chacun ; ce qu'on essaie de faire, c'est de traiter cette ligne de fond et la ligne conductrice, c'est vraiment celle de la révolution du travail et ce qu'a essayé de proposer le président lors de son intervention, c'est une révolution du travail. Alors maintenant rentrons... parce qu'au-delà des termes... comment ça marche ? Alors vous m'avez d'abord interrogé sur les ouvriers. Pardonnez-moi de le dire mais principalement les heures supplémentaires, là où ça bénéficiera à plein, c'est les ouvriers...
STEPHANE PAOLI - D'accord... si la machine tourne. Un patron d'entreprise qui n'a pas de commandes, il ne fait pas d'heures supplémentaires ! Il faut que la croissance reparte !
LAURENT WAUQUIEZ - Mais Monsieur PAOLI, si vous me permettez... aujourd'hui dans une entreprise, quel est l'avantage qu'on va avoir sur les heures supplémentaires ? D'abord il n'y aura pas de charge dessus. Deuxièmement, pour le patron d'entreprise, ça va lui donner une vraie flexibilité qu'il n'avait pas jusque-là, c'est-à-dire que jusque-là il était pris complètement dans le carcan des 35 heures. Et puis troisièmement, il sait que pour ses salariés, pour ses équipes, ça va être un facteur de motivation extrêmement important. Moi j'ai fait le tour y compris chez moi dans des entreprises telles que celles du secteur textile ou celles du secteur de la métallurgie qui sont des secteurs plus difficiles ; eh bien même dans ces secteurs-là, ils ont commencé à travailler sur la question des heures supplémentaires parce que ça leur donne plus de réactivité, plus de souplesse et en même temps ça motive les équipes mais il ne faut pas croire que ce soit forcément réservé à certains secteurs d'élite...
RAPHAËLLE BACQUE - C'est quand même travailler à l'augmentation de la production...
LAURENT WAUQUIEZ - Je ne suis pas sûr. C'est lié à la façon de travailler. C'est-à-dire qu'il y a des entreprises dans lesquelles vous avez besoin de plus de souplesse pour fonctionner, dans lesquelles vous avez besoin de pouvoir réagir rapidement parce qu'aujourd'hui les entreprises en France, si elles veulent réussir à concurrencer la Chine, il faut qu'elles soient sur des délais de réaction très courts, sur des métiers de niches où on arrive à répondre à des commandes en une semaine, là-dessus précisément avoir un volant d'heures supplémentaires, ça peut donner beaucoup de souplesse.
STEPHANE PAOLI - Et ils entendent ce discours ? Ce sont des pragmatiques les chefs d'entreprise, ils ont des responsabilités énormes ! Il faut qu'elle tourne, la machine, est-ce qu'ils entendent ce type de discours parce qu'au fond, vous leur déléguez une très lourde partie du projet politique là en l'occurrence.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors là-dessus, est-ce qu'on délègue... quelque part, est-ce qu'on assume ou non... c'est un peu la question que vous posez... Est-ce que le gouvernement assume ou non son travail ?
THOMAS HUGUES - Et puis est-ce que vous n'êtes pas dans la main des patrons et de leur bonne volonté finalement, ça se rejoint....
LAURENT WAUQUIEZ - Je ne suis pas sûr...
THOMAS HUGUES - Un petit peu quand même...
LAURENT WAUQUIEZ - Non, je vais vous dire pourquoi, ça c'est une vision que je trouve... pardonnez-moi, mais je trouve que c'est une vision un peu datée, c'est-à-dire que quand une entreprise tourne, c'est bon pour le patron d'entreprise et c'est bon pour ses salariés et c'est bon pour le pouvoir d'achat et le travail...
THOMAS HUGUES - Elle ne le fait pas par bonté d'âme pour le pouvoir politique en place.
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr que non et ce n'est pas ce qu'on leur demande ! Ce qu'on demande, c'est d'essayer de trouver un jeu gagnant-gagnant, c'est-à-dire de trouver un jeu dans lequel tout le monde se retrouve, dans lequel l'entreprise est tirée vers le haut, ça crée de l'emploi, dans lequel le patron réussit à prendre de nouvelles parts de marché et dans lequel le salarié gagne plus.
STEPHANE PAOLI - Le pragmatisme qui va donner aux patrons envie de vous suivre sur ce terrain-là...
LAURENT WAUQUIEZ - Oui, alors qu'est-ce qui va lui donner envie de nous suivre ? Tout simplement c'est qu'on met des choses sur la table. Qu'est-ce qu'on met comme choses sur la table ? Des allègements de charges sociales - aucune charge sociale sur les heures supplémentaires - le fait qu'il n'y a pas d'impôt dessus. Donc il sait que quand il met cet argent-là pour son salarié, il n'y a personne qui va se servir au passage parce que qu'est-ce qui a tué le travail et la vision du travail dans ce pays, c'est que le sentiment qu'avaient la plupart de ceux qui travaillaient, c'est qu'ils travaillaient mais que le résultat, c'est qu'on leur reprenait ensuite le fruit de leur travail via notamment les impôts et les charges sociales. Là on sera au contraire sur une idée qui est simple : si on veut revaloriser le travail et les heures supplémentaires, il faut que cet argent entre intégralement dans la poche des salariés. Il y a un point sur lequel je voudrais rebondir parce que vous l'avez évoqué qui est celui des fonctionnaires, qu'il ne faut pas qu'on oublie parce que... et c'est trop peu souvent souligné notamment je le dis clairement, dans ma famille politique, où certains ont un peu tendance à faire de la démagogie un peu facile contre les fonctionnaires ; les fonctionnaires aujourd'hui n'ont pas de rémunération... ou n'avaient quasiment pas de rémunération pour leurs heures supplémentaires.
STEPHANE PAOLI - Il y a des millions d'heures supplémentaires qui sont impayées...
RAPHAËLLE BACQUE - Notamment à l'hôpital.
LAURENT WAUQUIEZ - Notamment à l'hôpital mais aussi au niveau de l'Education nationale qui est le deuxième domaine où il y en a beaucoup. Deuxième facteur d'inégalité complètement hallucinant : les heures supplémentaires dans le prix, c'est plus 25%, dans la fonction publique, non. Alors quand vous êtes fonctionnaire, votre heure supplémentaire, elle vaut moins que quand vous travaillez dans une entreprise. Ca ce n'est pas équitable. Donc ce qu'on va essayer de faire, c'est deux choses : d'abord revaloriser les heures supplémentaires dans la fonction publique, faire en sorte que ce soit plus 25% aussi et deuxièmement, tout simplement dire que quand vous êtes dans la fonction publique, si vous travaillez en heures supplémentaires, vous avez droit à une rémunération...
RAPHAËLLE BACQUE - Mais est-ce que l'Etat a les moyens de payer ça ?
THOMAS HUGUES - Il y a les trois quarts des hôpitaux publics français qui sont en déficit.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors on a déjà commencé puisque je pense que ça ne vous a pas échappé d'ailleurs, beaucoup de fonctionnaires le savent - ce matin, j'étais en visite à l'inspection d'académie où on m'en a parlé - beaucoup de fonctionnaires le savent, ils ont pu déjà récupérer quatre jours qui étaient des jours de RTT et qu'ils ont pu changer en argent sonnant et trébuchant. Deuxième point aujourd'hui - et là encore c'est cette idée d'un gouvernement qui enclenche tout de suite derrière les annonces qui ont été faites par le Président de la République : Eric WOERTH et André SANTINI étaient en négociation avec les syndicats pour voir comment mettre en oeuvre les heures supplémentaires dans la fonction publique...
THOMAS HUGUES - Et à l'hôpital... et je n'oublie pas les retraités, on n'en a pas encore parlé, et à l'hôpital alors ? Parce que c'est drôle, vous êtes passé à autre chose mais je suis sûr que vous allez nous parler des retraités. Mais l'hôpital, ça nous intéresse aussi parce qu'effectivement aujourd'hui, on se dit : mais où on va trouver l'argent pour payer les dizaines, voire les centaines, voire les milliers de jours travaillés et qui pour l'instant n'ont pas été récupérés et n'ont pas été payés ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors sur l'hôpital, prenons un tout petit peu de champ parce que là encore c'est intéressant, ce n'est pas une façon de dire que les 35 heures sont responsables de tous les maux dans ce pays ; mais c'est juste de dire : il y a quand même un choix politique de fond qui a été fait et qui a eu des impacts sur l'évolution des salaires. 35 heures à l'hôpital : il y avait en même temps un plan hôpital qui était destiné à réinjecter de l'argent au niveau de l'hôpital, notamment des hôpitaux publics. Cet argent a uniquement servi à payer les 35 heures et ça ne s'est traduit par aucune amélioration au niveau des effectifs ou au niveau des salaires. Le résultat, ça a été quoi ? C'est qu'aujourd'hui à l'hôpital, on a le cercle vicieux où vous avez peu d'effectifs... des effectifs qui sont très fatigués parce qu'ils travaillent énormément et des budgets qui sont sous tension. Donc ce qu'on va essayer de faire là-dessus, c'est se redonner là encore de l'oxygène mais en essayant là encore de ne pas promettre... de ne pas jeter de la poudre aux yeux mais de dire : vous faites des heures supplémentaires, ça peut améliorer le service à l'hôpital, on le rémunèrera pour permettre de repartir sur un cercle vertueux.
THOMAS HUGUES - Mais donc ça veut dire que l'Etat viendra au secours de l'hôpital public pour payer ses heures supplémentaires si je comprends bien, parce qu'aujourd'hui, il n'y a pas cet argent dans les caisses des hôpitaux publics français.
LAURENT WAUQUIEZ - Ca veut dire qu'il faut qu'on pose globalement la question des heures supplémentaires au niveau de la fonction publique et ça comprend les questions à l'hôpital. Les retraités...
THOMAS HUGUES - Donc il faudra une enveloppe pour payer ces heures supplémentaires, donc il y a cette marge de manoeuvre... je veux juste bien comprendre...
STEPHANE PAOLI - Ca va faire une grosse enveloppe.... Une grosse grosse enveloppe.
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr et c'est un défi qui est un défi important notamment pour l'avenir, c'est-à-dire qu'est-ce qu'on fait pour l'avenir pour faire en sorte qu'à l'hôpital, de la même manière que dans l'éducation nationale, quand vous faites des heures supplémentaires, vous ne soyez pas avec le sentiment que grosso modo on vous prend pour un idiot.
RAPHAËLLE BACQUE - Non mais on a intégré, nous, que l'Etat était en faillite, alors du coup, c'est vrai qu'on s'interroge. Où allez-vous trouver cette enveloppe ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors qu'est-ce qui serait utopique ? Ce qui serait utopique, c'est de dire : on reste comme ça, on ne vous demande pas d'heures supplémentaires et on vous donne juste de l'argent en plus. Ca, ça ne servirait à rien. La logique que nous, on essaie de dire, c'est prenons par exemple l'exemple de l'Education nationale, les professeurs font des heures de soutien scolaire, ça améliore notamment le fonctionnement de l'égalité des chances sur le territoire, on rémunère les professeurs qui font cet effort. Donc c'est exactement la même logique qui est transposable à l'hôpital.
STEPHANE PAOLI - C'est-à-dire qu'on reste dans la dynamique du travailler plus pour gagner plus. Le problème c'est encore une fois : où allez-vous trouver l'argent ? Où allez-vous trouver l'argent ? Quand le Premier ministre lui-même nous dit « les caisses sont vides » et que le président...
RAPHAËLLE BACQUE - C'est le vrai point d'interrogation.
STEPHANE PAOLI - Mais oui ! Où est l'argent ?
THOMAS HUGUES - C'est pour ça qu'on y revient.
RAPHAËLLE BACQUE - Les enseignants, on a compris dans le primaire, qu'il y avait un transfert : il n'y a plus d'école le samedi et un transfert sur les cours de soutien, on voit bien ; l'hôpital, comment est-ce que vous allez les rémunérer ?
LAURENT WAUQUIEZ - Non mais de la même manière... enfin pardonnez-moi mais si jamais par exemple vous avez une infirmière ou un cadre hospitalier qui accepte de faire deux à trois heures d'heures supplémentaires qui sont rémunérées, est-ce qu'il ne faut pas mieux essayer de rémunérer les deux à trois heures pour faire en sorte que l'hôpital fonctionne mieux et que même au niveau de votre budget, si en même temps vous travaillez sur l'amélioration du fonctionnement à l'hôpital, on arrive tous à sortir par le haut ? Qu'est-ce que je veux dire par là ? Ce n'est pas gaspiller de l'argent en le jetant par la fenêtre, c'est essayer de demander à l'hôpital d'améliorer son fonctionnement et en même temps de rémunérer les heures supplémentaires. Alors bien sûr, c'est un immense travail, un immense chantier qu'on a à faire...
