Texte intégral
R. Duchemin.- Cela démarre vraiment aujourd'hui, on rentre vraiment dans le vif du sujet après des mois de discussions, de concertations parfois houleuses, des tables rondes aussi. On a réussi à mettre 300 acteurs environ autour des tables, c'était assez fort. Il y a eu des centaines d'idées. Que va-t-il vraiment rester dans votre domaine aujourd'hui, parce qu'il reste quand même des zones difficiles, notamment en matière d'agriculture, à régler ?
R.- Franchement, ça ne démarre pas aujourd'hui. Voilà trois mois que cette promesse qui avait été faite par N. Sarkozy est tenue, je veux l'observer, et que nous vivons un moment assez rare de débat public, de débat démocratique et de moment pédagogique. Donc, le premier mérite de ce que l'on appelle "le Grenelle de l'environnement", au-delà de la promesse respectée, c'est un moment important, encore une fois assez rare et même assez improbable, où des gens qui n'ont pas les mêmes idées, qui étaient antagonistes, qui n'avaient pas l'habitude de se parler ni de s'écouter, se sont retrouvés pendant trois mois, sincèrement et de manière constructive. Et parmi eux, il y a eu les dirigeants agricoles qui ont été là, qui ont répondu présents, comme nous répondrons présents demain dans les conclusions que le président de la République va arbitrer.
Q.- Cela n'a pas toujours été facile, notamment, de mettre autour de la table la FNSEA, certains représentants du Gouvernement et également les organisations écologiques.
R.- Ce n'était pas évident mais cela a été possible. Parce que les dirigeants agricoles, les fonctionnaires de mon ministère, le ministre lui-même, moi j'ai décidé dès le début, je suis arrivé au Gouvernement il y a quatre mois, j'ai dit à J.-L. Borloo : "Je vais t'aider, je vais contribuer". Parce que, d'abord, ce sont des sujets sur lesquels, vous, le savez, je suis engagé depuis très longtemps, j'ai été moi-même ministre de l'Environnement, je pense que le principal défi de notre temps, c'est en effet, le réchauffement climatique. Je pense que les agriculteurs sont en première ligne, parce qu'ils sont les premiers concernés. C'est la seule activité économique qui vit avec et dans la nature, dans l'environnement, et qui a besoin de cela. C'est elle qui sera la première interpellée par le fait qu'il y ait moins d'eau ici ou bien plus de chaleur là. Et donc, je pense que les agriculteurs doivent être en première ligne, en avant-garde de ce combat pour le développement durable. Et finalement, il y a eu des rencontres improbables. Par exemple, entre les écologistes et l'Office national des forêts, pour consacrer le rôle de la forêt en France et en Europe en faveur du changement du développement durable. Il y a eu, il va y avoir des progrès sur des sujets importants. Ce n'est pas par plaisir que les agriculteurs utilisent des produits phytosanitaires pour protéger leurs cultures. On va réduire l'usage des produits phytosanitaires pour aller vers des alternatives bio, à condition que la recherche...
Q.- Plus de cultures bio. On dit 20 % d'ici à 2020, est-ce un objectif réalisable ?
R.- L'idée c'est de doubler et peut-être même tripler, si c'est possible, la surface cultivée en bio.
Q.- On est à 2 % aujourd'hui.
R.-...et de passer de 500 ha à 1million, 1,5 million, c'est déjà un objectif ambitieux. Je le crois possible, en tout cas doubler c'est possible. Et si possible, plus, et naturellement consommer, parce que j'observe aujourd'hui que nous importons beaucoup de nos bios de l'étranger.
Q.- Cela veut dire aussi, réduire donc l'usage des pesticides. Quand on cultive, par exemple, un champ de colza, qu'on a des mauvaises herbes qui poussent, qu'on a des pertes sur les récoltes, comment fait-on, que dit-on à l'agriculteur pour... ?
R.- On ne peut pas condamner l'activité agricole d'un seul coup. Les agriculteurs ont déjà réduit d'environ 37 %, depuis cinq ans, le volume des produits phytosanitaires qu'ils utilisent. Il faut aussi qu'ils fassent des efforts, qu'ils continuent leurs efforts pour consommer moins d'eau, qui est un autre enjeu...
Q.- Cela passe par des aides ?
R.- Cela ne passe pas seulement par des aides, cela passe d'abord par la recherche, notamment la recherche agronomique. Il y a des instituts, comme l'INRA, les SIRAT, qui travaillent sur ces sujets, et on peut trouver, on trouve, des traitements alternatifs bios pour lutter contre certaines maladies qui touchent les végétaux.