THOMAS HUGUES - Ca c'est pour les heures supplémentaires de l'avenir ; celles qui n'ont toujours pas été payées ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors c'est notamment là-dessus que portent en ce moment les négociations avec les syndicats. On n'arrivera... enfin je ne sais pas ce que donneront les négociations avec les syndicats et je pense d'ailleurs que monsieur CHEREQUE que vous évoquiez, si jamais je traitais de ce sujet même sur un plateau de radio avec des éminents journalistes comme vous, n'accepterait pas beaucoup. Donc il y a une négociation qui doit être laissée... il y a un espace de négociation qui est en cours... On n'arrivera vraisemblablement pas à solder la totalité du stock qui représente des montants...
RAPHAËLLE BACQUE - Donc ça concernera une partie de ces heures supplémentaires...
LAURENT WAUQUIEZ - L'idée en tout cas, c'est qu'on travaille avec les syndicats là-dessus en disant : peut-être que plutôt de parler du point d'indice qui était la façon de discuter classiquement de la rémunération dans la fonction publique, on peut arriver à le traiter plus intelligemment en travaillant sur les heures supplémentaires, améliorer à la fois le service, que ça n'ait pas de tension pour le budget de l'Etat et en même temps favoriser la rémunération des fonctionnaires.
STEPHANE PAOLI - Par exemple, puisque vous citez monsieur CHEREQUE. Ce matin sur l'antenne d'INTER, il a posé une question qui est une vraie question de fond et qui est une grande question politique : il disait s'agissant des universités « l'Etat va céder une partie du capital d'EDF - on vient d'apprendre d'ailleurs qu'en effet l'Etat vient de céder 2,5% du capital d'EDF, c'est fait là ce soir...
THOMAS HUGUES - Ca rapportera trois milliards et demi d'euros.
STEPHANE PAOLI - Exactement. Ce capital est-il destiné en effet à se reporter sur les universités pour en améliorer et les sites... les bâtiments et les moyens de travailler ? Auquel cas CHEREQUE remarquait ce matin que là, il y avait une piste intéressante pour la croissance puisqu'on rentre dans une économie qui va être une économie de la connaissance, on pourrait attirer chez nous et des grands professeurs et des étudiants étrangers, bref, créer une économie de la connaissance. Pourquoi on ne le fait pas ? Pourquoi on a attendu aussi longtemps pour le faire et n'y a-t-il pas là une piste... on vous interrogeait sur la croissance tout à l'heure, qui pourrait contribuer à la faire repartir plus vite.
LAURENT WAUQUIEZ - C'est précisément ce qu'on est en train de faire. En plus c'est des sujets sur lesquels j'avais beaucoup travaillé auparavant. On a un système d'enseignement supérieur qui souffre, il faut le dire clairement, d'un sous-investissement chronique, c'est-à-dire que grosso modo, on n'investit pas suffisamment sur notre université, sur la recherche et finalement sur ce qui crée les emplois de demain. Le choix qui a été fait par le gouvernement dès que Nicolas SARKOZY l'a constitué, c'est de dire : sur cinq ans, je mets quinze milliards d'euros - là par contre je n'ai entendu personne critiquer en disant « cadeau pour je ne sais pas trop qui » - quinze milliards d'euros sur l'enseignement supérieur et la recherche pour les cinq ans qui viennent.
THOMAS HUGUES - Il y avait ça dans le programme de Ségolène ROYAL et de François BAYROU aussi je me souviens...
LAURENT WAUQUIEZ - La seule chose, c'est que là c'est appliqué... Mais tant mieux ! Quinze milliards d'euros au total sur cinq ans : un milliard de plus chaque année, ce qui aboutit à passer d'un budget qui est de dix à quinze milliards d'euros et ce qui représente au total sur les cinq ans plus quinze milliards d'euros. Plus quinze milliards d'euros investis sur cinq ans en matière d'enseignement supérieur. La deuxième chose, c'est qu'en mettant cet argent-là supplémentaire, on ne traite pas suffisamment l'amélioration du bâtiment. N'importe qui va aujourd'hui dans une université - je ne sais pas si vous vous êtes prêté à l'exercice fréquemment, moi j'y suis encore allé il y a deux mois sur un déplacement - les sites sont dans un état de délabrement qui est honteux et honnêtement quand on a des enfants étudiants, on se dit que c'est absolument minable. Mais on n'a pas d'argent pour investir là-dedans tout de suite. Donc qu'est-ce qu'on a dit ? Plutôt que d'avoir du capital qui dort à EDF et qui ne rapporte rien pour construire l'avenir, on vend ces X% du capital d'EDF...
STEPHANE PAOLI - 2 ,5%...
LAURENT WAUQUIEZ - 2,5% et derrière, l'argent qu'on récupère est investi intégralement pour l'amélioration des campus. Pourquoi c'est intéressant ?
THOMAS HUGUES - Donc c'est en plus des 15 milliards dont vous nous avez parlé.
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr.
THOMAS HUGUES - D'accord.
LAURENT WAUQUIEZ - Pourquoi c'est intéressant ? Parce que là où c'est intéressant, c'est qu'avant qu'est-ce qu'on faisait ? On bradait ses bijoux ce famille pour payer le fonctionnement du ménage au jour le jour. Grosso modo l'Etat vendait les vieux bijoux de famille pour se payer son fonctionnement chaque année parce qu'il était trop sec en matière de budget. Là ce qu'on fait, c'est qu'au contraire, effectivement on se sépare de capitaux qui étaient investis à EDF mais pour investir dans l'avenir et notamment celui de notre enseignement supérieur.
STEPHANE PAOLI - Et la dette. Notre dette, la dette publique, qu'est-ce qu'on fait pour elle ? Parce que le moteur et la relance c'est aussi fonction de ça ?
LAURENT WAUQUIEZ - Vous entendez à quel point y compris dans les questions que vous me posez, il y a un aspect qui peut être contradictoire ? C'est-à-dire que d'un côté vous me dites : et alors, vous ne dépensez pas suffisamment, il faut réinjecter plus ! Et en même temps « qu'est-ce qu'on fait pour la dette » ?
STEPHANE PAOLI - Mais vous savez pourquoi on vous la pose cette question ? Parce que nous croyons savoir que même au sein de l'équipe gouvernementale, certains sont partisans de refaire partir la croissance en faisant encore un peu plus de la dette - il paraît qu'un certain Henri GUAINO serait plutôt partisan de cette ligne-là - cependant qu'un Premier ministre qui s'appelle monsieur FILLON dit « on ne touche plus à quoi que ce soit parce qu'on est déjà complètement dans le mur ». Voilà la raison de la question, maintenant vous la connaissez.
LAURENT WAUQUIEZ - Honnêtement j'en avais une petite idée mais juste pour essayer là encore qu'on prenne un petit peu de recul : il y a deux voies. La première, c'est de dire rigueur, rigueur, rigueur, on ne peut plus rien bouger mais quand vous voulez remettre un navire à flots, il faut investir pour finalement colmater la coque et lui permettre de flotter correctement. La deuxième voie, c'était de dire : aucun problème, on peut dépenser à tout va, pas de souci, le bateau va repartir, jetons tout par-dessus bord et on verra bien. La voie qui a été choisie, est de dire : on a besoin d'investir pour permettre à la France de se repositionner correctement. On a besoin d'investir pour faire des réformes parce que vous ne faites pas des réformes en demandant uniquement aux gens de faire des efforts, le côté auto-flagellation démocratique, ça ne marche pas. Si jamais vous voulez que les gens acceptent de faire des efforts, il faut qu'il y ait une contrepartie. Vous ne pouvez pas demander aux professeurs de l'Education nationale de faire du tutorat et de l'accompagnement si à côté de ça, vous n'acceptez pas de rémunérer avec un petit peu plus d'argent notamment en heures supplémentaires. Donc l'équilibre qu'on a essayé de tracer, c'est de dire : on fait les investissements, on ne reviendra pas à l'équilibre budgétaire cette année ; on fait des investissements mais il faut que chacun de ces investissements soient utiles pour construire l'avenir. Et vous voyez, sur le débat qu'on a eu sur cette relance du pouvoir d'achat, c'est intéressant à observer parce qu'une voie aurait consisté effectivement à faire des cadeaux, dire « allez je vous donne un troisième mois non fiscalisé, gratos pour tout le monde » ! Ou « Allez on vous fait baisser les loyers en vous offrant les charges dans tous les bailleurs HLM » ! Des idées qui ont été brassées. Mais le choix du président a été de dire : on a une ligne de force qui est précisément de dire « on ne construit pas le pouvoir d'achat de façon artificielle en donnant d'une main ce qu'on reprendra de l'autre avec les impôts. On le construit à partir du travail et essayez de me trouver des mesures qui soient astucieuses, qui soient centrées sur le travail et qui ne soient pas juste gaspiller de l'argent pour faire semblant pendant six mois à un an de redonner artificiellement du pouvoir d'achat.
THOMAS HUGUES - Et la revalorisation des petites retraites qui étaient dans les dix-onze propositions du Parti socialiste publiées à la veille de l'intervention télévisée de Nicolas SARKOZY, ça c'est gaspiller de l'argent ?
LAURENT WAUQUIEZ - Non mais si vous me permettez - et je vais répondre ensuite à la question des petites retraites - j'ai trouvé intéressant que le Parti socialiste fasse des propositions et je le dis parce que je pense que quand on est dans l'opposition, c'est un devoir de pouvoir continuer à alimenter en mettant des idées. C'était la première fois que le Parti socialiste faisait l'effort de dire « voilà ce que je propose ». Par contre là où je trouve que c'était un peu facile, c'est qu'en contrepartie, il n'y avait aucun financement des dépenses supplémentaires qu'il mettait sur la table. C'est-à-dire que bien sûr on peut dire : je vais augmenter les salaires de X... on va faire un Grenelle du pouvoir d'achat, on va en faire plus sur toutes les retraites. Mais comment on finance ?
THOMAS HUGUES - Il y avait si je me souviens bien taxation des stock-options évoquée par le Parti socialiste et puis taxation des produits pétroliers... des bénéfices des grands groupes pétroliers...
LAURENT WAUQUIEZ - ... Ca me fait bien rire parce que... les bénéfices des grands groupes pétroliers au maximum en taxant plus, vous allez vaguement récupérer à peu près 800 millions d'euros à un milliard d'euros au gros maximum et puis avec si vous me permettez quand même un gros risque, c'est que TOTAL finisse par dire : OK mais moi mon siège social maintenant je le mets à Londres ! Donc il y a un moment où il faut aussi être attentif à ne pas vendre aux Français un peu facilement certaines mesures. Mais bon, prenons acte du côté constructif. Sur les petites retraites, on a un rendez-vous qui est au début de 2008 sur lequel il faudra poser la question de ces petites retraites. Là encore - et c'est une question qui m'a été posée ce week-end chez moi...
THOMAS HUGUES - En Haute-Loire...
LAURENT WAUQUIEZ - Oui bien sûr en Haute-Loire... où effectivement c'est des gens qui ont des petites retraites et qui sont venus me voir en disant : d'accord, c'est bien, on a entendu le président mais qu'est-ce que vous faites pour les petites retraites ? Au rendez-vous de 2008 sur le financement des retraites, sera posée la question des petites retraites mais on ne pouvait y arriver que si à côté de ça, on traite correctement la question des régimes spéciaux pour mettre plus d'équité dans le financement des retraites et qu'ensuite, on remet l'ensemble sur la table ; comment on assure la pérennité du financement des retraites et comment est-ce qu'en même temps on met plus de justice et d'équité sur les petites retraites. Un dernier point si vous me permettez quand même : c'est qu'un retraité... il n'y a quand même pas que le volet rémunération. Il y a aussi le volet dépenses. Quand on pèse sur les prix en mettant plus de concurrence dans la grande distribution pour tirer vers le bas, quand on essaie de travailler sur la facture de téléphone pour la tirer vers le bas, quand on travaille sur le logement et notamment la location en essayant là encore de tirer vers le bas, c'est aussi un effort qu'on fait pour l'ensemble des Français. Je le dis juste parce que - et c'est aussi une autocritique en disant ça - je pense qu'en France parfois, on a trop tendance à saucissonner la France en petites tranches de catégories et il ne faut pas perdre de vue que malgré tout on travaille pour un pays dans son ensemble et qu'on ne tire pas un pays uniquement en faisant du catégoriel.