Q.- L'autre gros dossier qui vous concerne, et qui concerne les agriculteurs, c'est bien sûr les IOGM. Alors, J.-L. Borloo l'a dit, il y aura une loi sur les OGM. Vers qui se dirige-t-on très concrètement ? A priori, on devrait prononcer un gel de ce type de cultures en attendant la loi ? Est-ce qu'il y a eu des contreparties négociées avec les agriculteurs ? C'est une des questions en tout cas qui se posent.
R.- Les agriculteurs ont participé de ce débat, ils ne sont pas les seuls concernés. Quand on parle des "organismes génétiquement modifiés" pour les plantes, on parle de deux sujets : la recherche, qui est, je crois, non seulement utile mais nécessaire, mais pas seulement pour l'industrie ou l'agriculture, elle l'est aussi pour la nutrition, elle l'est enfin pour la thérapie. Par exemple, une maladie comme la mucoviscidose pourrait être sans doute soignée par des recherches OGM sur certains végétaux. Donc, on a absolument besoin de la recherche, y compris de la recherche en plein champ, avec toutes les précautions nécessaires, pour ne pas dépendre dans dix ou quinze ans de la recherche chinoise ou américaine. C'est une question de souveraineté pour l'Europe et pour la France. Donc, je souhaite que l'on préserve cette recherche, cette capacité de recherche. C'est une autre question que la culture en plein champ, qui est assez limitée aujourd'hui. Il y a un seul produit OGM qui est autorisé, le Mon810, qui est un type de maïs qui est autorisé, après des procédures...
Q.- Qui est développé par Monsanto.
R.-... réglementaires et légales, et qui est cultivé sur environ 22.000 ha aujourd'hui en France. La question est posée, puisque cette autorisation vient à échéance en avril prochain, dans quelques mois, si elle sera suspendue, pendant combien de temps ? C'est le président de la République qui va trancher cette question. Mais enfin, débattons de cette question, à la lumière d'expertises indépendantes. Voilà pourquoi j'approuve l'idée qu'a évoquée J.-L. Borloo, d'une Haute autorité de l'environnement. J'avais d'ailleurs proposé cette idée il y a 15 ans, comme j'avais proposé notamment la taxe à la valeur écologique. J'espère que cette idée fera son chemin en Europe, d'une taxe sur une TVA adaptée, modulée, selon la nocivité ou le côté positif des produits qu'on consomme. Une Haute autorité de l'environnement et une loi pour encadrer, et sans doute, au milieu de tout cela un grand débat public supplémentaire. Je crois au débat public, je crois à la démocratie. C'est par la démocratie et le débat que l'on fait reculer les peurs. Et finalement, ce Grenelle a eu comme premier mérite d'être un grand moment démocratique.
Q.- Vous avez dit vous-même, vous êtes aussi ministre de la Pêche. Vous étiez hier à Luxembourg ; vous avez parlé de sanctions notamment concernant les thoniers, puisqu'il y a eu des dépassements de quotas. Le thon, l'activité est au ralenti quand même en ce moment. Il y a une réunion qui est prévue bientôt en Turquie, ce sera le mois prochain, pour redéfinir ces quotas. Cette année, cela signifie-t-il pour la France qu'ils vont à nouveau être en baisse ?
R.- D'abord, la pêche est arrêtée, mais elle a été arrêtée même plus tôt, quand je suis arrivé au Gouvernement, et j'ai reçu l'interpellation de la Commission européenne, nous disant qu'il y avait eu des dépassements dans la production, les prélèvements sur le thon rouge - nous parlons du thon rouge en Méditerranée. Et j'ai dit...
Q.- L'Italie et l'Espagne aussi ont dépassé les quotas, cela se sait moins.
R.- Nous ne sommes pas les seuls, il y a plusieurs pays qui sont l'objet d'enquêtes. Et j'ai dit que, si certaines pêches ou certains prélèvements anormaux avaient été frauduleux, les enquêtes iraient jusqu'au bout, et les sanctions, y compris judiciaires, seraient prises. Il n'y aura pas de compréhension pour des pratiques qui ne sont pas normales. Maintenant, cette ressource doit être gérée en commun, par tous les pays de la Méditerranée, et je souhaite que, et les sanctions, et les pratiques, et les quotas soient définis de manière équitable entre tous les pays. Voilà ce que j'ai dit à mes collègues.
Q.- Donc, des efforts pour tous ?