STEPHANE PAOLI - Alors Monsieur WAUQUIEZ, je rappelle à ceux qui nous écoutent que vous êtes le porte-parole du gouvernement, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre ; tout ce que vous évoquez là c'est une grosse machine à mettre en place et le gouvernement ne pourra rien faire sans en parler avec les syndicats. Comment le pays est-il sorti de la précédente épreuve, celle qui concernait les négociations sur les retraites sachant d'ailleurs qu'encore ce matin même ici sur ce plateau, Jean-Claude MAILLY, le patron de Force Ouvrière, n'écartait pas l'hypothèse d'une grève avant Noël si cette question du pouvoir d'achat n'a pas avancé. Dans quel état êtes-vous de vos relations avec les syndicats aujourd'hui ? Que s'est-il passé au fond ou qu'est-ce qui a changé depuis l'affaire des retraites ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je pense qu'effectivement même si on ne s'en rend pas tout à fait compte, quelque chose de fondamental a changé à travers cette affaire sur les régimes spéciaux. Et des deux côtés. Du côté politique, nous, on n'a pas voulu jouer le fantasme thatchérien de l'épreuve de force ; c'est un choix qui a été fait par le président de dire « on peut à la fois être clair et ferme sur le point qu'on veut atteindre et en même temps toujours laisser la porte ouverte à une négociation et un équilibre avec les partenaires sociaux »...
THOMAS HUGUES - Il y a certains membres de l'UMP qui voulaient un bras de fer plus dur ?
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr, évidemment, il y a toujours dans une famille politique des gens qui disent : il faut cogner les syndicats, on va se faire les syndicats. Ce n'est pas un choix, ce n'est pas une solution et ce fantasme thatchérien, ça n'a pas été le choix qui a été fait. Du côté des partenaires sociaux, qu'est-ce qu'ils ont vu ? Finalement ce qu'ils ont vu, c'est qu'ils gagnaient plus en se mettant autour d'une table et en essayant de discuter, plus que dans une épreuve de force frontale.
STEPHANE PAOLI - Pardon... mais ça a failli coûter très cher à certains, je pense à Bernard THIBAULT évidemment...
LAURENT WAUQUIEZ - Oui mais je pense que Bernard THIBAULT - et en le disant, il n'y a aucune arrière-pensée de ma part - mais je pense que Bernard THIBAULT a géré avec beaucoup de responsabilité cette crise ; il n'a pas lâché par rapport à ses convictions mais en même temps il a compris qu'à un moment, pour les salariés qu'il représentait, il avait plus d'intérêts à se mettre autour de la table sur les conditions de travail dans les entreprises plutôt que de s'acharner sur une espèce de ligne Maginot sur cette histoire de pouvoir continuer à rester à 37 années et demie d'annuités. Et donc quelque part j'ai envie de dire...
THOMAS HUGUES - Ils ont vraiment renoncé à ça les cheminots ? Dans les premières discussions... ces réunions tripartites, c'est le son de cloche que vous entendez ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je pense qu'en tout cas, les réunions tripartites se font dans un climat constructif où ce qu'on essaie de travailler, c'est sur les salaires, la grille de salaires, la pénibilité des tâches, les avantages aussi familiaux, enfin plein de choses qui peuvent être sur la table, indépendamment de la question des retraites. Mais je voudrais juste revenir sur cette idée...
THOMAS HUGUES - Donc ils n'ont pas totalement renoncé à rester à 37 années et demie...
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr qu'on n'a pas convaincu les cheminots qu'il valait mieux passer à quarante ans qu'à 37 ans et demi, c'est un effort qu'on leur demande, on est tous lucide là-dessus. Par contre je pense que ce que tout le monde a compris, c'est qu'on était mieux et qu'on gagnait tous plus en étant autour d'une table à discuter plutôt que de s'affronter de façon stérile. Et là où je pense qu'il y a quelque chose qui a changé, pour revenir à votre question, c'est que quelque part, la société française est un tout petit peu plus mature. Les politiques ont compris que le côté réformes sabre au clair ne menait à rien. Les partenaires sociaux ont compris que peut-être on avait plus à gagner dans la négociation ; une négociation certes musclées où on ne renonce pas à ses convictions mais où on essaie d'aller quand même un peu collectivement vers du donnant-donnant.
RAPHAËLLE BACQUE - Mais on voit quand même une radicalisation de certains mouvements, on l'a vu dans le mouvement des cheminots avec SUD RAIL, on l'a vu dans le mouvement des étudiants avec cette coordination étudiante très très radicale. Est-ce que ça, ce n'est pas un signe quand même inquiétant ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je pense que d'abord cette radicalisation est de moins en moins comprise et soutenue par l'opinion. Si vous prenez la coordination étudiante...
RAPHAËLLE BACQUE - Elle est efficace parfois...
LAURENT WAUQUIEZ - Etre radical n'est pas forcément uniquement un gage d'efficacité. Prenons des exemples simples : c'est la première fois... enfin historiquement c'est quand même un truc assez hallucinant, que les partisans du déblocage de l'université notamment à Nanterre, ont été majoritaires face à ceux qui essayaient à tout prix de faire le blocage. Donc qu'il y ait une minorité qui s'enferme dans une surenchère radicale, sans doute, mais je ne suis pas sûr que ce soit eux qui gagnent au bout du bout et je pense qu'au contraire, l'attitude responsable qu'a été celle de la CFT, de FO, de la CFDT tout au long de cette crise nous tire tous un peu vers le haut. L'enjeu, c'est quoi ? Si vous prenez un pays comme l'Allemagne, ça ne se passe pas comme ça ; il y a des syndicats qui sont très forts... qui sont assez structurés, qui arrivent à obtenir des avantages importants pour leurs salariés mais avec une idée forte à chaque fois : autant que possible, jusqu'au bout, on donne sa chance à la négociation. Si à un moment on n'est pas d'accord, c'est l'affrontement.
RAPHAËLLE BACQUE - Oui mais c'est une tradition en Allemagne.
LAURENT WAUQUIEZ - Eh bien peut-être que ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est un changement de culture historique où quelque part, peut-être que par rapport à la réforme et aux affrontements, la société française devient un tout petit peu plus mûre.
STEPHANE PAOLI - Changement important parce que si c'était le cas, on aurait parcouru un peu de chemin dans ce pays ! Mais on va voir...
LAURENT WAUQUIEZ - Mais je pense qu'il n'y a pas de fatalité à ce que ce pays soit immobile, enfin en tout cas moi je ne le crois pas du tout et je trouve que d'ailleurs sur cette séquence des régimes spéciaux, le principal gage d'avenir est sans doute cette attitude des partenaires sociaux plus encore que notre attitude à nous.
THOMAS HUGUES - Et donc vous êtes vraiment optimiste, il y a malgré tout encore des rassemblements cette semaine, des préavis de grève déposés pour la semaine qui précède Noël. On est dans le jeu de rôle ou il y a un vrai risque ?
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr que tout ça ne se fait pas un en moment et que quand on fait des réformes difficiles que personne n'a franchement eu le courage de faire au cours des quinze dernières années, si elles sont difficiles, c'est bien qu'il y a une raison...
THOMAS HUGUES - Il ne faut pas crier victoire trop tôt...
LAURENT WAUQUIEZ - Attendez, si vous me permettez, d'abord quand on a 32 ans, si jamais on est pessimiste sur l'avenir de la réforme et de la possibilité de changer les mentalités dans ce pays, je pense qu'il vaut mieux aller faire autre chose. La deuxième chose, c'est que vous savez...
THOMAS HUGUES - Il vaut mieux être optimiste quand on est porte-parole de toute façon.
LAURENT WAUQUIEZ - Pas seulement mais j'ai beaucoup suivi cette crise et notamment j'ai été amené à beaucoup faire de pédagogie pour l'expliquer ; j'ai quand même vu une évolution des mentalités ; je suis très lucide sur le fait où peut-être il y aura des moments où il y aura des marches arrières, peut-être il y aura des moments où la machine se grippera ; je suis très lucide aussi sur le fait que les négociations ne sont pas encore abouties mais je trouve qu'il y a quand même quelque chose qui a changé et qu'il y a un déclic qui s'est opéré comme vous le soulignez d'ailleurs.
STEPHANE PAOLI - Alors vous rappeliez à l'instant que vous aviez 32 ans, vous êtes un jeune homme politique mais imaginons que vous en ayez encore dix de moins, vous êtes en banlieue ; vous acceptez de vivre dans la banlieue telle qu'elle est aujourd'hui ? Vous parliez des bâtiments de l'Education nationale ou des universités qui sont dans un état de délabrement indigne... Mais enfin il y a des gens qui vivent dans des maisons qui sont encore bien plus délabrées. Donc quand le chef de l'Etat nous dit : la banlieue, ce n'est pas un problème social, c'est un problème de voyous, est-ce qu'honnêtement il n'exagère pas un peu ? Il y a un vrai problème social ! Il y a toujours eu des voyous, il y en aura encore après mais réduire la banlieue à une question de voyous, est-ce que ce n'est pas un peu court ?
LAURENT WAUQUIEZ - Monsieur PAOLI, avec tout le respect que je dois à votre interprétation, le Président de la République n'a jamais dit que la banlieue était un problème de voyous et pas un problème social. Qu'est-ce qu'il a dit...
STEPHANE PAOLI - Il ne l'a pas dit comme ça, on a pu l'entendre comme ça. Quand on passe...
LAURENT WAUQUIEZ - Non... je vais essayer d'expliquer...
STEPHANE PAOLI - Laissez-moi allez au bout, si vous permettez, juste au bout de la question pour que vous compreniez comment je la pose : quand on passe dans une heure d'entretien, disons une bonne demi-heure en expliquant que la façon dont la violence s'est déchaînée en banlieue engage une question qui est strictement une question de la voyoucratie, je me demande si on n'est pas un peu à côté du sujet quand même !
LAURENT WAUQUIEZ - Alors on va essayer d'y répondre simplement : qu'est-ce qui a été dit ? La crise qui a eu lieu à Villiers-le-Bel n'est pas un problème qui est un problème lié à l'ensemble des gens qui habitent dans les banlieues ; c'est un problème qui est lié effectivement à des bandes de voyous qui sont prêts à prendre des fusées de chasse pour tuer les sangliers et pour aligner des forces de l'ordre...
STEPHANE PAOLI - Personne ne vous contestera ça sauf que ça fait depuis 81 que la question des banlieues se pose.
LAURENT WAUQUIEZ - Oui mais ça ne veut pas dire que pour autant, il faut lâcher pied et accepter tout et n'importe quoi en l'excusant, en disant : les pauvres chéris, ils ont le droit d'aligner les forces de l'ordre avec un fusil de chasse parce qu'il y a un problème social.
STEPHANE PAOLI - Vous savez bien que personne ne dit ça ! Vous êtes bien d'accord avec ça...
LAURENT WAUQUIEZ - De la même manière que le Président de la République ne dit pas que ce qui se passe dans les banlieues n'est pas un problème social. Ca c'est le premier point. Des problèmes qui sont des problèmes d'ordre doivent être traités en étant très fermes là-dessus et sur les principes. A côté de ça, il y a un deuxième problème qui est bien sûr le problème social dans les banlieues et ce problème social jusque-là en France, a été traité en injectant des milliards d'euros sur les banlieues, avec des plans successifs mais qui ont été injectés uniquement et beaucoup trop sur des opérations d'urbanisme, c'est-à-dire grosso modo des opérations de renouvellement urbain qui se sont succédées les unes après les autres. En passant à côté de deux problèmes majeurs : le premier d'abord - et vous l'évoquiez en me demandant de me projeter dix ans en arrière et me disant « voilà, vous habitez à Villiers-le-Bel, quel est votre avenir » ? Le premier d'abord, c'est précisément les gens qui habitent dedans et quel espoir on leur donne pour accéder à un emploi et une meilleure formation. Là-dessus, on a trop peu investi ; on a trop investi dans la pierre, trop investi dans les opérations de réhabilitation urbaine et pas assez sur les personnes qui habitent dans ces quartiers. Comment faire en sorte qu'un jeune ait un peu mieux d'accompagnement scolaire ? Comment faire en sorte qu'avoir un parcours pour avoir son premier job ne soit pas une galère absolue ? Toutes ces questions-là ont été trop peu traitées. Le deuxième point - et Villiers-le-Bel de ce point de vue est très intéressant - c'est la question des transports qui a été hallucinamment (sic) mise de côté : si vous prenez la carte des transports publics et des principales artères notamment au nord de la région Ile-de-France, Villiers-le-Bel est surréaliste. Vous êtes à côté d'un gros aéroport qui est à huit kilomètres à vol d'oiseau. Pour y aller, il faut passer par Paris et faire tout un détour qui représente quasiment une heure de route. Alors que la plupart des emplois sont sur l'aéroport. Si jamais vous voulez avoir un job, à huit kilomètres à vol d'oiseau, il y a un endroit où vous pouvez trouver un job, sauf que pour y aller il faut se coltiner tout le détour par Paris pour y revenir. Voilà des sujets concrets qui sont les deux pistes sur lesquelles Fadela AMARA travaille ; d'abord les jeunes et l'accès à l'emploi, ce qu'elle a appelé la lutte contre la glandouille. Et d'autre part, ces questions de transports et d'accessibilité.
STEPHANE PAOLI - Avec des propositions concrètes à court terme là aussi ?
LAURENT WAUQUIEZ - Oui, mais vous voyez je veux être encore une fois... très simple en expliquant l'attitude du gouvernement. On aurait pu dire : ouh là là ! Il y a eu l'accident de Villiers-le-Bel, vite il faut sortir un plan banlieues ! Et on va accélérer le plan banlieues de Fadela AMARA. Quel aurait été le message ? Le message, ça aurait été de dire : vous voyez, pour qu'on s'occupe des banlieues, il faut que vous aligniez des gendarmes et des policiers et que vous fassiez cramer des voitures...
STEPHANE PAOLI - Non mais c'est sûr mais ça fait longtemps qu'ils attendent aussi franchement
LAURENT WAUQUIEZ - Oui mais c'est pour ça que précisément, le plan banlieues a été enclenché dès que le gouvernement a été constitué, par Fadela AMARA, il viendra fin janvier avec des annonces qui seront des annonces très concrètes.
THOMAS HUGUES - Et est-ce que malgré tout ce qui s'est passé à Villiers-le-Bel ça change un peu le prisme pour ce plan banlieues ? Parce que vous dites : c'était prévu pour le 22 janvier... Moi j'avais entendu certains de ses conseillers nous annoncer le plan Marchal pour la fin novembre. Donc on ne comprend pas bien pourquoi on reprend deux mois ?
LAURENT WAUQUIEZ - Là par contre... d'ailleurs pour une fois la fonction de porte-parole sert ; quand on l'avait présenté en conseil des ministres, j'avais très clairement dit que la date qui était celle où ça devait arriver, était fin janvier.
THOMAS HUGUES - Et quand on dit Fadela AMARA dépossédée du dossier au profit de conseillers à Matignon et à l'Elysée, on fantasme aussi ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors là pour le coup, c'est vraiment du gros fantasme pour une raison simple, c'est que je pense que dans le gouvernement....
THOMAS HUGUES - Je ne suis pas le seul... il y a pas mal d'articles qui reprennent cette idée...
LAURENT WAUQUIEZ - Je sais...
THOMAS HUGUES - On se demande d'où ça vient...
LAURENT WAUQUIEZ - J'espère que ce n'est pas des esprits malveillants. Mais en tout cas pour être très clair, Fadela AMARA au gouvernement, c'est celle qui connaît le mieux la question des banlieues parce qu'elle y a travaillé à travers son réseau associatif, parce qu'elle est en train de faire à travers notamment tout ce débat participatif qu'elle a enclenché sur toutes les banlieues, un énorme job ; donc elle connaît ces questions parfaitement. Après, ce qu'il y a de clair, c'est que pour l'ingénierie administrative, ça mélange plein de ministères différents et le but c'est quand même de faire en sorte qu'on ait un peu de concertation dans l'équipe gouvernementale là-dessus.
STEPHANE PAOLI - Juste une toute dernière chose, je sais bien que pour un porte-parole, ce n'est pas une question qui est facile mais est-ce qu'il fallait franchement féliciter POUTINE ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors je veux bien finir sur cette question : normalement je ne réponds pas aux questions de relations internationales parce que c'est un domaine qui est relativement réservé comme vous le savez, mais juste voilà, les élections en Russie, c'est des élections qui sont dans un Etat souverain, il ne m'appartient pas d'en apporter un commentaire et puis on a les observateurs internationaux qui sont là pour juger de la réalité ou non de ce qui s'est passé en Russie en terme de démocratie.
STEPHANE PAOLI - Merci Monsieur WAUQUIEZ d'avoir répondu à notre invitation.
LAURENT WAUQUIEZ - Merci à vous, c'était très intéressant.Source http://www.porte-parole.gouv.fr, le 5 décembre 2007
STEPHANE PAOLI - Bonsoir et bienvenue au « Franc parler ». Merci Laurent WAUQUIEZ d'avoir répondu à notre invitation.
LAURENT WAUQUIEZ - Bonsoir.
STEPHANE PAOLI - Comme chaque lundi, vous aurez en face de vous, Raphaëlle BACQUE du MONDE, bonsoir Raphaëlle...
RAPHAËLLE BACQUE - Bonsoir.
STEPHANE PAOLI - Et Thomas HUGUES de I TELE.
THOMAS HUGUES - Bonsoir à tous.
STEPHANE PAOLI - ... Qui rappelait à l'instant et il avait raison de le faire d'ailleurs, que nous vous plaçons dans un exercice probablement assez difficile car en effet, vous êtes le porte-parole. Alors nous allons essayer de nous adresser plus à l'homme qu'à la fonction parce que les questions sont nombreuses et elles sont parfois complexes. Tenez par exemple : ce matin, sur l'antenne de I TELE était présent Jean-Claude MAILLY de Force Ouvrière et sur celle de FRANCE INTER, François CHEREQUE de la CFDT. L'un et l'autre n'ont absolument pas été convaincus par les propos du Président de la République pour la relance du pouvoir d'achat et même François CHEREQUE a été assez loin disant qu'au fond il y avait eu un candidat SARKOZY à la présidentielle qui s'était présenté comme l'homme du pouvoir d'achat et qui dit maintenant aux Français : je ne suis pas le père Noël, il n'y a plus rien dans la caisse. Est-ce que là, le Président de la République ne se met pas dans une position difficile ? Il promet quelque chose et apparemment il est en situation difficile pour le tenir ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors beaucoup de questions en une. D'abord par rapport aux partenaires sociaux, le président les a reçus pendant le week-end parce que l'idée, c'est vraiment d'essayer de garder un fil constructif de dialogue avec les partenaires sociaux, de ne pas essayer de passer en force, ce qui a été souvent par le passé la tentation de beaucoup de gouvernements. Donc ça pour nous c'est la première chose, peut-être d'ailleurs qu'on y reviendra...
STEPHANE PAOLI - Ne serait-ce qu'il y a vingt jours dans ce pays...
LAURENT WAUQUIEZ - Tout à fait. Et puis la deuxième chose, c'est effectivement : est-ce que comme le président l'a dit, est-ce qu'on joue au père Noël ou non ? Là-dessus, je voudrais qu'on se remette un tout petit peu en perspective : quand vous distribuez de l'argent et de l'argent public, vous le distribuez mais en même temps le risque, c'est que vous le repreniez ensuite par le biais des impôts. Et quand je dis ça, ce n'est pas seulement une posture idéologique, on en a eu deux exemples très clairs au cours des trente dernières années, qui à mon avis ont beaucoup échaudé les Français : 1981, très forte relance du pouvoir d'achat qui va durer à peu près deux ans et ensuite, on bascule dans une rigueur avec ces images... d'ailleurs moi je me souviens... j'étais très gamin mais je me souviens d'images de PLANTU avec le Français qui se serrait la ceinture. 1995, Jacques CHIRAC avec un tournant complet où le candidat avait beaucoup promis et il change complètement de pied...
STEPHANE PAOLI - Pas un tournant, une bascule... une bascule absolue ! Il fait quand même l'inverse de ce qu'il a promis lui aussi en campagne CHIRAC à ce moment-là...
LAURENT WAUQUIEZ - Tout à fait...
STEPHANE PAOLI - Oui mais problème... gros problèmes derrière.
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr, entièrement d'accord. Et là, la grosse différence, c'est de dire quoi ? On a fondé notre programme et notre travail sur une idée, celle du travail et le pouvoir d'achat et les problèmes qu'on a aujourd'hui en matière de pouvoir d'achat en France découlent de là. Il suffit de prendre un exemple très simple qui résume tout : les Suédois travaillent à peu près 25% de plus que les Français. Ils ont une feuille de salaire qui est meilleure, de 20% de plus que celle des Français. Donc ce qu'a essayé de faire le Président de la République à travers l'ensemble des mesures qui ont été proposées, ce n'est pas de faire un catalogue à la PREVERT, ce n'est pas de faire des chèques en blanc, c'est de dire : l'axe fondamental si on veut réactiver le moteur du pouvoir d'achat, c'est d'enclencher le travail. Et donc toutes les mesures qu'on prend, sont centrées autour de cette idée.
STEPHANE PAOLI - L'idée en soi, elle est tout à fait recevable. Problème, dans la page de... je crois que c'est LES ECHOS tenez, aujourd'hui, une page complète d'un entretien avec un homme qui sait de quoi il parle s'agissant de l'économie et de la croissance, monsieur PEBEREAU, patron de BNP PARIBAS et que dit monsieur PEBEREAU ? Il dit : on n'est pas bien... on n'est pas bien et la croissance va s'en ressentir et l'impact de la crise américaine, nous ne l'avons pas encore complètement reçue dans ce pays et dans les entreprises comme les autres, vont se trouver confrontées à une faible croissance. Qu'est-ce qu'on fait dans ces cas-là quand on est patron ? On fait des heures supplémentaires, on paie les RTT, comment on fait ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors d'abord la première chose, c'est vrai, c'est que la crise de la croissance américaine d'une part... enfin la crise des subprimes américains pardon... d'une part, d'autre part tous les problèmes qu'on a sur les coûts de la matière première, le fioul, l'envolée aussi des tarifs de logements ne nous facilitent pas les choses. Mais qu'est-ce qu'on fait ? On ne va pas se mettre la tête dans la cendre ! Le but pour nous, c'est d'essayer de travailler concrètement ; or voyez, par exemple, j'étais la semaine dernière en déplacement dans une entreprise qui fabrique des petits fibres plastiques, plutôt entreprise de haute technologie, qui elle a des possibilités de croissance. Ils sont partants pour faire des heures supplémentaires. Et les salariés que j'ai rencontrés, nous disaient : moi ce dont j'ai besoin, c'est surtout que vous nous mettiez plus d'heures supplémentaires, c'était une petite entreprise qui faisait à peu près 60 personnes. Il se trouve que j'ai rencontré à peu près trente d'entre eux qui eux avaient des heures sup' et les autres me disaient : on veut tous des heures supplémentaires. Donc je ne dis pas que ça va marcher tout de suite dans tous les secteurs de l'économie mais je pense qu'on peut enclencher un moteur.
RAPHAËLLE BACQUE - Est-ce que vous avez évalué... parce que toutes les mesures proposées par Nicolas SARKOZY reposent effectivement sur la bonne volonté ou la santé plutôt des entreprises ; est-ce que vous avez évalué combien de salariés pourraient en bénéficier ? Parce que le paiement des 35 heures par exemple, ça suppose que l'entreprise ait de quoi les payer.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors d'abord partons du constat actuel aujourd'hui. Aujourd'hui, le bilan 2006 puisqu'on n'a pas encore totalement 2007, c'est 900 millions d'heures supplémentaires qui touchent six millions de personnes. Donc il y a déjà un état, c'est-à-dire que déjà en tant que tel, même si on ne fait aucune heure supplémentaire, l'impact aujourd'hui serait pour six millions de salariés.
THOMAS HUGUES - Ce qui vous permet de dire que le paquet fiscal n'était pas seulement destiné aux riches.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors ça je vais y revenir parce que j'aimerais vraiment tordre le cou... même en politique, il y a des limites à la mauvaise foi.... Evidemment ce n'est pas vous que je vise parce que c'est un des slogans principaux de l'opposition mais... vous voulez que j'y réponde tout de suite ? !
RAPHAËLLE BACQUE - Il y a beaucoup de Français qui le croient quand même...
LAURENT WAUQUIEZ - C'est pour ça que c'est très important de l'expliquer.
STEPHANE PAOLI - Alors allons-y... l'opposition dit, pour rappeler à ceux qui ne l'auraient pas entendu parce que c'est vrai qu'on ne l'entend pas beaucoup, l'opposition, certains le regretteront d'ailleurs...
LAURENT WAUQUIEZ - Moi le premier d'ailleurs...
STEPHANE PAOLI - L'opposition dit : cadeau aux riches.
THOMAS HUGUES - Quinze milliards de cadeaux aux riches.