R.- Des efforts pour tous. Naturellement, les pêcheurs savent qu'ils ne peuvent pas pêcher s'il n'y a plus de poisson, donc il faut qu'on soit respectueux, qu'on connaisse l'état de la ressource et qu'on la gère en toute responsabilité. Il en va de la pêche comme de tout le reste. Nous entrons dans une société où les ressources naturelles, les espaces naturels ne sont ni gratuits, ni inépuisables. Et donc, si on ne veut pas aller vers une société de privations, il faut construire, c'est l'objet de ce "Grenelle", une société de modération, une nouvelle société où on modèrera, on sera plus sobre.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 24 octobre 2007
R.- Franchement, ça ne démarre pas aujourd'hui. Voilà trois mois que cette promesse qui avait été faite par N. Sarkozy est tenue, je veux l'observer, et que nous vivons un moment assez rare de débat public, de débat démocratique et de moment pédagogique. Donc, le premier mérite de ce que l'on appelle "le Grenelle de l'environnement", au-delà de la promesse respectée, c'est un moment important, encore une fois assez rare et même assez improbable, où des gens qui n'ont pas les mêmes idées, qui étaient antagonistes, qui n'avaient pas l'habitude de se parler ni de s'écouter, se sont retrouvés pendant trois mois, sincèrement et de manière constructive. Et parmi eux, il y a eu les dirigeants agricoles qui ont été là, qui ont répondu présents, comme nous répondrons présents demain dans les conclusions que le président de la République va arbitrer.
Q.- Cela n'a pas toujours été facile, notamment, de mettre autour de la table la FNSEA, certains représentants du Gouvernement et également les organisations écologiques.
R.- Ce n'était pas évident mais cela a été possible. Parce que les dirigeants agricoles, les fonctionnaires de mon ministère, le ministre lui-même, moi j'ai décidé dès le début, je suis arrivé au Gouvernement il y a quatre mois, j'ai dit à J.-L. Borloo : "Je vais t'aider, je vais contribuer". Parce que, d'abord, ce sont des sujets sur lesquels, vous, le savez, je suis engagé depuis très longtemps, j'ai été moi-même ministre de l'Environnement, je pense que le principal défi de notre temps, c'est en effet, le réchauffement climatique. Je pense que les agriculteurs sont en première ligne, parce qu'ils sont les premiers concernés. C'est la seule activité économique qui vit avec et dans la nature, dans l'environnement, et qui a besoin de cela. C'est elle qui sera la première interpellée par le fait qu'il y ait moins d'eau ici ou bien plus de chaleur là. Et donc, je pense que les agriculteurs doivent être en première ligne, en avant-garde de ce combat pour le développement durable. Et finalement, il y a eu des rencontres improbables. Par exemple, entre les écologistes et l'Office national des forêts, pour consacrer le rôle de la forêt en France et en Europe en faveur du changement du développement durable. Il y a eu, il va y avoir des progrès sur des sujets importants. Ce n'est pas par plaisir que les agriculteurs utilisent des produits phytosanitaires pour protéger leurs cultures. On va réduire l'usage des produits phytosanitaires pour aller vers des alternatives bio, à condition que la recherche...
Q.- Plus de cultures bio. On dit 20 % d'ici à 2020, est-ce un objectif réalisable ?
R.- L'idée c'est de doubler et peut-être même tripler, si c'est possible, la surface cultivée en bio.
Q.- On est à 2 % aujourd'hui.
R.-...et de passer de 500 ha à 1million, 1,5 million, c'est déjà un objectif ambitieux. Je le crois possible, en tout cas doubler c'est possible. Et si possible, plus, et naturellement consommer, parce que j'observe aujourd'hui que nous importons beaucoup de nos bios de l'étranger.
Q.- Cela veut dire aussi, réduire donc l'usage des pesticides. Quand on cultive, par exemple, un champ de colza, qu'on a des mauvaises herbes qui poussent, qu'on a des pertes sur les récoltes, comment fait-on, que dit-on à l'agriculteur pour... ?
R.- On ne peut pas condamner l'activité agricole d'un seul coup. Les agriculteurs ont déjà réduit d'environ 37 %, depuis cinq ans, le volume des produits phytosanitaires qu'ils utilisent. Il faut aussi qu'ils fassent des efforts, qu'ils continuent leurs efforts pour consommer moins d'eau, qui est un autre enjeu...
Q.- Cela passe par des aides ?
R.- Cela ne passe pas seulement par des aides, cela passe d'abord par la recherche, notamment la recherche agronomique. Il y a des instituts, comme l'INRA, les SIRAT, qui travaillent sur ces sujets, et on peut trouver, on trouve, des traitements alternatifs bios pour lutter contre certaines maladies qui touchent les végétaux.
Q.- L'autre gros dossier qui vous concerne, et qui concerne les agriculteurs, c'est bien sûr les IOGM. Alors, J.-L. Borloo l'a dit, il y aura une loi sur les OGM. Vers qui se dirige-t-on très concrètement ? A priori, on devrait prononcer un gel de ce type de cultures en attendant la loi ? Est-ce qu'il y a eu des contreparties négociées avec les agriculteurs ? C'est une des questions en tout cas qui se posent.