LAURENT WAUQUIEZ - Pour une fois on ne va pas faire de slogan, on va juste prendre les chiffres : le travail emploi pouvoir d'achat, ce qu'on appelle le paquet fiscal, c'est quinze milliards d'euros. Sur ces quinze milliards d'euros, il y a six milliards d'euros qui sont affectés aux heures supplémentaires. Elles sont plafonnées, elles bénéficient en priorité aux ouvriers, à ceux qui sont autour du SMIC, première mesure. La deuxième mesure qui fait à peu près selon l'impact qu'elle aura, entre 4 et 5 milliards d'euros, c'est l'accession à la propriété, c'est-à-dire faire en sorte que des familles modestes au moment où soit elles font construire leurs maisons, soit elles achètent pour devenir propriétaires, elles aient une aide pour que la charge de dette ne soit pas trop forte. Troisième mesure : 2,2 milliards d'euros pour permettre aux parents et grands-parents de transmettre dans le cadre de successions modestes leur argent notamment à leurs enfants, petits-enfants et autres descendants. Et le dernier, ce qu'on appelle dans une caricature idéologique sur laquelle je n'ai même pas envie de revenir, les cadeaux aux riches, c'est 800 millions d'euros. Alors 800 millions d'euros sur 15 milliards d'euros, je laisse à chacun le soin d'être juge sur les raccourcis qui peuvent être faits. Ce que je pense, c'est qu'on peut critiquer nos choix et nos options mais il faut le faire... pas avec de la mauvaise foi. Vraiment, quand on réduit une mesure qui fait 15 milliards d'euros à un de ses aspects, les 800 millions d'euros, c'est de la caricature.
THOMAS HUGUES - Mais Laurent WAUQUIEZ, sur la partie heures supplémentaires, vous disiez tout à l'heure « je suis allé dans une entreprise »... je ne sais pas ce que vous avait dit le patron, mais moi depuis des semaines, à la fois que je rencontre un patron de PME, il dit : c'est une usine à gaz, c'est inapplicable. Alors est-ce que vous allez modifier le système qui a été mis en place et si oui quand est-ce qu'il entrera en vigueur ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors effectivement, c'est vrai, plusieurs patrons nous disent : on a du mal à appliquer le dispositif, il faut que vous arriviez à le simplifier. C'est précisément pour ça que dans les champs d'annonces qui ont été faites par le président, il y a l'idée d'aller plus loin et d'aller plus loin sur du très concret ; ce qui va intervenir dès le 1er janvier, c'est permettre de transformer en argent le compte épargne temps ; tout ce qui est les RTT qui aujourd'hui dorment dans un coin, qui ne sont pas valorisées pour les salariés, permettre de transformer ça en argent sonnant et trébuchant. Première mesure. Puis la deuxième mesure, c'est de poser vraiment sur la table cette question des 35 heures et de dire : est-ce qu'on ne peut pas faire quelque part, si vous me permettez la formule échange 35 heures contre pouvoir d'achat ?
THOMAS HUGUES - .. Vous n'avez pas tout à fait répondu sur les heures sup'. C'est rentré en service le 1er octobre si je ne me trompe... le décret d'application... les chefs d'entreprise l'attendaient jusqu'à la veille du 1er octobre, il a même plutôt été publié deux ou trois jours après ; ça veut dire quoi ? Ca veut dire qu'il a été bâclé, ce décret d'application, c'est pour ça que c'est inapplicable ou que c'est trop compliqué à appliquer ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors prenons un tout petit peu de champ sur le sujet ; qu'est-ce qui se passe ? On intervient dans un domaine, toutes les lois sur les horaires et la réglementation du travail qui est devenu en France un véritable maquis et une vraie usine à gaz... Donc le moindre élément qu'on bouge là-dedans, rentre dans un Meccano hyper complexe. C'est pour ça que ce qu'a souhaité faire - et on y reviendra sans doute, sur les questions d'agenda social - le président, c'est de dire : donnons plus de souplesse sur le terrain, donnons plus de souplesse dans les entreprises, donnons plus de souplesse aux salariés pour pouvoir décider eux-mêmes de leur temps de travail et c'est en remettant dans le cadre de cette négociation avec les partenaires sociaux sur la table complètement le temps de travail qu'on arrivera à donner un peu plus d'oxygène.
STEPHANE PAOLI - On va revenir sur les aspects techniques parce qu'ils sont parfois complexes et ils sont assez nombreux mais néanmoins, Laurent WAUQUIEZ, le porte-parole du gouvernement que vous êtes, pourra peut-être nous donner une indication là-dessus : les Français qui sont en train de nous écouter, ils disent : pouvoir d'achat ; quand, combien de temps ? Quand vous disiez tout à l'heure « j'ai visité une entreprise de haute technologie et c'est à partir de cela qu'on pourra peut-être relancer la croissance »... possiblement et tant mieux si c'est le cas mais ça va prendre du temps. Les Français, ils attendent maintenant. Donc comment allez-vous faire ? Si on prend le cas des RTT, qu'est-ce que vous faites par exemple pour ceux qui sont des chômeurs, qu'est-ce que vous faites pour les retraités ? Qu'est-ce que vous faites pour les salariés des toutes petites entreprises ?
RAPHAËLLE BACQUE - Donc je reprends ma question : vous avez évalué à combien de personnes qui pourraient bénéficier de ces mesures ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors on va essayer de reprendre si vous permettez la première question... quand est-ce que ça arrive ? La deuxième, pour combien de personnes ? Quand est-ce que ça arrive ? Deux étapes avec un calendrier très précis. La première étape, faire adopter dès cette semaine, en tout cas discuter à l'Assemblée nationale un texte de loi qui permettra de faire avancer trois points. Le premier, ce que je vous disais : transformer les RTT en monnaie sonnante et trébuchante. Ca peut représenter à peu près par salarié touché une somme de l'ordre de mille à deux mille euros selon le nombre de RTT que chacun a en stock.
STEPHANE PAOLI - Sur l'année.
LAURENT WAUQUIEZ - Sur l'année. Deuxième mesure : réveiller l'argent de la participation. Cet argent de la participation qui dort aujourd'hui notamment au niveau d'un certain nombre de grands groupes, ça représente en France douze milliards d'euros, à peu près sept millions de personnes qui sont concernées, pour répondre à votre question. Troisième mesure, c'est que moi j'ai un territoire dans lequel il n'y a pas beaucoup de grands groupes ; par contre il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises. On met en place une prime pour les entreprises de moins de cinquante personnes, qui bénéficieront d'incitations notamment en exo de charges sociales et qui là pourraient représenter d'après nos chiffrages au maximum, c'est le plafond qu'on a mis, mille euros par salarié. Ces trois mesures-là, c'est le 1er janvier que ça doit entrer en vigueur. Deuxième champ de travail, le logement. On l'a déjà évoqué un peu. Le logement est une des principales sources de perte de pouvoir d'achat pour les Français. On a travaillé pour l'accession à la priorité, il nous reste à travailler sur les tarifs du logement et de la location. Il y a un truc qui est quand même en France une gigantesque arnaque, c'est que quand vous commencez à prendre votre logement, on vous demande d'abord de payer d'avance votre premier mois de loyer, ensuite on vous demande le dépôt de garantie de deux mois et enfin cerise sur le gâteau, on vous demande la caution. Christine BOUTIN dès cette semaine, enclenche les négociations et là on espère arriver dans la première partie de l'année 2008 sur des négociations où on puisse supprimer la caution, réduire les deux mois de garantie à un mois et donc soulager considérablement... Donc ce qui est important à expliquer et vous le traduisez bien, vous avez raison, les Français veulent du résultat ; ils sentent que sur leur feuille de salaire, il y a des tensions, ils veulent savoir quand est-ce que ça rentre en vigueur. Il y a des choses qu'on a faites, vous l'avez évoqué, c'est le paquet fiscal ; il y a des choses qui sont en cours, c'est notamment le travail de Luc CHATEL sur les prix dans les grandes surfaces et il y a enfin ce qui doit rentrer en vigueur, d'abord 1er janvier et ensuite première moitié de 2008.
THOMAS HUGUES - Et pas un mot là encore dans ce que vous nous expliquez, sur les retraités. Nicolas SARKOZY n'en avait pas non plus parlé jeudi dernier ; est-ce que vous les avez oubliés ?
STEPHANE PAOLI - Et sur les ouvriers en annualisation du temps de travail, sur la plupart des fonctionnaires, sur les chômeurs... voilà... ça fait du monde tout ça quand même !
THOMAS HUGUES - Vous n'avez tout de même pas oublié les retraités, Laurent WAUQUIEZ ?
LAURENT WAUQUIEZ - Juste un petit point. On va rentrer - et je vais répondre à toutes les questions là-dessus, sur les différentes questions de catégories - mais ce que je voudrais bien expliquer, c'est qu'il y a une ligne de fond et que ce qu'on essaie, ce n'est pas de traiter en dispersant de l'argent sur chacun ; ce qu'on essaie de faire, c'est de traiter cette ligne de fond et la ligne conductrice, c'est vraiment celle de la révolution du travail et ce qu'a essayé de proposer le président lors de son intervention, c'est une révolution du travail. Alors maintenant rentrons... parce qu'au-delà des termes... comment ça marche ? Alors vous m'avez d'abord interrogé sur les ouvriers. Pardonnez-moi de le dire mais principalement les heures supplémentaires, là où ça bénéficiera à plein, c'est les ouvriers...
STEPHANE PAOLI - D'accord... si la machine tourne. Un patron d'entreprise qui n'a pas de commandes, il ne fait pas d'heures supplémentaires ! Il faut que la croissance reparte !
LAURENT WAUQUIEZ - Mais Monsieur PAOLI, si vous me permettez... aujourd'hui dans une entreprise, quel est l'avantage qu'on va avoir sur les heures supplémentaires ? D'abord il n'y aura pas de charge dessus. Deuxièmement, pour le patron d'entreprise, ça va lui donner une vraie flexibilité qu'il n'avait pas jusque-là, c'est-à-dire que jusque-là il était pris complètement dans le carcan des 35 heures. Et puis troisièmement, il sait que pour ses salariés, pour ses équipes, ça va être un facteur de motivation extrêmement important. Moi j'ai fait le tour y compris chez moi dans des entreprises telles que celles du secteur textile ou celles du secteur de la métallurgie qui sont des secteurs plus difficiles ; eh bien même dans ces secteurs-là, ils ont commencé à travailler sur la question des heures supplémentaires parce que ça leur donne plus de réactivité, plus de souplesse et en même temps ça motive les équipes mais il ne faut pas croire que ce soit forcément réservé à certains secteurs d'élite...
RAPHAËLLE BACQUE - C'est quand même travailler à l'augmentation de la production...
LAURENT WAUQUIEZ - Je ne suis pas sûr. C'est lié à la façon de travailler. C'est-à-dire qu'il y a des entreprises dans lesquelles vous avez besoin de plus de souplesse pour fonctionner, dans lesquelles vous avez besoin de pouvoir réagir rapidement parce qu'aujourd'hui les entreprises en France, si elles veulent réussir à concurrencer la Chine, il faut qu'elles soient sur des délais de réaction très courts, sur des métiers de niches où on arrive à répondre à des commandes en une semaine, là-dessus précisément avoir un volant d'heures supplémentaires, ça peut donner beaucoup de souplesse.
STEPHANE PAOLI - Et ils entendent ce discours ? Ce sont des pragmatiques les chefs d'entreprise, ils ont des responsabilités énormes ! Il faut qu'elle tourne, la machine, est-ce qu'ils entendent ce type de discours parce qu'au fond, vous leur déléguez une très lourde partie du projet politique là en l'occurrence.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors là-dessus, est-ce qu'on délègue... quelque part, est-ce qu'on assume ou non... c'est un peu la question que vous posez... Est-ce que le gouvernement assume ou non son travail ?
THOMAS HUGUES - Et puis est-ce que vous n'êtes pas dans la main des patrons et de leur bonne volonté finalement, ça se rejoint....
LAURENT WAUQUIEZ - Je ne suis pas sûr...
THOMAS HUGUES - Un petit peu quand même...
LAURENT WAUQUIEZ - Non, je vais vous dire pourquoi, ça c'est une vision que je trouve... pardonnez-moi, mais je trouve que c'est une vision un peu datée, c'est-à-dire que quand une entreprise tourne, c'est bon pour le patron d'entreprise et c'est bon pour ses salariés et c'est bon pour le pouvoir d'achat et le travail...
THOMAS HUGUES - Elle ne le fait pas par bonté d'âme pour le pouvoir politique en place.
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr que non et ce n'est pas ce qu'on leur demande ! Ce qu'on demande, c'est d'essayer de trouver un jeu gagnant-gagnant, c'est-à-dire de trouver un jeu dans lequel tout le monde se retrouve, dans lequel l'entreprise est tirée vers le haut, ça crée de l'emploi, dans lequel le patron réussit à prendre de nouvelles parts de marché et dans lequel le salarié gagne plus.
STEPHANE PAOLI - Le pragmatisme qui va donner aux patrons envie de vous suivre sur ce terrain-là...
LAURENT WAUQUIEZ - Oui, alors qu'est-ce qui va lui donner envie de nous suivre ? Tout simplement c'est qu'on met des choses sur la table. Qu'est-ce qu'on met comme choses sur la table ? Des allègements de charges sociales - aucune charge sociale sur les heures supplémentaires - le fait qu'il n'y a pas d'impôt dessus. Donc il sait que quand il met cet argent-là pour son salarié, il n'y a personne qui va se servir au passage parce que qu'est-ce qui a tué le travail et la vision du travail dans ce pays, c'est que le sentiment qu'avaient la plupart de ceux qui travaillaient, c'est qu'ils travaillaient mais que le résultat, c'est qu'on leur reprenait ensuite le fruit de leur travail via notamment les impôts et les charges sociales. Là on sera au contraire sur une idée qui est simple : si on veut revaloriser le travail et les heures supplémentaires, il faut que cet argent entre intégralement dans la poche des salariés. Il y a un point sur lequel je voudrais rebondir parce que vous l'avez évoqué qui est celui des fonctionnaires, qu'il ne faut pas qu'on oublie parce que... et c'est trop peu souvent souligné notamment je le dis clairement, dans ma famille politique, où certains ont un peu tendance à faire de la démagogie un peu facile contre les fonctionnaires ; les fonctionnaires aujourd'hui n'ont pas de rémunération... ou n'avaient quasiment pas de rémunération pour leurs heures supplémentaires.
STEPHANE PAOLI - Il y a des millions d'heures supplémentaires qui sont impayées...
RAPHAËLLE BACQUE - Notamment à l'hôpital.
LAURENT WAUQUIEZ - Notamment à l'hôpital mais aussi au niveau de l'Education nationale qui est le deuxième domaine où il y en a beaucoup. Deuxième facteur d'inégalité complètement hallucinant : les heures supplémentaires dans le prix, c'est plus 25%, dans la fonction publique, non. Alors quand vous êtes fonctionnaire, votre heure supplémentaire, elle vaut moins que quand vous travaillez dans une entreprise. Ca ce n'est pas équitable. Donc ce qu'on va essayer de faire, c'est deux choses : d'abord revaloriser les heures supplémentaires dans la fonction publique, faire en sorte que ce soit plus 25% aussi et deuxièmement, tout simplement dire que quand vous êtes dans la fonction publique, si vous travaillez en heures supplémentaires, vous avez droit à une rémunération...
RAPHAËLLE BACQUE - Mais est-ce que l'Etat a les moyens de payer ça ?
THOMAS HUGUES - Il y a les trois quarts des hôpitaux publics français qui sont en déficit.
LAURENT WAUQUIEZ - Alors on a déjà commencé puisque je pense que ça ne vous a pas échappé d'ailleurs, beaucoup de fonctionnaires le savent - ce matin, j'étais en visite à l'inspection d'académie où on m'en a parlé - beaucoup de fonctionnaires le savent, ils ont pu déjà récupérer quatre jours qui étaient des jours de RTT et qu'ils ont pu changer en argent sonnant et trébuchant. Deuxième point aujourd'hui - et là encore c'est cette idée d'un gouvernement qui enclenche tout de suite derrière les annonces qui ont été faites par le Président de la République : Eric WOERTH et André SANTINI étaient en négociation avec les syndicats pour voir comment mettre en oeuvre les heures supplémentaires dans la fonction publique...
THOMAS HUGUES - Et à l'hôpital... et je n'oublie pas les retraités, on n'en a pas encore parlé, et à l'hôpital alors ? Parce que c'est drôle, vous êtes passé à autre chose mais je suis sûr que vous allez nous parler des retraités. Mais l'hôpital, ça nous intéresse aussi parce qu'effectivement aujourd'hui, on se dit : mais où on va trouver l'argent pour payer les dizaines, voire les centaines, voire les milliers de jours travaillés et qui pour l'instant n'ont pas été récupérés et n'ont pas été payés ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors sur l'hôpital, prenons un tout petit peu de champ parce que là encore c'est intéressant, ce n'est pas une façon de dire que les 35 heures sont responsables de tous les maux dans ce pays ; mais c'est juste de dire : il y a quand même un choix politique de fond qui a été fait et qui a eu des impacts sur l'évolution des salaires. 35 heures à l'hôpital : il y avait en même temps un plan hôpital qui était destiné à réinjecter de l'argent au niveau de l'hôpital, notamment des hôpitaux publics. Cet argent a uniquement servi à payer les 35 heures et ça ne s'est traduit par aucune amélioration au niveau des effectifs ou au niveau des salaires. Le résultat, ça a été quoi ? C'est qu'aujourd'hui à l'hôpital, on a le cercle vicieux où vous avez peu d'effectifs... des effectifs qui sont très fatigués parce qu'ils travaillent énormément et des budgets qui sont sous tension. Donc ce qu'on va essayer de faire là-dessus, c'est se redonner là encore de l'oxygène mais en essayant là encore de ne pas promettre... de ne pas jeter de la poudre aux yeux mais de dire : vous faites des heures supplémentaires, ça peut améliorer le service à l'hôpital, on le rémunèrera pour permettre de repartir sur un cercle vertueux.
THOMAS HUGUES - Mais donc ça veut dire que l'Etat viendra au secours de l'hôpital public pour payer ses heures supplémentaires si je comprends bien, parce qu'aujourd'hui, il n'y a pas cet argent dans les caisses des hôpitaux publics français.
LAURENT WAUQUIEZ - Ca veut dire qu'il faut qu'on pose globalement la question des heures supplémentaires au niveau de la fonction publique et ça comprend les questions à l'hôpital. Les retraités...
THOMAS HUGUES - Donc il faudra une enveloppe pour payer ces heures supplémentaires, donc il y a cette marge de manoeuvre... je veux juste bien comprendre...
STEPHANE PAOLI - Ca va faire une grosse enveloppe.... Une grosse grosse enveloppe.
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr et c'est un défi qui est un défi important notamment pour l'avenir, c'est-à-dire qu'est-ce qu'on fait pour l'avenir pour faire en sorte qu'à l'hôpital, de la même manière que dans l'éducation nationale, quand vous faites des heures supplémentaires, vous ne soyez pas avec le sentiment que grosso modo on vous prend pour un idiot.
RAPHAËLLE BACQUE - Non mais on a intégré, nous, que l'Etat était en faillite, alors du coup, c'est vrai qu'on s'interroge. Où allez-vous trouver cette enveloppe ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors qu'est-ce qui serait utopique ? Ce qui serait utopique, c'est de dire : on reste comme ça, on ne vous demande pas d'heures supplémentaires et on vous donne juste de l'argent en plus. Ca, ça ne servirait à rien. La logique que nous, on essaie de dire, c'est prenons par exemple l'exemple de l'Education nationale, les professeurs font des heures de soutien scolaire, ça améliore notamment le fonctionnement de l'égalité des chances sur le territoire, on rémunère les professeurs qui font cet effort. Donc c'est exactement la même logique qui est transposable à l'hôpital.
STEPHANE PAOLI - C'est-à-dire qu'on reste dans la dynamique du travailler plus pour gagner plus. Le problème c'est encore une fois : où allez-vous trouver l'argent ? Où allez-vous trouver l'argent ? Quand le Premier ministre lui-même nous dit « les caisses sont vides » et que le président...
RAPHAËLLE BACQUE - C'est le vrai point d'interrogation.
STEPHANE PAOLI - Mais oui ! Où est l'argent ?
THOMAS HUGUES - C'est pour ça qu'on y revient.
RAPHAËLLE BACQUE - Les enseignants, on a compris dans le primaire, qu'il y avait un transfert : il n'y a plus d'école le samedi et un transfert sur les cours de soutien, on voit bien ; l'hôpital, comment est-ce que vous allez les rémunérer ?
LAURENT WAUQUIEZ - Non mais de la même manière... enfin pardonnez-moi mais si jamais par exemple vous avez une infirmière ou un cadre hospitalier qui accepte de faire deux à trois heures d'heures supplémentaires qui sont rémunérées, est-ce qu'il ne faut pas mieux essayer de rémunérer les deux à trois heures pour faire en sorte que l'hôpital fonctionne mieux et que même au niveau de votre budget, si en même temps vous travaillez sur l'amélioration du fonctionnement à l'hôpital, on arrive tous à sortir par le haut ? Qu'est-ce que je veux dire par là ? Ce n'est pas gaspiller de l'argent en le jetant par la fenêtre, c'est essayer de demander à l'hôpital d'améliorer son fonctionnement et en même temps de rémunérer les heures supplémentaires. Alors bien sûr, c'est un immense travail, un immense chantier qu'on a à faire...
THOMAS HUGUES - Ca c'est pour les heures supplémentaires de l'avenir ; celles qui n'ont toujours pas été payées ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors c'est notamment là-dessus que portent en ce moment les négociations avec les syndicats. On n'arrivera... enfin je ne sais pas ce que donneront les négociations avec les syndicats et je pense d'ailleurs que monsieur CHEREQUE que vous évoquiez, si jamais je traitais de ce sujet même sur un plateau de radio avec des éminents journalistes comme vous, n'accepterait pas beaucoup. Donc il y a une négociation qui doit être laissée... il y a un espace de négociation qui est en cours... On n'arrivera vraisemblablement pas à solder la totalité du stock qui représente des montants...
RAPHAËLLE BACQUE - Donc ça concernera une partie de ces heures supplémentaires...
LAURENT WAUQUIEZ - L'idée en tout cas, c'est qu'on travaille avec les syndicats là-dessus en disant : peut-être que plutôt de parler du point d'indice qui était la façon de discuter classiquement de la rémunération dans la fonction publique, on peut arriver à le traiter plus intelligemment en travaillant sur les heures supplémentaires, améliorer à la fois le service, que ça n'ait pas de tension pour le budget de l'Etat et en même temps favoriser la rémunération des fonctionnaires.
STEPHANE PAOLI - Par exemple, puisque vous citez monsieur CHEREQUE. Ce matin sur l'antenne d'INTER, il a posé une question qui est une vraie question de fond et qui est une grande question politique : il disait s'agissant des universités « l'Etat va céder une partie du capital d'EDF - on vient d'apprendre d'ailleurs qu'en effet l'Etat vient de céder 2,5% du capital d'EDF, c'est fait là ce soir...
THOMAS HUGUES - Ca rapportera trois milliards et demi d'euros.
STEPHANE PAOLI - Exactement. Ce capital est-il destiné en effet à se reporter sur les universités pour en améliorer et les sites... les bâtiments et les moyens de travailler ? Auquel cas CHEREQUE remarquait ce matin que là, il y avait une piste intéressante pour la croissance puisqu'on rentre dans une économie qui va être une économie de la connaissance, on pourrait attirer chez nous et des grands professeurs et des étudiants étrangers, bref, créer une économie de la connaissance. Pourquoi on ne le fait pas ? Pourquoi on a attendu aussi longtemps pour le faire et n'y a-t-il pas là une piste... on vous interrogeait sur la croissance tout à l'heure, qui pourrait contribuer à la faire repartir plus vite.
LAURENT WAUQUIEZ - C'est précisément ce qu'on est en train de faire. En plus c'est des sujets sur lesquels j'avais beaucoup travaillé auparavant. On a un système d'enseignement supérieur qui souffre, il faut le dire clairement, d'un sous-investissement chronique, c'est-à-dire que grosso modo, on n'investit pas suffisamment sur notre université, sur la recherche et finalement sur ce qui crée les emplois de demain. Le choix qui a été fait par le gouvernement dès que Nicolas SARKOZY l'a constitué, c'est de dire : sur cinq ans, je mets quinze milliards d'euros - là par contre je n'ai entendu personne critiquer en disant « cadeau pour je ne sais pas trop qui » - quinze milliards d'euros sur l'enseignement supérieur et la recherche pour les cinq ans qui viennent.
THOMAS HUGUES - Il y avait ça dans le programme de Ségolène ROYAL et de François BAYROU aussi je me souviens...
LAURENT WAUQUIEZ - La seule chose, c'est que là c'est appliqué... Mais tant mieux ! Quinze milliards d'euros au total sur cinq ans : un milliard de plus chaque année, ce qui aboutit à passer d'un budget qui est de dix à quinze milliards d'euros et ce qui représente au total sur les cinq ans plus quinze milliards d'euros. Plus quinze milliards d'euros investis sur cinq ans en matière d'enseignement supérieur. La deuxième chose, c'est qu'en mettant cet argent-là supplémentaire, on ne traite pas suffisamment l'amélioration du bâtiment. N'importe qui va aujourd'hui dans une université - je ne sais pas si vous vous êtes prêté à l'exercice fréquemment, moi j'y suis encore allé il y a deux mois sur un déplacement - les sites sont dans un état de délabrement qui est honteux et honnêtement quand on a des enfants étudiants, on se dit que c'est absolument minable. Mais on n'a pas d'argent pour investir là-dedans tout de suite. Donc qu'est-ce qu'on a dit ? Plutôt que d'avoir du capital qui dort à EDF et qui ne rapporte rien pour construire l'avenir, on vend ces X% du capital d'EDF...