R.- Les agriculteurs ont participé de ce débat, ils ne sont pas les seuls concernés. Quand on parle des "organismes génétiquement modifiés" pour les plantes, on parle de deux sujets : la recherche, qui est, je crois, non seulement utile mais nécessaire, mais pas seulement pour l'industrie ou l'agriculture, elle l'est aussi pour la nutrition, elle l'est enfin pour la thérapie. Par exemple, une maladie comme la mucoviscidose pourrait être sans doute soignée par des recherches OGM sur certains végétaux. Donc, on a absolument besoin de la recherche, y compris de la recherche en plein champ, avec toutes les précautions nécessaires, pour ne pas dépendre dans dix ou quinze ans de la recherche chinoise ou américaine. C'est une question de souveraineté pour l'Europe et pour la France. Donc, je souhaite que l'on préserve cette recherche, cette capacité de recherche. C'est une autre question que la culture en plein champ, qui est assez limitée aujourd'hui. Il y a un seul produit OGM qui est autorisé, le Mon810, qui est un type de maïs qui est autorisé, après des procédures...
Q.- Qui est développé par Monsanto.
R.-... réglementaires et légales, et qui est cultivé sur environ 22.000 ha aujourd'hui en France. La question est posée, puisque cette autorisation vient à échéance en avril prochain, dans quelques mois, si elle sera suspendue, pendant combien de temps ? C'est le président de la République qui va trancher cette question. Mais enfin, débattons de cette question, à la lumière d'expertises indépendantes. Voilà pourquoi j'approuve l'idée qu'a évoquée J.-L. Borloo, d'une Haute autorité de l'environnement. J'avais d'ailleurs proposé cette idée il y a 15 ans, comme j'avais proposé notamment la taxe à la valeur écologique. J'espère que cette idée fera son chemin en Europe, d'une taxe sur une TVA adaptée, modulée, selon la nocivité ou le côté positif des produits qu'on consomme. Une Haute autorité de l'environnement et une loi pour encadrer, et sans doute, au milieu de tout cela un grand débat public supplémentaire. Je crois au débat public, je crois à la démocratie. C'est par la démocratie et le débat que l'on fait reculer les peurs. Et finalement, ce Grenelle a eu comme premier mérite d'être un grand moment démocratique.
Q.- Vous avez dit vous-même, vous êtes aussi ministre de la Pêche. Vous étiez hier à Luxembourg ; vous avez parlé de sanctions notamment concernant les thoniers, puisqu'il y a eu des dépassements de quotas. Le thon, l'activité est au ralenti quand même en ce moment. Il y a une réunion qui est prévue bientôt en Turquie, ce sera le mois prochain, pour redéfinir ces quotas. Cette année, cela signifie-t-il pour la France qu'ils vont à nouveau être en baisse ?
R.- D'abord, la pêche est arrêtée, mais elle a été arrêtée même plus tôt, quand je suis arrivé au Gouvernement, et j'ai reçu l'interpellation de la Commission européenne, nous disant qu'il y avait eu des dépassements dans la production, les prélèvements sur le thon rouge - nous parlons du thon rouge en Méditerranée. Et j'ai dit...
Q.- L'Italie et l'Espagne aussi ont dépassé les quotas, cela se sait moins.
R.- Nous ne sommes pas les seuls, il y a plusieurs pays qui sont l'objet d'enquêtes. Et j'ai dit que, si certaines pêches ou certains prélèvements anormaux avaient été frauduleux, les enquêtes iraient jusqu'au bout, et les sanctions, y compris judiciaires, seraient prises. Il n'y aura pas de compréhension pour des pratiques qui ne sont pas normales. Maintenant, cette ressource doit être gérée en commun, par tous les pays de la Méditerranée, et je souhaite que, et les sanctions, et les pratiques, et les quotas soient définis de manière équitable entre tous les pays. Voilà ce que j'ai dit à mes collègues.
Q.- Donc, des efforts pour tous ?
R.- Des efforts pour tous. Naturellement, les pêcheurs savent qu'ils ne peuvent pas pêcher s'il n'y a plus de poisson, donc il faut qu'on soit respectueux, qu'on connaisse l'état de la ressource et qu'on la gère en toute responsabilité. Il en va de la pêche comme de tout le reste. Nous entrons dans une société où les ressources naturelles, les espaces naturels ne sont ni gratuits, ni inépuisables. Et donc, si on ne veut pas aller vers une société de privations, il faut construire, c'est l'objet de ce "Grenelle", une société de modération, une nouvelle société où on modèrera, on sera plus sobre.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 24 octobre 2007