STEPHANE PAOLI - 2 ,5%...
LAURENT WAUQUIEZ - 2,5% et derrière, l'argent qu'on récupère est investi intégralement pour l'amélioration des campus. Pourquoi c'est intéressant ?
THOMAS HUGUES - Donc c'est en plus des 15 milliards dont vous nous avez parlé.
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr.
THOMAS HUGUES - D'accord.
LAURENT WAUQUIEZ - Pourquoi c'est intéressant ? Parce que là où c'est intéressant, c'est qu'avant qu'est-ce qu'on faisait ? On bradait ses bijoux ce famille pour payer le fonctionnement du ménage au jour le jour. Grosso modo l'Etat vendait les vieux bijoux de famille pour se payer son fonctionnement chaque année parce qu'il était trop sec en matière de budget. Là ce qu'on fait, c'est qu'au contraire, effectivement on se sépare de capitaux qui étaient investis à EDF mais pour investir dans l'avenir et notamment celui de notre enseignement supérieur.
STEPHANE PAOLI - Et la dette. Notre dette, la dette publique, qu'est-ce qu'on fait pour elle ? Parce que le moteur et la relance c'est aussi fonction de ça ?
LAURENT WAUQUIEZ - Vous entendez à quel point y compris dans les questions que vous me posez, il y a un aspect qui peut être contradictoire ? C'est-à-dire que d'un côté vous me dites : et alors, vous ne dépensez pas suffisamment, il faut réinjecter plus ! Et en même temps « qu'est-ce qu'on fait pour la dette » ?
STEPHANE PAOLI - Mais vous savez pourquoi on vous la pose cette question ? Parce que nous croyons savoir que même au sein de l'équipe gouvernementale, certains sont partisans de refaire partir la croissance en faisant encore un peu plus de la dette - il paraît qu'un certain Henri GUAINO serait plutôt partisan de cette ligne-là - cependant qu'un Premier ministre qui s'appelle monsieur FILLON dit « on ne touche plus à quoi que ce soit parce qu'on est déjà complètement dans le mur ». Voilà la raison de la question, maintenant vous la connaissez.
LAURENT WAUQUIEZ - Honnêtement j'en avais une petite idée mais juste pour essayer là encore qu'on prenne un petit peu de recul : il y a deux voies. La première, c'est de dire rigueur, rigueur, rigueur, on ne peut plus rien bouger mais quand vous voulez remettre un navire à flots, il faut investir pour finalement colmater la coque et lui permettre de flotter correctement. La deuxième voie, c'était de dire : aucun problème, on peut dépenser à tout va, pas de souci, le bateau va repartir, jetons tout par-dessus bord et on verra bien. La voie qui a été choisie, est de dire : on a besoin d'investir pour permettre à la France de se repositionner correctement. On a besoin d'investir pour faire des réformes parce que vous ne faites pas des réformes en demandant uniquement aux gens de faire des efforts, le côté auto-flagellation démocratique, ça ne marche pas. Si jamais vous voulez que les gens acceptent de faire des efforts, il faut qu'il y ait une contrepartie. Vous ne pouvez pas demander aux professeurs de l'Education nationale de faire du tutorat et de l'accompagnement si à côté de ça, vous n'acceptez pas de rémunérer avec un petit peu plus d'argent notamment en heures supplémentaires. Donc l'équilibre qu'on a essayé de tracer, c'est de dire : on fait les investissements, on ne reviendra pas à l'équilibre budgétaire cette année ; on fait des investissements mais il faut que chacun de ces investissements soient utiles pour construire l'avenir. Et vous voyez, sur le débat qu'on a eu sur cette relance du pouvoir d'achat, c'est intéressant à observer parce qu'une voie aurait consisté effectivement à faire des cadeaux, dire « allez je vous donne un troisième mois non fiscalisé, gratos pour tout le monde » ! Ou « Allez on vous fait baisser les loyers en vous offrant les charges dans tous les bailleurs HLM » ! Des idées qui ont été brassées. Mais le choix du président a été de dire : on a une ligne de force qui est précisément de dire « on ne construit pas le pouvoir d'achat de façon artificielle en donnant d'une main ce qu'on reprendra de l'autre avec les impôts. On le construit à partir du travail et essayez de me trouver des mesures qui soient astucieuses, qui soient centrées sur le travail et qui ne soient pas juste gaspiller de l'argent pour faire semblant pendant six mois à un an de redonner artificiellement du pouvoir d'achat.
THOMAS HUGUES - Et la revalorisation des petites retraites qui étaient dans les dix-onze propositions du Parti socialiste publiées à la veille de l'intervention télévisée de Nicolas SARKOZY, ça c'est gaspiller de l'argent ?
LAURENT WAUQUIEZ - Non mais si vous me permettez - et je vais répondre ensuite à la question des petites retraites - j'ai trouvé intéressant que le Parti socialiste fasse des propositions et je le dis parce que je pense que quand on est dans l'opposition, c'est un devoir de pouvoir continuer à alimenter en mettant des idées. C'était la première fois que le Parti socialiste faisait l'effort de dire « voilà ce que je propose ». Par contre là où je trouve que c'était un peu facile, c'est qu'en contrepartie, il n'y avait aucun financement des dépenses supplémentaires qu'il mettait sur la table. C'est-à-dire que bien sûr on peut dire : je vais augmenter les salaires de X... on va faire un Grenelle du pouvoir d'achat, on va en faire plus sur toutes les retraites. Mais comment on finance ?
THOMAS HUGUES - Il y avait si je me souviens bien taxation des stock-options évoquée par le Parti socialiste et puis taxation des produits pétroliers... des bénéfices des grands groupes pétroliers...
LAURENT WAUQUIEZ - ... Ca me fait bien rire parce que... les bénéfices des grands groupes pétroliers au maximum en taxant plus, vous allez vaguement récupérer à peu près 800 millions d'euros à un milliard d'euros au gros maximum et puis avec si vous me permettez quand même un gros risque, c'est que TOTAL finisse par dire : OK mais moi mon siège social maintenant je le mets à Londres ! Donc il y a un moment où il faut aussi être attentif à ne pas vendre aux Français un peu facilement certaines mesures. Mais bon, prenons acte du côté constructif. Sur les petites retraites, on a un rendez-vous qui est au début de 2008 sur lequel il faudra poser la question de ces petites retraites. Là encore - et c'est une question qui m'a été posée ce week-end chez moi...
THOMAS HUGUES - En Haute-Loire...
LAURENT WAUQUIEZ - Oui bien sûr en Haute-Loire... où effectivement c'est des gens qui ont des petites retraites et qui sont venus me voir en disant : d'accord, c'est bien, on a entendu le président mais qu'est-ce que vous faites pour les petites retraites ? Au rendez-vous de 2008 sur le financement des retraites, sera posée la question des petites retraites mais on ne pouvait y arriver que si à côté de ça, on traite correctement la question des régimes spéciaux pour mettre plus d'équité dans le financement des retraites et qu'ensuite, on remet l'ensemble sur la table ; comment on assure la pérennité du financement des retraites et comment est-ce qu'en même temps on met plus de justice et d'équité sur les petites retraites. Un dernier point si vous me permettez quand même : c'est qu'un retraité... il n'y a quand même pas que le volet rémunération. Il y a aussi le volet dépenses. Quand on pèse sur les prix en mettant plus de concurrence dans la grande distribution pour tirer vers le bas, quand on essaie de travailler sur la facture de téléphone pour la tirer vers le bas, quand on travaille sur le logement et notamment la location en essayant là encore de tirer vers le bas, c'est aussi un effort qu'on fait pour l'ensemble des Français. Je le dis juste parce que - et c'est aussi une autocritique en disant ça - je pense qu'en France parfois, on a trop tendance à saucissonner la France en petites tranches de catégories et il ne faut pas perdre de vue que malgré tout on travaille pour un pays dans son ensemble et qu'on ne tire pas un pays uniquement en faisant du catégoriel.
STEPHANE PAOLI - Alors Monsieur WAUQUIEZ, je rappelle à ceux qui nous écoutent que vous êtes le porte-parole du gouvernement, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre ; tout ce que vous évoquez là c'est une grosse machine à mettre en place et le gouvernement ne pourra rien faire sans en parler avec les syndicats. Comment le pays est-il sorti de la précédente épreuve, celle qui concernait les négociations sur les retraites sachant d'ailleurs qu'encore ce matin même ici sur ce plateau, Jean-Claude MAILLY, le patron de Force Ouvrière, n'écartait pas l'hypothèse d'une grève avant Noël si cette question du pouvoir d'achat n'a pas avancé. Dans quel état êtes-vous de vos relations avec les syndicats aujourd'hui ? Que s'est-il passé au fond ou qu'est-ce qui a changé depuis l'affaire des retraites ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je pense qu'effectivement même si on ne s'en rend pas tout à fait compte, quelque chose de fondamental a changé à travers cette affaire sur les régimes spéciaux. Et des deux côtés. Du côté politique, nous, on n'a pas voulu jouer le fantasme thatchérien de l'épreuve de force ; c'est un choix qui a été fait par le président de dire « on peut à la fois être clair et ferme sur le point qu'on veut atteindre et en même temps toujours laisser la porte ouverte à une négociation et un équilibre avec les partenaires sociaux »...
THOMAS HUGUES - Il y a certains membres de l'UMP qui voulaient un bras de fer plus dur ?
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr, évidemment, il y a toujours dans une famille politique des gens qui disent : il faut cogner les syndicats, on va se faire les syndicats. Ce n'est pas un choix, ce n'est pas une solution et ce fantasme thatchérien, ça n'a pas été le choix qui a été fait. Du côté des partenaires sociaux, qu'est-ce qu'ils ont vu ? Finalement ce qu'ils ont vu, c'est qu'ils gagnaient plus en se mettant autour d'une table et en essayant de discuter, plus que dans une épreuve de force frontale.
STEPHANE PAOLI - Pardon... mais ça a failli coûter très cher à certains, je pense à Bernard THIBAULT évidemment...
LAURENT WAUQUIEZ - Oui mais je pense que Bernard THIBAULT - et en le disant, il n'y a aucune arrière-pensée de ma part - mais je pense que Bernard THIBAULT a géré avec beaucoup de responsabilité cette crise ; il n'a pas lâché par rapport à ses convictions mais en même temps il a compris qu'à un moment, pour les salariés qu'il représentait, il avait plus d'intérêts à se mettre autour de la table sur les conditions de travail dans les entreprises plutôt que de s'acharner sur une espèce de ligne Maginot sur cette histoire de pouvoir continuer à rester à 37 années et demie d'annuités. Et donc quelque part j'ai envie de dire...
THOMAS HUGUES - Ils ont vraiment renoncé à ça les cheminots ? Dans les premières discussions... ces réunions tripartites, c'est le son de cloche que vous entendez ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je pense qu'en tout cas, les réunions tripartites se font dans un climat constructif où ce qu'on essaie de travailler, c'est sur les salaires, la grille de salaires, la pénibilité des tâches, les avantages aussi familiaux, enfin plein de choses qui peuvent être sur la table, indépendamment de la question des retraites. Mais je voudrais juste revenir sur cette idée...
THOMAS HUGUES - Donc ils n'ont pas totalement renoncé à rester à 37 années et demie...
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr qu'on n'a pas convaincu les cheminots qu'il valait mieux passer à quarante ans qu'à 37 ans et demi, c'est un effort qu'on leur demande, on est tous lucide là-dessus. Par contre je pense que ce que tout le monde a compris, c'est qu'on était mieux et qu'on gagnait tous plus en étant autour d'une table à discuter plutôt que de s'affronter de façon stérile. Et là où je pense qu'il y a quelque chose qui a changé, pour revenir à votre question, c'est que quelque part, la société française est un tout petit peu plus mature. Les politiques ont compris que le côté réformes sabre au clair ne menait à rien. Les partenaires sociaux ont compris que peut-être on avait plus à gagner dans la négociation ; une négociation certes musclées où on ne renonce pas à ses convictions mais où on essaie d'aller quand même un peu collectivement vers du donnant-donnant.
RAPHAËLLE BACQUE - Mais on voit quand même une radicalisation de certains mouvements, on l'a vu dans le mouvement des cheminots avec SUD RAIL, on l'a vu dans le mouvement des étudiants avec cette coordination étudiante très très radicale. Est-ce que ça, ce n'est pas un signe quand même inquiétant ?
LAURENT WAUQUIEZ - Je pense que d'abord cette radicalisation est de moins en moins comprise et soutenue par l'opinion. Si vous prenez la coordination étudiante...
RAPHAËLLE BACQUE - Elle est efficace parfois...
LAURENT WAUQUIEZ - Etre radical n'est pas forcément uniquement un gage d'efficacité. Prenons des exemples simples : c'est la première fois... enfin historiquement c'est quand même un truc assez hallucinant, que les partisans du déblocage de l'université notamment à Nanterre, ont été majoritaires face à ceux qui essayaient à tout prix de faire le blocage. Donc qu'il y ait une minorité qui s'enferme dans une surenchère radicale, sans doute, mais je ne suis pas sûr que ce soit eux qui gagnent au bout du bout et je pense qu'au contraire, l'attitude responsable qu'a été celle de la CFT, de FO, de la CFDT tout au long de cette crise nous tire tous un peu vers le haut. L'enjeu, c'est quoi ? Si vous prenez un pays comme l'Allemagne, ça ne se passe pas comme ça ; il y a des syndicats qui sont très forts... qui sont assez structurés, qui arrivent à obtenir des avantages importants pour leurs salariés mais avec une idée forte à chaque fois : autant que possible, jusqu'au bout, on donne sa chance à la négociation. Si à un moment on n'est pas d'accord, c'est l'affrontement.
RAPHAËLLE BACQUE - Oui mais c'est une tradition en Allemagne.
LAURENT WAUQUIEZ - Eh bien peut-être que ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est un changement de culture historique où quelque part, peut-être que par rapport à la réforme et aux affrontements, la société française devient un tout petit peu plus mûre.
STEPHANE PAOLI - Changement important parce que si c'était le cas, on aurait parcouru un peu de chemin dans ce pays ! Mais on va voir...
LAURENT WAUQUIEZ - Mais je pense qu'il n'y a pas de fatalité à ce que ce pays soit immobile, enfin en tout cas moi je ne le crois pas du tout et je trouve que d'ailleurs sur cette séquence des régimes spéciaux, le principal gage d'avenir est sans doute cette attitude des partenaires sociaux plus encore que notre attitude à nous.
THOMAS HUGUES - Et donc vous êtes vraiment optimiste, il y a malgré tout encore des rassemblements cette semaine, des préavis de grève déposés pour la semaine qui précède Noël. On est dans le jeu de rôle ou il y a un vrai risque ?
LAURENT WAUQUIEZ - Bien sûr que tout ça ne se fait pas un en moment et que quand on fait des réformes difficiles que personne n'a franchement eu le courage de faire au cours des quinze dernières années, si elles sont difficiles, c'est bien qu'il y a une raison...
THOMAS HUGUES - Il ne faut pas crier victoire trop tôt...
LAURENT WAUQUIEZ - Attendez, si vous me permettez, d'abord quand on a 32 ans, si jamais on est pessimiste sur l'avenir de la réforme et de la possibilité de changer les mentalités dans ce pays, je pense qu'il vaut mieux aller faire autre chose. La deuxième chose, c'est que vous savez...
THOMAS HUGUES - Il vaut mieux être optimiste quand on est porte-parole de toute façon.
LAURENT WAUQUIEZ - Pas seulement mais j'ai beaucoup suivi cette crise et notamment j'ai été amené à beaucoup faire de pédagogie pour l'expliquer ; j'ai quand même vu une évolution des mentalités ; je suis très lucide sur le fait où peut-être il y aura des moments où il y aura des marches arrières, peut-être il y aura des moments où la machine se grippera ; je suis très lucide aussi sur le fait que les négociations ne sont pas encore abouties mais je trouve qu'il y a quand même quelque chose qui a changé et qu'il y a un déclic qui s'est opéré comme vous le soulignez d'ailleurs.
STEPHANE PAOLI - Alors vous rappeliez à l'instant que vous aviez 32 ans, vous êtes un jeune homme politique mais imaginons que vous en ayez encore dix de moins, vous êtes en banlieue ; vous acceptez de vivre dans la banlieue telle qu'elle est aujourd'hui ? Vous parliez des bâtiments de l'Education nationale ou des universités qui sont dans un état de délabrement indigne... Mais enfin il y a des gens qui vivent dans des maisons qui sont encore bien plus délabrées. Donc quand le chef de l'Etat nous dit : la banlieue, ce n'est pas un problème social, c'est un problème de voyous, est-ce qu'honnêtement il n'exagère pas un peu ? Il y a un vrai problème social ! Il y a toujours eu des voyous, il y en aura encore après mais réduire la banlieue à une question de voyous, est-ce que ce n'est pas un peu court ?
LAURENT WAUQUIEZ - Monsieur PAOLI, avec tout le respect que je dois à votre interprétation, le Président de la République n'a jamais dit que la banlieue était un problème de voyous et pas un problème social. Qu'est-ce qu'il a dit...
STEPHANE PAOLI - Il ne l'a pas dit comme ça, on a pu l'entendre comme ça. Quand on passe...
LAURENT WAUQUIEZ - Non... je vais essayer d'expliquer...
STEPHANE PAOLI - Laissez-moi allez au bout, si vous permettez, juste au bout de la question pour que vous compreniez comment je la pose : quand on passe dans une heure d'entretien, disons une bonne demi-heure en expliquant que la façon dont la violence s'est déchaînée en banlieue engage une question qui est strictement une question de la voyoucratie, je me demande si on n'est pas un peu à côté du sujet quand même !
LAURENT WAUQUIEZ - Alors on va essayer d'y répondre simplement : qu'est-ce qui a été dit ? La crise qui a eu lieu à Villiers-le-Bel n'est pas un problème qui est un problème lié à l'ensemble des gens qui habitent dans les banlieues ; c'est un problème qui est lié effectivement à des bandes de voyous qui sont prêts à prendre des fusées de chasse pour tuer les sangliers et pour aligner des forces de l'ordre...
STEPHANE PAOLI - Personne ne vous contestera ça sauf que ça fait depuis 81 que la question des banlieues se pose.
LAURENT WAUQUIEZ - Oui mais ça ne veut pas dire que pour autant, il faut lâcher pied et accepter tout et n'importe quoi en l'excusant, en disant : les pauvres chéris, ils ont le droit d'aligner les forces de l'ordre avec un fusil de chasse parce qu'il y a un problème social.
STEPHANE PAOLI - Vous savez bien que personne ne dit ça ! Vous êtes bien d'accord avec ça...
LAURENT WAUQUIEZ - De la même manière que le Président de la République ne dit pas que ce qui se passe dans les banlieues n'est pas un problème social. Ca c'est le premier point. Des problèmes qui sont des problèmes d'ordre doivent être traités en étant très fermes là-dessus et sur les principes. A côté de ça, il y a un deuxième problème qui est bien sûr le problème social dans les banlieues et ce problème social jusque-là en France, a été traité en injectant des milliards d'euros sur les banlieues, avec des plans successifs mais qui ont été injectés uniquement et beaucoup trop sur des opérations d'urbanisme, c'est-à-dire grosso modo des opérations de renouvellement urbain qui se sont succédées les unes après les autres. En passant à côté de deux problèmes majeurs : le premier d'abord - et vous l'évoquiez en me demandant de me projeter dix ans en arrière et me disant « voilà, vous habitez à Villiers-le-Bel, quel est votre avenir » ? Le premier d'abord, c'est précisément les gens qui habitent dedans et quel espoir on leur donne pour accéder à un emploi et une meilleure formation. Là-dessus, on a trop peu investi ; on a trop investi dans la pierre, trop investi dans les opérations de réhabilitation urbaine et pas assez sur les personnes qui habitent dans ces quartiers. Comment faire en sorte qu'un jeune ait un peu mieux d'accompagnement scolaire ? Comment faire en sorte qu'avoir un parcours pour avoir son premier job ne soit pas une galère absolue ? Toutes ces questions-là ont été trop peu traitées. Le deuxième point - et Villiers-le-Bel de ce point de vue est très intéressant - c'est la question des transports qui a été hallucinamment (sic) mise de côté : si vous prenez la carte des transports publics et des principales artères notamment au nord de la région Ile-de-France, Villiers-le-Bel est surréaliste. Vous êtes à côté d'un gros aéroport qui est à huit kilomètres à vol d'oiseau. Pour y aller, il faut passer par Paris et faire tout un détour qui représente quasiment une heure de route. Alors que la plupart des emplois sont sur l'aéroport. Si jamais vous voulez avoir un job, à huit kilomètres à vol d'oiseau, il y a un endroit où vous pouvez trouver un job, sauf que pour y aller il faut se coltiner tout le détour par Paris pour y revenir. Voilà des sujets concrets qui sont les deux pistes sur lesquelles Fadela AMARA travaille ; d'abord les jeunes et l'accès à l'emploi, ce qu'elle a appelé la lutte contre la glandouille. Et d'autre part, ces questions de transports et d'accessibilité.
STEPHANE PAOLI - Avec des propositions concrètes à court terme là aussi ?
LAURENT WAUQUIEZ - Oui, mais vous voyez je veux être encore une fois... très simple en expliquant l'attitude du gouvernement. On aurait pu dire : ouh là là ! Il y a eu l'accident de Villiers-le-Bel, vite il faut sortir un plan banlieues ! Et on va accélérer le plan banlieues de Fadela AMARA. Quel aurait été le message ? Le message, ça aurait été de dire : vous voyez, pour qu'on s'occupe des banlieues, il faut que vous aligniez des gendarmes et des policiers et que vous fassiez cramer des voitures...
STEPHANE PAOLI - Non mais c'est sûr mais ça fait longtemps qu'ils attendent aussi franchement
LAURENT WAUQUIEZ - Oui mais c'est pour ça que précisément, le plan banlieues a été enclenché dès que le gouvernement a été constitué, par Fadela AMARA, il viendra fin janvier avec des annonces qui seront des annonces très concrètes.
THOMAS HUGUES - Et est-ce que malgré tout ce qui s'est passé à Villiers-le-Bel ça change un peu le prisme pour ce plan banlieues ? Parce que vous dites : c'était prévu pour le 22 janvier... Moi j'avais entendu certains de ses conseillers nous annoncer le plan Marchal pour la fin novembre. Donc on ne comprend pas bien pourquoi on reprend deux mois ?
LAURENT WAUQUIEZ - Là par contre... d'ailleurs pour une fois la fonction de porte-parole sert ; quand on l'avait présenté en conseil des ministres, j'avais très clairement dit que la date qui était celle où ça devait arriver, était fin janvier.
THOMAS HUGUES - Et quand on dit Fadela AMARA dépossédée du dossier au profit de conseillers à Matignon et à l'Elysée, on fantasme aussi ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors là pour le coup, c'est vraiment du gros fantasme pour une raison simple, c'est que je pense que dans le gouvernement....
THOMAS HUGUES - Je ne suis pas le seul... il y a pas mal d'articles qui reprennent cette idée...
LAURENT WAUQUIEZ - Je sais...
THOMAS HUGUES - On se demande d'où ça vient...
LAURENT WAUQUIEZ - J'espère que ce n'est pas des esprits malveillants. Mais en tout cas pour être très clair, Fadela AMARA au gouvernement, c'est celle qui connaît le mieux la question des banlieues parce qu'elle y a travaillé à travers son réseau associatif, parce qu'elle est en train de faire à travers notamment tout ce débat participatif qu'elle a enclenché sur toutes les banlieues, un énorme job ; donc elle connaît ces questions parfaitement. Après, ce qu'il y a de clair, c'est que pour l'ingénierie administrative, ça mélange plein de ministères différents et le but c'est quand même de faire en sorte qu'on ait un peu de concertation dans l'équipe gouvernementale là-dessus.
STEPHANE PAOLI - Juste une toute dernière chose, je sais bien que pour un porte-parole, ce n'est pas une question qui est facile mais est-ce qu'il fallait franchement féliciter POUTINE ?
LAURENT WAUQUIEZ - Alors je veux bien finir sur cette question : normalement je ne réponds pas aux questions de relations internationales parce que c'est un domaine qui est relativement réservé comme vous le savez, mais juste voilà, les élections en Russie, c'est des élections qui sont dans un Etat souverain, il ne m'appartient pas d'en apporter un commentaire et puis on a les observateurs internationaux qui sont là pour juger de la réalité ou non de ce qui s'est passé en Russie en terme de démocratie.
STEPHANE PAOLI - Merci Monsieur WAUQUIEZ d'avoir répondu à notre invitation.
LAURENT WAUQUIEZ - Merci à vous, c'était très intéressant.Source http://www.porte-parole.gouv.fr, le 5 décembre 2007